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Full text of "Bulletin de la Société d'émulation du département de l'Allier (sciences, arts et belles-lettres)"

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BULLETIN 


BB LA 

SOCIÉTÉ D’ÉMULATION 

DU 

DÉPARTEMENT DE L’ALLIER 


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La Société d’Emulation ne prend en aucune manière la 
responsabilité des opinions individuelles publiées dans le 
présent volume. 


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BULLETIN 

DE LA 

SOCIÉTÉ D’ÉMULATION 

DU 

DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. 

(SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES.) 


TOME XI. 



MOULINS 

IMPRIMERIE DE C. DESROSIERS 


MDCCCLXX 


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"S FEES. 


PL. I. 



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GROTTE DES FÉES. 


PL II. 



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GROTTE DES FÉES. 


PL. III. 



liru ots*otnms * MtuiiHS. 


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JUIN LIERAKg 


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EXTRAITS 

DES PROCÈS-VERBAUX 

DES SÉANCES OE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION 

ANNÉE 1868. 


Séance du 3 janvier. 

PRÉSIDENCE DE M. DE l’eSTOILLE. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion, parmi eux se 
trouve la collection des mémoires de la Société d’An- 
thropologie de France (14 volumes). 

— M. Jutier, notre collègue fait hommage à la So¬ 
ciété d’un portrait de son oncle, feu M. Jutier, prési¬ 
dant pendant de longues années du tribunal civil de 
Moulins. M. le président Jutier, homme supérieur 
comme jurisconsulte, a laissé dans la mémoire de ses 
contemporains un souvenir de savoir, de jugement 
droit et d’impartialité qui le recommande à la recon¬ 
naissance de notre pays. Aussi la Société qui cherche 

l 


877 


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2 KXTRAITS DKS PROCÈS-VKHilAUX. 

à réunir une collection de portraits des hommes célè¬ 
bres du département de l’Ailier est-elle heureuse du 
don que lui fait M. Jutier. M. le Président est prié de 
lui écrire pour le remercier. 

— Notre compatriote M. Débatisse offre à la Société 
les ouvrages suivants dont il est l'auteur : 

L’égoïste ou mœurs de 1820, comédie en cinq actes 
et en vers — Ephémérides des courants politiques de 1862. 
— Contes drolatiques de la deuxième république et de la 
révolution du 24 février 1848 — Souvenirs d’un riz-pain- 
sel — les Mœurs du moyen-âge du duché de Moulins. 

— M. le vicomte de Gharencey notre collègue, 
communique à la Société, par l’entremise de M. de 
Bure la flore Aïno. Cette étude dont il est l’auteur estle 
seul travail d’ensemble qui ait paru sur la synonymie 
des noms de plantes chez les Aïnos. M. deCharencey 
voudrait que ce catalogue de plantes fût inséré dans 
nos bulletins. Une discussion s’élève à ce sujet et il est 
décidé que cet ouvrage ne rentrant pas dans le cadre 
habituel des travaux de la Société, ne sera pas inséré 
dans nos bulletins ; nonobstant M, le Président est 
prié d’écrire à M. de Cbarencey pour le remercier de 
sa communication. 

— M. le Président rappelle à la Société que le dé¬ 
lai pour le concours de la musique du chant Bour¬ 
bonnais est expiré ; en conséquence il désigne pour 
juger les différents morceaux de musique envoyés à 
notre Société pour prendre part à ce concours* une 
commission composée de MM. Rondeau, R., de la Fosse, 
Saulnier, Delageneste et Millet. 

— Est présenté en qualité de membre correspon¬ 
dant pour la classe des lettres, M. Uuchasseint, com* 


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EXTRAITS UES PROCÈS-VERBAUX. 3 

missaire de surveillance administrative au chemin de 
fer de Montluçon par MM. Glairefond, Gonny et Ber* 
(rand. 

Séance du 17 janvier. 

PRÉSIDENCE DE M. DE l’ESTOILLE. 

M. le Président dépose sur le bureau les publica¬ 
tions reçues depuis notre dernière réunion. Parmi 
ces publications se trouvent les bulletins de la Société 
de Géographie de France. M. le Président rend .compte 
du bulletin de décembre 1867, qui est presque entiè¬ 
rement consacré au rapport de M. G. Lambert sur son 
projet de reconnaître le pôle Nord. 

M. G. Lambert fait un historique des tentatives 
qui ont eu lieu pour trouver un passage qui permette 
d’arriver au pôle Nord. Il discute deux projets l*un 
anglais, l’autre allemand qui proposent pour arriver 
à ce but le premier de raser la côte Ouest d’Amérique 
le second d’arriver après avoir touché à la Norwège 
en suivant les côtes d'Asie. 

M. G. Lambert propose une troisième voie à sui¬ 
vre; il veut d’abord se rendre dans la mer de Behring 
et là après avoir traversé des espaces peu étendues 
de glace arriver dans une mer libre, qu’on désigne 
sous le nom de mer Polynia. 

Pour faire cette expédition il faut cinquante hom¬ 
mes et un capital de cinq cent mille francs. M. Lam¬ 
bert fait un appel chaleureux au public pour réaliser 
cette somme. 

M. le Président émet l’avis que devant cette glo¬ 
rieuse entreprise, la Société d’Émulation ne doit pas 


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4 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 


rester indifférente, aussi propose-t-il de voter dans la 
prochaine séance une somme de cinquante francs 
pour aider à cette expédition scientifique. Cette pro¬ 
position est accueillie favorablement par les mem¬ 
bres présents. 

— M. le Président en remerciant M. Jutier au nom 
de la Société du portrait de son'oncle, le priait de 
vouloir bien donner quelques autographes de ce ju¬ 
risconsulte éminent pour notre bibliothèque. M. Ju¬ 
tier a envoyé à notre Société trois autographes de 
l’ancien président du tribunal civil et ces trois auto¬ 
graphes soit à un titre, soit à un autre offrent le plus 
grand intérêt. 

— M. Queyroy offre à la Société au nom de M. De- 
rouet, avocat à Blois et notre collègue, trois numéros 
de la Revue pratique de droit français , dans lesquels 
se trouve une savante étude sur l’inprescriptibilité 
ou prescriptibilité des bois et forêts de l’État, dont il 
est l’auteur. 

— M. Âuger lit une analyse critique sur l’ouvrage 
de notre collègue M. E. Bouchard : Les guerres de reli¬ 
gion et les troubles de la fronde m Bourbonnais. 

Séance du 7 février. 

PRÉSIDENCE DE M. DE l’eSTOILLE. 

A propos du procès-verbal M. le Président annonce 
que M. Millet s'est excusé de ne pouvoir faire partie 
de la commission chargée de juger le concours de la 
musique du chant bourbonnais. La Société décide 
que les quatre membres qui ont accepté défaire par- 
tierdo cette commission suffiront à la former. 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 5 

— M. le Président dépose sur le bureau les ouvra¬ 
ges reçue depuis notre dernière réunion. 

— Il donne ensuite lecture d'une lettre du prési¬ 
dent de la Société de Géographie relative à l'expédi¬ 
tion au pôle Nord. Le président de cette société nous 
demande si nous voulons bien nous associer à l’or¬ 
ganisation d’une conférence sur ce sujet par M. G. 
Lambert. La Société accepte avec empressement 
cette offre et M. le président est prié de faire parvenir 
notre adhésion à la Société de Géographie. 

Sur la proposition déjà faite dans la séance précé¬ 
dente la Société vote la somme de cinquante francs 
pour aider à cette expédition scientifique. 

— M. le Président lit son rapport annuel sur les 
travaux de la Société pendant l’année 1867.. 

— M. Clairefond offre à la Société au nom de l’au¬ 
teur Mlle J. Mallet, le volume suivant : Jeanne Darc, 
drame en prose, en cinq actes, avec prologue et en 
quinze tableaux. 

— M. de Conny fait don de photographies repré¬ 
sentant sous quatre faces différentes son groupe du 
Samaritain. 

— M. Migout donne lecture d’un travail sur la 
grêle. La Société décide que ce travail sera inséré 
dans nos bulletins. 

— L’ordre du jour appelle les élections pour le re¬ 
nouvellement du bureau pour l’année 1868. 

Un premier tour de scrutin a lieu pour la nomina¬ 
tion du président. 

M. le comte de l’Estoille ayant obtenu la majorité 
des suffrages est élu président pour l’année 1868. 


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6 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 


Le deuxième tour de scrutin est destiné à l’élection 
des vice-présidents. Sont élus et proclamés : 

MM. Méplain, pour la classe des lettres ; Reynard, 
pour la classe des sciences ; Esmonnot, pour la classe 
des arts. 

De nouveaux scrutins sont ouverts pour la nomi¬ 
nation du secrétaire adjoint et du trésorier. 

MM. Bouchard et Croizier ayant obtenu la majorité 
des suffrages, sont élus èt proclamés secrétaire-ad¬ 
joint et trésorier. 

Le bureau de la Société reste donc composé ainsi 
qu’il suit pour l’année 4868. 

Président : M. de l’Estoille. 

| MM. E. Méplain, pour les lettres. 
Vices-Présidents : \ Reynard, pour les sciences. 

| Esmonnot, pour les arts. 

Secrétaire-archiviste, M. G. Bernard. 

Secrétaire-adjoint, M. E. Bouchard. 

Trésorier, M. Croizier. 

Conservateur du musée M. Queyroy. 

— Est nommé membre correspondant de la So¬ 
ciété M. Duchasseint, pour la classe des lettres. 

Séance du 6 mars. 
présidence de m. de l’estoille. 

M. le Président donne lecture d’une lettre de 
S. Exc. le ministre de l’instruction publique, dans 
laquelle il nous invite à nous faire représenter à la 
réunion des sociétés savantes qui doit avoir lieu à la 
Sorbonne en avril 1868. 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 7 

— M.. Bouchard offre à la Société pour notre biblio¬ 
thèque un exemplaire de son beau travail sur les 
guerres de religion et les troubles de la fronde en Bourbon¬ 
nais.. 

— MM. Bardoux, Guestou et Pâtissier écrivent à la 
Société pour échanger leur titre de membre titulaire 
en celui d’associé-libre. Cette demande est accueillie. 

— M. Desbrochers des Loges informe la Société 
qu’il tient à sp disposition, la collection d’entomolo- 
giequ’il a réunie pour le Musée départemental. Comme 
l’espace nous manque pour placer convenablement 
cette collection il sera écrit à M. Desbrochers pour le 
prier de la conserver chez lui quelque temps encore. 

— M. Gillot rapporteur de la commission du bud¬ 
get présente les comptes de l’année 1867 et le budget 
provisoire de l’année 1868. La Société approuve les 
comptes de 1867 et vote le budget provisoire de 
1868. 

— M. Queyroy propose de s’occuper dès mainte¬ 
nant d’une exposition de tableaux qui coïnciderait 
avec le concours régional qui doit avoir, lieu en 1869 
à Moulins. La commission du Musée est chargée de 
ce soin, elle fera incessamment un rapport sur les 
voies et moyens qui permettront de réaliser ce 
projet. 

— M. Bonneton donne lecture d’une notice sur le 
manuscrit des évangiles de la paroisse de Sainte- 
Croix de Gannat. 

— Sont nommés membres de la Commission du 
Bulletin, MM. Chevalier, ClairefondetChazaud. 

Sont nommés membres de la Commission des 
comptes, MM. Conny, Gillot et Rondeau. 


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8 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 

Sont nommés membres de la Commission du Mu¬ 
sée MM. Bertrand, Bouchard et de Bure. 

i—Est présenté en qualité de membre titulaire 
pour la classe des sciences M. Ravier, ingénieur en 
chef des ponts et chaussées par MM. de l’Estoilie, 
Rey nard et R. de la Fosse. 

G. BERNARD, 
Secrétaire-archiviste. 


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LEXIQUE 


PATOIS DU CANTON D’ESCUROLLES (BOURBONNAIS) 

COMPARÉ 


AUX LANGUES ANCIENNES ET MODERNES 


Par M. Victor TIXIER, membre corræpcndant. 


ABRÉVIATIONS 


a. A. 
Auv. 

A. M. 

A. Gl. 

B. 

Ba. 

C. Cclt. 
Corn. 

D. J. F. 


D. de Trév. 
Duc. 

E. 

Ec. 


Anglais. 

Auvergnat. 

Anciens monuments de 
la basse latinité. 

Anciens glossaires. 

Breton. 

Basque. 

Celtique. 

Cornouaille. 

Dom Jean François, bénédictin de Vaunes, au- 
_ leur présumé d’un lexique Wallon-Roman — 
Bibliothèque de Clermont. 

Dict. de Trévoux. 

Supplément au Gloss, de Ducange. 

Espagnol 
Gacl Ecossais. 


1 Citations de Bullet. 
Dict. celtiq. 


o 


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LEXIQUE, PATOIS DU CANTON d’eSCUBOLLES. 


Gad. Gadal. 

Gadaliquc, vieil irlandais. 

GaëL 

Gaelic. Ecoss. lrland. 

Gaul. 

Gaulois 

Irl. 

Gael. irlandais 

I. Il 

Italien. 

L. Lal. 

Latin. 

M. S. 

Môme sens. 

R. 

Roman. 

Roq. 

Roquefort 

V. B. 

Vieux breton. 

V. R. 

Vieux roman. 


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INTRODUCTION. 


J’ai fait, et c’était immanquable, un grand 
nombre de contre-sens ; mais si le système 
est bon, il peut aider à trouver mieux. 

Momin. (Monum. (Us id tonus gaulois.) 


i. 

Dans les langues primitives les mots expriment le 
caractère saillant des choses. Dans leurs dérivés, le 
son conservé comme racine n’a plus de signification 
reconnue et paraît arbitraire. Pour arriver à le com¬ 
prendre, on doit, ce me semble, tenter le rapproche¬ 
ment de consonnances appartenant à des idiomes 
différents et leur chercher un sens raisonnable. On 
obtient ainsi des résultats et je crois pouvoir affirmer 
qu’une racine donnant un sens vrai à un nom in¬ 
compréhensible, en est la source très-probable. 

Ainsi, gourgeâ, dans notre patois, est le nom du 
liseron sauvage ; sa racine s’enfonce en spirale dans 
la terre et garde celle forme quand la plante est ar¬ 
rachée. Ses rameaux grimpants s’enroulent autour 
des autres végétaux, semblable en cela à la cou- 
riâsse. qui est le grand liseron blanc. Or, par le 
breton goure’hedad, fil qui est autour du fuseau Le- 
gonidec, on arrive au celtique gour, entourer, et la 
finale se trouve dans l’irlandais geag, rameau, Bullet. 
Gourgeâ signifie donc rameau, racine qui entoure, 


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I.KXigiK 


12 

qui s’enroule. Couriasse a le même sens par la mu¬ 
tation si facile du G en G, ou, si son origine est dif¬ 
férente, ce mot viendrait de la basse latinité coriatus ; 
lié, ou de carrai ; lien, courroie. Gallois. 

Exàpapot ; grawiche. Bourbonnais , écarisso, Auver¬ 
gnat, écrevisse, sont le même mot renfermant la 
racine bretonne craff, crochet ; craban, pince qui 
représentent le caractère principal de ce crustacé, et 
qu’on retrouve dans le gallois et l’irlandais ; et cette 
origine me semble d’autant plus juste, que le latin 
astacus, l’espagnol cancrejo et l’italien gambero re¬ 
présentent stocka, bass. lat. staj. Breton, agraffe, 
gamba, jambe bass. lat. que les habitants de Thiers 
ont gardé dans leur jambri, écrevisse, mot tout 
roman. 

De même pour les noms de lieux. Notre rivière la 
Besbre et la Bièvre de Paris, dérivent du gaulois 
Bebri, loutres et castors, Bâcler. Billy et Villaine, situés 
sur l’Ailier, de bilyen, caillou de rivière, galet ; B et 
V étant indifférents, et si l'on veut pour le dernier 
nom, de l’irlandais vilean coude, courbure, car la 
rivière décrit une courbe devant Villaine. De même 
enfin Bayet et le Mayel-d’Ecole situés sur la Sioule, 
du basque baya, port, ou du celtique, bay, rivière. 

Souvent les mots patois donnent une étymologie 
meilleure que celle des mots français: Ainsi, Aube- 
terre, village de Brout, ne justifierait en aucune 
façon la source alba terra ; tandis que le nom local 
le Batarre, autorise le choix du mot basque Bataria , 
couvent, communauté ; car ce village doit probable¬ 
ment son origine au vieux monastère dont la cha¬ 
pelle subsiste encore. 


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PATOIS DU CANTON d’kSCUROLLKS. 13 

Ainsi, ces voix insignifiantes au premier abord 
prennent, par le rapprochement, un sens raison¬ 
nable. 

Telle est la méthode suivie dans cet essai, elle 
montre que les altérations les moins motivées en 
apparence ont une raison d’être. 

Je crois pouvoir avancer ces propositions : les pa» 
lois sont aussi anciens que la langue romane elle- 
même dont ils sont une simple altération, car le lan¬ 
gage de notre canton d’Escurolles a conservé du 
vieil idiôme plus de la moitié des 4,oOO mots qui 
diffèrent du français. Donc, rechercher les rapports 
des patois avec les. idiômes celtiques, c’est en rap-' 
proclier le roman, partant le français. Parmi ces 
idiômes, le breton, le gallois et le basque sont ceux 
qui ont le plus d’affinités avec notre patois. 

II. 

J’ai cru longtemps que le latin était la source prin¬ 
cipale des langues dites néo-latines : celte opinion 
doit être modifiée. 

Les nations germano-celtiques peuplaient l’Europe, 
et l’Italie elle-même comptait parmi ses habitants les 
gaulois Cisalpins et les Ombriens, quand une horde 
d’aventuriers envahit son territoire et fonda un 
camp qu’on appela Rome et qui devint la capitale du 
monde civilisé. 

Ces soldats enlèvent les Sabines et se mêlent à 
leur peuple. Gaulois par les Ombriens (Denys d’Ha- 
licarnasse, Suétone, Pline, Solin) et de conquête en 
conquête, ils soumettent toute l’Italie. Ces vain¬ 
queurs illettrés ont-ils apporté aux vaincus leur lan- 


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14 


LICXIQIE 


gue grossière ; l’ont-ils même conservée au milieu de 
tant de dialectes divers ? Cela me parait impossible. 
Le vieux latin s’est formé, en grande partie du 
moins, des éléments celtiques auxquels il sîest for¬ 
cément mélé. La preuve en est fournie par la com¬ 
munauté de racines appartenant au groupe celto- 
scythique de la* grande langue Indo-Européenne. 

Mais quand ses légions victorieuses eurent conquis 
la Gaule, César put imposer à nos pères la langue 
d’un grand peuple arrivée alors à sa plus haute per¬ 
fection. Le latin devint la langue politique; mais les 
confédérations gauloises avaient inauguré un système 
d’isolement que la transformation féodale vint aug¬ 
menter plus tard. Le latin pénétrait à grand peine 
dans le langage vulgaire. 

Si donc le latin s’est mêlé aux idiomes celtiques, 
ce qui est incontestable, pour former la basse latinité 
d’abord, puis le roman, il rapportait à la Gaule une 
foule de racines celtiques prises aux vieilles langues 
d’Italie, dont plusieurs étaient gauloises. Donc le 
latin n’entre que pour une faible part dans la forma¬ 
tion de notre langue. 

D’illustres savants ont trouvé les sources latines, 
ils ont laissé bien peu de chose aux glaneurs. 
Préférant la Gaule à Rome, j’ai voulu fouiller une 
mine plus neuve en cherchant les rapports de notre 
langue avec les langues néo-celtiques, le roman cl 
les langues de l’Europe occidentale, l’anglais com¬ 
pris, sans exclure toutefois la source latine. 

L’anglais semble au premier abord ne point 
faire partie du groupe des langues néo-latinès ; quoi¬ 
qu’il soit un dérivé des dialectes du nord mêlés au 


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PATOIS DU CANTON d’üSCUROLLKS. 15 

breton, au gallois, aux deux idiomes gaëlics, il a des 
rapports très-nombreux avec le français. Les inva¬ 
sions de Guillaume, des Édouard, des Bretons, la 
guerre de cent ans, le long usage du roman par les 
Anglais,et avant tout l’origine celtique commune ont 
laissé au français et à l’anglais un grand nombre de 
mots identiques au fond. . 

Ces mots appartiennent principalement au xiv* 
siècle. Leurs finales, leur accentuation ont varié ; 
mais les racines sont communes et datent du roman 
d’abord, et, plus anciennement, du breton et du 
gallois. On verra d’ailleurs que l’anglais a des rap¬ 
ports très-nombreux avec notre patois. 

Cette étude n’a pas la prétention d’être complète. 
Des obstacles sans nombre surgissent pour en em¬ 
pêcher l’entier développement. 

Le celtique, le gaulois n’existent que par fragments 
disséminés. Les gaëls écossais et irlandais, le gada- 
lique, le breton-gallois, le basque, la langue des Cor¬ 
nouailles anglaise et française, le roman, les langues 
néo-latines, l’anglais sont indispensables pour arriver 
aux racines de ces langues dont les monuments sont 
si rares. 

Un disciple de St-Benoit aurait pu seul triompher 
de tant de difficultés et je réclame l'indulgence dès le 
début de ce travail. 

La cellule calme et silencieuse du moine ne lais¬ 
sait pas arriver à lui les bruits du monde ; il portait 
sans fatigue, sa croix légère. L’élude attrayante et 
bénie calmait en lui les rares révoltes de la chair et 
de l'esprit. Les riches bibliothèques monacales four¬ 
nissaient tous les matériaux de son œuvre, et sansêtrc 


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16 


LEXIQUE 


à charge à personne, il puisait librement dans cet 
immense trésor; pendant que des chercheurs spé¬ 
ciaux classaient pour lui les éléments de son travail, 
il suivait le fil de l’idée mère, sans le perdre dans une 
pensée incidente. Ses aides jaloux d’une gloire com¬ 
mune, mettaient toute leur intelligence, toute leur 
âme aux recherches utiles à l’édification de son 
œuvre, car la renommée acquise par un auteur sou¬ 
vent anonyme, revenait à fordre tout entier. 

C’est ainsi que sont nés les travaux gigantesques 
des anciennes communautés. 

Nous n'avons pas dans le monde des ressources 
comparables. Quelle que soit la bienveillance des 
administrateurs, la règle annule souvent ses effets, et 
la discrétion impose une grande réserve. Les res¬ 
sources sont éparpillées ; à la campagne, elles sont 
nulles. Puis, hélas t cette lourde croix qu'on appelle 
la vie, les devoirs, les maux de. la nature humaine, 
absorbent la meilleure partie du temps des tra¬ 
vailleurs. 

III. 

Les patois du Bourbonnais appartiennent à la lan¬ 
gue d’Oil, ils commencent à se modifier au contact 
très-prochain delà langued’Oc à laquelle, selon moi, 
l’Auvergne appartient. Ils sont doux, harmonieux, 
pleins de grâce et de finesse ; mais ils n’ont pas le 
caractère énergique des patois de la langue d’Oc. 

Ce défaut de caractère tient à deux causes. — Le 
pays couvert de forêts et de bruyères a été peuplé 
fort tard. 

La Loire et l’Ailier formant un rempart naturel 
que les remaniements politiques ont respecté. 


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PATOIS Dt' CANTON D KSÇI HOLLES. 17 

le Bourbonnais est resté un terrain neutre pour 
ainsi dire, la région frontière des Biturigcs , Ar- 
vernes, Eduens et Ségusiaves. Sous l'empire ro¬ 
main, il forme la limite de la Gaule lyonnaise et de 
la 4™ Aquitaine. — Aux temps mérovingiens, iv* siè¬ 
cle, il sépare la Bourgogne de l’Àquitaine< — Au 
ix* siècle, il fait partie des États de Charles-le-Chauve 
mais il reste très-rapprocbé du royaume de Lothaire. 
— Au xi* siècle, il est presque frontière du royaume 
d’Arles. — Enfin, il est la dernière province de la 
langue d’Oil. 

Nos indigènes présentent deux types tranchés. L’un 
est celtique et c’est le plus rare de beaucoup. Le front 
haut et droit, les yeux bruns et quelquefois gris, le 
nez aquilin ou droit, la bouche fine, mince et spi¬ 
rituelle, les cheveux bruns, quelquefois blonds, pré¬ 
sentant pour plus d’un centième, la couleur rousse, 
si estimée des Gaulois, caractérisent ce premier type 
auquel appartiennent très-accusées, les cinq pointes 
antérieures de la chevelure, dont la moyenne partage 
le front, pendant que les autres encadrent la tempe 
de chaque côté ; ainsi que les deux larges incisives 
supérieures médianes qu’on retrouve dans les beaux 
types celtiques auvergnats. 

Le second type. ... je n’ose le qualifier ; mais 
soit hérédité ancienne, soit hasard, si tant ëst que le 
hasard puisse être la cause d’une reproduction 
exacte et constante, le second type, dis-je, rappelle 
parfaitement celui de la race mongole, et j’ai ren¬ 
contré des galbes certainement aussi chinois que 
ceux des citoyens les plus authentiques du Céleste 
Empire. 


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18 


LKXIQl'K 


Ce caractère est commun à ce point qu’un voya¬ 
geur étranger, observateur désintéressé, s’écriait : 
Mais vos paysans sont de vrais chinois t Ils ont en 
effet le front bas et étroit, la face large, plate et 
carrée, relevée par des pommettes hautes et sail¬ 
lantes, les yeux petits, enfoncés dans l’orbite, le nez 
camard ou épaté, la bouche large, la lèvre supérieure 
très-haute. Il y a prédominance de la partie inférieure 
de la face, tendance très-marquée à l’obliquité des 
lignes horizontales, qui est parfois absolue, et l’on 
trouve des barbes noires, raides , clairsemées qui 
feraient honneur à un mandarin. 

Le défaut d’espacement normal entre les deux 
yeux, donne à certaines physionomies un caractère 
singulier. 

Aucun motif sérieux ne peut motiver une convic¬ 
tion au sujet de l’origine de ce second type, d’autant 
que le celtique et le mongol se rencontrent dans la 
même famille. 

D’où vient-il ? On ue peut que hasarder une 
hypothèse. L’histoire n’indique pas l’itinéraire des 
hordes d’Attila parties des Champs Catalauniens pour 
se rendre en Italie. Notre pays a pu être traversé par 
les Huns, ou bien quelques familles, lasses de 
soixante-quinze années de pérégrinations armées, 
sont devenues les premiers habitants de ce pays cou¬ 
vert de forêts qui pouvaient cacher leur désertion. 
Or, on sait que les Huns, Hiong-Nu, étaient des Chi¬ 
nois chassés de leur patrie, 207 ans avant Jésus- 
Christ. 

Cette pensée n’a d’autre valeur que celle d’une 
hypothèse ; mais je ne puis me résoudre à admettre 


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PATOIS DIT CANTON D ESCC’ROLI.KS. 19 

le hasard au nombre des causes raisonnables, quand 
j’ai l’hérédilé, cette loi souveraine qui régit tant 
d’ordres de choses. 

IV. 

Voulant conserver l’orthographe historique et in¬ 
diquer autant que possible la prononciation, je me 
trouve forcé de modifier l’alphabet français et d’ad¬ 
mettre vingt-neuf lettres ou signes, en supprimant 
l’x qui n’existe pas chez nous. 

A. B. C. CU. Cr. D. E. F. G. H. I. J. K. L. Ll. 
M. N. JV.'O. P. Q. R. S. T. U. V. W. Y. Z. 

J’aurais dû peut-être admettre le signe GU, ou con¬ 
fondre avec Ll, la prononciation représentée par lui; 
mais j’ai cru mieux remplirmon programme en le lais¬ 
sant à la lettre G ; de même pour le Ff gallois qui au¬ 
rait indiqué l’F sifflant,mais les cas en sont fort rares. 

A long se prononce presque o ; ad dans quelques 
villages. 

Comme Legonidec, j’aurais changé le C dur 
en K, si je ne me fusse, en le faisant, éloigné de l’or¬ 
thographe. Je l’ai fait seulement pour Ch dur, Chel 
Roman, que je ne pouvais écrire que comme les 
Italiens — CA devant », se prononce tchi, les auver¬ 
gnats le prononcent ainsi devant toutes lés voyelles 
—G se prononce quelquefois Z êclliairzi ; éclaircir. 

Cil est une combinaison d’S, Sh, Ch avec U gallois- 
breton-espagnol. On le prononce en faisant siffler l’air 
entre le bord de la langue et l’arcade dentaire ; il est 
aussi auvergnat Coclk ; Coquille. 

Crest fort rare. C’est la jota espagnole exagérée, il 
se prononce en faisant vibrer la langue raccourcie 
contre la voûte palatine. Le son émis, on me pardon- 


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20 


LRXIQCE 


nera cette comparaison triviale, rappelle le bruit que 
produisent les efforts faits pour débarrasser l’arrière 
gorge de mucosités adhérentes. . 

Le Z) combiné avec 17 produit dji très-doux. 

Esonne fréquemment commea et comme t. J’indi¬ 
que ce dernier cas par un tréma forment : je suis au¬ 
torisé par celte accentuation romane (V. Roquefort). 
En ceci il y a un rapport avec l’e anglais et latin. 
Ces lettres comme toutes les voyelles, se substituent 
d’ailleurs facilement. 

Gb ne nécessitait pas un signe spécial, il est 
fort rare et se prononce dur comme en italien : gher- 
lino. On le trouve dans ghienne ; chiendent; pronon¬ 
cez guierm et dans arghile que je ne pouvais écrire 
arguile, puisqu'il vient du gallois: ar ; terre — gil, 
cil ; gras, humide, J’ai rendu le son dur en rempla¬ 
çant u inexact par h insignifiant. 

La prononciation anglaise de l’i, aï, est caractéris¬ 
tique de notre patois, elle se trouve surtout et tou¬ 
jours dans la finale in qui se dit aign, i anglais, Ti es¬ 
pagnol. Dans ceraïse , c’est bien le mot français pro¬ 
noncé à l’anglaise. Elle répond à la diphtongue gaé¬ 
lique ea, et l’on trouve cette accentuation en roman 
dans les mots vaïn ; vin, parpaingn ; parpin. 

L1 Gallois-brelon-espagnol est très-mouillé, illi — 
igli italien, il faut appuyer très-légèrement sur le 
premier i. Legonidec l’indique par un L souligné. 

N espagnol est assez rare au commencement des 
mots, il est constant dans la finale iïï. Cette pronon¬ 
ciation finale qui est fidèlement conservée quand nos 
paysans parlent français, avait fortement préoccupé 


J 


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PATOIS DU CANTON d’kSOL'IIOLLES. 21 

notre très-regretté président des Assises Scienti¬ 
fiques. 

R disparaît très souvent dans la finale des verbes 
en fret en ier qu’on dit : î, îe. Venî, llie, toujours dans 
celle des verbes en eratte, mënge ; aller, manger dans 
la zône de Vendat et des deux rives de l’Ailier, pres¬ 
que toujours dans les monosyllabes fi 5, dû, vé, fort, 
dur, vert. En ce dernier cas, il reparaît devant les 
voyelles : eitt houmme fà, ein for houtnme. La sup¬ 
pression de l’R donne une longue, excepté aux infi¬ 
nitifs en er. 

L’absence de l’X et la fréquente suppression de l’R, 
cette lettre si ronflante en Auvergne où elle compte 
autant de sons qu’il y a d’arrondissements, son 
adoucissement par une voyelle initiale arejoî, réjouir, 
sont des protestations évidentes contre la dureté des 
consonnances, car notre oreille est fort délicate. 
L’absence de l’X est un celticisme, cette lettre en ef¬ 
fet ne commence ancun des mots des vieux idiômes 
dont o us nous occupons et il est très-rare dans leur 
corps. 

La diphtongue eo que nous appliquons à presque 
toutes les syllabes en on ; St-Peont, est du IX® siècle, 
alors que le latin se transformant arrivait de meum, 
à mon, par meon roman. 

Ouaï devrait peut-être s’écrire : ici, tvy comme en 
gallois, notre mot mouaie ; davautage s’écrit : mioy en 
Gallois avec la prononciation anglaise de l'y. Mais 
c’est un exemple unique. 

V. 

Les dialectes du canton d’Escurolles forment deux 
groupés tranchés. — Le premier est de langue d’Oe 


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LEXIQUE 


22 

et comprend toutes les communes appartenant à la 
province d’Auvergne. Son caractère principal est la 
forme latine de l’imparfait de l’indicatif, en ave, avas; 
abam, abas ; abo, Gondouli, lang. d’Oc. Cette désinence 
s’étend jusqu’à Aigueperse, elle disparait à Artonne. 

Le féminin pluriel fait âs quoique le singulier garde 
l’e muet : ina vache, de las vachâs. En avançant en 
Auvergne, le singulier fait, aina vacha, plus loin, le 
féminin tait ade, ede, plus loin encore ada, cda aux 
' participes passés ; la langue d’Oc s’accuse de plus en 
plus. Le patois se rapproche de l’Espagnol et prend 
l’infinitif breton-gallois en a pour la première conju¬ 
gaison. 

Ce groupe accentue énergiquement; au, o devien¬ 
nent aô. La race est plus celtique que celle des au¬ 
tres sections. 

Le second groupe est Bourbonnais et appartient à 
la langue d’Oil, il se divise en deux sections ; la pre¬ 
mière comprend Broût-Vernet, St-Pont, et hors du 
canton le Mayet-d’Ecole, plus Espinasse et Sl-Didier 
qui sont hybrides. Cette section moyenne me semble 
le type du patois du canton, 

Ses imparfaits sont en ios, iâs, ie mengios, te fenissiâs. 
Il dit Cou roman, pour ceci, comme le premier 
groupe. Les infinitifs en er se prononcent aïe, ïeie, les 
verbes en ir perdent ordinairement IV final, les ver¬ 
bes et substantifs en icr doux se changent en îe ; 
noncîe, mauîiic, annoncer, meunier. La suppression de 
l’r donne une longue, les infinitifs modifiés rappel¬ 
lent les infinitifs bretons en ein et i. 

La finale oir, rare dans les substantifs et adjectifs 
n'existe pas à l’infinitif, net, noir, veire ; voir. 


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PATOIS DU CANTON D’F.SCUROULES. 23 

La deuxième division du deuxième groupe com¬ 
prend deux sections: 1® Celle de- Vendat, Vesse, 
Hauterive, traverse l’Ailier, et commençant en aval à 
Billy, elle s’étend en amont jusqu’au département du 
Puy-de-Dôme. Elle ajoute à nos suppressions de l’R 
celle des verbes en er qui font e muet : ane, dounne ; 
aller, donner. Le caractère saillant de son langage est 
le changement de Cou ; ceci, en Coin, l’intonation est 
plus chantante et plus maniérée. 

La sous-division du Roilat se compose de Charmeil, 
St-Didier qui est mixte, et St-Rémy-en-Rollat. Elle 
change Catn, en Can (il m'a été impossible de rien 
trouver sur l’origine de ces altérations du Cou roman), 
fait la troisième personne des parfaits en ot, forme 
romane, oui ot pour oui adjiet, il ou elle eut et celle 
du conditionnel en ou, iou pour die, fauriou, pour 
fauraie, il faudrait. 

St-Didier diffère de la première section par Can • 
pour Cou et par quelques masculins pluriels en i : 
pauri hommi, pauvres gens, comme aux deux Creu- 
siers. 

L’isolement de ces divisions est nettement indiqué. 
Elles forment autant de lignes continues s’étendant 
du Nord au Sud, on dirait des courants humains qui 
se sont répandus parallèlement à l’Ailier. 

De ces types variés, de ces différences de langage 
on peut conclure à une origine différente; mais où 
trouver le premier indice ? 

VI. 

Je n’ai pas songé à faire une grammaire, nos règles, 
à part les idiotismes indiqués en leur lieu, ne consti- 


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”24 


LEXIQUE 


tuant pas des lois académiques différant beaucoup des 
grammaires française, latine et grecque qui selon 
M. Monin ne s’éloignent guères elles-mêmes des 
grammaires Celtique et Gauloise. 

Mais je dois signaler la curieuse similitude, éloignée 
si l’on veut, du patois de notre canton et du patois 
d’Auvergne, avec le grec, le breton et le gaulois, par 
la trace du duel, ces deux patois exprimant toujours 
le mot deux quand il s’agit de choses paires. 

Quelques mots seulement des conjugaisons. Leur 
forme est française mais elles ont conservé des dési¬ 
nences romanes. Les verbes en oir n’existent pas. Les 
verbes en ier se conjuguent sur ceux en er, moins 
quelques désinences qu’on trouvera au tableau ci- 
joint. 

On évite avec soin les temps passés surtout ceux 
des verbes passifs à cause de leur forme compliquée ; 
ainsi nous dirons ta ferme t’aimet, ta femme t’a aimé 
pour éloigner la complication de te fudjiéram djiu ta 
aima pa ta ferme, tu as été aimé par ta femme, littéra¬ 
lement: tu aurais été eu été aimé.... On voit que les 
deux auxiliaires entrent dans la formation de ce 
temps. C’est un idiotisme très-marqué. 

J’ai dit que nos infinitifs rappellent par la suppres¬ 
sion de l’r final les infinitifs bretons-gallois comme 
ceux d’Auvergne rappellent les infinitifs en a des 
mêmes dialectes. 

Les verbes en î, ir français doublent comme en 
espagnol la consonne de la première personne de l’in¬ 
dicatif présent; ie fenisse; introduzco, d’introducir. E. 
Ceux en ie, ier, français changent l’e muet en o, ie 
Ilia, je lie. 


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PATOIS IH1 CANTON d’eSCUROI.LES. 25 

Les finales des 1™, 2 e , 3 e pers. sing. et 3 e plur. sont 
en général espagnoles. 

La finale des 2 05 personnes est toujours longue aux 
deux nombres; te dijids, tu disais; que v’siâs, que vous 
soyez ; te fasâïes, tu fais. 

La 2 e pers.indicat. prés, est en aies; ez breton; sont . 
bretonnes aussi la 1" pers. sing. du parfait défini en 
is, iz. Br.; la 3° pers. plur. en ont ; la 3 e pers. sing. du 
futur en o. Tout ce dernier temps, moins la 3 e pers 
sing. a la désinence espagnole et le conditionnel pré¬ 
sent a beaucoup de rapports avec celte langue. 

L’imparfait de la partie auvergnate du canton, seul 
temps qui diffère des nôtres, est commun au latin, 
à l’espagnol, à l’italien et à la langue d’Oc, par le 
changement du B. en V. 

Nos parfaits et nos futurs se distinguent seule¬ 
ment à la l re pers. du plur. par l’accent aigu du pre¬ 
mier, ne mëngérëns, ne mëngerëns, nous mangeâmes, 
nous mangerons. 

Voy. Participes... Ne, etc. 

On trouve dans le vieux roman de langue d’Oïl le 
pronom je au pluriel pour nous: j’avons, j’avaing ; 
nous avons, nous avions, il est resté dans la partie 
du Bourbonnais (cantons de Neuilly, de Jaligny), où 
il n’y a réellement pas de patois, sous la forme j’a- 
vions, j’avons. 

VII. 

11 est impossible de donner en détail, toutes les 
altérations locales que les mots ont pu subir, je les 
indique ici d'une manière générale. 

3 


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A se double dans àwje, se change en e dans 
cme. 

ai _ é ( dans aime, = e muet dans resan, = ouai, 
dans founit. 

air perd r final. 

an = in, déduis. 

e = y cambrien = eu, feurme. 

é a, pureta. 

è = é. après. 

eau = iau, batiaii. 

ec — eg, begasse. 

ée == à, curà, = eïe, épéie. 

ème = îme, septhne, — ai, crainte. 

en, ent = int, adverbes, = an, llian. 

e,. = e muet. Vendat. Rollat, =éïe, Saint-Pont. 

er dur = eur, feurme. 
eu =io, fio, lia. 
eue = iue, line. 

eur = aô, chassaô, = ou, coulait. 

eure = ure, hure. = aeure, fourçaeure. 

i = ige, épige. 

je = éie, diméie, — io, vio. 

ien = ian, llian, = iaiw, biaiît. 

ier doux = ie, rslongte. 

in — ai/i, lapaiït. 

ir final == i 

u == ou, poumnie. 

oi = oy, oge, = aï, faire, = ei, endreit, = uè es- 
tuère, — oué, loué. 

oir-=eïre, vèire,= aure, paure=ei,neire—ve receivre. 
oir, oire = uè're; rarement aô. 
on = eon, (e à peine sensible). 


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27 


PATOIS Dl' CANTON d’eSCUROLI.F.S. 

ou = aau, coati, =oui, poui, —à, (onur. 
u = aéu, curaeun . 
ue =io, vedio. 
uer doux = iûe, tiûe. 
ui = ouai, couait, = oui, pouits. 
un = ieun, = in, coumin. 

VIII. 

Ce travail, outre la langue, indique une foule de 
préjugés, de superstitions et d’usages anciens con¬ 
servés dans toute leur intégrité. Ils sont comme le 
langage, celtiques et bretons, et nous ne pourrions 
trouver dans nos campagnes aucun usage romain, ce 
qui vient confirmer l’opinion émise en tète de cet 
essai. 

Il fallait bien donner aussi une idée du langage 
suivi ; j ! offre, en conséquence, la traduction de la 
Parabole de l’enfant prodigue demandée jadis par 
l’administration ; mais, comme dans une traduction 
biblique, on est obligé de garder certaines formes, 
et, comme on ne peut se livrer franchement à l’al¬ 
lure du patois, je raconte avec une naïveté absolue 
de langage, un fait authentique qui prouve, en plein 
XIX 0 siècle, la persistance d’idées religieusement 
conservées d’une époque barbare. Si l’on veut bien 
observer, il n’est pas besoin d’entreprendre un long 
voyage pour trouver les singularités les plus cu¬ 
rieuses. 


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LEXIQUE 


A 


A bref, terminaison des part. pass. masc. des 
verbes en er, marqua, sargeâ, seretrouve en basque : 
maliatu, je meurtris ; malatua, meurtri ; des subst. 
fém. qui font é en français cerita, pila ; vérité, pitié. 
Cette finale rappelle la désinence gauloise ad, qui 
existe en espagnol : verdad ; en auvergnat : bujade. 
— Dans la partie du département de l’Ailier qui ap¬ 
partenait à l’Auvergne et à la langue d’Oc ; mais seu¬ 
lement depuis Gannat, certains infinitifs fonta, ainsi 
qu’en breton et en gallois, troncha, patois ; tronsa, 
Bret., passer l’eau ; accatu, pat.; cateia, Gallois ; 
raccourcir. 

A long, finale des s. f. sing. eu à (Gannat) ou en e 
muet (Escurolles) tria cacha. Gan. ina cache ; Escu. de 
les ou de lus cachas; âs long. plur. des part. pass. en «, 
peut-être latine ou gauloise ( lingonas , accus, gaul.) 

A bref en français dans carte, garde, par exemple, 
devient long en patois : carte, garde comme en anglais 
card, guard. 

A très-long, termine les noms qui font ée en fran¬ 
çais annâ, gealld ; année, gelée ; remplace la finale 
française ard: Barnâ, canû. 


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30 


AB 


A, at finale d’un nom de lieu indique générale¬ 
ment le voisinage de l’eau, a, Gall.; aches Celt. eau, 
at ; bord. Irlandais. 

A réduplicàtif est fréquent et superflu pour le sens, 
a disparait dans certains mots où le français le con¬ 
serve, léie, venue, allée, avenue. On en trouve la 
cause originelle dans les anciens monuments de la 
basse latinité, dans la langue romane et dans les 
similaires néo-celtiques. 

L’euphonie conserve ou fait disparaître la final. 
L’a initial qui peut persister après Ye muet : ie vole 
aner, disparait devant uue voix accusée : ie vaurios 
lier. 

Aage, Roman, âge, Fr. Anglais ; edad, Espagnol ; 
eta, Italien ; adze, Auvergnat ; oad, sing. de oagen 
Breton ; oed, Gallois ; aes, ais, ois, Gadalique ; oaget ; 
âgé, B.;. agurrea ; homme âgé, Basque. La 1 ro syl¬ 
labe est romane. 

Etre d’âage signifie être majeur. Quand on dit cela 
d’un vieillard, on sous-entend : pà fouaire einmâ. 

Aatis, pressé, empressé, {Dit des perdriz), hasty, 
A.; activo, E attivo, It.; liastick, vif, Ba.'; haslihué ; 
hâtif, B.; astar ; chemin, Irlandais, astea; commen¬ 
cement Ba.; hast, empressement, B. at ; bout. Irl. 

Auaie, abeles (Duc.); abeilles, abaile, (D. J. F.); 
Bee, V.; abeja, E.; ape, II.; billo, Auvergnat; beac, Irl. 
(a superflu). 

Bel, brun et blond, Celt.; mel, bel ; miel, G.; Abeie, 
Ba., troupeau, (rappelle Abelion, dieu gaulois des 
troupeaux). (Cénac Moncaut.) 


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AIII. 31 

Ce mot ne s’emploie pas seul : ina ruche d'aboie, iua 
numche d’ubdie, une ruche, une abeille. 

Tout essaim acheté périt ou donne un miel amer. jThiers, trait, 
des snpersl ) Le jour d’un mariage on fait participer les essaims à 
la joie générale en leur donnant à manger. Si un membre de la 
famille vient à mourir on met Les abeilles en deuil (usages bre- 
tonsU (Eybert d’York, Hérard de Tours.) 

Abandouner, abandonner, abandoned , part. A.: 
abandonne, E.; abbandmare , U. \ abonduna. abandonna , 
Auv. 

Habandon , Anciens Monuments; abandoun : ban . 
jet. B. 4 - don, profond, B. G. 

Abbat, (Duc.) Abbet, abbé ; «66a, Grec; ahboL A.: 
abad, aboie , E.; abbate, It.; abbas , A. M. abad B. 

Ab, père et seigneur, Gaels écoss. et irl., racine 
commune à un grand nombre de langues. 

Abeirage, boisson, action de boire ; alrmwdero. 
E ..bewraggio, It.; aberragium, A. M.; heira , verre, Ba.; 
abcuri, abreuver, beuraig , evach , breuvage, B. . 

Abélî, ( Châtelaine de St-Gilles ); embellir, embellish. 
A.; abbellire, It.; bello, beau, E. It.; ambiangrga , Auv.; 

Bel, haut, suprême, G. B.; beau, Irl.; roux, blond, 
Celt.; (couleur fort estimée des gaulois). Belenus, 
Bilinos, Apollon gaulois selon Ausone, tiré de bekn , 
bel. blond. 

Abéliser (romande la Rose), embellir, même source, 
signifie ôter la raison. Les beaux sont souvent en 
effet des sots. A bail, besoin, défaut; de bail, man¬ 
quement, mauvais, G. B. 

Abîquer ,abêdm\ (Roq. ); embecquer, kelôsiau abigne 
sôs petits. 


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32 


ABO 


Abbicare, (Dante), entasser ; imbeccare, It. mod.; 
betsade, becquée, Auv.; beka, pasqua, nourrir, B.; 
bekar, becqueter, G.: abecare, A. M.; bek, bouche, 
bec, gueule, B.; bec, Ba. 

Ablaier, semer en blé, emblava, Auv.; abladiare, de 
bladum, blatum,bla'ium, blé, A. M.; blead, moisson, B.; 
blawd, farine, blé, G,; bla, champ, Irl. 

Abonde, bonde, pelle d’étang, vanne : btuuj, A.; 
bouda, E. Auv. (a superflu). 

Bon, tronc d’arbre, G.; beaucoup d'étangs se dé¬ 
versent par un tronc d’arbre creusé : bon, embou¬ 
chure, Ec.; bun, source, Irl.; bon, qui s’ouvre, bond, 
saillir ; bondo, ouvrage en forme de canal, G.; bond, 
bouchon (bondon), B.; abon , rivière, G.: bon, extré¬ 
mité, fin. Cell.; bonn, ffon, fontaine, G., B.; — Abonde, 
faire de /’ paraître beaucoup ; on trouve bonde pour 
abondance, (Roq.); bonn, abondant, B. 

Abondf.b, abonder; bonder, bondonner, bouclier un 
trou : t’as-tu abonda quo part us ? 

Boiulein, B. (Edwards); bon, Celt.; boni, levée, élé¬ 
vation de terrain. (Voy .abonde). 

Abôrneb, planter des bornes, azie nabôrnérens no- 
teis dumlarres ; bound, A. 

Bor, bord, bordure, B. Irl.: ton, extrémité, Celt. où 
le roman a pris bonne, borne, bourne: la basse lal. 
bonua, borna, A. M.; bonn, bout, Irl.; borne, B. 

Abosma, à ; triste, abattu; abosmez, (gloss, de Barba- 
zan) ; abyss, abvme, A.: abismar, E.: inabissare, It.; 
a priv. püffio;. 

Balma, baume, caverne, Gaulois (Bullet), conservé 
par le sire de Joinville (Vie de Saint-Bnmain). 


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ABU 33 

.àbouaissier, (l’r se proa.) abaisser, descendre, 
abase, A.; abaxar, E.; abassare, It. 

liesse, vaës, lieux bas, Gelt.; bez, tombe, fosse, B. 
(Legonidec.) ' 

Aboucher (s’), tomber en avant, s’aboulsa, Auv.; 
Bock, bouche, Corn., B. 

A Bouchon, se mettre à ; s’accroupir en baissant 
la tète, ou liuz mettéront à boûchon, pâ se mil cacher , 
(Boc’h ci-dess.) 

Aboufer (s’), haleter ( les trois meschines.) Mathiu a 
tant courdjiu qu’ou s’é tout aboufa. 

Bosqueïra, bacqua'ia, Auv.; bu fa, joue, Celt.? 

Abouli, v. briser, détruire, moun araireéaboulio. 

Abolish, A.;— lir, E.;— lire, IL]abolissa, B.; abalattu, 
rouer de coups, Ba.; bal, fal, pal, mauvais, langue des 
Francs (Bullet). 

Abouri, io, hatif-ive, se dit des récoltes, ein rasift 
abouri, ine arecote abourio ; âbôriri, naître avant terme 
(Lucrèce), quantité latine conservée ; abred, pré¬ 
coce, B. 

Abouti, v.; réussir, arriver à un bon résultat ; abbo- 
tare, liaboutare, aboutir ; bodius, bout. A. M.]bod, bot et 
bout, pied, terme, bout, Celt. 

Abrouyemënt, abaiemënt, aboiement, abay, R.; cri 
de chien, baying, A.; abbajamento, It. 

Bay, bea, bouche, Celt.; abotza, parole, Ba. Boc’h 
Gall.; Corn. Br.; 

Abouyer, abaïer, aboyer. 

No mnslin par nuit n’abaia. 

(Guillaume le Normand). 

i 


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34 


AHH 


Abraser (Duc.), détruire,. aller vite en besogne, 
c/uâs ôvrîes abrâsont l’ôvrage : avaquer signifie appro¬ 
cher de la fin. 

Br ace, brasser l’ouvrage, A., meneara fuerza de bra- 
zos, E.; bras, bras, G.; grand, Corn., vite, Irl.; Brâz, 
marque du superlatif, B. 

Abrander, s ’ abrander , allumer, s’aviver, se dit d’un 
incendie et surtout de sa recrudescence. 

Abranda (Bertrand de Born); esbrandi, flambant 
(Coutume de Bretagne); branda ein coutsou, griller un 
cochon, Auv.; brandi, tison, Allem. 

Bran, tison, charbon ardent, Irl.; brain, rouge, G.; 
branda,. torche, A. M. (Voy. brande.) 

Âbre, arbre (fabliau de Narcissus ); arbol, E.; albero, 
It.; dibre, Auv. 

Pren, bren, G. B.; bre, grand, haut. G.; bra, brea, 
beau, Irl. 

Abrest, village situé sur une hauteur qui domine 
l'Ailier. 

Aber, confluent, port. B., G.; Corn.anglaise, a; eau, 
-+-bre, élevé, G.-B,; aber sign. torrent ; dial, vannetais; 
ad-ber, Armoricain ; at-per, aber ; adfluxus. Cam¬ 
brien. (Houzé), (havre.) 

Abrever, abreuver, (Henri d’Andeli, Bataille des 
vins) abrevar, E abbeverare, It.; bûra, Auv. 

Abeufnjn, G.; abebrare, A.; M. ab, eau, bar, bord, C.; 
beira, verre à boire, Ba. 

Abrevoüer, abreuvoir (terminaison romane, Voy. 
ouer), abrevadero, E.; abberatojo, It.; abrehaer; ab, eau; 
4- berh, enclos, fermé, B. 


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Abri, avril, abrieu (D. J. F.); apnl, A. E.; aprilc, 
II.; aprilis, lat.; abriaô, Auv. 

Ebrill, abreolus, ab, priv.+ ra»/, règle. G.; ebreil, qui 
ouvre. B.; Legonidec pense que ce mot s’est formé 
d ’aprilis. 

Abrîe, v.; mettre à couvert, abrier (D. J. F.), abrigo, 
E.; avry, Comtois; abric, Languedocien; abrica, Gascon; 
abri, abrita, v. Auv. 

Abry, B.; abri, port, Ec.; abria, ville, abrigatu, se 
mettre à l’abri du froid, abrigar, demeure fermée, Ba. 

Absuràmënt, absolument, absuldâinënt, Auv.; 

Abûcher (Duc.), heurter, trébucher, mon pie abûcfict 
contre ein caillaô ; trabucar, E.; traboccare, IL; tra- 
boutsa, Auv. 

Buea, bûcha, bûche, A. M .;buch,bod, lieu bas, Irl.; 
bud, profond, creux, Eo. 

Abuter (Duc.), régler une affaire, ne n’s abùvêrëns 
vas chiez Baba. 

Adbutare, A. M.; bod, fin, G.;bucalu, je finis, Ba. 

Ac, ag, racine celtique, signifie pointe, tranchant ; 
ac, racine galloise, indique l’accord, l’union. 

Acabit, espèce, ein frût d’ina sale acabit. Cab, Celt., 
indique la contenance, la qualité ; the good or bad 
quality of the fruits.., buenao mala calidad..; certa qua- 
lita... sont des périphrases, notre mot a mieux con¬ 
servé la trace originelle. 

Acater (s’), s’accroupir, se raccourcir, accortarse, 
vieil italien, accatare, mendier (c’est de l’abaisse¬ 
ment), accosciarci, tomber sur les genoux, coscia, 
cuisse, It.; catouna, Auv.; catico, morceau, E. 


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36 


ac»; 


Cateia, raccourcir, G.; catt, parcelle. G.; cataze, 
rester immobile, catia, morceau, Ba.; cateia, trait gau¬ 
lois court et pesant qui brisait tout ce qu’il rencon¬ 
trait, conservé par Servius ; ac, particule d’union + 
cat indiquant une diminution de volume, G. 

A cause ? Pourquoi V Comment? C’est pour cela, 
à cause t’âs (omit cou ? acos, Auv. 

Achuisyon, achaws, achos, G.; étaco, Ba.; cos, cause, 
Irl.; ou é-t-à cause, c’est pour cela. 

Accent, accent, F. A.; acento, E .;accento, It.; accen, 
G.; ac, G.+ can : chant, G. B.; ac, +sin, son, G. 

L’accent aigu différencie le futur du parfait ; l’ac¬ 
cent circonflexe indique une élision. 

Accô, convenance, accord. 

Kl qu'à son accort en fussiès. 

(Huon Leroi, Voir Palefroi,) 

Ac, G.;+cor, tête, conséquemment pensée, G.; sé¬ 
curité, Irl.; cordea, sens, Ba. 

Accoubler (Roq.) accoupler, mettre par paires, 
coupt, A.; accoppiare, It.; ac. G.; + coubl, couple, 
coubla, coupler, B. 

Accoummoder, arranger une affaire, ne sens accoum- 
modas d’azie. 

Accommodate, A.; acomodar, E.; accomodare, It.; dys- 
gymmodi, faire un contrat, G. 

Ac, G.;-+-com, cwm, marque la société en Celt.; 
(Festus); -Hmod, Irl.; môdd, G.; moda, A. M.; mode, 
manière. 

Accourchik, raccourcir (Li congié Adan d’Arras ), 


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AO.II 37 

shorten, A.; acurtar, E.; accorciare, It.; courseyra, sen¬ 
tier raccourci, Auv. 

Ac, G cours, temps. B.; ■+■ cor, rac, Celt.; course. 

Accourder, s’entendre (Coût, de Bauvoisis), agir en 
même temps, accourdans-nous pa louver kela piarre. 

Accouter, appuyer, acouter (Miracles de Saint-Louis), 
ac, G. 

Accraser (s’), se dit des vaches lorsqu’à l’époque du 
vêlage les ischions commencent à s’écarter. 

Ac, Celt. ;+cras, corps, Irl.; crasa, sécher. B.; on 
voit que ce mot signifie saillie des os et non écraser. 

Ace, herminette de charpentier, adze, A. Auv.; 
azuela, E.; ascia, It. 

Acia, achia, hache, 1434 (glossaire de la basse lal. 
Cardinal Billiet); aceries, A. M.; acar, pointu, Irl.; ac, 
tranchant, Celt. 

Achapter (Duc.), p. muet, acheter, purchase, A.; 
tsata, Auv. 

Accaptare, acatare, acheter, achachiare, convenir, 
A. M.; achub, racheter, achadw, conserver, G.; oc. G. 

Achenau, fém. (Duc.), achanau (D. J. F.), chenal, 
tuyau, gouttière, narrouxhanel. A.; canale, It. 

Ach, aches, eau, G. -+-can ; canal, ce qui contient, le 
même que chan, Celt. 

Acherer, R.; garnir d’acier, ie fadjis achërer ma 
marre ; iron, fer. A.; ocero.E.; aciajo, It.; aceira, Auv.; 
hierro, fer, E. 

Aciare, aciarium, acier, acheratus ad bellum, pré¬ 
paré pour la guerre, A. M.; allzdirua, acier, Ba.; 
iaron, Irl.; haiam, G.; fer. 


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38 


ACO 


Ac, tranchant, Celt. -+- ir, ar, rac. de fer (acier, 
acéré, et même acies). 

AcIter, assigner, citer en justice ; âccltus, ordre de 
venir, mandement, acinari, chicaner, A. Gl. 

Acointkr, s’approcher, (lepescfwor de Pont surSaintw,) 
cuüado, E.; coinata, beau-frère, Ba.; coine, femme, 
Irl.; ac, G. +com, part d’union, Celt.; con, m. s., Irl.; 

Aconter, raconter. 

Si leur a aconlè le conte. 

(Sol Chevalier.) 

Account, A.\contar, E.; raccontare, It. ; raconta, Auv.; 
count, counta, conte, B. Ec. Irl. 

Acoper (s’y), 'se blesser soi-même (Roq.), eut, A.; 
cortar, E. 

Copator, coupeur, A. M.; colpa, couper, B.; cob, cop, 
coup, G. 

Acoragie, reprendre courage, acoraigicr, R.; encou¬ 
rage, A.; itlcorraggiare, It. 

Cor, le milieu, A. M.; cor, tète, Celt.; corallum, m. s.; 
coragium, ce qu’on fait avec ardeur, A. Gl. -+- ag, 
pointe Celt. 

Acouat, m.; abri, ieme mettis à l’acouat d’ein âbre 
à cause qu’ou ploiaie. 

Harbourage, A.; abrigo, E.; acouada, Auv.; kouda, 
boiser, couvrir d’arbres, coac’ha, se cacher, B. 

Acoümasser, mettre en meulons le foin, l’orge, l’a¬ 
voine fauchés (Voy. Comas). 

Acquerî, v.; acquérir, acquire, A.; adgtiirir, E.; ac- 
quistare, 1t. ; ac, G. -1- queria, butin, Ba. 


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ADE 


39 


A Croupetons, (de Audigier-Bovél ) assis sur les 
talons, crupper, croupe, A.; grupa,E:\groppa,It. A. M.; 
croppo, Auv. 

Cropa, croupe, A. M.; cropian, ramper. G.; cropioun, 
croupion, B_ 

Acy bien, également; et seriens acy bien tenus dç 
païer. (D. J. F.) 

àdamagîe, endommager (Baude Fastoul) (1) ; da¬ 
mage, A.; damnificar, È.; danneggiare, It.; endomadza, 
Auv.; damaigium, A. M.; doumaich, dommage, B.; don 
malheureux, mauvais ; donaighim, détruire, douas, 
calamité, Irl.; dam, Gaulois, B.; dan , Celt.; perte, 
morceau, pièce. 

Adefîe (s’), v. se procurer une chose pour en 
conserver l’espèce ; ie me sei adefia de quo grous blat. 

Attafuel, action de retenir ; had, semence ; gafael, 
saisie, gage. G.; ad, at, semence, B.; gufal, avoir, pos¬ 
séder, Corn.; adfywio, régénérer, renaître, G. 

Adenet, n. pr. diminutif d’Adam (Roq). 

Adevaler, v. (Pyramus et Tisbê), descendre ; après 
une voyelle on dit devaler, dévoila, Auv. 

Val, bas, vallée, Ceh. (Voy. devallâ .) 

Adevinaô-ouse, adevineur, (Duc.) devin, sorcier; 
dywynnyg, clair, évident. G.; diviner, sorcier, B. 

Adeviner, et adiviner, deviner, R.; divine, A.; adivi- 
nar, E.; indovinare, It. 

Edwyn, a connu. G.; savoir. Vieux B. (Grég. de 
Rostrenen); divina, prédire, deviner, B. 

(!) Nous ne répéterons pas les mots romans qui ne diffèrent 
que par l'r de l'inlinitif de nos mots patois. 


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40 


ADU 


Adiû, adieu, je vous recommande à Dieu ; à Dieu 
vous command, R. 

A Dieu de fois plus de cent mille. 

(Adam d’Arras.) 

Les Auvergnats plus explicites disent adiusia's, 
adieu plus rare que faretvell, A.; ad, adios, E.; addio, 
It. A.; près, avec ; diw Dieu, G. • 

Adouber (die. de Trévoux), parer, réparer, fournir 
le nécessaire. 

Adobare, A. M.; adoba, refaire. B.; dobham, plâtrer, 
Irl., adobatzalea, raccommodeur de souliers, Ba.; 
adoba, ajuster, Gelt. (Bullet.) 

AdoucesI, v. adoucir, adulzar, E.; addolcire, It., 
adeucheu, Auv. 

Doucza, adoucir, douezder, douceur, douez, doux,B. 

Adounner (s’), venir souvent ou s'adounm deins 
kela mouaison. 

Donna, toit de maison, A. Gl.; don, familier, B. 

Adrece, commodité (Gauthier de Coinsi); adrëcer, 
redresser (orth. romane). 

Adreit-eite, adroit, dexterous, A.; diestro, E .;destro. 
It.; adri, auv.; dextera ? 

Adreitàmënt, R., adroitement. 

Adressant-ante, facile à manœuvrer, dailadrëssant. 

Adresse, direction, faut ner à l’adresse de quo bâti- 
mënt ; adra, règle, Ba. 

A droit, R.; justement : cou l’y z’arrivet à droit, ou 
eyie biensienn ; drey, V. R.; rhaight, droit, G. 

Aduper (s’), se blottir, ein llievre adupa deins son 


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A FF 


41 


sas ; duplare, doubler, A. M.; dwbl, G.; b pour p. fré¬ 
quent. 

Advenant, pron. avenant (D. J. F.), portion qui re¬ 
vient de droit :Ouéma pâ advenant. 

Advoeis (Duc.), avoué, procureur, vieille pronon¬ 
ciation conservée ainsi qu’en Auvergne. 

Adurer (Duc.), endurcir ; dull ofhearing, dur d’o¬ 
reille, A .;duro, E. It.; dur, dur ; dur, acier, G. 

Aeu, œuf, egg, A.; huevo, E.; uovo, It,; cacaw, Auv.; 
mo», plur. de uo, Bv; wy, G. 

Ein aeu, dous aeus ; Aeu de jau, très-petit œuf de 
poule qu’on croit avoir été pondu par un coq sur 
un fumier. Il doit produire, suivant la tradition cel¬ 
tique, un basilic ou des serpents. Inutile de dire que 
c’est un œuf de couleuvre. On connaît les nombreuses 
superstitions des Celtes à l’endroit des œufs. Les 
Druides en tenaient un à la main. 

Aeu cassa, œuf sur le plat ; aeu couvis, œuf punais. 

On ne jette pas les coquilles au feu parée que saint Laurent 
a été brûlé sur des coquilles d'œufs. (Supers, bretonne.) (Martin 
de Arlès, Trait, des superst.) 

Les œufs pondus le vendredi saint préservent les enfants de la 
colique. Les œufs marqués d'un signe n'éclosent pas. 

Affable, 2 g., prévenant, poli; affabilis, afa, 
visage ; affaith, affection, G. 

Affarmer, affermer, affermir. 

1 er s. farm, ferme, A.; ferma, métairie, A. G1.; 
fermes, fermis, caution, répondant ; fera, métairie, 
A. M.; fferm, m. s.. G.; fermoy, enceinte, Irl.; fermour, 
fermi, fermier, affermer, B.; ferh, berh, fermé, clos 
défendu, B. Celt. 

5 


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42 


AFF 


2 e s. strenghten, A. afirmar, E.; fortificare, It. ; fer- 
mein, fermer, ferm, solide, B. 

Il y a dans les deux sens une idée commune qui 
justifie un seul mot patois. Sa racine serait ferh, 
Celt. 

Affenage, droit fixe qu’on paie aux garçons d’écu¬ 
rie les jours de foire ; affenador, hôtelier qui loge les 
chevaux et mulets. (Langue d’Oc) (V. faïfi.) 

Afferir, réussir, affêrer (Assises de Jérusalem ) si-, 
gnifie convenir. Je affermis bien le joâ qu’ie plantis mn s 
biaûles. 

Afferissant (Duc.), convenable, à propos; affarium, 
affaires,. A. M.; affer, B.; a priv. G.; fer ou fari, man¬ 
quer, perdre, erreur, fourvoyer, B. 

Affeubli-io, affaibli, de feble, R.; a priv.; 4- febh, 
feabh, force, puissance, Irl. 

Affiâter, affater (D. J. F.), caresser, lisser, flatter; 
afa, visage, G.; flati , flatter, B. 

AffIche et fiche, épingle, broche, joyau, affichius, 
affiquet (Male Honte d’Hugues de Cambrai). 

Pin, A.; alfiler, E.; spillo, It.; âffigo, j’attache, Lal.; 
affixare, A. M.; ficha, ficher, orner. B.; fichim, placer, 
Irl.; fie, pic, points, aiguillon, G. 

Affie, v.; R., assurer, affirmer. 

Quar mon mari est, je vous di 
Bons mires, je le vous affi. 

(Vilain Mire.) 

Fiein, confier; fé, foi, B.; fedea, m. s. Ba.; adfiadat, 
ils affient, Gadalique. 

Affinao-ouse, trompeur affiner, R.; tromper, litt. 


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A F K 43 

mettre dedans. On trouve ce mot dans le sens de 
clore la bouche. (D. J. F.) 

Addfwyn, débonnaire. G.; affinare, raffiner; A. M.; 
fin et min., Irl. signifient à la fois fin, délié, et naïf, 
ingénu, comme un grand nombre de mots celtiques 
qui ont des sens opposés. 

Affôrager, donner du fourrage aux bestiaux, aux 
domaines; feurre, fouarre, fourrage. B.; fodrum, fo- 
drium, forrago, forragium, m. s., A. M.; feur, herbe, 
foin, Irl.; fo, herbe, Celt. 

Affouaire au sing., affaire ; affouaires au pl., em¬ 
barras, dettes, ou é soun affouaire ; ou tant dus affouaires ; 
affair. A.; affare, It.; affâr, Auv. 

Affarium, A. M.; affer, B.; faire, vigilance, Irl.; affa- 
ria, j’apprête, Ba. 

Affouler, avorter, affouler d’enfant (Duc.); affolare, 
blesser, A. M.; fola, sang ; folamh, vide, Irl., le même 
qa’avorti, B. par le chang. d’f en v. 

Affront, injure, quand on agrée des excuses on 
dit : n’a pas d’affront. 

Affront, A. B., afrenta, E.; affronto, It. Auv. 

Affronter, ajuster, placer de front ; affronti, B.; 
frons, lat. 

Affùquiaus, effets d’habillement (V. affiche). Il y a 
en patois un grand nombre de mots désignant les 
effets personnels. 

Affût, bon état ; affûter, mettre en état ; nia cou- 
y ne é m affût ; ie ai affûta mon dail. 

Afvoch, vigueur, tranchant, G.- 


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AGI. 


A front, labourer à front, avec une seule paire de 
bestiaux. 

Afrûta-â, en rapport, afruiter (Baude Fastoul), 
kel àbre é afrilta. (F. fruèt.) • 

Aga, impérat. d’agaiter ( Tripault de Bardis ) 
(D. J. F.), vois, regarde, gwela, voir B. 

AgaIter, R.; aregaîter, regarder avec soin, exami¬ 
ner, aga ou agaîte z’ho bien, t’ho z’apanrâs ; re¬ 

garder avec envie; aguato, embuscade, vieil It.; 
gaite, sentinelle, R. 

Gaita, guet, guitare, guetter, A. M.; gued, garde, 
B., beguiestm , qui regarde ; beguia, œil, B. 

Agaler, serrer, presser, fouler, de galler, R.; 
battre; agal, chute d’eau, R.;<jrai, bois, G.; goalen, 
gaule, verge. B.; aggmgliare, égaliser, It. 

Age. Les mots terminés en âge et qui indiquent 
une action ont presque tous aussi la finale en ment ; 
passage, passement, gougnage, goiujnemënt. 

A genillons, à genoux, inginocchione, It. 

Tantost se mist à genoillons. 

(la Male Dame.) 

Aghais, marché à terme fixe (tr. du Franc Alleu de 
Galland); Ymgais, discussion, G. 

Agelita, agilité, adresse, agility, k.\agilidad, E.; 
agilita, It.; agilitas, Lat. 

Agil, fuyard, G,; agil, Celt.; gil, cil, fuite, rapide, 
G. Celt. 

Aglliand, Auv.; gland de chêne, agland (Roq.), 
(D. J. F.) v. GU. LL; ghianda, It. 


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AGR 


45 


Glain, globe, boulé. G.; glan, pur, sans défaut, B. 
G. Ec. Irl. Ces épithètes flatteuses se rendant par le 
même mot dans quatre dialectes, doivent, ce me 
semble, s’appliquer au fruit de l’arbre sacré des 
Druides. 

Aglliënde, gland, agliëndes, oreillons, glain, globe, 
G. 

Agnet, onhet, R., petit agneau ; agnello, It.; oan, 
m. s., B.; agned, vierges. G.; aniach, nouveau, Irl.; 

Agorber, mettre en gerbes, (Voy.) ranger métho¬ 
diquement les gerbes qu’on doit laisser dans les 
champs. 

Gorfo, surmonter, de gor, au-dessus, élevé. G.; 
marque du superl.; Corn., élévation, B.; gora, au- 
dessus, Ba.; garba, gerbe, A. M.; de garrai, lier, 
carrai, courroie, G. 

Agounî, v., injurier, agugnare (Dante); agonia, vi¬ 
vacité, A. G1-; gounicq, terme de mépris, B. 

Agourà, agoüre, maintenant, de suite, hâc hord, 
novo, A.; ahora, E.; ora, It.; aouro, Auv.; haghuair, 
heure, Gadal. 

Agoûst (Duc.), égoût des terres, running of waters, 
A.; albafial, E. 

Ag, eau, Celt.; gouër, ruisseau, goustat, qui va dou¬ 
cement, B. 

Agoûster, égoutter, asciugare, It.; aig. G. Celt. eau, 

A grat, de grat, tout à fait, entièrement ; louvans 
à grat. agrean, agren, m. s. B. 


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46 


AGIT 


Agreils, R.; agrès, ustensiles aratoires, oupotbèn 
panrekela lucaterio, oui a prou d’agreils ; attrezi, agrès, 
It. fait l’union de ce mot avec notre mot patois at¬ 
traits qui a le même sens. 

Greou-al-lester, agrès de navire,B.(gréer, t. mar.) 

Agriâble, agréable,, ayreeable. A.; agradable, E.; 
gradevole, It.; agradatu, je plais, B.; agreapl, B.; graa, 
gré, plaisir, agrément, Irl. 

Agrîe, v. Roquefort écrit agraïer, recevoir, agréer; 
agradar, E.; gradire, It., aggreare, A. M.;. 

Graa , ci-dess. Irl.; gre, agréable, Celt. (Bullet.) 

Agriffer (D. J. F.), donner des coups de griffes, 
quo chat m’agriffet la garre, accrocher en déchirant, 
ie aiagriffa ma raube ; agurrrar, E.; aggraffare, It. 
(V. égrafîgner) 

Agrifare, A. M.; griffon, griffes, B.; griff, mains, 
G.; craff, crochet, G. B. 

Agkûgku, égruger le sel ; rhtvg, rupture, G., con¬ 
firmé par I’Auv. bredza, briser, égruger. 

Agrûler (s’), se pelotonner. La padriz qu’ieprendjis 
s’eyie agrûlâ deins ina tierre. 

Gtwn et Crwn, rond, G.; gronn, Celt. signifie quan¬ 
tité réunie, rapprochement (V. grûe). 

Agsiper, voler, acciper (D. J. F.), escamoter ; ysgi- 
piad, enlèvement violent ; ysgipio , voler, G.;ag, Celt.; 
•+- cip, action de prendre, G. 

Agu, aguio, aigu, (Garin); acutus, acute, A.; agudo, 
E.; acuto, It.; ac, ag, Celt. 

Aouigner, guigner, faire signe des yeux (D. J. F.), 
guinar, E. 


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AGI' 


47 


Ag, Celt.; +gmyn, affection, passion (gouine), gui- 
gnatlur, clignement de l’oeil, G.; agrindea, avertisse¬ 
ment, Ba.; guignai, guigner, B. 

Gui, B. Ba. G., indique la lumière et l’éclat 
(Bullet), (guide, guidon). 

AgoIllA, grand aiguillon pour le labourage ; aguil- 
lade, Auv.; ag, pointe, Celt.; + guil,' par derrière. G.: 
ou gweil, long, G. Corn. 

Aguille, R.; aiguille à .coudre ; ago aguja, E.; 
aguglia, vieil 1t. 

Ag, Celt.; -f- guil, petit, G.; guillien, aiguille, B. 

Agoille, géranium triste, pl. Les Gallois la nom¬ 
ment mynawyd-y-bugail, alêne des enfants. 

Aguillon, R.; pique-boeuf; l’aiguillon des abeilles 
se dit dard, celui des plantes, piquant. Dans ces 
quatre mots et les deux suivants, gui se prononce 
comme dans anguille ; aguijon, E.; aguglione, It.; or- 
dillou, Auv. signifie seulement la pointe de l’aiguil¬ 
lon ; aculeus, lat. mêmes références. 

Les bouviers ne font pas d’aiguillons avec la bourdaine qui est 
un bois vénimcux. 

Agüillouneb, agtiibnner (Bible Guiot de Provins). 

Aguimau f., guimauve ; marsh, mallows. A.; malva- 
visco, E. It.; bismalva, It. 

Bis,, élevé, Ba.; -+- malva, mauve, Ba. B. Lat. 

Agûse, f., pierre à aiguser les faux et faucilles, 
celles qui servent au même usage pour couteaux, 
etc., sontdes grès, v. agu, ag, Celt. 

Agùser, aiguiser. 

Si l’aguisc d’un coutel. 

(Barat et ïlaimet.) 


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48 


Air. 

Aguzar, E.; aguzzare, It .;ag, Celt. 

Âh I très-long, exclam, qui précède toujours le 
nom des personnes qu’on appelle, ah I Piarre. 

Aï représente très-souvent et, è français, baldine, 
craïte, c’est la pron. anglaise de l’i appliquée à un 
bon nombre de mots. 

Aidiaus, lattes qu’on place en travers des râlons 
d’un char pour faire un cabas (V oy.) aid. G. (V. le sui¬ 
vant. 

Aîdjie, aide \aedjie v., aider, l’iet le ; se pronon¬ 
cent très-légèrement. 

.Poisson n’en istrera 

Por Charnaige aidier vers Karesme. 

* ( Bataille de Karesme.) 

Aid, K.; agudar, E.; ajutarc, It.; dzuda, Auv,; ad- 
juvare, lat.; aidia, s.; aidas, adj., A. M.; aidea, parent ; 
aidcac, parenté, Ba.; haidiant, bienfait ; gtvaeaf, se¬ 
cours, G. 

Aid, G.; marque l’abondance, le nombre. 

Aie-dou, va, marche ; ea, agada, Ba .\Iddo, G.; si les 
Gallois prononcent comme les Anglais c’est exacte¬ 
ment le même mot. 

Aik-hoI excl.; ai-how. G.; même pron. en anglais 
et surtout aux États-Unis. 

Aigrkdon ( Dict. de Trévoux ); édredon; edder- 
down, A. 

Aigrins, aigrets, aigruns (D. J. F.), fruits verts qui 
restent après la récolte; raisins qui ne mûrissent 
pas ; agrete, E. agrelto, It. 

Egrunum, acidité, A. M.; égras, égroes, fruits sau- 


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AIL 


49 


vages, produits des forêts. B.; Gruttte, cerisier sauvage 
croie, croierasse, pomme et pommier sauvages (patois); 
egraich, verjus, œgr, B,; egr, B. G., aigre. 

Aigron (Duc.); héron ; hern, A.; garza reale, E.; 
aghirone, It.; ario, airo, A. M.; ugaria, Ba.; herlegon, 
B.; garan, grue, (Corn.) G. B.; garantis, Gaulois. 

Aiga, humide, mouillé ; aig, Celt. 

Aigia, trempé, aigean, chaudière, Irl.; aig, Celt. 

Aig u âges, R.; inondation, série de pluies, s’emploie 
ordinairement au plur. 

Eigiawn, G.; ligean; Ec, mer; ugatea, cascade, Ba.; 
eagach, profond, Irl.; aig, Celt. 

Aiguâsser, aiguager, ( Dict. de Trév. ), barbotter 
dans l’eau, ou plauro pa le sûr, les oyes s’aiguassont 
trop. 

Aig, eau, Celt.; givassarn, fouler aux pieds. G.; 
gwassoni, ordure, B. 

Aigue, R.; eau ; waler, A.; agua, E.; acqua, It.; aqua, 
lat.; aïguo,, Auv. 

Ach, ancien, Germain ; aig.ac, ag, A. G. Celt. 

A igue bënaïte. 

Aussitôt que l'eau bénite du samedi saint est faite, les femmes 
sc précipitent toutes à la fois pour en prendre ; aussi les pots 
cassés jonchent-ils le pavé de l’église. Cet empressement est 
bien légitime, car celle qui sera servie la dernière aura certaine¬ 
ment la pierre ou la gale. Il faut boire de l’eau bénite ce jour-là 
pour être préservé de la colique pendant toute l’année. 

La rougeole est guérie par une lotion d’eau bénite faite le di¬ 
manche. {Usag. Bret. — (Marchangy.) 

Aillauo, ail sauvage ; garlic. A.; ajo, E.; aglio, It.; 
die, Auv.; alliam, Lat. afXiç Grec. 

6 


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50 


AÏS 


Triagl-y-tlawd, afl, mets à l’ail, G.; allya, échauf¬ 
fer ; ail, chaud, ou ail, peau, Celt. 

Aillous, ailleurs; aillours, (Châtelaine de Vergi ) 
c’est le'même mot, nous supprimons les r autant 
que possible; autre ailbus, autre part ; altrove, 11.; 

AInche (Roq.), anche de cuve ; estrangal, E.; 

Henchen, anche, anc, ang, étroit, serré ; hinc’ha, 
conduire, B. (angustus.) 

Aingre, aigre, s’applique à l’acidité du terrain ; 
tarre aingre, terre dure ; ing^ serré. G.; force, Irl. 

Aingreüs, f., nausées, envie de vomir ; ing, per¬ 
plexité, agonie, G. 

Ainsi, par ainsi, donc, ainsi qu’ainsi, tel quel. 

Aïole, aïeule ; aïola, A. M.; aine, famille, Irl. 

Aisàmënt, aisément ; aisainentum, aisance, A. M. 

Àisant, aisé, facile, commode, Roquefort l’écrit 
misant, orth. justifiée par aasantia, A. M.; oué pas 
ina fenne disante. 

Easy, A.; agiato, 1t.; aggiare, se mettre à l’aise, 
vieil It. 

Amzaô, facile Corn.; hansaf, très-facile. G.; ei- 
seas, efficace, Irl.; ais, es, facile, B. 

Aisselaô, morceau de toile triangulaire cousu à la 
fente des manches ou sous les bras; axilla, sans 
doute, aisala, pellicule, Ba.; ais, plur. d’asen, petit 
morceau. B.; asella, A. M.; asgal, m. s., Irl. 

Aiier, frotter doucement les trayons d’une vache 
avant de traire ; aier, aider (Gaut. de Coinsi). L’abbé 
Grivel tire ce mot du Celtique aïa, donner son lait, 


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que je ne trouve point ; allya, exciter, échauffer, 
vieux B.; aliaua, poche, Ba.; aien, source vive, B. 
(La Roche d’Ayen, n. de fam.) 

Ajambéïe, R.; enjambée; ajamber, enjamber, gamba, 
jambe, A. M.; gamb (Corn); camb, G.; camp, courbe, 
Irl. 

Ajetre (e pr. eu, y Cambrien); acheter ; gela, cueil¬ 
lette, A. M.; geth, biens ; gweth, richesses, G. 

Ajornà, ajornée (Huon Leroi); aube, point du jour, 
giorno, jour, It.; djour, dzour, Auv. 

Gor, luisant, brillant, chaleur, soleil ; bord, au 
bord ; gorne, couleur, G.; gora, élevé, Ba.; jou, jeune, 
G. B. 

Ajouter et jouter-, traire ; jouste, près, R. 

Ajoutre, ajouter; aggiungere, It.; juentein, B. 

Ake fouaire, à ke faire, R.; à quoi bon? pourquoi 
faire ? 

A lagan (Li Quens de Ponthieu), en désordre ; tôs 
hamés sont tout à lagan ; lagan, pillage de vaisseau 
(D. J. F.); lagan, bris de vaisseaux, B. 

Alaïne (Roq.), alêne, haleine, 1 er s.; awl, A.; alesna, 
E.; lésina, It.; 2 e s.; aliento, E.'; alito, It.; halitus, L.; 
alan, halan, haleine, B. C.; llefnyn, lame; llem, pointe 
(flamme), G. 

Alâïte, barbe de blé, arête de poisson se dit àrâite, 
allita, Auv.; drtsla, lat. , 

Al, haut, Celt.; leth, brisé, séparé, B.; llys, herbe, 
fleur ; llyssein, tige, G. 

A l’aviron, environ; vira, B.; virare, A. M.; 
tourner. 


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î>2 


. ALL 


Ale ( Sermons de saint Bernard), aile d’oiseau de 
moulin; aisle of achurch. À.; ala, E. U.Auv. Lal. 

Al, haut, Celt.; ald, élévation, Ba.; ell, membre, B. 

Aleheure (Roq.), allure, pron. rom. cous. 

Alemby, R.; alambic. 

Alenter, R., retarder, ralentir, relaxar, ralentecer, ■ 
E.; rallentare, It. 

Lentaat, ralentir; landrei, s’amuser en chemin, B.; 
lein, lâche, mou, Corn. 

A les, f. pl. à los, as, m. pl., aux : parlez à los 
hoummes, dijez rën à les fennes. 

A les fins, enfin, à la fin, pourtant ; alfine, It.; fin, 
bout, terme, fin, B. Ba. Irl.; (fin, G. 

Aleste, leste, adroit, léger; diestro, E.; lesto, It.; 

Al)ger, baisser de prix ; le blataliget samedi, lighlen, 

A. ; aligerar, E.; alleggerire, It. 

Laighaim, diminuer, leige, faiblesse, Irl.; lig, liège, 

B. 

Aliqueu, liqueur ; liquor, A. Lat.; licor, E.; licore, 
liquore, It. 

Lica, viscosité; licalea, aromates, Ba.; licaouer, 
doucereux ; licqor, liqueur ; lie, doux, B lifo, cou¬ 
ler, G. 

Alissandre, Alixandre (Lai d’Aristote), Alexandre, 
on dit plus souvent Alizandre et Lissandrc. 

Exemple de l’absence de 1’® dans notre patois, ce 
qui constitue un rapport important avec les langues 
néo-celtiques'où il est fort rare. 

Allé, elle rarement employé ainsi qu’i/fe ; aile est 


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toujoars sujet, tandis qu ’ille est rég. on dit plus sou- 
ventoM, sujet. 

Allège et aulage, fruit de l’alisier ; aliies (cris de 
Paris); alrneza, E. 

Allégib, aulagîe, alisier ; aliier (Guill. de la Ville- 
neuve), » confondu avec j donne alijer. 

Lot-tree, A.; aimez,, E.; loto, It.; aludzeï, adreleï, 
Auv. Ce dernier est le nom du bâton à fouet des ma¬ 
quignons auvergnats. 

Leostog, Irl. (Voy. aulachon.) 

Alliùaïte, f.; luette.; Ll. G.; Br.; uvula, A.; gallilo, 
E.; ugola, uvola, It.; lliuzetto, Auv. 

Gullien, aiguille. B.; lu, luet, petit; luaith, coulant, 
Irl.; uva, Lat. et Gaulois (Empiricus de Bordeaux). 

Alliùmer, allumer; light, A.; lliuma, Auv. 

Allumi, luia, B.; elumi (Legonidec); ymlosgi, m. s.; 
llûg ; lumière, G. (Voy lliûmer.) 

Alliùte, alouette, oiseau, on dit aussi lliute; lark, 
A.; alondra, E.; aHodola, lodola, It.; liuzetlo, Auv.; 
alauda, Lat.; aloue, R.; alc’lioueder,B.;al, élevé, Celt.; 
c’houeck, terre, B.; a/, Celt. et les composés lluttvod, 
boue, G.; lurra, fonds de terre ; lurroa, bonne terre, 
Ba.; luror, couleur de terre, A. M.; lark anglais se 
rapproche de lar, qui est au-dessus Ba.; al, étranger, 
hauteur, G. Cet ensemble me parait indiquer que 
notre alliûte signifie vol élevé et vient du breton. 

Le Gaulois alavda est devenu latin et a lait aloue 
en roman ; il signifiait en cambrien : chanteur - oi¬ 
seau, alaw-adar (Monin). 

Alluger (ll. dur), louer, prendre à loyer, prendre 


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54 AMA 

un domestique ; s’allujcr, se placer. 

« J’estoie Itiié à un rice vilain .» (Conte-fable d'Au- 
cassins). 

Avoii alooé un serjant. 

(Févre de Creil.) 

Alojar, E.; allogatore, loueur, lt.; ludja, Auv.; locare, 
Lat.; logea, loyer; logéiz, logis, B.; log, maison, 6. B. 
Irl.; (loge). 

Alô, alors, allora , It.; allod, autrefois, Irl. 

Alogemënt, location, louage, loyer (D. J. F.); lod- 
ging, A.; alojamiento, E .;allogio, It.; llieudzamcnt, Auv. 

Log, G. B. Irl.; 

Alourder (Duc) et enlourdir.. appesantir, abêtir. 

Lurdrn, stupide, A. M.; lourd, lourdt, B. 

Ama, amar (Roq.), amer, rare exemple d’une finale 
brève représentant une élision. 

Amargo, E.; amaro, It.; amarus, Lat. o*|iup6c, salé. 

Amartche, amertume Gadal. mar, âpre au goût, 
B. Dans tous les idiomes cités, on retrouve le radical 
mar, mer, mor, mur, la mer, G. B. Irl. 

Ama, lupuline, plante. 

Amàble, n. pr. cité pour ta similitude de quantité : 
dmdbilis. 

Amailler, mettre en tas, en gerbier, en meule ; 
mon blat é tout amailla, les épis se touchent. 

Malan, gerbe, malana, engerber. B.; maillatu, meur¬ 
trir, Ba.; mael. profit, accroissement, G. 

Amai.edie, v. ( Aucassins et Nicholette), être malade : 
pas d’indicatif présent (Voy. maledio). 


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AMB* 55 

Mallatua, meurtri, B.; malhaint, maladie, G.; mall, 
mauvais, G. B. 

Amandeiue, amandelier (Roq.), amandier, almond- 
tree, A.; almendro, E.; mandorlo, It.; amonlaï, Auv.; 
amandularius, A. M. 

Amandre, amande; cramandi, pierre, G.; astalmen- 
dra, Ba.; amandès, B. 

a, dans Irl. ; tnan, habitation, G.;manditoa, mai¬ 

son, Ba. 

Amaron, matricaire, plante. 

Amarrer, user le tranchant d’un outil : mon coutiau 
é amarra. 

Vient-il de am, priv. G. B. •+• or, labourer, couper, 
Celt. ou de mar, pierre, G.; marr, pioche, B. Les 
instruments s’usent contre les corps durs. 

Amasser, économiser : kelhoumme a amassa biaucop 
d’argënt, récolter, amasser do blat , prendre de la boue, 
mot pies amassont, abcéder, mon deit amasse; amontanar, 
ammassare, It.; massa, Auv. 

Amerc’hein, économiser, B.; massaria, certaine 
quantité de terres labourables; amasatus, héritage 
où il y a des maisons, A. M.; amacthu, labourer. G.; 
amon, G.; amacz, B.; amas; massa, A. M. signifie 
masse et terre; maes, mach, mag, champ et terre, 
Celt. Gaul. 

Ambé (Roq.) et dambé, après voyelle, avec ; andui, 
R.; ambet, Auv.; ambo, Lat. 

E'mesk (Legonidec), B,; ameasg, Irl.; equi, Ba.; gan, 
gand, B.; ambi, autour, Gaul. 


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56 


AMO 


Amrabô, cheval qui va l’amble, ambre, amble; ambl, 
amblimj, pas de cheval, A.; ambio, It.; lambra, Auv.; 
ambfcure, R.; amb, marcher, Celt.; ambu lare, Lal. 

Amenùser, amincir ; amenuiser, R.; menudo, menu, 
E.; menusatc.B. (Edwards);me», petit. G., mm, pointe, 
G. Coru. 

Amiable, R.; aimable. 

Amiable el de bonne pan. 

(Conjié Jean l'odel.) 

Amiable, k.;amable, E.; amabile, It.; amabilis, Lat.; 
amiapl, Irl.; amatu, aimer, Ba.; ama, bon, Celt.; ama, 
mère, G. B. Ba.; racine d’une foule de mots de diffé¬ 
rentes langues signifiant tendresse. 

Amiliourer, améliorer; mend. A.; mejorar, E.; mt- 
gltorare, II.; immigliare (Dante), mel, meilleur, B. 
Corn. 

Amisse, aimasse, aimât « Ici ne porroit estre que vos 
m’amissiés tant que je fas vos » (Aucassins). 

Amitié, m., le t se pron. tch, se dit de l’amour : 
quand la fenne me dounnet sos amitiés ; amistad, E.; 
amicizia, It.; ama, (Voy. amiâble .) 

Amômô.n, morelle, pomme d’amour ; âmômüm, Lat. 

Amonutio.n, munitions de chasse, pain de munition 
(D. J. F.) 

Ce mot signifiait ordonnance, pains d’ordonnance ; 
ce n’est pas une altération. 

Ammonition, A.; municion, E.;munizione, lt.; muni- 
cbi’u, Auv.; amonitio, provisions. A. M.; amon. G.; 
amas. 


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AN 57 

Amor et amô, selon l’euphonie ; amour, il est fé¬ 
minin, comme en roman. 

Amors est mère de largesce. 

(Robers de Blois.) 

Amor, E. L.; amore, It. ; ama, Gelt. 

Amorcher, battre, frapper, meurtrir, morchedi, 
mortifier. B.; mor, noir, Gel. 

Amore, fruit de la ronce (du provoire qui menja les 
mores, Guérin). 

Ce fruit ainsi que la mûre (Voy. mettre) a pris son 
nom de la couleur ; môr, mûre, fruit, G.; mor, noir, 
Celt. 

AmouaincI, v., amincir; min, petit, mince, G. Gorn. 

Amourrer, on dit que les roues amourrent quand 
la terre molle se prend entre les rais ; mourus, ma¬ 
rais, A. M. 

Amperèrë, empereur, orth. et pron. romanes ; em- 
peror, A.; emperador, E.; imperatore, It.; imperator, 
Lat. 

Amparare, protéger, défendre, s-’emparer, A. M. 

AmpIegne, empeigne (Roq.); empegne, E.; àmpëgno, 
Auv.; empenha, A. M.; pem, dessus, Celt. 

An, année s’emploie moins qu’owtâ, l’autre an, ein 
autre an, l’année passée, l’année prochaine. 

Afio, E.; anno, It.; annus, L.; an, Celt.; am, temps, 
Irl.. 

An, on, plus rare que Un. 

Maintes paroles en dist an 
Corne d’Iseut et de Tristan. 

(Chroniques St-Magloire.) 

7 


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58 


ANE 


Ancien, vieillard : los riûs anciefis ho z’ant vedjiu : 
ancient. A.; anciano, E.; anziano, II.; aticienor, R.; 
senior, L.;anciena, le temps passé. B.; antianus, A. M.; 
han, haut, henn, B., ancien. 

An, année, Gelt. +cien, capital, principal, Irl. 

Andelot, ruisseau ; and, couler ; andlaw, fertile, G. 
Il coule dans une vallée très-riche entre Gannat et 
Saint-Didier. 

Andie, landier, R., gros chenet de fer dont la tige 
soutient une corbeille dans laquelle on place les 
écuelles pour les tenir chaudes ; andiron, A.; alare, 
IL; andena, A. M. andiron, contient iarann, fer, Irl.; 
alare, andena contiennent al et andi, Gelt. signifiant 
tous deux grand, élevé; nous avons donc andi-'iarann, 
grand fer. 

Andri ( rues de Paris ) ; André, Andréa, Andreu,, B. 

Androit (Barbazan), auprès ; àndred, endroit, Ba. 

Ane! allons! eomp, b.; eon, hardi, G.; an, prompt, 
Irl,; andé, en avant, Gaulois. 

Ane, grand chardon ; askol, B.; ascalen, m. s. Corn.; 
asm, âne, Irl.; cal, coli bois, chou, B. 

Anemi, ennemi (Marie de France); an, négatiou. G.; 
-+- ama, Gelt. 

Aner, aller, par euphou. ner\ annar (Roq.); andar , 
E.; andare, It. ; 

Andare, A.M.; ondana,suite Ba.(andain), an, prompt, 
Irl.; and, superl.. G.; andé, Gaul.; ann, je vais, B.; 
ymdeith ; partir, aller, ymdaith, voyage ; hela, aller, 
G. 


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ANN 59 

On trouve dans notre verbe anet, il alla, R.; vo, je 
vais, It. 

Anguenne (Duc.); angone (D. J. F.); aine, groin. A.; 
ingk, E.; anguinaja, It.; mguina, lat. 

Gtoerddyr, gvoerid, aine,G,; anc, étroit. B.; ing, yng, 
m. s., G. 

Aniau, bague, anneau, margelle de puits. 

Li donroit «ssés joiaus 
Fcrmaus, çainlures cl aniaus 

(Constant Duhamel. ) 

AniUo, E.,anelh, It.; ani, cercles, A. G.; on, autour, 
G. 

Anicher (Duc.), faire un nid, pondre, nestle, A.; 
nidificar, E.; nidificart, It. Lat. 

Nichi, enfermer, Ba.; niddu, filer, tordre, nid; nead , 
étui, nid, Irl. 

Anis (Roq.), laine d’agneau (Voy. agnet.) 

Anivaïe, orvet ; ennoïe (Du Pinet) ; envoyé (Cotgrave); 
anvani (Roq.); adere, dere, Auv. 

Anifail,G.; cernicean, espèce de serpent, Irl.; anaff. 
serpent aveugle (Bullet); anv, orvet, B. an, -t- hywel, 
qui ne peut être vu, G., il passe pour aveugle, car il 
a prêté ses yeux au serpent jusqu’à la chute des 
feuilles de ronces qu’on sait être persistantes. 

Annâ, année, en parlant français nous prononçons 
annéie qu’on trouve dans D. J. F.; J’annâ que vent, 
l’année prochaine (Voy. An). 

Lener, B.; bliâdna, de l’année, Gadal ; (Zeusz), an, 
temps, Gelt. 


» 


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60 


ANU 


ANNET, ANNOT, NANOT, m., NANNE, 2 g. NANON, NI- 

nette, fém., Anne, n. pr. 

Annoncée (Roq.); annoncer, prévenir (Voy. noncie). 
anunciar, E.; annunziare, It .; anonçct, Auv.; nuncioa, 
nonce, Ba.; anonci, B. 

Annuioüs-ouse (Roq.)'» ennuyeux, nojoso It. (Voy. 
Ami.) 

Ansint (Rutebeuf), ancy (D. J. F.), aussi, ainsi, 
comme cela. ; ehi ansifU, chi coutume cou, couci, couça, 
coumme ou wait? chi ansifU, formule très-usitée 
comme toutes celles qui dispensent de dire oui ou 
non. 

Antarîgnkr, épousseter, enlever les toiles d’arai¬ 
gnées ; antarîgner la chiminâ, ramoner ; anti-aranea, 
ont, habitation (hanter), Celt. 4- rhygnu, frotter, G. 

Antarnageat ou darnageat, pie-grièche ; a-barrâ, 
p. g. commune ; a-rouge, p. g. écorcheur ; a-gris ou 
jasserolle, p. g. grise. 

Ani, impétueux, Celt. 4- agacz, pie, B.; adar, oi¬ 
seau, Cambrien, G.; dama, mettre en pièces, 4- 
agacz, B. 

Anteciper, prendre le terrain du voisin ; anticipate, 
A.; anticipar, E.; # anticipare, It.; ante cepi, j’ai pris 
devant, ant, G. «v«, vis-à-vis ; 4 -cap., rac. Celt. de 
beaucoup de mots qui signifient prendre, contenir. 

Anuet, aujourd’hui ou plutôt cette nuit, reste de 
l’usage celtique de compter par nuits; annuit (Favyn); 
anuit (Jean Bodel), now, A.; hoy, E.; oggi, oggidi, It.; 
ancoi (Dante), anco, dial. Lombard, ançi, anue, Auv. 

Hettnoest, Celt.; annairse, Gadal ; anois, maintenant, 


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AOS 61 

Irl.; henos, henoas. B.; an, dans, B. Irl. + nos, nuit, 6. 
B. Corn. 

Anui, ennui, chagrin, enuzamon, Àuv. 

Seurlé demande de ïui 

Kil ne lui face nul ennui. 

'Lai de Graêlent.) 

Anui qui abat maint Baudet. 

(J. Bodel d ’ Arras .) 

Ennoi, m. s., B.; anu, partie, Gall. qui marque la 
contrariété ; anubyd, insoumis ; anufad , rebelle ; 
anun, qui ne s’accorde pas, anurddas, outrage. G.; 

Anuïer (Garin), ennuyer, anuyaf, B. 

Anvec, anverc, danvec, avec (Borel, Roq.), se pla¬ 
cent à la fin des phrases tandis quanti est toujours 
suivi d’un régime. 

With, A.; maisk, Irl.; e’mesk, vec. B. 

Aô, terminaison patoise des mots romans en éor, 
cacéor, paor ; chassaô, paô ; les subst. romans en our, 
ous, font ou ; freour, chalous, frayou, chalou. On trouve 
des exemples de la finale ao dans la Cornouaille an¬ 
glaise, amzao, facile. 

Aôst, aüst, aàust, august, A.; agosto, E. It.; (Duc.), 
mois d’août. Les mots anglais, espagnol et italien vien¬ 
nent d ’Augustus ; mais le patois, et le roman ont une 
autre source : Harvest-time, angl., signifie temps des 
moissons; mis eaust, mois des moissons existait chez 
les Gaulois et les Celtes avant Auguste ;awst, août, G. 
est traduit par Davies qui écrivait en latin: mensis au- 
gus tus, ce qui ne prouve point qu’il le fit dériver du 
latin On peut donc admettre raisonnablement l’éti- 
mologie celtique comme antérieure à l’autre. 


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APA 


62 

Aourner (Rabelais), orner. 

\ouma, orni. B.; ormideadh, ornement, Irl. 

Apanre (Laide l’Oiselet), apprendre; aprender, E.; 
apparare (Dante, Boccace); imparare (Pétrarque), It. ; 
inod., aprefn, Auv,; apprehendere, A. M.; apprantif, 
apprenti. B.; prêtais, m. sjprentisiaeth, apprentissage, 
G.; pren, acquérir, acheter ; pen, tête. G. . B.,—s’allu¬ 
mer, le fio s’é après. 

Aparceivre, aparceveïre, apercevoir. 

Si que durs nez s'en aparsul. 

(Rntebœnf.) 

Perceive, A.; percebir, E.; apercebi, Auv.; apercevi, 
B.; per, Celt.; par, G., pointe, d’où finesse d’aperçus; 
apercevoir est plus délicat que voir. 

Aparceue, part. pass. f. et aparcio, aperçue. 

Mes hui m’en suis aparcefle 
Que j’ai esté bien déceüe. 

(Châtelaine de Vergi.) 

Apariller (Barbaz, Roq.), mettre par paires ; pair, 

A. ; apparare, It.; pardza, Auv. 

Par, paire, couple, G.; égal, semblable, pareil, G. 

B. 

Aparller (Duc.), s’aboucher ; parlar, E.; parlare, 
It.; parla, Auv.; commence une série d’a superflus. 

Parlant, B.; parly, Ec. Irl., parler, parhor, G.; 
parlas, Irl.; parlatorium, À. M., parloir. 

ApaùresI, v.; apauvrir, se ruiner ; impoverish, A. ; 
impobrecer, E.; impoverire, It.; pobre, pauvre, Auv., E.; 
poor, A.; povero, It.; paur. B., pat. bourb. 

A priv. G.; paut, abondance, B. 


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apo 63 

t 

Apers (Gloss- de Barbazan), intelligent ; apert, B.; 
(Rostrenen), per, superlatif gallois. 

Apeticer (Barbaz.), amoindrir; achicar, E.; appic- 
colare, It.; pychan, bychan, tout ce qui est mauvais ou 
petit, Gelt. B. G. 

Apiier, apoie, R. ; appuyer (livre de Jostice et de Plet). 

Nicolete o le vis cler, 

S'apoia en un piler. 

(Aucassiru.) 

Appodiare, 1494, (cardinal Billiet); apoyar, E.; ap- 
pogyiare, It.; apoe, appui. B.; pao,paw, pied, B. G. 

ApisER, battre la terre pour la durcir, battre quel¬ 
qu’un. 

Pisatu, je pèse ; pistiu, je charge, pisrn, pesant, Ba.; 
pizare, affermir, A. M.; piz, tenace, Br. 

ApIter, attendre, pegeit (Legonidec), B.; combien 
de temps : est tout ce que je trouve de plus rappro¬ 
ché. 

Expect, A.; aspettare, It.; peyta, Auv.; paw, pied, G.; 
rester sur ses pieds? 

Aplacer, placer; place. A.; plaza, E.: piazza, lt.; 
placz, place, placi, placer, B.: placza, m. s., Ba.; 
placia, place, A. M. 

Aponcher, épisser, allonger une corde en y ajou¬ 
tant un autre bout; apoundre. (Roq.) 

Appunctare, réparer ; aponsam facere, appuyer une 
poutre sur un mur; apicire, lier, A. M.; boncaw, lien, 
G., arrêter, Gelt.; apuntiaw, placer, pon = pen, tête, 
bout, G. 

Apostume, f., aipoustume (Roq.), abcès, pus, bour- 


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64 


'app 


billon ; imposthume. A.; apostema, E. It. L.; apous- 
tèmo, Auv.; apotum. B.; postwm, G.; pos (pus), gras, 
abondant, G. 

Apouaissier, apaiser, abattre : ou liuz apouaissé- 
ront, en bevant ein mirre. La fievre s’apouaissero, ap- 
pease A.; apaciguar, E.; placare, It. Lat. 

Ptoysaw, G.; paoueza, habasquein, (abattre), mettre 
en repos, B.; paqmtua, apaisé, Ba pea, peach, paix, 
B. 

Apouo.ner, empoigner, s’apougner, se battre ; em- 
•puTiar, E.; impugnare, It.; empougna, Auv.; impugnare, 
pugmm, Lat.; ampoign, pouing, B. 

Apoûser etPoûsER, puiser, tirer de l’eau d’un puits, 
poua, Auv. (Voy. pou et pouits .) 

Apparaît, m.; apparence. Les br'énchieres ant ein 
biau apparaît, appearance, A.; apariencia, E.; appa- 
rmza, It.; par, beau, Celt. 

Appiau, rappiau, appeau ; appeal. A.; apelacion, E.; 
apello, It.; apellum, A. M.; appell, B., appel. 

Apport, fête de village, en roman il signifie as¬ 
semblée. 

Apor, long, grand, Irl.; por, superlal., Corn.; pork, 
espace clos de murs près d’une maison, B.; porth, G.; 
borta, Bà.; porte, indiquent une foule assemblée sur 
une place ou près des portes d’une ville.; pors, entrée 
d’une ville, d’unegrande maison, B. (porte.) 

Apportion, contraction d’à-proportion (Roq.) 

Appoürter, apporter, portare, It.; pourta, Auv.; 
porthi, porter, G. B.; apourter (Philibert de l’Orme.) 


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ARA 


65 


Apprechant, environ, à peu près, n’en a saze apprë- 
chant ; apprecher, approucher (G. de -Coinsi, Rute- 
beuf), se dit de l’action de porter ou charger du 
foin, des gerbes ; approcher au chd, on dit aussi prê¬ 
cher ; brocha, piquer, B.; on pique les gerbes avec la 
fourche; approach, A.; appressare, It.; approciare 
(Dante) (Voy. prêcher ). 

Appriver, apprivoiser ; prie., propre, particulier, 
G. 

Appropier, rappropier, nettoyer et non approprier 
à quelqu’usage ; appropriaie, A.; apropriar, E.; appro- 
priare, It.; propi, nettoyer, prop, joli, propre, B. 

Aprader, semer en pré, se garnir d’herbes: quo 
demaine é bien aprada ; ton guariau s’aprade ; aprayer 
(Roq.); appraür (D. J. F.); apradir, langue d’Oc; 
prada, Auv. (Voy. prat). 

Aprisounner, emprisonner (Roq.); imprison, A.; 
aprisionar, E.; imprigionare, It.; emprisonna, Auv. 

Apprisonare, A. M.; prisoun, prison. B.; près, ha¬ 
bitation, Celt. 

Aprochîe, reprocher (D. J. F.); reproach, A.; repro¬ 
char, E.; rimproverare, It.; reprocha, Auv. 

Proch, broch, colère, G. 

A quand ? Auv.; quand, quando, Lat. E. It. 

Ar réduplicatif ; or Gaulois, fortement; ar, Celt., 
indique la réunion, rédupl. B., encore Ba. 

Araïre, Ariau et chambuge, petit araire ; arare, 
aratrum, Lat.; ara, labourer, Ba.; eretri, labourage, 
G.; arer, charrue (Rostrenen) , laboureur (Le Pelle- 

8 


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06 


ARC 


lier), B .;Oradr, charrue, B. G.; ar, terre, Celt. 4 -rai, 
mouvement ; rag, coupé, G. (Voy. ariau). 

Araïte, arête de poisson; resta, II.; arestare, arrêter, 

A. 51.; arest, retenu, B.; or, piquer, percer, Celt. 

Viscère prætenero furtim congestus aristis, 

Ausone.j 

A ramer, aramir, R.; quand les essaims tournoient 
on leur crie : arame, arame (ad ramum ) en frappant 
sur des poêles ; ar, part, augment. G. 4 - ram, globe, 
amas, Celt. 

Arapkr et râper, arracher, prendre de force (Due.) ; 
éripëre, Lat.; rapa Auv.; arapa, rapine, irarpa, prise 
de ville, Ba.; rap, prise, saisie, G. 

Arbalan, homme inoccupé, flâneur ; arbalander, 
flâner, palans, errant (Virgile); bala, se promener, 

B. ; argala, poltron, Ba.; ar, lent. G.; balach, chemin, 
tri. 

Arbillon, bugrane, arrête-bœuf, pl. 

.Ar, terre, Celt. 4 - piloa, cheveux, Ba., à cause de 
ses nombreuses racines ; or, piquant 4 - bittèa, tronc 
(bille) à cause de ses épines. 

Arcali, alcali, alkali,.K.; alcali, It. 

Arcandie, vaurien, propre à rien. 

Ar, lent, G. 4 - gandia, excès, Ba.; arcan, cochon, 
Irl., peut-être de margandier, R., contrebandier, de 
marc (marche) frontières, G. Ec. 

Arce, herse (Duc.), arce à fè, à pues ; arpe, Auv.; 
luxrrow, A.; erpice, It.; erza, A. M.; ar, labourer, terre 
et piquant, Celt. 


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ABC 67 

Arcer (se), se dit des animaux qui se roulent à 
terre, or, terre, Celt. 

Abc-en, arc-en-ciel ; rain-bow, A.; arco-iris, E.; 
arco-baleno, It.; en-fis, ciel-arc, G. Corn., notre en se¬ 
rait-il le premier de ces mots ? 

Archaut, fil d’archal, raïs d’archaut (Cris de Paris), 
orgeal, orchale, B.; orchena, chauffer, B. 

Arche, R. ooffre. 

L'arche doit être en sapin, sinon elle s'appelle croffe. Elle fait 
partie essentielle du trousseau d'une fille à marier, aussi voit-on 
dans les vieux contrats : « Cy une arche en sapin fermant à clef • 

Arch, ark, A.; area, E. U. Lat.; archou, Auv. 

Arc’h, B-; arch, G.; area, Ba.; argae, clôture, en¬ 
fermer, G.; arg, Irl.; arcos, gaulois (Empiricus, char¬ 
mes contre les maladies des yeux ). 

Archéologie locale. 

Notre pays est aussi pauvre en monuments qu’en traditions, ce 
qui indique bien qu'il est nouveau. 

Je ne connais que deux silex du premier âge de pierre, et 
encore sont-ils douteux, quelques fragments de tuiles romaines à 
rebords, un ardillon de boucle en bronze. On a découvert en 
déblayant la côte de $alnt*Pont pour la création de la route vi¬ 
cinale n° 27, un ossuaire humain très-considérable, de date cer¬ 
tainement plus ancienne que la bataille de Cognât (1568). Le 
mélange des squelettes des deux sexes et la proximité de l'église 
qui date du X e siècle feraient songer à un ancien cimetière ; mais 
l'absence de squelettes d'enfants éloigne cette idée, et la pré¬ 
sence d'unc # médaille d’Hadrien ajoute un nouvel embarras à une 
solution satisfaisante. Aucun souvenir historique ne rappelle une 
balaillç en ce lieu, et l'état des ossements trouvés dans la marne 
ne permet pas de préciser à quelle époque ils ont été enfouis. 
Doit-on croire à un combat de l’époque celtique, les mœurs 
du temps permettaient alors aux femmes de suivre les armées. 
Est-ce un massacre où les enfants ont été épargnés ? 


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68 


ARE 


Nos monuments les plus communs sont les églises qui appartien¬ 
nent aux X e et XI e siècles. Elles sont toutes ornées d'une abside à 
trois chapelles rondes et décorées de peintures, celle d’Escurolles 
est ornée de figures de saints très-caractérisées ; celle de Saint- 
Pont a été peinte à plusieurs reprises, et l’on trouve superposées 
des fresques du XVIII e , XVI e , XIV e , XI e et X e siècles. 

Archiner, rechigner ; look gruff, A.; rechifiar, E.; 
far il viso arcigno, digrinare, Lt. 

Skrifla, grincer des dents ; grignous, querelleur ; 
rechin, de mauvaise humeur, nom donné à Foulques 
d’Anjou ; recigna, rechigner, B. 

Arcis, nom de lieu ; arciz, brûlé, du v. R.; ardece, 
arsus, Lat.; arceiz, bois brûlé, R. Un vieux souvenir 
rappelle que le bois des Arcis a été brûlé, et dans le 
même tènement une partie seule porte ce nom, le 
reste se nomme les Tillaies; mais on trouve dans ce 
bois d’anciennes fouilles de terre à potier ; son nom 
pourrait venir d’arcil, terre grasse, B. (J’ai cherché 
vainement des traces de fours). 

Ardillon, nom de lieu ; ardillier, lieu plein de buis¬ 
sons (D. J. F .); ardillaria, m. s. (Bénédictins, contin. 
de Ducange); erditzallea, fécondité, Ba. le territoire 
est très-fertile ; ard, qui arrête, 1 er s. Celt. 

Arduèse, ardoise, finale romane, le changement 
d’oise en uese est de règle en patois. 

Bullet le dérive d’ar, pierre -t-oes, qui couvre. 

Are, réduplicafif, B. Ba. Gaul. Celt. 

Arebaùture, arebauturer, v., conservation des 
fruits dans un meuble, en attendre la complète matu¬ 
rité, are + bout, voûte, B.; banc, caverne (bauge), 
G.; bauca, vase, A. M. 


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ARE 


89 


Areblandî, v., luire; areblandou, lueur de l’aurore, 
du crépuscule ; reblandir (Roq.), dans un autre sens. 

Blank, A. Allem. Flam. ; blanco, Ec.; bianco, It.; blan, 
blanc, beau, pur, net, G. Irl. Ec.\blaen, G , indique la 
fin, le commencement. 

Arecanâ, cri de l’âne, rires immodérés ; ou fadjié- 
ront de les arecanâs enrageâs ; risada, E-.; richain, mugis¬ 
sement, rechana, crier comme une poule, B.; rechain, 
faire grand bruit, G.; are 4- can, chant, B. 

Arecoler, mettre des brides aux sabots. Les re- 
coles en rétrécissent l’ouverture, col, cou, bord, cou¬ 
verture, G. B. 

Arecô, corruption de recors, record, B. 

Arecote, arecoter, récolte, récolter ; harvesl, A.; 
cosecha de frutos, E.; raccolta, It.; accolta, v. It. 

Ar, terre -t- col, ce qui couvre, Celt. Ce sens est 
conservé en anglais ; or + vest , Celt. couvrir, vêtir 
(vêtement), la terre. 

Aredôbler, redoubler, redouble, A.; redoblar, E.; 
raddoppiare, It.; doblare, A. M.; erredoblea, dobla, Ba.; 
dwbl, G. 

AredrecIe, v., redresser; redress, A.; enderezar, E.; 
raddrizzare, It.; dressiff, dresser, dred, dret, droit, B. 

Arefëndaos, branches qu’on attache à l’araire et 
qui font l’office du rabot de raies ; hender, E.; fcndere, 
It., fendre, lient, sentier, chemin, fenn, penn, tête, B. 

Arefouaïre, recommencer, faire, vigilance, Irl. 
(Voy. fouaïre.) 

Arefréchî, v., reflect, A.; reflexionar, E.; riftettere, 
It. 


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TO 


ARE 


AREïRÉDi, v., refroidir ; refresh, A.; resfriar, E.; 
raffredore, II.; frescbus, frais, A.M.; refresqmin, B. 

Aregardant, parcimonieux, ladre; gward, gardien, 
gardien, A. 6. B. 

Aregarder (Duc.), regarder, voir, être prudent en 
affaires ; gmrdare, Et. 

AregaùiI, v., sécher, se rider, se dit des fruits ; 
ina pume aregaûtio ; gaut, bois, Celt., devenir dur 
comme du bois. 

Arelouver, relever, attacher les branches de la 
vigne; relieve, A. levantar, E.; relevare, It. 

Leva, m. s.; levezon, relevage, B. 

AremArcie, v., remercier ; ar, vis-à-vis, G. Corn.; 
Ec, irl. ■+• marc, signe, marque, G.B.; marchia, m. s. 
A. M., donner des signes à quelqu’un. 

Aremiller, prendre du pis. Les vaches aremillont 
quand ou voulont vêler. Rhummen, pis, G. (Voy. remate). 

Arenoncîe, renoncer, reconnaître une impossibi- 
lité ; renom ce,, A.; renonciar, E.; rinunziare, It. ; re- 
nonci, de ren, chose, non, B. 

Areparer, réparer, donner bon air; repair, A.; 
reparar, E. ; riparare, It. 

Para, orner, B .\pared, muraille (paroi), par, pierre, 
G.; par, beau, Celt. (parangon). 

Arepënser (s’), réfléchir. 

Puis s’appeosa en soi-meisme 

(Provost à VAvmuche ) 

Peosar, E.; ri^mare, It.; penseur, rêveur, Ba.; pen, 
tête, Celt. 


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ARE 


7i 


ArepëntI (s’), se repentir ; râpent, A.; arrepeutir, E.; 
repentire, It.; peneti, G.; pentali, lieu de pénitence. B.; 
pena, peine, châtiment* Ba. 

Areplantaô, areplanter, géomètre; arpenter, ar, 
terre, Celt .-\-planc, long. G.; table, Irl plancha, terre 
en plaine, donnent le sens de plan. 

Peinta, peindre. B.; pintaria, peintre, Ba.; pinlea- 
ladh, peindre, Irl. arrivent au m. s. 

Arep est justifié par arepennis, gaulois, conservé 
par Columelle, qui était l’unité de mesure pour les 
terres, il est certainement la source d 'arpent. Bullel 
le décompose ainsi : ara, labouré, pen, un, neis, jour 
(ce dernier donnerait la finale de journée); arpmnis, 
arpentum, À. Ml 

àrequiAuler, reculer; recoil. A.; recular, E,; re- 
guiauva, Au\.-,quiou, cul, patois. 

Arghila, erguila, gila, B.; cul, cul. Irl.; arrière, B. 

Aretôrser, retordre ; rétorsion, s. A.; retorser, E.; 
retorche, Auv.; retorsus, Lat. 

Torsed, natte. G.; tort, tordu ; tortrezet, tortillé, B. 

Arevënjiu, revenu, part.; arevëndjius, subst., sans 
sing.; revenue, A.; renta, E.; rendita. II.; revandejius, 
A. M. 

Arevëngîe (s’), revengier (Sentier battu), lutter de 
force ou d’adresse, faire mieux qu’un autre. Jehan 
courtaillet zaut ses aubarelles : ma Léson s’arevëngiet bien 
sus bs sienns. 

Revenge, A.; vengar, E.; arevantza, Auv. 

Cyrwarsergi,, dompter, G.; vengi, venger: revanch, 
revanche, B. 


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72 


AUI 


Arevirer, revirer, R., se retourner, revenir, retum, 
A.;giro, revirement, E.; girare, voltare, It. 

Vira, tourner, retourner, B, Auv.; virare, A. M.; 
vir, courbe, Irl. 

Arfiat, m.; avis, manière de voir ; amoun arfiat te 
deyiâs ho fouaire : à mon avis tu devrais faire cela. 

Arfaeth, dessein, G.; faicitn, voir, Irl; arfegad, médi¬ 
tation; arfîs, ad/idem, Gadal. (Monin). 

Argënt, argent, monnaie, sant argënt (injure) ; 
argent et silver, A.; argento, It.; ardzënt, Auv. 

Arc’hand, B.; ariant, G.; argan, de gand, blanc, 
Celt. 

Arohile, arghilous, (gh. dur), argile, glaise, argi¬ 
leux ; arcilla, arcilloso, E.; argilla, — oso, It.; ardzave, 
Auv. 

Arbela, Ba.; arcil, B.; or, terre, Celt. + bill, gill, 
gras, mouillé, G: 

Glaise vient du gaulois gliso, cons. par Pline dans 
gliso marga, marne brillante, glissante. 

ArgI, v., agir, se remuer, quand n’ën a les mans 
gobes, (l’onglée) n’ënpot pus argî. 

Agitate, agiter. A.; agitai', m. s., E.; agire, agere, 
It.; Lat.; adgë, Auv. 

Deirgke, se lever, Irl.; evgyd, jeter, G.; ergy, rac., 
Gall.; marque l’action (ipr>v). 

Ariau, areau (D. J. F.) (Voy. araire.) 

ArIgnA, araignée ; arafia, E.; raguo, ragnotello, It,; 
ragnade, Auv.; aranea, Lat. 

Armiarma, Ba.; raig, bras; ran, ouvert, Irl.; raignet, 


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ARO 73 

maigre, B.; aran, (irm, toile, Celt., racine pour 
Bullet. 

Arigner, exciter (Segretain Moine), arigner hs cheins 
(Voy. rîgner) serrer les dents ; atahinein, agacer, B. 

Arlay, nom propre. Les Arlay sont sorciers de 
père en fils. 

Hariolus, devin (Phèdre). Gomme les sorciers 
avaient autrefois une posilion exceptionnelle, il est 
possible que ce sobriquet soit.devenu un nom; 
arlot, fripon (D. J. F.) 

Arméie, armée, Auv.; army, A.; armada, flotte, E.; 
armata, It. A. M.; armait, Irl. 

Arm, B.; arma, Ba.; arme.conlract. d’aram, airain, 
B. (Bullet.) 

Armes, f. pi. ; larmes, les armes l’y pissont pa los 
uaies-, arm, rivière, courant, Celt. 

Armoère, f. (Roq.), armoire (Voy. ormoère ); armario, 
E arnuméro, Auv.; armoire, Ec., Irl.; armell. B.; al- 
mari. G.; armarium, A. M.; armariolum (donation de 
Bozon, 887); armatrium (1458.) 

Arnaud, n. pr., débauché (Roq.) 

Aronze, aronzîe, ronze, honzie, ronce, zarza, E.; 
arroncigliare, accrocher (Dante); ronzo, Auv.; aranza, 
épine, Ba. 

Ar, piquer, Celt. ranc, Irl.; rank, B., rangée, file, 
suite ; rangée d’épines. 

On ne peut détruire les ronces qu’en les arrachant le lende¬ 
main de N. D. d'aoùt. 

Aroùche, roüche, roseau, iris des marais, rush, 

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refit, iris, A.; iris, càha, E. ; iri^e, canna . lt-; raous, 
roseau. B.; rails, m.s., Gothique; rausea, m.s., A. M. 

Arqûcukr, jeter, lancer; arrocker, jeter des pierres 
(Roq.); arQCGhiare, m. s. H. 

Roc, G.; roc’h, R.; rocha, Ba., A. M.; rpcher, pierre. 

Arpan, empan, arpaina, bout. Ba.; empan, G., lon- 
gqeurde la main. 

Arpilleh, battre, piller ; pillage, A.; pillar, G. 

Arpilloa, 2s. Ba.; pilha, butin, B., A. M.; pill, abon¬ 
dant, G.; pilo, monceau, Ba. (pile). 

Arraser (s’), rentrer quand on a froid, se coucher 
à terre, se faire petit. 

Rag, petit, Celt.; raith, habitation, Irl. 

Arrejoïr (s'), se réjouir; rejaice, A.; alegrar, E.; 
raüegrare, lt.; joy, joie, A.; gioia, It.; joe, in. s. B. 

Arremier (s’), changer de logement, de domaine, 
déménager ; los métanies liaz arrëmiont pa la St- 
Martiù ; remove, déménager, A.; mudanza de casa, dé¬ 
ménagement, E.; muovere, se remuer, lt.; muciare, 
s’en aller (Dante). 

Remuein, bouger. B.; mudiad, déménagement ; sgm 
mudiad, transport ; ailinudo, revenir chez soi ; mud, 
transport, sortie, changement d’habitation, G.: (rajue, 
mutation.) 

Arrénger, arranger, s’arranger; rank, ranc, 
rang, rang, ordre, B. 

Ari^ez, (Roq.) et au rez, près, chpz; ar.rqis (D. J.F.); 
raith, habitation, Irl.; aré, devant, Gallois. 

Arrie, arrière, en arrière ; arrîe dofic, çhevqif ! 


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Puis sont arriés ropairics 

(Segr . Moine.) 

Li un dil liô ! l'aulrc hari ! 

(Guilloi de Paris .} 

Doits maies en arrie\ il y a deux mois. 

... Je vous aimé 

Ça en arrière de bon cueur. 

{Citât. de Vergi.) 

Arriere-ban, A.; alras, E.; indietro, It. 

Ar, lent, arrêter, arhos, arrêter, G.; ari, bride de 
cheval, Irl. 

Arrousaô, arroùseh, arrosoir, arroser ; regadera, 
regar, E.; irrigare, II. Lat. 

Ar. terre + rhôs, rosée, üelt. 

Arsei (Duc.), hier soir ; arsoir, (D. J. F.); yeslerday. 
hier. A..; jerisera, It.; eirseiro, Auv. 

Arsaidh, arsaigh, vieux, ancien, Irl. 

Arc en a (Duc.) arsenal, arsenal, A.; arsenale, It.; 
arzena (Dante.) 

Arsandil, lieu où l'on cache les instrumcnls agri¬ 
coles ; arsanal, arsenal, B.;‘ arsina, meuble, A. M.; 
arc'h, coffré, ù. ff.; areas, Gftiurf. 

Artaii. (Ro<{.); artiaus, pl.. orteil ; toe. A.; artigli , 
griffes, serres, IL; artieii, Auv.; arlejo, E. 

Art, membre, (art'ùs) frï. 4- (ail, couper, diviser, 
B., membre divisé. 

Artë, ahtùÊso.n, mile, arleiron, Auv. 

Harloas, vermine, B.; artca, brebis, Ba. -h tousa, 
tondre, B.; (ftft Cûtipé la Itfme. 

Artilla (Boq.), fourni ; artillaue, outillage, ma* 


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76 


ASS 


tériel agricole; artil, bien habillé. B.; hardi, décent 
(hardes), G. art Maria, meubles, ustensiles, A. M. 

As (Ste-Léocade ), aux, s’emploie de préférence à 
à los devant les voyelles ; à los bœus, âs hoummes. 

As, bref» term. des plur. masc. ; âs, long, fin. des 
pl. fém. parait être un accusatif masc. pjur., gaulois, 
Centronas (Léon Rénier); Lingonas. (Inscrip. d’Alise.) 

Asalënger, de chalenge , R., discussion, débat; 
marché à l’année avec un maréchal. (Voy. salënge.) 

Ascoûter, R., entendre, comprendre ; ie vsascoute 
bien ; escuchar, E.; ascoltare, 1t. (ausculter.) 

Aspi, serpent légendaire, produit de l’oeufdu coq, 
son représentant est l’innocent orvet qui est fort re¬ 
douté. 

Slanderer, A.; aspid, E.; aspide, 1t.; dzaspî, Auv. 

Spi, B.; spia, A. M., qui guette; asbida, gosier, 
gorge’ Ba.; as, petit, Celt.; as, force, A. Gl. -4- pik, 
pointe, dard, B. 

Assabler (Roq.), ensabler; sand, sable, A.; encallar, 
E.; incagliare, It.; sobla, Auv.; sabla, Ba.; sabl, sable, 
B. 

Assassin et assassinemënt (ce dernier Roq.), assas¬ 
sinat ; quo que los barras prendjiéront eyie fouait ein 
assassin ; assassination, À.; asesimto, E.; assassinamcnlo 
It.; assachëno, Auv. ; assasina, v. B. 

Asskurer, affirmer, assurer (Duc.); assure, A.; ase- 
gurar, E.; assicurare, It.; achûra, Auv.; assuri, B. sûr, 
certain, G. B. 

Assinàtion, assiner, assignation, assigner ; assign, 


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ass 77 

A.; asiftacion, E.; assegnazione, It.; aeheïina, Auv.; asse- 
natio, A. M.; aczina, v. B. 

AssiRE (Cortebarbe) et assistbe, s’asseoir, iflapér. 
sisez et setiez-mus ; seet. A.; ascntar, E.; sedere, It. L.; 
sëta, Auv.; gorseddfu, siège. G,; aseza, assedaf, B,; 
chouk, vannes, erstedd, s’asseoir, G.; svce être assis, 
(lame d’argent de Poitiers.) 

Assite, v. assiette ; assise, part. pass. f. d’assîre. as- 
siento, E.; acheta, Auv. 

Assidela, table près de laquelle ou s’assied, A. M.; 
assiet, assiette ; aseein, s’asseoir, B.; traensiwr, couper 
dessus, G. 

Un paysan invité i'i se mettre à table, laisse un morceau sur son 
assiette quand il est satisfait de ce qu’on lui a donné. 

Assouàgie, soulager (Jean Bodel); ease, A.; aliviar 
E.; sollevare, It.; sùladza, Auv.; aisiughad, soulage¬ 
ment, Irl. 

Assoudre, absoudre asoudre\ (Roq.) irrég-k\ as- 
souse, assousios, assousis, abonderai, etc. 

Il fut terme • 

De lui assaurc, si l'assaut. 

(Chcvalvr au Bariml) 

Absolve, A.; absolver , E.; assoloere, It.; sold-soud', 
solde, B. 

Assoumer, assommer (Roq.); assuma, Auv.; swm, 
tète, G. 

Assoumoer, assommoir, term. R. 

Assouper, broncher ; acsoupa, v. vouez, chute B.; 
étourdir, sopir (Coll, Barbaz.) 

Attain, étai, attaing, atagne (D. J. F.); c’est notre 


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78 ATI 

pronon.; slay, A.; eslay, E.; tiÿnum (Horace). 


Suffixa tigillo janua. 

(Catulle). 

Atteg, appui, G.; elew, bûche, pieu, B. 

Atant, alors (Garin); then, A.; enfonces, E.; tantim, 
bat. 

Atapir, se cacher (tes trois meschines) (Voy. tetper.) 

Topp, bouchon. G.; tapaze, couvrir, Ba. 

Atarzer, retarder; ATARGER(Roq.); slay, A.; tardai\ 
E.; tardare, 1t.; ard, ce qui arrête, Celt. t. indiff. 
(Bullet.) 

Atenresi, attendrir au physique, tenerescere. (Lu¬ 
crèce.) 

ATENRi, v., ni. s. (Gbss. Barhaz) ; tmderness ; ten¬ 
dresse, A.; internecer, E.; intenerire, It.: teneraat, v. 
tmer, adj. B.; tyncr, tendre, G. 

àtiser, allumer et non attiser le feu; stir, A.; 
alizar, E.; atlizare, Ft. 

Astel, éclat de bois; astizen, B.; liso, tisonus, tison, 
A. M. — exciter. 

Quar mon père aime convoitise 
Qui trop le semont et atisc. 

- [Vair Palefroi.) 

Ainsi se vont aatisant 

La gent Karesme et la Chômage. 

(Bat. de Karesme ) 

Alraer, E.; aizzare, IL; attizare. (Arioste.) 

Alisa, exciter, B.: asti, flageller, Ba.; ai, itératif, 
Gclt. Irl: -I- lis, allure, B.: tes, chaleur, G. 


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awj 79 

Atôrneh, K., parer, faire toilette ; attire, A.; ataoiar, 
E.; adornflie, 1t. Lat. A. M.; tor, tunique, G. 

Attaluère, f., atteloire, fiche de fer qui joint le 
timon au joug et prend obliquement la courdille afin 
de po.uvoir tirer ea avant et en arrière. 

Attaccgre, atteler, attacher, It.; tavaduero, Auv.; 
Attal, ce qui retient, G.; estor, atteloire, A. M.; estu, 
je lie, Ba.; tuf, front, G. B. Corn. 

Attasseb, entasser ; attassare ; tassium, tassia, tas, 
A. M.; ; tas, B.; das, G. m. s.; tuas, haut, élevé, Irl. 

Atte, f., acte authentique, grosse, expédition ; act, 
A-; acto, auto, E.; alto, It. Auv.; atter, affirmer. G.; 
d’at, marque de consentement, d’affirmation. 

Attialasb, attelage, cheptel ; attialer, atteler, 
appareiller, dresser ; tiaia, Auv. 

At, près, G.; al, nœud, Irl. -+■ (al, front, G. (Voy. 
attuluère.) 

Attraits, matériel de ferme (Coût, de Bretagne ), 
tout ce qui a rapport à la traction. 

Attracl, attirer. A.; tiro, trago, trato, E.; attrezzi, 
agrès, tratto, trait, It.; attileum, équipage, A. M.; attil, 
ajusté, G.; traez, chose, B. 

Aubarelle, f. peuplier: alamo, E. alberetto, albe- 
rella. tremble, It.; alba, peuplier, saule, Ba. 

Aubarger, placer haut, percher; kela jasse aaubar- 
gea son nid ; abend, lieu élevé, G., berg, montagne, 
lieu élevé, Gaulois. 

A<j.B 4 puu, épervier, hobereau, boberel, R. 

Sparrow-bawk, A.; esparavel, bidalguete, E. (rapport 
de hobereau et hidalgo, petit seigneur); albauella, 


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80 


AUL 


barraie, Auv.; hebog, G. Ee,; splaonr, B.: babel, éper- 
vier et flèche, G sparawari au IX e s. (Monin); obei- 
neas, précipitation, IrL; obergaut, actif, B.; ; or, mas¬ 
sacre, Irl. Corn. 

Aubigny, commune, propriété d’Aibinus ; suffixe, 
ac, ec, acum (albiniacum)selonHouzé, qui tire Augny, 
Auvigny, d’aven-ek l’aqueuse ; or b = v, le doute 
reste. La situation du lieu doit décider la question. 

Auch, m. de fuseau ; cautse. Auv.; hinkin, poncho », 
d’hinchd, conduire, ourched, fuseau, B. 

Aùche, oie ; auc, R.; goose, A.; oca, E.; aaulse, Auv. 

Auch, Celt.; aucha, A. M.; aug, rivière et prairie, 
G.; gwaz, B. 

Audevant, ie tcais à l'audevant de mon garçon, terme 
du jeu de rappiau, mettre un second enjeu. 

Aügait-aite, bien disposé ; augan, vigoureux, Irl. 

Aulachon, alluchon de moulin ; aulaeum, couronne, 
A. M. 

Aulage, Aui.agie, alise, alisier. (Voy. allège.) 

Aul, feu, G. de Mona+ agaa, bâton, bois, Ba.; 
lug (lucus), bois, Celt.; bois rouge, bois de feu. 

Aulane, aülanie, noisette, noisetier; aulanie, R.; 
hazel nut, h. tree, A.; avellam-ano, E. II.; nocciula, 
lt.;eulaneï, Auv.; les Italiens le nomment -aveUa, le 
croyant originaire d’Abellino, (d’où aveline.) 

Aulaeum, ci-dess.; au, superl. Celt. -+• llan, plein, 
G. Irl. B.; olan, pierre, Irl. 

Eulach, ormeau pour G. de Rostrenen ; frêne pour 
D. le Pelletier, ne se trouve pas dans Legonidec, ne 
serait-ce pas notre aulagîe ou l’aulafiîe ? 


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GROTTE DES FÉES 

DE CHATELPERROR 

Par M. RAIL.L/EAU, membre correspondant 


tue EN SÉANCE f)E LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION l>K L ALI.IKK. 


Messieurs, 

J’aurais voulu, avant de vous entretenir de la 
Grotte des fées, située commune de Châtelperron 
(Allier), que mes travaux fussent terminés et les 
cavernes vidées complètement ; mais comme lesder- 
nières recherches que j’y ai faites ne me paraissent 
pas changer en rien mes observations, je viens au¬ 
jourd’hui vous exposer, aussi brièvement que pos¬ 
sible, ce que j’ai pu apprendre sur ces immenses 
excavations, et leurs anciens habitants de l’âge de 
Pierre. 

La Grotte des fées, ou, comme l’appellent les gens 
de la contrée, la Boîte aux fées ou la Cave aux fées, 
est située sur les limites des communes de Vaumas 
et Châtelperron, sur la rive droite de la petite rivière 

tu 


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82 


GROTTE DES FÉES 


de Châtel, et tout près du chemin de fer des mines 
de houille de Bert à Dompierre. 

Elle appartient à M. Collas de Châtelperron, et je 
dois, en commençant mon récit, le remercier de la 
permission qu’il m’a donnée d’y faire de larges fouil¬ 
les, et de la gracieuse hospitalité qu’il m’a offerte 
pendant la durée de mes travaux. 

Située à environ cent mètres de distance de la ri¬ 
vière et à six ou huit mètres au-dessus de son niveau, 
la Grotte des fées s’ouvre à l’Est et au Sud-Est par 
deux larges ouvertures dans un promontoire de 
calcaire d’eau douce qui s’avance dans la vallée. 
Complètement remplies par les terres éboulées des 
parties supérieures, ces deux cavernes, lors de mes 
premières fouilles, n’offraient qu’un mince abri 
contre les intempéries, et n’étaient occupées de 
temps à autre, à l’entrée, que par les cantonniers du 
chemin de fer, ou alternativement dans leurs réduits 
les plus éloignés par de nombreuses tribus de blai¬ 
reaux, renards ou lapins.- 

Lorsqu’on construisit le chemin de fer des mines 
de Bert, on fit, pour son passage, devant ces caver¬ 
nes, une tranchée d’un mètre environ de profondeur 
sur quatre de largeur, et c’est à ce moment qu’on mit 
à jour une quantité considérable d’ossements que 
recueillit M. Poirrier, directeur des mines. Ce fut là 
le point de départ de la riche collection paléontolo- 
gique qu’il y recueillit. 

A cette époque, vers 1840 ou 45, on ne parlait pas 
encore ou du moins fort peu, des temps préhistoriques, 
des silex taillés et du séjour de l’homme dans ces ha¬ 
bitations souterraines. M. Poirrier ne s’occupa donc 


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DE CHATELPEnBON. 


83 


que d’y rechercher des ossements fossiles : il ren¬ 
contra cependant] dans ses fouilles différents objets 
en bois de renne, aiguisés, qui l’avertirent que 
l'homme avait passé par là à cette époque reculée, 
mais il ne parla pas des silex taillés qu’il rencontrait 
à chaque pas, et que j’ai trouvés dans les terres qu’il 
avait remuées (I). 

Pendant plusieurs années et jusqu'à.son départ des 
mines de Bert, il continua ses recherches, etput com¬ 
poser une des plus riches collections de toute la 
faune quaternaire contemporaine du séjour de 
l’homme à la Grotte Vies fées’(2). 

Lorsque j’arrivai à la Grotte des fées, je croyais 
aussi venir y chercher des ossements fossiles, et 
grande fut ma surprise, quand en approchant, je 
rencontrai à la surface des terrains des débris de 
silex travaillés. Je me rappelai alors l’excursion que 
firent dans ces contrées, en 1864, MM. Lartet et 
Chrysty, et j’ambitionnai dès lors l'honneur de veni r 

(1) Je figure (n° 1 clfig. 2) deux objets trouvés par M.. Poirrierà la 
Grotte des fées, et faisant partie de sa collection. Je doisà l'obli¬ 
geance de v. Lartet les deux moulages de ces instruments, et c'est 
grâce à lui que je puis les faire figurer dans les planchës. Le 
n° 1 est une pointe de flèche, le n° 2 un poinçon dont la pointe 
a été brisée. 

(2) Je pourrais citer entre autres pièces remarquables, une 
magnifique défense de mammouth, douze os des membres cl une 
partie du bassin du même animal, de très-beaux felis spœlea, 

ursus spalcus, cerf gigantesque, etc.M. Poirricr étant mort il 

y a quelques mois, j’ai le regret de vous apprendre que sa 
précieuse collection est perdue pour la France, elle vient d’étre 
vendue et va partir pour l’Amérique. 


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84 


GROTTE. DES FÉES 


en ces lieux chercher quelques Iraces du séjour de 
l’homme primitif. 

Ce fut donc un jour bien heureux pour moi, que 
celui où, aidé de M. de Bure, notre cher collègue, et 
accompagné de la famille Collas de Châtelperron,je 
pus mettre le picd&ns ces vieux débris pour leur de¬ 
mander le secret qu’ils renfermaient depuis si long¬ 
temps. 

J’ai dit plus haut que la Boîte aux fées se compo¬ 
sait de deux cavernes, où l’homme avait établi son 
séjour, il convient d’y ajouter un troisième lieu; situé 
plus au levant et tout à côté ; c’est là qu’au milieu 
des rochers qui l’entourent, j’ai retrouvé le foyer où 
l’homme des temps préhistoriques faisait rôtir les 
produits de sa chasse, taillait ses outils et préparait 
les peaux qui, transformées en vêtements, devaient 
l’abriter contre les frimas. 

Je vais donc traiter séparément chacun de ces trois 
points et dire ce que j’y ai rencontré jusqu’à ce jour. 
Mes fouilles ne sont pas achevées dans ces cavernes, 
dont l’étendue peut être immense, et mes trouvailles 
en objets travaillés ne sont pas abondantes. La raison 
en est facile à donner : je n’ai fait que glaner dans 
des lieux où d’autres avant moi ont ramassé à pleines 
mains. Le chemin de fer, dans sa construction, ayant 
enlevé les terrains situés devant les grottes, c’était là 
qu’étaient les objets les plus nombreux ; ils sont en¬ 
fouis dans un remblai situé à quelques mètres de 
distance. 

1° Caverne de gauche (sud-est). Cette caverne, par 
laquelle j’ai commencé mes fouilles, ne m’a pas 
donné de résultats satisfaisants. Placée plus au midi 



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DE CHATELPERRON. 


83 

que l’autre, offrant une source d’eau vive qui coule 
à ses pieds, elle devait être le séjour de prédilection 
de l’homme ; c’est ce qui eut lieu, aussi fut-elle oc¬ 
cupée non-seulement pendant les temps préhisto¬ 
riques, mais son intérieur a été remanié pendant 
l’époque gallo-romaine, et de nos jours encore elle 
a servi de refuge à un cantonnier du chemin de fer 
qui l’a habitée pendant plusieurs années. 

Son entrée, en partie libre, est de 2 mètres de 
large sur 3 de hauteur, puis le sol s’exhausse rapide¬ 
ment et la voûte s’abaissant, il a fallu de suite abor¬ 
der les déblais que je n’ai poussés qu’à une dizaine de 
mètres de profondeur. 

Les terres de remplissage, remuées à différentes 
époques et vidées presque complètement pendant la 
période gallo-romaine ne m’ont offert que quelques 
débris de poterie grossière, dont l’âge peut être fa¬ 
cilement déterminé en les comparant à d’autres sem¬ 
blables situés dans les terrains supérieurs du co¬ 
teau, et accompagnés de tuiles à rebord et de vases 
rouges à dessins en relief, dits vases samiens. 

Le remplissage de cette caverne s’est formé, à la 
partie inférieure, par des dépôts successifs de sables 
et de limons amenés par les inondations de la ri¬ 
vière; dans la partie supérieure, la grotte s’est rem¬ 
plie par l’écroulement de la voûte entraînant avec 
elle les terrains situés au-dessus. 

Je n’ai pas trouvé d’ossements dans celte fouille, 
si ce n’est un débri de mâchoire de bœuf ancien, 
amené dans les derniers coups de pic et situé pres- 
qu’au ras du sol ; il prouverait peut-être que cette 
caverne n’a été vidée que dans la partie antérieure. 


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86 


GROTTE DES FÉES 


J’ai reculé dans mes recherches, devaut la chute im¬ 
minente d’une nouvelle partie de la voûte, et devant 
d’immenses déblais. 

Comme particularité, il faut noter la découverte 
dans le flanc droit de cette caverne, d’un couloir de 
0 m 60 de large, sur l m 30 environ de hauteur, parais¬ 
sant agrandi de main d’homme. Déblayé dans son en¬ 
tier, il n’avait que 2 m 50 de longueur et au fond le sol 
en avait été creusé en forme de réservoir. Je n’y ai 
rien trouvé que quelques débris de vases faits au 
tour de potier, pareils à ceux cités plus haut, et une 
vertèbre cervicale de loup, relativement moderne. 

2° Grotte de droite (Est). Cette grotte, séparée 
seulement de quelques mètres de la voisine, est de 
même grandeur qu’elle, mais le sol en est peut-être 
un peu plus élevé au-dessus du niveau de la ri¬ 
vière. 

Complètement obstruée dès l’entrée par des brous¬ 
sailles et les terres éboulées de la partie supérieure 
qui s’est effondrée, elle n’a jamais été vidée aussi, 
dès le commencement des fouilles, nous avons mis 
au jour des ossements en quantité: On les trouve 
dans deux couches différentes: l’une supérieure, 
noire, est composée du terrain des champs supé¬ 
rieurs, introduit par un écroulement de la voûte de 
la caverne, elle contient des détritus de toute sorte 
amoncelés par le temps, débris de végétaux et d’a¬ 
nimaux, ou bouillie noire amenée par l’infiltration 
des eaux. Tous les ossements qu’on rencontre dans 
cette première partie sont modernes. 

L’autre couche, inférieure, composée de débris 
calcaires liés par un sédiment limoneux et rougeâtre, 


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DE CHATELPERRON. 87 

est parsemée de débris d’ossements, contemporains 
du séjour de l’homme primitif. 

Ces ossements sont, les uns entiers, les autres 
brisés, d’autres sont brisés et rongés, d’autres, enfin, 
sont brisés et ont les arêtes des fractures émoussées, 
ils ont été roulés. Ces différentes manières d’être 
peuvent nous indiquer les modes de remplissage de 
la caverne ; les causes ont été multiples et ont mis 
des siècles à se produire, je dirais presque des mil¬ 
liers d'années. 

L’homme à cette époque habitant la caverne quand 
elle était libre, y a introduit les produits de sa 
chasse; se nourrissant de la chair des animaux qu’il 
tuait, il suçait la moelle de leurs os, qu’il brisait 
pour l’en extraire, et laissait sur place les débris du 
festin, une fois sa faim assouvie, tantôt à l’état de 
fragments, tantôt à l’état entier quand l’abondance ré¬ 
gnait au logis. — L’homme n’habitait pas ces ca¬ 
vernes d’une manière continue, il dut certainement 
les abandonner à diverses époques, soit qu’il en fut 
chassé par une inondation, ou quelqu’un de ces ca¬ 
taclysmes qui devaient être plus fréquents à cette 
époque qu’aujourd’hui ; soit enfin qu’il s’en allât en 
expédition lointaine à la recherche du gibier ou des 
matériaux nécessaires à la fabrication de grossiers 
instruments (1). 

Lorsqu’il s’éloignait de sa demeure habituelle, 
elle devait sans aucun doute être occupée par les 

(1) J’ai découvert tout récemment le lieu d’où les habitants de 
la Grotte des fées liraient les silex qui leur servaient à fabriquer 
leurs outils, couteaux, pointes et flèches, etc. J'ai rencontré à 
Tilly, commune de Saligny (Allier), un affleuvemenl de silex 


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88 


GROTTE DES FÉES 


grands carnassiers, très-nombreux à cette époque, 
comme le prouve la quantité de leurs ossements 
recueillis en ces lieux. Ils venaient ramasser les dé¬ 
bris du festin et ronger les extrémités des os que 
l’homme avait dédaignés. 

Reste maintenant à expliquer la présence des os 
roulés dans la caverne, et celle du limon rougeâtre 
dans lequel ils sont ensevelis. Il faut pour cela ad¬ 
mettre l’action d’inondations répétées, ou mieux le 
voisinage d’un glacier contemporain poussant devant 
lui, à des intervalles plus ou moins éloignés, et les 
quelques, cailloux roulés de granit où de quartz 
qu’on rencontre dans les champs supérieurs de la 
grotte (restes d’une ancienne morraine) aussi bien 
qu’à l’intérieur de la caverne, et les ossements bri¬ 
sés et roulés qu’il avait engloutis dans ses crevasses, 
et que les ours d’alors avaient rongés sur ses flancs. 

L’hypothèse du glacier me rend mieux compte de 
ces phénomènes que celle des inondations ; j’aime 
mieux admettre pour cette explication une action 
lente, qui dut agir sans secousses, qu’une cause 
violente et impétueuse, parce que dans le foyer trouvé 
à côté des cavernes, rien ne me parait avoir été dé¬ 
rangé depuis le jour où l’homme l’a quitté. Les cen¬ 
dres et les charbons s’y trouvent encore mélangés à 


d’eau douce en roches, ayant môme couleur et même aspect que 
le silex trouvé dans le foyer de la Grotte des fées On rencontre 
dans les champs avoisinant cette roche, des quantités innom¬ 
brables de nucléï, restes de fabrication de ces outils ; j’y ai déjà 
recueilli plus de 200 tètes de lances ou bâches, à l’état d’ébauche ou 
à l’état parfait, c’était donc à cette époque une véritable manu¬ 
facture* 


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89' 


DE CHATELPÉRKON. 

tous les débris, et c’est à peine s’ils sont recouverts 
de quelques centimètres de terre végétale. Il faut 
donc nécessairement admettre que l’homme à cette 
époque fut le contemporain de l’époque glaciaire. 

Je me suis demandé aussi pourquoi dans la Grotte 
des fées on trouve tant d’ossements entiers, quand 
dans les autres cavernes de la France on n’en trouve 
pas ou si peu. La seule raison qu’on en puisse donner, 
est que la vallée de Chàtelperron était alors ce quelle 
est encore aujourd’hui, une contrée desplus fertiles, 
à proximité des riches pays que nous appelons la 
forte-terre (le fond du lac de l’Ailier). Les animaux 
venaient y chercher les belles prairies qui existent 
encore aujourd’hui. Le gibier abondait, la chasse 
était facile, eü’homme de ces temps-là, en vrai gour¬ 
met, choisissant les morceaux, préférait la chair des 
animaux à la moelle contenue dans leurs os, qu’il 
abandonnait souvent à l’état entier sans se donner 
la peine de l’en extraire. 

Il y a donc dans cette caverne deux natures d’osse¬ 
ments : les uns anciens, les autres modernes. Il est 
facile de les distinguer, non-seulement par l’étage 
qu’ils occupent dans le terrain de remplissage, mais 
encore par leur composition chimique, et chose cu¬ 
rieuse, ce sont les plus récemment enfouis qui sont 
les plus altérés. 

Les ossements modernes sont composés en grande 
partie d’os de lapins ou du résidu de la chasse des 
renards, ces habitants actuels de la Grotte des fées 
(os de volailles pour la plupart); les débris se ren¬ 
contrent à la partie supérieure ou dans les terriers, 
au milieu d’un limon noir et compact presque im- 


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90 


GROTTE DES FÉES 


perméable : l’eau, la chaleur et l’air extérieur agis¬ 
sant sur eux tour à tour, les ont presque totalement 
privés de gélatine. 

Les os anciens, au contraire, situés dans un terrain 
calcaire très-poreux, et parfaitement drainé, conser¬ 
vent un aspect luisant, leur couleur primitive est 
même quelquefois si bien conservée qu’on les croi¬ 
rait enfouis d’hier. Celte remarque est d’autant plus 
vraie, que dans certaines parties de la grotte où les 
infiltrations d’eau sont assez abondantes, les an¬ 
ciens débris sont beaucoup plus altérés et sont ré¬ 
duits presque à l’état de bouillie. 

La manière dont les ossements sont répartis dans 
la caverne est très-intéressante. A mesure que l’on 
pénètre dans les profondeurs des fouilles, la faune 
change d’espèces : à l’entrée de la grotte on trouve 
les animaux contemporains, puis ceux émigrés, au 
fond ou du moins à l’extrémité de mes fouilles 
(10 mètres environ), je rencontre ceux depuis long¬ 
temps disparus. 

Voici donc par ordre d’apparition dans mes re¬ 
cherches les espèces que j’ai rencontrées : 

Cheval. — Equus caballus (très-commun, dents 
mâchoires et ossements). 

Bœuf. — Bos antiquus (très-commun, dents, m⬠
choires et ossements). 

Aurochs.— Bison europœus (assez commun, dents 
mâchoires, quelques ossements). 

Cerf.— Cervus elaphus (très-rare, quelques dents, 
un fragment d’andouiller). 

Chamois.— Rupicabra curopœa (très-rare, quel¬ 
ques dents). 


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DE CHATEf.PERRON. 91 

Renne. — Cervus tarandus (très^cotnmun, bois 
de mue en quantité, dents, mâchoires, ossements). 

Chèvre, ou bouquetin.—Un fragment de mâchoire 
rongé et certainement ancien. 

Loup. — Canis lupus spoeleus (commun, dents et 
mâchoires). 

Renard. — Canis vulpes anliquus (commun, dents, 
mâchoires, ossements). 

Hyène.— Hyena spcelea (très-commun, nombreu¬ 
ses mâchoires brisées et ossements). 

Tigre ou lion. — Felis spcelea (très-rare, 2 frag¬ 
ments de mâchoires). 

Ours. —ürsus spoeleus (assez commun, mâchoires 
brisées et quelques ossements). 

Mammouth. — Eléphas primigenius ( nombreuses 
défenses, débris de grands os, fragment de mâchoire 
inférieure, deux molaires). 

Je n’ai pas encore rencontré dans la caverne le 
rhinocéros (rhinocéros tichorhinus), le compagnon 
ordinaire du mammouth, mais je l’ai rencontré 
parmi les ossements trouvés dans le foyer (plusieurs 
dents, dont deux dents de lait) ; j’en puis dire au¬ 
tant de la marmotte (une incisive). 

Enfin, j’ai encore recueilli dans la caverne plu¬ 
sieurs mâchoires de cochon de lait, une tète de blai¬ 
reau, ainsi que des dents de chat (felis catus). 
Mais, quoique ces animaux aient tous vécu à l’épo¬ 
que quaternaire, et qu’ils aient été rencontrés dans 
des cavernes d’une époque contemporaine de celle 
deChâtelperron, je ne puis en parler ici qu’avec un 
certain doute, parce que les altérations que les osse¬ 
ments ont subies dans leur composition chimique ne 


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92 G HOTTE DES FÉES 

me paraissent pas se rapporter à celles de la faune 
ancienne. 

M. Pofrrier, dans un travail lu aux Assises Scien¬ 
tifiques du Bourbonnais en 1866, dit avoir trouvé 
dans ces grottes un certain nombre de fragments du 
cerf à bois gigantesque (cervus megaceros), je n’ai 
pas été aussi heureux, je n’en ai rencontré jusqu’à 
présent aucun débris. 

Je n’ai pas trouvé non ' plus d’ossements d’oiseaux 
ou de poissons, non plus qu’aucune espèqe de co¬ 
quillages. 

Dans ces cavernes, je n’ai vu comme preuve du 
séjour de l’homme en ces lieux, que les os brisés par 
lui, et tous de la même façon, un ou deux nuctëi ou 
noyaux de silex ayant servi d’instrument pour les 
fractures; puis à l’entrée un métatarsien d’aurochs 
taillé en pointe (fig. 13) et deux osselets extraits de 
l’oreille du cheval ou duboeuf et polis, (fig. 3, 4.) 
Ils ont été portés comme amulettes ou grains de 
collier. Je crois devoir ajouter que si la moisson a été 
si pauvre, cela tient à ce que le lieu le plus riche en 
ustensiles est toujours la partie située à l’entrée et 
en dehors de la caverne, et que dans celle-ci le dé¬ 
blai du chemin de fer a tout emporté. 

La pièce la plus curieuse que j’ai retirée de cette 
fouille est une demi-mâchoire inférieure d’aurochs, 
brisée comme elles le sont toutes à la partie infé¬ 
rieure, l’homme en a sucé fortement la moelle et 
les sucs qu’elle contenait et y a laissé l’empreinte de 
ses dents. Ce jour-là, sans doute, la chasse n’avait 
pas été fructueuse et la faim se faisait sentir au 
logis. 


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DE CHATELPËRRON. 


93 


Les sillons tracés par les dents humaines sont fa* 
ciles à distinguer de ceux laissés sur les mêmes os¬ 
sements par les carnassiers. Sur la mâchoire qui 
nous occupe, le sillon tracé par la dent commence 
par une empreinte légère et aiguë, va en augmen¬ 
tant, puis se termine brusquement d’une manière 
large et carrée. Les empreintes des dents de car¬ 
nassiers, au contraire, n’offrent qu’un sillon plus 
ou moins profond, mais toujours aigu et moins large 
que dans les empreintes dont je parle ; son étendue 
est aussi ordinairement plus considérable. 

Cette mâchoire d’aurochs est une pièce des plus 
rares, c’est la seule que j’ai rencontrée présentant 
ce caractère d’une manière aussi tranchée. Elle 
prouve non-seulement la présence certaine de 
l’homme dans ces cavernes, mais elle m’explique 
pourquoi, sur les crânes humains, trouvés dans les 
sépultures de l’âge des cavernes, les dents incisives 
sont toujours plus usées que les autres. On dit pour 
expliquer cette particularité que c’était parce que 
ces peuplades mâchaient sur leurs dents incisives, 
je crois pouvoir ajouter que c’était aussi parce 
qu’elles rongeaient les os avec elles. 

•3° Foyer (plus à l’Est). J’arrive à la partie la plus 
intéressante de mon travail, quoique je n’ai fait que 
glaner en cet endroit, dans les fouilles queM. Poirrier 
y avait fait exécuter antérieurement ; c’est encore là 
que j’ai recueilli les objets les plus nombreux et les 
plus précieux. 

Situé comme je l’ai dit, à droite des cavernes età 
un niveau supérieur, cet emplacement, entouré de 
rochers, était parfaitement choisi, en ce qu’il était 


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94 


GROTTE DES FÉES 


protégé des vents du nord par le coteau qui s’élève 
derrière lui ; dominant les grottes, il était admirable¬ 
ment placé pour découvrir ce qui se passait au loin 
dans la vallée et devait servir de poste avancé pour 
veiller sur l’ennemi. 

Pendant longtemps l’homme y a établi son séjour, 
c’est là qu’il préparait ses repas, ainsi que l’attes¬ 
tent les cendres, les charbons, et les débris d’osse¬ 
ments rongés, qu’on y trouve accumulés sur une 
épaisseur de plus d’un mètre. Plusieurs occupations 
successives ont dû se faire dans cet espace de six 
mètres de long sur quatre de large ; on rencontre eu 
ell'et, à différentes profondeurs, en fouillant le sol, 
des plaques de schiste juxtaposées qui ont servi à 
l’édification des foyers. C’est en remuant ces cendres 
et ces débris que j’ai recueilli, outre les instruments 
de silex qui les avaient tués, les vestiges de tous les 
animaux dont l’homme a fait sa nourriture pendant 
cette époque si longue et si reculée. 

J’y ai rencontré toute la faune trouvée dans les 
cavernes, entre autres plusieurs défenses de mam¬ 
mouth, dont l’une assez bien conservée avait plus 
de deux mètres de long, sur 0,30 centimètres de dia¬ 
mètre à sa base, brisée à sa racine, je n’en ai pu 
extraire que l m 50 environ. Nous l’avons offerte au 
musée impérial de Saint-Germain-en-Laye. C’est 
aussi parmi ces débris que j’ai recueilli des quantités 
considérables de silex, éclats, nuclëi et instruments 
entiers, ainsi que plusieurs objets en os ou en ivoire 
travaillé. Ces restes, d’une industrie primitive, prou¬ 
vent qu’une fois le repas achevé, l’homme demeu¬ 
rait encore près du feu qu’il avait allumé et passait 


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DE CHATELPERBON. 95 

ses loisirs à préparer ses instruments de travail ou 
ses ornements. 

Gomme principaux objets* je citerai deux pointes 
de flèches brisées, en ivoire (fig. 6, 7), et un tronçon 
d’outil de même matière (fig. 8), sur lequel on voit 
d’une manière très-manifeste, les entailles des éclats 
enlevés au couteau de pierre, absolument comme 
nous couperions un moineau de bois avec nos outils 
d’acier. Je noierai aussi ( fig. 9 et 10 ) deux dents* 
l’une de cerf, l’autre de renard, percées, et ayant 
servi de grains de collier ; puis, (fig. 11, 12) deux 
fragments d’un os plat d’un très-grand animal, taillés 
en forme de bâton, puis arrondis et polis. Pour la 
description de ces objets ainsi que celle des nom¬ 
breux silex ayant servi d’outils, je renvois aux 
planches et à leur description à la fin de la notice. 

Daus presque toutes les cavernes habitées par 
l’homme, on a trouvé des fragments de minerai de 
fer et de manganèse. J’en ai rencontré aussi dans 
celle de Ghâtelperron. Le fer vient des mines de la 
montagne du Puy (commune de Saint-Léon, Allier), 
le manganèse de celles des Gouttes-Pommiers (com¬ 
mune de Saligny, Allier), localités assez rapprochées 
de la Grotte des fées, six à huit kilomètres environ. 
A quels usages servaient ces minerais ? Les anciens 
habitants de nos contrées voyaient-ils déjà le parti 
qu’ils pouvaient tirer dans l’avenir de ces minéraux? 
S’en servaient-ils comme de couleur rouge et noire, 
pour se tatouer comme le font encore les peuplades 
primitives d’aujourd’hui ? Je pencherais assez vers 
la seconde opinion, s’il faut en croire quelques dé¬ 
couvertes de ce genre faites dans le Poitou. 


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96 


GHOTTK DES FÉES 


Tels, sont les résultats que m’ont donnés jusqu’à 
présent les fouilles de la Grotte des fées. Cette station 
humaine a été l’une des plus anciennement habitées, 
puisqu’on y trouve la présence de l’homme associée 
a celles d’animaux les plus anciens de la période 
quaternaire, l’ursus spœleus et le mammouth. 

Cette caverne a été pendant longtemps habitée, 
comme le prouve la succession de la faune dont 
l’homme a fait sa nourriture ; on peut même dire 
qu’on y rencontre trois époques successives: 1° ani¬ 
maux disparus du globe, ursus spœleus, mammouth, 
etc.; 2° animaux émigrés, rennes, chamois, etc.; 
3° animaux habitants encore la contrée, bœuf, 
cheval, etc. Combien de milliers d’années n’a-t-il pas 
fallu pour accomplir ces changements ! Combien de 
temps l’homme a-t-il mis pour en arriver de ces 
grossiers outils de silex aux admirables machines 
dont il se sert de nos jours ! 

Nulle part dans mes fouilles, je n’ai rencontré d’os¬ 
sements humains entiers ou brisés, si ce n’est peut- 
être une dent incisive. 11 en faut conclure que l’ha¬ 
bitant de la Grotte des fées n’était pas anthropophage; 
la raison, du reste, en est facile à comprendre : le 
pays était des plus fertiles, le gibier abondant, puis¬ 
qu’on retrouve quantitité d’os entiers dédaignés par 
l'homme. Il n’avait donc pas besoin d’user de cette 
dernière ressource, celle do dévorer son semblable. 

S’il fallait encore une preuve de la fertilité du sol 
de cette contrée, même dans des temps si éloignés, 
je dirais que les ossements des animaux que j’ai re¬ 
cueillis dans mes recherches sont d’un tiers environ 


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DE CHATELPERRON. 97 

plus gros que ceux de leurs analogues des cavernes 
du Périgord. (Communication orale deM. Lartet.) 

A cette question de la stature des animaux, vient 
aussi s’en ajouter une autre, celle de la température. 
La chaleur ou le froid ayant pu agir sur leur accrois¬ 
sement en volume, je me suis déjà demandé dans 
un autre travail, si à cette époque il faisait plus 
chaud ou plus froid qu’aujourd’hui? Je crois pouvoir 
répondre qu’il faisait plus froid, et que cette période 
touchait au moins à la période glaciaire si elle ne lui 
a pas été contemporaine. 

Les animaux d’alors pouvaient tous vivre dans les 
pays froids. Cette assertion peut paraître un peu 
hardie, si l'on fait ce rapprochement que les descen¬ 
dants de certaines espèces, le rhinocéros et l’élé¬ 
phant actuels n’habitent plus que les climats chauds. 
Mais je ferai observer qu’on a rencontré les espèces 
anciennes enfouies dans les glaces des points extrêmes 
du nord de l’Europe et qu’elles ne sont point sem- 
blablesà celles d’aujourd’hui. La nature, pour ha¬ 
biter de semblables latitudes, leur avait donné une 
ample fourrure pour les préserver du froid. 

L’espèce qui paraîtrait de prime abord la moins 
faite pour habiter les pays froids, serait celle du 
lion des cavernes (le félis spœlea). Cependant, si l’on 
en croit Hérodote, des lions de la Thcssalie attaquè¬ 
rent l’armée de Xerxès et dévorèrent ses chameaux. 
L'habitation de ces lions, suivant l’historien grec, 
était rigoureusement située entre l’Achéloüs et le 
Neslus, région froide, comparable à notre Europe 
post-glaciaire. Enfin, il existe encore aujourd’hui un 
grand, felis au nord de la Chine et sur les pentes de 

il 


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98 


GBOTTB DES FIÎES 


l’Altaï. Le docteur Falconner, si compétent surtout 
pour ces pays lointains, pense que ce pourrait bien 
être le felis spœlea de notre Europe quaternaire, 
refoulé’ daus cette région extrême par le développe¬ 
ment successif des sociétés humaines. (Extrait de 
l’homme fossile dans le Périgord, de M. Ed. Lartet.) 

Les artistes de l’époque quaternaire et des ca¬ 
vernes, se sont, du reste, chargés de nous transmettre 
l’image des animaux avec lesquels ils étaient en 
contact. On a retrouvé sur des plaques de schiste ou 
des laïhes d’ivoire, des dessins représentant entre 
autres les mammouths, qu’on reconnaît parfaitement 
à l’épaisse toison dont ils sont recouverts. Je n’ai 
pas été assez heureux pour faire semblable décou¬ 
verte à la Grotte des fées, les beaux-arts* sans doute, 
à cette époque reculée, n’avaient pas encore pénétré 
dans le pays qui fut'plus tard notre Bourbonnais. 

L’industrie y était assez grossière, le silex était de 
mauvaise qualité, la pâte peu homogène; les instru¬ 
ments sonten général assez courts et très-épais, aussi, 
quand on pouvait se procurer d’autres substances, 
jaspes ou silex de meilleure qualité, elles étaient em¬ 
ployées jusque dans leurs parties les plus ténues et 
les-outils étaient bien plus soignés dansleur façon. 

Pour ce qui est des instruments fabriqués avec de 
l’os ou de l’ivoire, je n’en puis guère parler, n’en 
ayant rencontréquequelquesdébris, un ou deuxpoin- 
çons, trois pu quatre osselets percés et brisés, dont 
deux étaient probablement des ébauches de sifflet ; 
un morceau de bois de renne appointé et une extré¬ 
mité d’outil assez curieux, de même nature, ayant 
servi de pointe de flèche. 


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DE CHATELPERRON. 


99 

Les flèches en ivoire sont extrêmement rares, je 
n’en ai guère entendu parler que par M. Lartet qui 
m’écrivait ces jours-ci qu’il en avait découvert tout 
récemment dans les grottes sépulchrales des Eyzies. 

Telles sont les observations que j’ai pu faire sur 
la Grotte des fées. Je regrette que cette notice soit 
aussi incomplète. Il aurait fallu., pour faire un travail 
parfait, pénétrer dans ces lieux avant l’exécution 
du chemin de fer des mines de Bert ; on aurait pu 
alors retrouver en place toute l’industrie des pre¬ 
miers habitants de nos contrées, faire mieux revivre 
leurs habitudes et retrouver tous -les animaux leurs 
contemporains. Je serai peut-être plus heureux dans 
de nouvelles explorations que je me propose de faire 
sous peu. On vient de me signaler d’autres cavernes 
des temps préhistoriques ; si mes recherches abou¬ 
tissent à d’heureux résultats, ou si de nouvelles fouil¬ 
les à la Grotte des fées m’apprennent des faits 
intéressants, elles feront le sujet de nouvelles com¬ 
munications. 

Note additionnelle. — Je viens de recevoir ces jours-ci une 
lettre de M. Lartet, daus laquelle il m'informe qu'il a aujourd'hui 
la preuve que le grand fe/is de l’Altaï n’est pas, comme l’avait 
pensé Falconner, le felis spœlea. « On m’a envoyé, dit-il, un mou¬ 
lage de la télé du felis de l'Altaï ; elle rentre tout à fait danele 
type du tigre , tandis que le felis spœlea est du type lion » 

Celte rectification, que je tiens à faire pour rendre hommage à 
la vérité, n'infirme en rien les autres preuves que j’ai données de 
la basse température de la France à l'époque dont nous nous 
occupons. 


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GROTTE DES FEES 


DE CHATELPERRON. 


EXPLICATON DES PLANCHES* 


1. Pointe de flèche en bois de renne, trouvée par M. Poirier 

2. Outil brisé (perçon). id. id. 

3. ( Osselets de l'oreille du cheval, polis, ayant servi de grains 

4 . { de colliers ou d’amulettes. (Caverne de droite.) 

5. Un de ces osselets, à l’état brut, avant d’étre poli. (Caverne de 

droite.) 


g / Pointes de flèches en ivoire, brisées en perforant l’animal 
< sur lequel elles furent lancées, la pointe du n° 6 es 1 
( émoussée par le choc. (Foyer.) 

8. Fragment d’ivoire sur lequel on voit les éclats enlevés au 

couteau. (Foyer ) 

9. lient canine d’un cerf, percée à la racine pour grain de collier. 


(Foyer.) 

10. Dent de renard ayant servi au même usage. (Foyer.) 

11. Fragment d’un bâton fait avec un gros os, coupé et raclé. 
(Foyer.) 

12. Pointe en bois de Renne. (Caverne de droite.) 

13 Métatarsien d’aurochs, brisé en forme de pointe, usage in¬ 
connu. (Trouvé dans la caverne de droite ) 

14 Fragment d’os appointé à l’extrémité. (Foyer.) 

15. Pointe façonnée en bois de renne, extrémité de flèche. (Foyer.) 

16. Hameçon en os. (Foyer.) 

17. Perçon en os appointé. (Foyer.) 


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GROTTE DES FÉES DE CHÀTELPERRON. 


101 


18 Couteau en silex. (Tous les silex viennent du foyer.) 

19. — avec racloir à l’extrémité, l’autre des extré¬ 

mités a été retaillée pour être emmanchée dans un os creux, 
préalablement scié. 

20 Couteau en jaspe jaune. 

21 Couteau en silex translucide. 

22 . \ 

23. I Couteau à couper, avec tranchant d’un côté et dos de lame 

24. I de l’autre. Types de grandeurs différentes. 

25. ) 

26. Serpette, avec talon pour l’emmancher dans un os creux. 

27. Perçon en silex. 

28. id. . 

29 Pointe en silex. 

30. ) 

3 Pointes de flèche eu silex. 

32. Racloir à bord tranchant. 

33. Racloir, type différent, bord relevé à petits coups, dit couteau 
grattoir. 

31. Racloir. 

35. Tête de lance ou hache, type dit de Saint-Acheul. 

Ce type se rencontre très-communément dans les terres la¬ 
bourées, sur nos plateaux, i’en ai recueilli 337 (octobre 68) sem¬ 
blables dans un seul champ, à Tilly (Saligny). Je n’en ai rencontré 
que deux à la Grotte des fées. 

L’instrument que je figure a été ramassé sous la voie du chemin 
de fer, pendant qu’on y exécutait des réparations. 


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DE 


LA GRÊLE 

DANS LE DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. 


RAPPORT 

SUR 

L'ENQUÊTE PROVOQUÉE PAR LA COMMISSION MÉTÉOROLOGIQUE 

PAR 

H. A. MIGOUT, professeur de physique. 


LU EN SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION DE L’ALLIER. 


La grêle est un des fléaux les plus redoutables pour 
l’agriculture ; en un instant, dit le chantre des Géor- 
giques, l’homme des champs voit périr, sans qu’il y 
puisse porter secours, les fruits d’une longue année 
de travail. Fort heureusement encore, le fléau n’est 
que local ; sans cela, nous pourrions compter les an¬ 
nées par les désastres et les famines. 

Depuis longtemps, les savants se préoccupent de 
la solution des nombreuses questions que soulève le 
problème des grêles. Ce que l’on en sait est encore 
peu de chose relativement à ce qui reste à savoir. Les 


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DE LA GRÊLE DANS LE DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. 103 

données du problème reposent encore sur un nombre 
trop restreint d’observations, faites la plupart dans 
des conditions qui les rendent peu comparables entre 
elles, à cause des différences qu’offrent les localités 
où elles ont été recueillies, au point de vue de la 
latitude, de l’altitude, de la nature et de la configu¬ 
ration du sol, de l’importance et de la direction des 
vallées, de la nature des cultures, enfin de toutes les 
causes locales qui doivent modifier et altérer plus ou 
moins profondément les éléments de ces observa¬ 
tions. Vouloir avec ces données incomplètes résoudre 
en entier le problème, ce serait vouloir essayer de 
tracer la carte d’un pays dont on ne connaîtrait que 
quelques points isolés. 

Depuis quelques années, sur tous les points delà 
France, des observateurs zélés et consciencieux ont 
offert avec empressement leur concours ; les obser¬ 
vations, primitivement restreintes, se sont accrues 
dans une proportion incalculable, et déjà quelques 
résultats ont été obtenus. Le siècle dernier a appris 
à l’homme à se garantir, lui et ses édifices, des ter¬ 
ribles effets de la foudre ; le siècle de la vapeur, du 
télégraphe et de la lumière électrique, de la photo¬ 
graphie et des mille industries que la chimie a créées, 
sera-t-il moins heureux que son devancier? Espérons 
que non et qu’une connaissance plus approfondie des 
conditions particulières de la formation des nuages 
à grêle, de la production de la grêle elle-même, per¬ 
mettra de créer le paragrèle, frère cadet du paraton¬ 
nerre. 

Quoique ce rapport ait spécialement pour but de 
mettre en relief les résultats de l’enquête provoquée 


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104 


DE LA GRÊLE 


par la commission départementale de météorologie 
de l’Ailier, et l’étude de l’influence des causes lo¬ 
cales sur le phénomène qui nous occupe, — enquête 
à laquelle un grand nombre d’observateurs ont prêté 
un précieux concours et à laquelle la Société d’agri¬ 
culture a bien voulu s’associer en contrôlant les 
principaux faits qui semblent résulter des observa¬ 
tions, — je crois qu’il ne sera pas inutile de rappeler 
les faits les plus remarquables de l’histoire de la 
grêle, pour les confirmer quelque fois par les études 
locales et les rapprocher des renseignements qui 
nous ont été adressés. 

Commençons tout d’abord par dire que ces résul¬ 
tats ne sont encore que des promesses pour l’avenir, 
un premier pas vers la solution d’une théorie si 
ardue ; nous ne pouvions espérer y arriver du pre¬ 
mier coup. Cette notice, en faisant connaître à nos 
collaborateurs et à ceux qu’intéresse cette question, 
les faits principaux recueillis par une première 
étude générale, nous permettra surtout de signaler 
les points obscurs, les faits contradictoires ou qui 
demanderaient d’être mieux précisés, de recom¬ 
mander l’étude des influences peu connues, que les 
observations n’ont pas mises en évidence ou aux¬ 
quelles on n’avait pas songé, enfin d’examiner quel¬ 
ques-uns des desiderata du problème. 

Il existe certainement deux sortes d’orages : des 
orages dus aux mouvements généraux de l’atmo¬ 
sphère et qui alors traversent une grande étendue de 
pays, suivant une bande plus ou moins large, et des 
orages locaux. L’étude générale des orages,” les 
cartes générales dressées par l’Observatoire de Paris 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE l/ALLIER. 105 

attestent suffisamment l'existence des premiers; pour 
prouver l’existence des seconds, nous n’aurons qu’à 
jeter les yeux sur la carte des orages qui ont désolé 
notre département les 22 et 23 juillet dernier, nous y 
trouvons une foule d’orages partiels, éclatant à des 
heures différentes au même point, simultanément en 
plusieurs lieux éloignés, avec des directions souvent 
différentes et quelquefois contraires. Le caractère de 
ces orages locaux est d’abord la périodicité. 

Les météorologistes admettent que la formation 
des nuages orageux est due à deux causes différentes: 
1° Là rencontre de deux vents d’inégale température 
qui amène la condensation d’une partie de la vapeur 
d’eau contenue par le plus chaud ; 2° l’ascension d’une 
colonne d’air chaud et humide. Dans les deux cas, les 
nuages emprunteraient leur électricité à l’atmos¬ 
phère qui en est chargée. Cettesecondecause explique 
suffisamment la formation des orages locaux dans les 
chaudes journées d’été où l’on ditcommunément que 
le temps est lourd, et leur périodicité ; Volta assigne 
trois causes à cette périodicité : 1° l’air, après l’orage 
est plus électrisé qu’auparavant, l’observation di¬ 
recte l’a démontré plusieurs fois ; 2° L’espace où 
régnait l’orage primitif a été refroidi; après l’orage 
on voit souvent, comme j’ai eu moi-même occasion 
de le constater pour les orages à grêle du mois de 
mai dernier, souffler un vent du nord"dans les hautes 
régions qu’occupait l’orage primitif ; 3° le sol mouillé 
par la pluie, donne sous l’influence du soleil, d’abon¬ 
dantes vapeurs; un nouvel orage se formera donc 
chaque jour jusqu’à ce que l’état normal de l’atmos¬ 
phère se soit modifié. Dans le départementde l’Ailier, 


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106 


DK LA GHÊLK 


en particulier, nous avons plus rarement l’occasion 
d’observer des orages isolés ; chaque orage offre une 
série d’orages qui se reproduisent plusieurs jours de 
suite, souvent plusieurs fois dans la même journée. 

Les nuages orageux semblent se former à des hau¬ 
teurs très-différentes ; sur nos montagnes du centre, 
le Puy-de-Dôme, le Mont-Dore, on voit souvent les 
orages au-dessous de soi, ce qui donneraitaux nuages 
une hauteur de mille mètres ; cependant on en voit 
au-dessus du Mont-Blanc, par 4,800 mètres d’altitude. 
Dans nos régions, les nuages orageux semblent géné¬ 
ralement beaucoup plus bas, et peut-être ne sont-ils 
portés aux hauteurs observées dans les Alpes que 
par la déviation du vent occasionnée par les grands 
massifs ; les hautes montagnes arrêtent quelque 
temps le vent, mais l’accumulation de l’air oblige 
celui-ci à surmonter la digue en prenant une direc¬ 
tion ascendaute. 

Il serait assez facile d’avoir, par quelques obser¬ 
vations à chaque orage, cette hauteur moyenne ; ce 
serait, lorsque le nuage orageux est au-dessus de la 
tête de l’observateur, de compter le temps qui s’é¬ 
coule entre l’apparition de l’éclair et l’audition du 
tonnerre, chaque seconde de temps correspondant à 
une hauteur de 340 mètres, de sorte que si entre 
l’éclair et le tonnerre s’écoulaient 3” par exemple, 
la hauteur serait 3 fois 340 ou 1020 mètres ; comme 
toujours on prendrait pour hauteur d’un nuage la 
moyenne de plusieurs observations ; les battements 
du cœur, les pulsations de l’artère du poignet, s’effec¬ 
tuant à intervalles parfaitement réguliers et équiva¬ 
lents à peu près à la seconde, permettraient la me- 


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DANS LK DÉPARTEMENT DE L'ALLIER. 107 

sure de ces espaces de temps assez petits ; du nombre 
de pulsations observées, on déduit facilement le 
nombre de secondes, en sachant combien le pouls 
bat de fois à la minute ; c’est en moyenne 70 fois, ce 
qui fait que dans ce cas particulier chaque pulsation 
vaut 60 secondes divisées par 70 ou f de seconde. 
Cette donnée exacte pourrait servir efficacement a 
la discussion d’autres conditions dont je parlerai plus 
tard. 

Le nuage une fois chargé d’électricité, l’orage se 
conçoit facilement, soit par déplacement d’électricité 
entre les parties d’un même nuage qui sont loin 
d’être homogènes et ne doivent pas avoir la même 
tension électrique en tous leurs points, soit entre 
les nuages voisins, soit enfin que les décharges aient 
lieu entre deux couches superposées, ce qui arrive 
quelquefois. 

Pour qu’il y ait chute de pluie ou de grêle, il faut 
que le nuage éprouve un refroidissement et parmi 
toutes les causes qui ont été proposées pour l’expli¬ 
quer, il me semble qu’il n’y en a que deux auxquelles 
on puisse l'attribuer avec quelque chance de proba¬ 
bilité, toutes les autres sont sujettes à trop d’objec¬ 
tions sérieuses; ces deux causes seraient : 1° le re¬ 
froidissement causé par la rencontre de vents 
d’inégale température ; 2° on sait que tout gaz qui 
éprouve une expansion, une dilatation produite par 
d’autres causes que la chaleur, subit un refroidisse¬ 
ment d’autant plus considérable que la dilatation est 
elle-même plus grande ; or, en vertu de la répulsion 
mutuelle des corps chargés de la même électricité, 
les molécules du nuage se repousseront, tendant à 


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108 


OC LA GRÊLE 


étendre, accroître et gonfler le nuage en contreba¬ 
lançant une partie de la pression atmosphérique. Et 
cette dernière cause de refroidissement est, à mon 
avis, la seule qui, dans l'état actuel de la question, 
explique, d’une manière satisfaisante, la recrudes¬ 
cence si manifeste de la pluie après chaque coup de 
tonnerre ; Chaque coup de tonnerre fait disparaître 
une partie de l’électricité du nuage, la cause d’ex¬ 
pansion du nuage diminuant d’intensité, la pression 
atmosphérique reprend toute sa valeur, refoule le 
nuage dont une partie de la vapeur comprimée se 
condense brusquement. 

Suivant l’importance de la cause de refroidisse¬ 
ment, on conçoit maintenant que nous aurons ou de 
la pluie ou de la grêle. Mais en fait de grêle, il faut 
bien s’entendre, et je crois que faute de bien dis¬ 
tinguer la grêle du grésil, les météorologistes ont 
enregistré bien des observations contradictoires. 
Quoique leur production soit toujours un effet du 
refroidissement des nuages, le froid seul influe sur la 
production du grésil qui, en eflet ne tombe dans nos 
climats que.pendant l’hiver, à la fin de l’automne ou 
au commencement même du printemps. Sur les 
hautes montagnes, du grésil doit pouvoir tomber en 
toute saison. La grêle ne se forme qu’au sein des 
nuages orageux. Elle tombe avant l’orage ou pendant, 
mais jamais après ; et si l’on admet la communauté 
d’origine de la grêle et du grésil, l’électricité doit 
avoir une grande part au moins à l’accroissement du 
premier noyau que le froid a pu congeler. 

Lorsque la grêle éclate, on observe souvent deux 
couches de nuages superposées, mais il s’en produit 


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DANS I.IC DKI'AHl'KMKNT DK I.'AI.LIF.R. 109 

aussi dans des nuages ne formant qu’une couche, 
comme dans les nuages produits par l’ascension des 
vapeurs. M. Lecoq, le 28 juillet 1835, sur le Puy-de- 
Dôme, a pu voir la grêle tomber des nuages inférieurs, 
les grêlons s’é chappaient par dessous et par dessus 
le nuage comme s’ils obéissaient à une répulsion ; 
j’ai vu moi-même des grêlons tomber comme s’ils 
étaient lancés en sens inverse du vent ; le nuage d’où 
ils partaient avait ses bords dentelés jet animés 
d’un mouvement tourbillonnant particulier, qui sem¬ 
blait n’appartenir qu’au bord antérieur. Le même 
jour, étant sur le Puy-des-Goules, le même savant fut 
enveloppé par un nuage à grêle, dans lequel les 
grêlons gros comme des noisettes et animés d’une 
grande vitesse horizontale, ne tombèrent qu’à une 
demi-lieue plus loin. 

Si la formation du premier noyau congelé, que 
l’étude de la constitution des grêlons nous montre 
semblable à un globule de la neige, s’explique assez 
bien, les savants sont loin d’être d’accord sur les 
causes de son accroissement; et, en effet, on en a 
vu atteindre malheureusement la grosseur d’un œuf 
de poule, le poids de 500 grammes, on dit même de 
2 kilogrammes. Ce qu’il y a de certain, c’est que 
comme ils sont formés au centre d’un nuage neigeux, 
opaque, et de couches transparentes, ou de couches 
alternativement transparentes et opaques, la vapeur 
d’eau se dépose tantôt à l’état liquide pour se con¬ 
geler après, tantôt se congèle en se déposant, comme 
dans la gelée blanche ; mais la difficulté consiste à 
expliquer comment ils restent suspendus en l’air 
dans le nuage, assez longtemps pour atteindre le 


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110 


DE LA GRÊLE 


volume et le poids que nous leur connaissons. La 
cause doit en être tout entière à l’électricité. La 
théorie de Volta disant que les grêlons oscillent, font 
la navette entre les deux couches de nuages élec¬ 
trisés en sens contraire, est contredite par l’obser¬ 
vation directe de M. Lecoq et par les objections trop 
sérieuses auxquelles elle donne prise. D’après M. Da- 
guin, les grains de grésil, déjà très-froids, sont animés 
de mouvements tumultueux dus à trois causes : 
1° les tourbillons d’air résultant de la rencontre de 
vents opposés ; 2° les différences de température et 
d’état électrique des diverses parties du nuage ; 
3? enfin, la présence d’une seconde couche de nuages 
supérieurs au nuage à grêle, peut, par l’attraction 
électrique qu’ils exercent, aiderà soutenir les grêlons 
en l’air pendant quelque temps, et l’on conçoit aussi 
que les décharges électriques aieut pour effet d ame¬ 
ner une recrudescence dans la chute de la grêle. 

D’autres météorologistes vont jusqu’à nier la parti¬ 
cipation de l’électricité à la production du phénomène 
de la grêle ; celle-ci s’accroîtrait tout simplement dans 
sa chute, — Il y a trop d’objections à faire à cette hy¬ 
pothèse pour qu’elle paraisse suffisante à l’explication 
de la grêle; si je la rappelle, ce n’est que pour faire 
voir combien sont incertaines les causes du phéno¬ 
mène et combien tout ce que nous en disons n’est que 
probabilités plus ou moins vraisemblables. 

Quoi qu’il en soit de la valeur qu’on doit attribuer à 
cette hypothèse, il serait intéressant de connaître 
l’influence sur leur accroissement de la plus ou moins 
grande distance parcourue par les grêlons issus d’un 
même nuage; il faudrait que des observateurs placés 


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DANS LE DÉPARTEMENT OB' L’ALLIER. \\ 1 

en des points voisins, au fond de la vallée et de la 
colline qui la surplombe, recueillissent des gréions 
d’un même nuage; de ces grêlons pesés avec soin, 
puis comptés après la pesée, on déduirait le poids 
moyen du grêlon ; après un grand nombre d’obser¬ 
vations, on verrait si la moyenne des poids observés 
aux deux stations offre une différence sensible. 

J’ai hâte d’arriver à la question des influences lo¬ 
cales; ce sont celles-là surtout que nous pouvons 
espérer résoudre le plus promptement par la suite; 
ce qu’il faut pour arriver à la solution d’une question 
de la nature de celle dont nous nous occupons, ce 
sont des documents précis* des observations faites 
pendant longtemps dans le même lieu, sur lesquelles 
les causes accidentelles ou passagères n’auront plus 
d’influence quand on considère l’ensemble des résul¬ 
tats, et pouvant alors fournir des bases certaines à 
la discussion scientifique. 

Les forêts qui couvrent une partie de notre sol sont 
une de ces causes locales les plus importantes pour 
notre département. Un fait semble ressortir nettement 
des observations de nos correspondants, c’est l’in¬ 
fluence protectrice des forêts sur les contrées placées 
derrière elles par rapport au côté d’où viennent les 
orages. Ainsi, la commune deNeuilly-le-Réal, d’après 
M. Ducroquet,grêle quelquefois par le sud-ouest, très- 
rarement en plein ouest ; or, elle se trouve derrière 
le bois de Bord ; les communes de Saint-Yoir, Mercy, 
Chapeau, Montbeugny setrouventderrièrelaforêtde 
Laide et au milieu de bois, et ne grêlent presque 
jamais, les grêles y sont peu désastreuses. M. Thévenin 
signale la commune de Yernusse comme n’ayanl grêlé 


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DE I.A GRÊI.E 


ni 

que î fois en 35 ans, elle est située derrière la forêt 
de Château-Charles. M. Palay dit que Marigny grêle 
très-rarement et que quand il grêle, les grêlons sont 
petits et en petite quantité; Marigny est au milieu 
de bois. D’après M. Bonnet, Cérilly grêle peu; or, 
Cérilly se trouve derrière la grande forêt de Tronçais. 
Des renseignements fournis par M. Bourroux, il ré¬ 
sulte que dans l’arrondissement de Gannat, les loca¬ 
lités favorisées sont celles qui sont protégées par la 
forêt des Collettes. M. Chevalier nous dit que la partie 
nord de la commune d’Yzeure, du côté de Gennetines, 
située au milieu des bois, est bien jmoius sujette à la 
grêle. M. Doumet attribue la rareté des chutes de 
grêle, dans la commune de Villeneuve, à l’influence 
de la forêt de Bagnolet, qui l’abrite du côté de l’ouest. 
Dans le canton d’Escurolles , les communes citées 
par M. Guillomet, comme les moins grêlées du canton 
sont les communes d'Escurolles, Espinasse-Vozelle, 
Cognat-Lyonne,Serbannes,BrugheasetVessequisont 
justement protégées du côté de l’ouest par les bois de 
Serbannes. Saint-Aubin, d’après M. Volât, grêle rare- 
' ment et elle est protégée au sud-ouest par une partie 
de la forêt de Gros-Bois et la forêt de Dreuille. 

Enfin M. Fallard assure que Saint-Ennemond est 
assez peu frappé par la grêle, et Saint Ennemond se 
trouve abrité de l’ouest par la forêt de Mulnay, mais 
n’est pas protégé contre le sud-ouest et le sud, ce qui 
expliquerait pourquoi HT. Saladin regarde Saint-Enne- 
mont comme sujet à la grêle. 

Une exception nous est fournie par la commune de 
Bressolles, située derrière la forêt de Moladier ; cette 
commune grêle souvent, mais nous en trouverons la 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE (. ALLIER. 413 

cause plus loin. Enfin, M. Roux a observé que le centre 
de la commune de Blomard, derrière la forêt de Ch⬠
teau-Charles, est plus sujet à la grêle. 

Donc, autant qu’on peut être sûr d’un fait, celui-ci 
ressort évidemment des observations, d’autant plus 
que bon nombre de nos correspondants, en nous si¬ 
gnalant les communes qui semblent jouir d’une cer¬ 
taine immunité, n’ont pas pensé à l’attribuer à 
l’influence des bois, regardant peut-être ce fait comme 
accidentel et n’étant pas ainsi sous l’influence d’une 
idée préconçue. 

Si maintenant nous cherchons à nous rendre 
compte de cette protection des forêts sur les pays 
placés par derrière, commençons par remarquer 
qu’au moment de la végétation les extrémités des 
branches, des rameaux et surtout des feuilles forment 
comme autant de pointes fonctionnant à la façon du 
paratonnerre ordinaire, le bois vert étant bon conduc¬ 
teur de l’électricité, et alors nous pourrons donner de 
cette protection trois raisonç principales : 4° les forêts 
peuvent neutraliser l’électricité du nuage orageux, 
et comme l’électricité semble nécessaire, au moins 
à l’accroissement des grêlons, ceux-ci, même for¬ 
més, ne s’accroîtront assez pour tomber, que bien 
plus loin, lorsque le nuage aura pu se recharger; 
2° en supposant la grêle formée et prête à s’abat¬ 
tre, les forêts enlevant l’électricité du nuage, for¬ 
cent à tomber sur elles-mêmes des grêlons qui 
seraient tombés un peu plus loin et qui ne peuvent 
plus, faute d’électricité, se soutenir dans le sein du 
nuage ; 3° les forêts, en opposant un obstacle au vent 

12 


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1 


114 DE LA GRÊLE 

inférieur, peuvent déterminer les nuages orageux à 
prendre une autre direction. 

De ces trois explications, la première semble con- • 
firmée par ce fait que quand il tombe de la grêle 
derrière certaines forêts, les grêlons sont petits, à peu 
prèsinoffensifs, le manque d’électricité les a empêchés 
de s’accroître en ne leur permettant pas un long sé¬ 
jour dans le nuage. Pour examiner la valeur de la 
seconde, il nous faudrait des observations directes, 
savoir s’il arrive que quand la grêle tombe sur les 
forêts, il n’en tombe pas derrière ; mais à défaut de 
celle-ci, nous pourrons trouver une preuve à l’ap¬ 
pui de cette explication dans le fait suivant consigné 
par M. Daguin dans son Traité de physique: dans l’es¬ 
pérance de préserver les récoltes de la grêle, on avait 
garni, dans le canton de Vaud, sur la côte du lac de 
Genève, la campagne de paragrêles, grandes perches 
armées de pointes en fer, communiquant avec le sol ; 
or, l’observation ne tarda pas à faire reconnaître: que 
le foyer où se forme la grêle se déplaçant rapidement, 
quelques paragrêles n’empêchaient pas celle-ci de se 
former un peu plus loin, et que les paragrêles, dans 
certains cas, déchargeant le nuage orageux par leurs 
pointes, ont provoqué la chute des grêlons déjà for¬ 
més ; on les a donc bien vite supprimés. Il serait bon 
que l’observation directe fournit des renseignements 
précis à cet égard et vidât la question. Enfin s’il est 
certain qu’une forêt offre une résistance au vent, ça 
ne peut être qu’aux vents inférieurs, très-rapprochés 
du sol, et si l’on considère le peu d’élévation des ar¬ 
bres relativement à la hauteur des nuages, on ne sera 
pas étonné que je ne lui attribue pas, pour le moment, 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE L’aLI.IEK. H5 

en général, une grande influence; cependant, par 
des altitudes ayant déjà une certaine valeur comme 
chez nous, l’influence de cette troisième cause pourra 
se développer et croître avec l’élévation du sol- lui- 
même. On pourrait peut-être attribuer à cette in¬ 
fluence directrice la fréquence des grêles qui ravagent 
Neuvy, Moulins, Avermes, produites par des orages 
passant entre les forêts de Moladier et Bagnolet. The- 
neuille et leYilhain sont souvent atteints par le fléau, 
dit M. Bonnet ; serait-ce parce que la forêt de Tronçais 
rejette l’orage vers le sud? Encore un point noir sur 
lequel l’état actuel de nos études ne nous permet que 
des conjectures. 

Quelle est la limite de cette protection des forêts ? 
M. Doumet attribue à l’influence de la forêt de Bagno¬ 
let, l'immunité relative dont jouit le pays compris 
entre Villeneuve jusqu’à la limite du département et 
même au-delà, la forêt de Bagnolet dominant le pays 
et l’abritant du côté du sud-ouest et de l’ouest; si le 
canton tout entier de Lurcy peut être regardé comme 
peu sujet au fléau, ne serait-on pas tenté d’en cher¬ 
cher la cause dans la protection que lui donnent à 
l’ouest la grande forêt de Tronçais, au sud et au sud- 
ouest les forêts de Civrais et de Champroux ? Cette 
limite serait donc assez éloignée et la protection assez 
efficace, car dans les deux orages qui ont principa¬ 
lement ravagé le département le 23 mai et le 23 juil¬ 
let, le canton de Lurcy a eu peu à souffrir; c’estpeut- 
être un effet du hasard, mais on peut remarquer que 
presque tout le département a beaucoup souffert de 
la grêle, et que le fléau a offert un caractère frappant 
de généralité. Il est d’ailleurs probable que la limite 


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416 


DE LA GRÊLE 


de protection doit être en rapport avec- l’étendue et 
l’importance des forêts. 

Mais si les forêts protègent les localités situées der¬ 
rière elles, il y a incertitude sur les effets qu’on peut 
leur attribuer sur les contrées qui se trouvent par 
devant. 

M. Gartoux signale les parties de la commune de 
Saint-Bonnet-de-Four les plus voisines de la forêt de 
Château-Charles, et en avant, comme les plus grêlées. 
D’après M. Guillomet, les communes d’Escurolles, 
Cognat-Lyonne, Espinasse, situées en avant des bois 
de Serbannes, sont épargnées par le fléau. M. de Bo- 
nand affirme qu’à mesure que dans la forêt de Mola- 
dier on défriche la futaie Boutibaut, reculant ainsi les 
bois de sa propriété située en avant, il y grêle davan¬ 
tage. La question reste donc tout entière, d’autant 
plus que d’autres influences, encore peu connues, 
viennent probablement s’ajouter à l’influence des 
forêts. 

L’influence de la configuration du sol semble aussi 
exercer une action certaine sur la marche du fléau. 
Les orages à grêle paraissent suivre de préférence les 
vallées et frapper, ce qui est naturel, plus particu¬ 
lièrement les communes situées dans ces vallées; 
ainsi M. Désarménien mentionne comme plus souvent 
grêlées, les communes de Marcillat, Saint-Marcel, la 
Petite-Marche, Sainte-Thérence,Mazirat, Saint-Genest, 
toutes situées dans la vallée et sur les bords du Cher; 
au contraire, les communes à l’est du canton de 
Marcillat, situées sur les hauteurs par 400 mètres 
d’altitude, et n’offrant pas de vallées d’encaissement, 
sont moins sujettes à être visitées par le fléau. 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE I.’aLLIER. '117 

D’après M. Martin, la grêle sévit plus particulière- 
mentsur les communes de Treignat, Archignat, Huriel, 
Nocq et La Ghapelaude, situées le long de la Maggieure 
et de la Meuselle. 

Les communes de la vallée de la Sioule, depuis 
Jeuzat et le Mayet-d’Ecole, sont particulièrement su¬ 
jettes à la grêle. 

Si l’on consulte la carte dressée par M. de la Fosse, 
indiquant les orages signalés de 1821 à 1865, on voit 
que les nuages orageux semblent souvent entrer dans 
le département par Ebreuil et parcourir le département 
du sud, sud-ouest au nord, en suivant jusqu’à Mou¬ 
lins la vallée de la Sioule et de l’Ailier, puis incliner 
vers le nord pour aller passer sur Ghevagnes, ou en¬ 
core sans arriver jusqu’à Moulins, ils semblent quitter 
la vallée de l’Ailier vers Saint-Loup , Hauterive , 
Bessay, Toulon. « L’espace compris entre la Sioule 
* et l’Andelot forme, dit M. Ducroquet, une large 
« brèche que divise, sans la fermer, le mamelon de 
« Briailles, situé à l’est de Saint-Pourçain ; c’est par 
« cette brèche que pénètrent la plupart des orages 
« qui viennent fondre sur nous. » 

La forêt de Marce.nat est située entre la vallée de 
l’Ailier et celle de l’Andelot et cette dernière est sé¬ 
parée de la vallée de la Sioule par les bois du Vernet. 
D’après M. Choussy les orages qui fondent sur Va- 
rennes et Montaigut, partent d’entre Ebreuil et 
Gannat, ravagent Broût-Vernet, Saint-Didier, Loriges 
suivant l’ouverture de la vallée de l’Andelot, entre les 
deux forêts ci-dessus ; arrivés à Loriges, tantôt ils 
continuent leur chemin par la vallée de l’Ailier; 
« parfois, dit M. Choussy, arrivé sur la commune de 


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118 


DE LA GRÊLE 


« Loriges, le nuage chargé de grêle se dirige à l’esl 
« traverse l’Ailier de l’ouest à l’est, et, contrarié dans 
« cette nouvelle direction par les montagnes de 
« Langy, il se replie légèrement vers le nord en pas- 
« sant entre Langy et Rongère, et fond sur Mon- 
« taigut. » 

J’attribuerai comme conséquence de cette influence 
des vallées sur les orages, et à sa proximité de l’Ailier, 
la fréquence des orages qui sévissent sur la commune 
de Bressolles, et j’expliquerai ainsi l’exception que 
cette commune, située derrière la forêt de Moladier, 
fait à la protection des forêts; de deux causes agis¬ 
sant en sens contraire, c’est l’influence de la vallée 
qui l’emporte. 

Dans le canton de Dompierre, M. Desmaroux a re¬ 
marqué que les orages suivent presque toujours la 
direction des petites vallées et affluents de la Loire, 
ils fondent sur Dompierre par la vallée de la Besbre. 

Mais l’influence des vallées sur la direction des orages 
est singulièrement augmentée quand une autre action 
directrice vient s’ajouter à celle-là ; de petites vallées 
dont l’action isolée serait probablement négligeable, 
deviennent des causes d’une certaine valeur quand 
des bois situés d’un côté ou de l’autre ou des deux à 
la fois, suivent la direction de la vallée et agissent 
pour diriger les vents inférieurs comme les quais 
d’une rivière profondémentencaissée, les eaux qu’elle 
roule. 

Comme l’a observé M. Ducroquet, la commune de 
Neuilly qui grêle très-rarement en plein ouest, ce que 
j’ai attribué aux bois qui la protègent de ce côté-là, 
grêle quelquefois par le sud-ouest, par l’ouverture du 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE (/ALLIER. 419 

petit vallon de la Sonante. La commune d’Autry- 
Yssard est très-souvent ravagée par la grêle, à cause 
de la direction du sud-ouest au nord-est du vallon 
de l’Ours et de l'encaissement que produisent les 
deux forêts de Grosbois et Messarges. 

D’après M. Thévenin, la commune de Chirat-l’É- 
glise est grêlée tous les deux ou trois ans et elle se 
trouve dans la vallée de la Bouble et à l’ouest de la 
forêt des Collettes qui dirige les orages de son 
côté. 

Il semble, et cela pouvait être prévu, que la vallée 
n’a d’influencequesi déjà elle se trouve à peu près dans 
la direction générale de l’orage, sans cela l’orage tra¬ 
verse la vallée en faisant un angle avec elle, comme 
cela arrive pour la plupart des orages qui passent- 
sur Avermes, Moulins et qui nous arrivent par l’é¬ 
chappée de Neuvy, ou ceux qui passent sur Toulon, 
Bessay, et qui viennent de Châtel-de-Neuve, Monétay 
et vont se perdre par Yzeure sur Chevagnes. 

Au reste, d’autres causes influent encore sur la 
direction générale des orages, car si l’on jette un coup 
d’œil sur la carte dressée par M. de la Fosse, on voit 
que le plus grand nombre des orages qui traversent 
le département, font leur entrée chez nous par 
Ébreuil ; les uns suivent les vallées de la Sioule et de 
l’Andelot, comme je le disais tout à l’heure, arrivent 
obliquement sur la vallée de l’Ailier et au lieu de 
traverser la rivière au confluent de la Sioule et de 
l’Andelot, sont peut-être bien rejetés vers le nord par 
les massifs de bois du canton de Neuilly ; les autres 
comme l’a en outre reconnu M. de Chantemerle, sem¬ 
blent venir des montagnes d’Auvergne, traversent les 


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120 


DE LA r.RÉLE 


vallées de la Sioule, de l’Andelot et de l’Ailier, sui¬ 
vant Ébreuil, Escurolles, filent entre les forêts de 
Marcenat et de Serbannes, ravageant Saint-Rémy, 
puis passent à Saint-Germain et fondent sur les can¬ 
tons de Lapalisse, Jaligny et le Donjon. 

Cette déviation si marquée de la direction primi¬ 
tive est-elle due aux forêts de Marcenat et du Vernet? 
Toujours est-il que la commune de Périgny, placée 
entre le courant d’Ebreuil à Varennes et le courant 
d'Ébreuil -à Lapalisse, n’a pas grêlé depuis 25-ans 
d’après les renseignements de M. de Chacaton. 

Quels sont maintenant parmi les points voisins, 
d’altitude différente, que l’on peut supposer se trou¬ 
ver ordinairement ensemble au-dessous de la nuée 
orageuse, ceux où la grêle tombe de préférence ? En 
d’autres termes, grêle-t-il plus souvent sur la mon¬ 
tagne que sur la vallée ? Notre département nous 
ott're deux massifs également à peu près dirigés du 
Sud au Nord, l’un- dont l’axe passe à peu près par 
Montmarault, qui est la continuation chez nous des 
montagnes d’Auvergne, l’autre dont l'axe passe par 
Lapalisse, dont la limite extrême est le Puy-Saint- 
Léon, et qui n’est que le prolongement chez nous 
des montagnes du Forez. Dans l’un comme dans 
l’autre massif, l’altitude des collines atteint jusqu'à 
5 à 600 mètres, et les collines sont entrecoupées de 
vallées nombreuses ; c’est là où nous devons chercher 
la solution de la question. Voyons quels sont les 
résultats de l’observation. Pour ce qui concerne le 
premier massif, M. Roux nous dit tout d’abord que les 
orages, en arrivant au-dessus de Montmarault, bifur¬ 
quent le plus ordinairement sous l’influence de l’ai- 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE l’aLI.IER. 421 

titude de cette commune. Une partie est rejetée vers 
le Nord-Ouest, l’autre vers le Sud, le même fait a été 
remarqué à Saint-Priest ; d’après le même observa¬ 
teur, les crêtes paraissent être plus spécialement à 
l’abri de la grêle, et la commune de Sazeret, située 
au fond d’un entonnoir très-évasé devrait à l’influence 
des crêtes voisines de n’avoir jamais été grêlée qu’une 
fois, au dire des personnes les plus âgées de la com¬ 
mune. La commune de Saint-Priest, d’après M. Berthe- 
net, doit d’être exempte du fléau au changement de 
direction qu’éprouvent les nuages en arrivant sur la 
commune. D’un autre côté, s’il faut en croire MM. 
Ghartroux et Cartoux, dans les communes de Beaune 
et de Saint-Bonnet de Fours, les points culminants 
seraient frappés de préférence. M. Delaire nous dit 
que les communes du Theil et de Meillard, sises sur 
les plateaux, grêlent plus fréquemment que les com¬ 
munes de Rodes, St-Sornin et Chatillon, situées dans 
les vallées ; les renseignements recueillis parM. Blon- 
din lui permettent d’affirmer qu’à Noyant, la vallée 
est toujours plus maltraitée ; enfin, M. de Bônand 
assure qu’une différence de 25 à 30 m. d’altitude, 
produit un effet sensible sur des champs voisins, les 
plus bas sont les plus sujets à la grêle. De ce côté les 
renseignements sont contradictoires, ce qui doit tenir 
à des influences étrangères, qu’il faudrait pouvoir 
écarter; pour démêler l’influence due à l’altitude 
seule, il faudrait savoir quelles sont les positions re¬ 
latives des points comparés, leur situation par rap¬ 
port à la direction de l’orage, si la partie plus basse 
est placée devant le point culminant ou derrière, ou 
dans une vallée ouverte à l’orage. 

13 


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m 


DE LA GRÊLE 


Dans le second massif M. V. Meilheurat a observé 
que les communes les plus grêlées du canton du 
Donjon sont celles de Loddes, Lenax et Montaiguet, 
ces communes sont les plus accidentées ; celles de 
Moritcombroux et du Donjon sont bien plus rarement 
atteintes, si elles ne sont pas dans la plaine, elles ne 
sont pas non plus les points culminants, elles se.tro.u- 
vent sur 1§ versant oriental de la chaîne. Dans toutes 
les communes du canton de Dompierre, M. Desmaroux 
signale sans exception les plus accidentées comme 
les plus sujettes à la grêle, les parties plates comme les 
moins frappées. 

M. de Chantemerle a remarqué que les communes 
les plus maltraitées du canton de Jaligny, sont'celles 
deLiernolles, St-Léon, Trezelle, Varenne-sur-Tèche et 
Bert. Lés tarifs d’assurances contre la grêle sont uni¬ 
formes pour tout le canton excepté pour Liernolles, 
où ils sont plus élevés. Elles sont grêlées par les ora¬ 
ges qui partant d’Ebreuil traversent l’Ailier ; arrivés 
dans les cantons de Jaligny et Lapalise, ils sont arrêtés 
par la chaîne de montagnes, rejetés en partie vers 
Lapalisse, en partie vers le Nord où ils suivent la 
vallée do la Besbrejusqu’à Dompierre; ce sont ces 
derniers qui atteignent Trezelle, Varennes-sur-Têche 
et Bert en avant du massif ; St-Léon ét Liernolles 
sont plus élevés. A St-Pierre-Laval, M. Robert signale 
la partie montagneuse, inculte et boisée comme moins 
sujette à la grêle, la partie basse, bien cultivée, serait 
plus souvent frappée ; ne serait-ce pas une nouvelle 
preuve à l’appui de l’influence des bois, ou bien, tout 
simplement, remarque-t-on davantage ce qui se 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. 123 

passe dans les contrées cultivées et y est-on plus sen¬ 
sible aux chutes de grêle? 

. L’examen de la carte des orages anciens, tendrait à 
faire supposer que les orages qui suivent une vallée, 
au moins pour celles qui offrent une certaine largeur 
comme la vallée de l’Ailier ou de la Sioule, viennent 
de préférence s’abattre sur la crête voisine, car les 
communes les plus proches des vallées ci-dessus et 
qui semblent les plus frappées par le fléau sont : les 
communes d’Ebreuil à Chantelle, St-Pourçain, Saul- 
cet, Meillard, Monétay, Châtel-de-Neuvre, Bresnay, 
Besson, Chemilly. Cette direction est trop accentuée 
pour qu’on puisse l’attribuer seulement à ce que le 
le pays est couvert de vignes. Sans doute que sur les 
vignes la grêle produit un dommage plus sensible, 
parce que la récolte reste deux mois de plus sur pied, 
que c'est une récolte importante, que quand la grêle 
y a passé la récolte est à peu près perdue, ce qui n’a 
pas toujours lieu pour d’autres produits, et que Je 
bois qui doit fournir la pousse de l’année suivante est 
souvent endommagé. Pour ma part, je ne crois pas à 
l’influence de la vigne sur les orages, elle est trop 
basse et les échalas qui la soutiennent ne sont pas 
pointus dans nos pays ; seulement la grêle y cause de 
plus grands dommages et est par conséquent plus 
remarquée. Mais même cette dernière raison ne me 
parait pas suffisante pour expliquer la fréquence 
des orages signalés suivant cette direction. 

Enfin pour n’omettre aucun des faits remarquable 
ou curieux qui résultent des observations, je citerai 
le fait suivant qui ne se rapporte pour le moment à 
aucune des influences précédemment étudiées et que 


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124 


DE LA r.RÉLE 


nous ne pouvons encore chercher à expliquer: « Dans 

< la commune de Toulon, dit M. Saladin, il n’a pas 
c grêlé une seule fois de 1830 à 1848 ; depuis 1830 il 

< se passe rarement deux ans sans que ce fléau ne 
« ravage une partie de cette localité. Aucun défriche- 
c ment n'a eu lieu sur les points culmiuants, l’état 

< physique du sol a été peu modifié. Généralement' 

« maintenant, les orages se forment sur les hauteurs 
t de Châtel-de-Neuvre et, poussés par un vent du 
« Sud-ouest, parcourent Toulon, Yzeure et St-Enne- 
c mond. » 

La route suivie par les orages semble donc, et on 
le conçoit, changer avec le temps, mais dans ce cas 
particulier il faudrait savoir ce qui s’est passé, quelles 
modifications sont survenues dans laportion anté¬ 
rieure de cette route et l’ont ainsi déviée? Pour le 
moment les renseignement nous font défaut. 

Je résume en quelques mots les faits qui semblent 
ressortir de l’ensemble des observations : 

Protection certaine des forêts sur les localités qui 
se trouvent derrière elles par rapport à la direction 
de la marche de l’orage ; 

Influence certaine sur la direction des orages, non 
seulement des grandes et hautes chaînes de monta¬ 
gnes, mais aussi des chaînes dont l’altitude ne dépasse 
pas 600®. 

Déviation de ceux-ci par des points culminants de 
3 à 600 mètres d’altitude ; quelquefois par des forêts; 
' Tendance des orages à suivre les vallées ; 

Cette tendance se manifeste même pour des vallées 
de très-petite importance, lorsqu’une autre cause 


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DANS LE DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. 125 

directrice vient s’ajouter à cette première cause d’in¬ 
fluence. 

Mais si les conclusions ci-dessus naissent naturel¬ 
lement des observations, il reste encore bien des 
points à traiter, des résultats à compléter, à pré¬ 
ciser, des faits contradictoires à éclaircir : 

Grêle-t-il plutôt sur les hauteurs que dans les 
plaines voisines ? 

Quelle est l’influence des forêts sur les localités 
situées en avant ? 

Quelle est l'influence des hauteurs sur les contrées 
situées en avant ou eu arrière ? 

Quand l’orage suit une grande vallée, la grêle 
tombe-t-elle de préférence sur les collines qui la 
bordent? 

Quelleest dans nos climats la hauteur des nuages 
orageux ? 

Y y a-t-il conflit de vents contraires, et quélle est 
leur direction ? 

Y a-t-il deux couches de nuages superposées ? 

Quelles sont les relations des localités frappées 

avec tout ce qui les entoure ? 

Voilà quelques-unes des questions que soulève le 
problème des influences locales sur les grêles, sans 
compter toutes celles qu’une intelligente observa¬ 
tion des phénomènes peut suggérer ; c'est sur ces 
questions, si variables suivant les localités que l’on 
ne peut les poser d’une manière générale sur les bul¬ 
letins d’orages, que la commission attire d’une ma¬ 
nière toute particulière l’attention de ses collabo¬ 
rateurs. Le titre « observations > que portent les 


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126 DE LA GRÊLE DANS LE DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. 

bulletins est destiné à recevoir ces remarques diffé¬ 
rentes. 

Un premier pas est fait, une première enquête a 
dévoilé toutes les ressources que l’on peut atten¬ 
dre d’observations locales nombreuses, faites soi¬ 
gneusement; chaque orage pourra devenir ainsi 
l’objet d’un rapport sérieux et complet, une source 
de documents précieux, et le département de l’Ailier 
n’aura rien à envier aux départements dans lesquels 
les études météorologiques sont bien organisées de¬ 
puis longtemps. 

A. MIGOUT, 

Professeur de physique au Lycée de Moulins. 

La commission de météorologie a adopté les con¬ 
clusions du rapport ci-dessus dans sa séance du 
ICjanvier 1868. 

Le Président de la commission, 

R. DE LAFOSSE. 


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PIÈCES 


RARES OU INÉDITES 

# 

RELATIVES 

A L’HISTOIRE DU BOURBONNAIS. 


Projet dé marché couvert à Moulins, en 1778 (‘) 


Aujourd’hui, vin^t-huit raay mil sept cent soixante- 
dix-huit, rassemblée municipale tenant en la manière 
accoutumée, a été exposé que depuis la construction 
du pont, la ville ayant réuni à ses propriétés la maison 
conventuelle qui était autrefois occupée par les filles 
de la croix (1) jusqu’icy on n’avait pas pensé à y faire 
aucun genre d’établissement fixe et permanent; que 
le seul party qu’on se soit borné à en tirer a été d’y 
placer une partie des troupes qui venaient en garni¬ 
son en cette ville et de diminuer, par là, la charge des 
locations qu’en pareille circonstance elle est obligée 
de payer ; que néanmoins l’étendue du local et la dis¬ 
position des cours et des bâtiments semblant rendre 
cette même maison susceptible de quelque destina¬ 
tion plus utile au bien et à la commodité publics, il 


(*) Archivés de la ville. — Registre n° 212, folio 49, 50. 
(1) Ancien bâtiment de la manutention militaire. 


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128 


PIÈCES RARES OC INÉDITES 


convenait de se livrer enfin à un examen dont le ré¬ 
sultat fut de lui donner cette même destination : le 
devoir des officiers municipaux devant être de s’oc¬ 
cuper continuellement de tout ce qui peut convenir 
à l’avantage de leurs concitoyens qu’ils représentent 
dans l’exercice des fonctions qui leur sont confiées. 
Sur quoy : 

Ouï le procureur du Roy et la matière mise en dé¬ 
libération, les officiers municipaux ont été unanime¬ 
ment d’avis qu’il était important de destiner sous le 
bon plaisir de Mgr Ûepont, intendant de la généralité 
l’ancienne Maison des filles de la Croix, dont la com¬ 
mune est devenue propriétaire d’après la construc¬ 
tion du pont, à quelque établissement qui soit pour 
le public d’une utilité sensible et permanente ; qu’il 
n’en est aucun autre qui en présente davantage que 
celui des foires et des différents marchés dans l’en¬ 
ceinte de cette même maison où les vendeurs et les 
acheteurs se trouveraient réunis de la manière la 
plus commode, tant pour les uns que pour les autres ; 
qu’en conséquence, d’après les plans qui ont été sou¬ 
mis à l’administration par le sieur Yorle, inspecteur 
des ponts et chaussées dans la généralité, il s’agissait 
de construire de deux côtés dans la première cour, en 
détruisant la petite qui y a été nouvellement prati¬ 
quée, une haie qui sera employée à la vente du 
blé, 

Que le grand bâtiment dans sa forme actuelle, sera 
destiné savoir, le rez-de-chaussée au dépôt momen¬ 
tané des sacs de la tenue d’un marché à celle d’un 
autre et les greniers à recevoir pareillement les 
grains que chaque marchand jugera à propos d’y 
déposer. 


Que le premier étage du même bâtiment sera très- 
propre eu égard à sa division en plusieurs petites 
chambres pour placer dans chacune les marchands 
fréquentant les différentes foires établies en cette ville 
en taisant dans chacune desdites chambres les rayons 
nécessaires pour le placement de leurs marchandises 


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RELATIVES A L’HISTOIRE DU BOURBONNAIS. 129 

donnant d’ailleurs aux portes toute la solidité et 
toute la fermeture nécessaires pour que les mêmes 
marchandises puissent y être en sûreté et constituant 
d’ailleurs dans ce même endroit un concierge qui aura 
l’oeil et veillera à tout ce qui intéressera le public ou 
les intérêts de la ville. 

Que l’emplacement du jardin , en construisant le 
long des différents murs d'icelui des hangards, fai¬ 
sant paver et sabler le milieu en gros gravier, et pra¬ 
tiquant une entrée au milieu du mur qui regarde 
l’avenue du pont et la rivière, servira à la vente des 
provisions de consommation de toute espèce. 

Qu’enfin soit pour décorer, soit pour rendre plus 
abordable et plus facilement accessible la première 
cour où sera établi le marché au bled, il est intéres¬ 
sant de démolir tout le vieux bâtiment de la même 
ancienne maison des filles de la Croix donnant sur la 
place d’Allier, de demander un nouvel alignement 
à MM. les officiers du bureau des finances pour sub¬ 
stituer au lieu dudit bâtiment, suivant les plans que 
continuera de donner le sieur Vorle, tel genre de 
construction qui sera par luy indiqué plus propre à 
orner ladite place ; qu’on formera au milieu une 
entrée vaste et suffisante pour l’introduction et la 
sortie des voitures, et que, d’après ses desseins, cette 
entrée sera exécutée de manière qu’elle serve de 
monument pour perpétuer la mémoire de la bienfai¬ 
sance et de la générosité qui ont signalé l’adminis¬ 
tration de Mgr Depont et pour exprimer la recon¬ 
naissance que conserveront éternellement nos ci¬ 
toyens pour tous les projets utiles et importants 
qu’il a exécutés dans notre ville, tant pour son avan¬ 
tage et son embellissement que pour la pureté et la 
salubrité de l’air, sauf après l’exécution de tous 
lesdits projets à faire tel réglement pour la tenue 
desdites foires de Moulins et pour la perception des 
droits relatifs qui seront jugés convenables et néces¬ 
saires par le bureau de l’Hôtel-de-Ville. 

14 


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130 


PIÈCES RARES OU INÉDITES 


Fait audit bureau les jours et an que dessus. 

Signé : Bardonnet de Gondailly maire, Pinturei., 
Merlin fils 1 er , Gibout, Richet, Martinet, 
secrétaire greffier. 


Ëtabliisement des réverbères à Moulins (*) 


Aujourd’hui dix novembre mil sept cent quatre- 
vingt-trois, les officiers municipaux assemblés en la 
manière accoutumée. Monsieur le Maire a dit que la 
modicité des revenus de la ville eu égard à ses dé¬ 
penses et le défaut de fonds avait fait manquer plu¬ 
sieurs fois le projet utile et depuis longtemps désiré 
des citoïens d’établir des réverbères qui indépen¬ 
damment des agréments qu’ils procureraient, feraient 
indubitablement cesser les abus et les désordres que 
l’obscurité semble avoir favorisés jusqu’à ce jour; 

3 u’en ayant référé avecM. l’Intendant de la province, 
avait trouvé, dans ce magistrat zélé pour le bien 
public, les dispositions les plus favorables, et qu’en 
conséquence il pensait qu il serait à propos de le 
suplier de venir au secours de la ville en lui procu¬ 
rant les fonds nécessaires pour un établissement aussi 
avantageux. 

La matière mise en délibération, Nous officiers mu¬ 
nicipaux avons considéré que, depuis longtemps 
l’établissement des réverbères fait le vœu des citoïens 
de cette capitale; qu’en dernier lieu par leur requête 
du 11 avril 1782, ils ont exposé que ce projet était es- 

(*) Archives de la ville.— Registre n° 2i2, folio 15A, 155- 


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RELATIVES A L’HISTOIRE DU BOURBONNAIS. 131 

sentiel pour la sûreté publique et que les vols et cri¬ 
mes qui ont été commis dans cette ville n’auraient 
pas eu lieu si les ombres de la nuit n’avaient mis à 
couvert ceux qui s’en sont rendus coupables. Nous 
sommes d’ailleurs instruits que la pluspart des villes 
un peu considérables du Royaumejouissent des avan¬ 
tages de cet établissement, qui, outre l’utilité qu’il 
'présente, est encore un objet d’agrément et de déco¬ 
ration et que Nevers et la petite ville de fiourbon- 
Lancy qui nous avoisinent sont éclairées pendant là 
nuit. 

En conséquence, nous avons été unanimement 
d’avis de profiter de la bonne volonté de M. l’Inten¬ 
dant dont M. le Maire vient de nous faire part. Nous 
le supplions très-instamment de faire les premières 
dépenses pour cet établissement en accordant à la 
ville des termes gracieux pour que, dans des temps 
plus propices, elle puisse s’acquitter de cette dette. 
Comme la commune perçoit annuellementpour l’en¬ 
tretien des lanternes une somme de 2,000 fr. nous 
avons spécialement affecté celte rente pour l’entretien 
des réverbères qui est le véritable objet de sa desti¬ 
nation, et en cas d’insuffisance les fonds nécessaires 
seront pris sur le doublement d’octrois accordé à la 
ville pour l'acquit de 6es charges et dépenses extra¬ 
ordinaires. 

Au surplus les officiers municipaux qui sont per¬ 
suadés que M. l’Intendant désire le bien des ciloïens 
de la capitale de sa généralité sont entièrement dis¬ 
posés à suivre ses vues. Ils adopteront tous les moïens 
qu’il voudra bien leur indiquer pour qu’en donnant à 
cet établissement l’utilité et l’agrément convenables, 
il se fasse néanmoins avec toute l’économie dont il 
est susceptible. Délibéré à l’hôtel de ville les jour et 
an que dessus. 


Signé : Vernin, maire, Merle, Ripoud, Pavy. 


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132 


PIÈCES RARES 00 INÉDITES. 


Les officiers municipaux par délibération du 
1 er avril 1784, (1) approuvé par M. Terray, intendantde 
la généralité, chargent le sieur Tourtille Segrain, en¬ 
trepreneur de l’illumination de Paris de fournir à ses 
frais cent cinq lanternes pour éclairer la ville. Les 
lanternes seront hexagones, la cage sera montée en 
fer à vis et écrous, le chapiteau sera en cuivre rouge 
d'un tiers de ligne d’épaisseur ; et, dans le chapiteau 
il y aura un réverbère placé horizontalement. Chaque 
réverbère aura un réverbère de face argenté de six 
feuilles d’argent ; les lampes seront en fer blanc de 
la plus grande solidité avec leurs doubles pompes 
et doubles porte-mèches en fer. etc. 

30 lanternes à 4 becs. 

75 id. à 2 becs. 

Le tout, avec les autres fournitures chaînes, po¬ 


teaux etc., estimé. 9,448 fr. 

était réduit à. 9,000 fr. 


250 lumières, à raison de 20 fr. soit .. 5,000 fr. 

Aux termes du traité, l’éclairage n’avait lieu que 
de novembre à mars inclus. La lune faisait une partie 
du service et les réverbères devaient être éteints une 
heure après son apparition à l’horizon. 

Quand il n’y avait pas de lune (sic), on devait éclai¬ 
rer jusqu’au jour la nuit de Noël, les jeudi, dimanche 
et mardi gras. En 1844 on comptait 297 réverbères. 

1 er janvier 1844,éclairage au gaz. L’éclairage actuel 
au gaz est desservi par : 

288 lanternes jusqu’à minuit ou deux heures du 
matin, suivant la saison. 

25 toute la nuit. 

6 becs à huile. 

3Ï9 

coûtant à la ville près de 24,000 fr. 


J. AUGER. 


(V Archives de la ville. — Registre n° 212, folio, 151, 155. 


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EXTRAITS 


DES PROCÈS-VERBAUX 

DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION- 


ANNÉE 1 868. 


Séance du 3 avril. 


PRÉSIDENCE DE M. DE l’eSTOILLE. 


M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion. 

— M. Bouchard lit une courte notice sur notre re¬ 
gretté collègue M. l’abbé Boudant, extraite de VAn¬ 
nuaire de l’Institut des provinces. M. Bouchard, en nous 
donnant connaissance de cette notice, a voulu entre¬ 
tenir une fois encore notre Société de cet homme de 
bien dont la mémoire ne saurait être trop honorée. 

— M. Bougarel offre à la Société, par l’entremise 
deM. Bouchard qui nous en donne lecture, unebro- 

' 15 


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134 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 

chure qui est le procès-verbal relatant le passage à 
Moulins de la citoyenne Buonaparte allant d’Italie à 
Paris (5 nivôse an XI). 

— La Société désigne sur la proposition de M. le 
Président, M. le marquis de Montlaur pour la repré¬ 
senter au congrès des Sociétés savantes. 

— M. Vallat donne lecture d’une étude critique : 
Diannyère et sa lettre sur l’affranchissement des 
noirs à Saint-Domingue. 

— M. Esmonnot rend compte de la découverte qu’il 
vient de faire en opérant quelques fouilles néces¬ 
saires pour les travaux de restauration du palais de 
justice de Moulins; on a mis à découvert à une pro¬ 
fondeur d’environ 1 m. 50 c., sous le sol d’une des 
pièces de l'aile droite, des restes d’inhumation ac¬ 
compagnés de quelques débris d’inscription qui font 
connaître que ces inhumations remontent à une date 
antérieure à la reconstruction de l’édifice (1656) ; et 
que ces restes sont ceux des Pères Jésuites qui diri¬ 
geaient alors le collège établi dans ces bâtiments. 
Avec l’autorisation deM. le Préfet, ces ossements et 
les objets qui les accompagnent ont été mis à la dis¬ 
position de MM. les Pères directeurs du Petit Sémi¬ 
naire dTzeure qui en ont fait la demande. 

— M. Meige rend compte d’un bulletin de la Société 
des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne et 
d’une brochure intitulée : de l'épreuve galvanique ou 
bioscopie, électrique procédé pour reconnaître immé¬ 
diatement la vie et la mort. 

M. le Président fait observer à la suite de l’analyse 
de ces deux ouvrages par M. le docteur Meige, que 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 435 

les membres de notre Société devraient plus souvent 
*qu’ils ne le font, imiter M. Meige et* nous parler des 
ouvrages qui contiennent des travaux en rapport avec 
leurs études habituelles. Nos séances, si cet usage 
était généralement suivi, y gagneraient en intérêt et 
les lectures des uns et des autres profiteraient à 
tous. 


Séance du 1 mai. 

PRÉSIDENCE DE M. DE L’ESTOILLE. 

Le frère Asclépiades offre à la Société une lithogra¬ 
phie de notre collègue M. Ghampagnat représentant 
le pensionnat Saint-Gilles. 

— Deux de nos collègues, MM. Méplaiu et Taizy, 
font hommage à notre Société d'un ouvrage dont ils 
sont auteurs et qui a pour titre : Histoire d’un domaine 
du département de l’Ailier et du grand Jacquet métayer. 

Ce livre, destiné aux écoles primaires et publié sous 
le patronage de la Société d’agriculture de l’Ailier, 
dans les bulletins de laquelle il a déjà paru, a reçu de 
ceux qui l’ont lu l’accueil le plus favorable. 

— Le secrétaire-archiviste informe la Société que 
notre collègue M. Bulliot, président de la Société 
Eduenne, vient d’obtenir le prix d’Archéologie à la 
réunion des Sociétés savantes qui s’est tenue à la 
Sorbonne en avril 1868, pour son travail manuscrit 
sur les fouilles du Mont-Beuvray. 

— M. Bouchard lit la première partie d’un travail 
sur la famille de Lingendes. II s’est occupé dans cette 
première partie de Claude de Lingendes. 


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136 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 


— M. Vallat donne lecture d’une étude littéraire 
sur Barçaud, poète né à Montluçon en 1785. 

— Sont présentés : 

En qualité de membres correspondants pour la 
classe des lettres M. Bonneton, maire d’Ussel, par 
MM. de l’Estoille, Deshommes et Bernard, et M. Las- 
combe, employé aux lignes télégraphiques par 
MM. Chazaud, Bernard et Clairefond. 

Séance du 5 juin. 

PRÉSIDENCE DE M. DE L’ESTOILLE. 

M. le Président dépose sur le bureau les différents 
ouvrages envoyés à notre Société depuis notre der¬ 
nière réunion. 

Il offre au nom de M. le marquis de Mohtlaur pour 
notre bibliothèque un ouvrage de G. Bachot, bour¬ 
bonnais, conseiller et médecin du roy, qui a pour 
titre : Erreurs populaires touchant la médecine et le ré¬ 
gime de santé. 

— M. Rondeau lit un rapport sur le concours mu¬ 
sical pour le chant Bourbonnais. 

La commission dontM. Rondeau est rapporteur est 
d’avis que le prix soit attribué au concurrent dont 
la musique porte pour devise : ton nom dit franchise et 
vaillance, à Bourbonnais honneur à toi. 

Oulire ce prix, la Commission a remarque trois 
autres concurrents dont les compositions méritent 
un# attention spéciale, sans établir entre elles aucun ' 
rang de mérile et pour lesquels elle sollicite une ré¬ 
compense particulière, plus qu’une mention. 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. . 137 

La Société décide que les auteurs des partitions 
portant pour devises savoir : Nec melius valeo ; Il est 
bon d’augmenter le nombre des concurrents ; New-Orléans ; 
recevront une médaille de vermeil. 

Les plis cachetés contenant les noms des auteurs 
de ces qnatre devises sont ouverts par M. le Prési¬ 
dent et il proclame comme lauréats de la Société pour 
la musique du chant Bourbonnais, en première ligne 
M. V. Millet, chef de division à la préfecture de l’Ai¬ 
lier, qui recevra le prix, et les noms de MM. Aura- 
dou, professeur de musique à Moulins, M. Boullard, 
professeur de musique à Moulins, G. Curto, maître de 
chapelle à la Nouvelle-Orléans, qui recevront chacun 
une médaille de vermeil. 

— M. Esmonnot lit la note suivante sur une nou¬ 
velle découverte de statuettes Gallo-Romaines faite à 
St-Pourçain-sur-Besbre. 

Un nouveau point d’observation doit être ajouté à 
ceux déjà étudiés étayant fourni des documents pour 
servir à l’histoire de l’art au centre de la Gaule pen¬ 
dant la période Gallo-Romaine. 

Quelques élèves du Petit Séminaire, en excursion 
dans le canton de Dompierre, remarquèrent, épars 
sur le sol, dans une propriété dépendante du ch⬠
teau de Beauvoir, près le bourg de St-Pourçain-sur- 
Besbres, de nombreux fragments de tuiles romaines, 
de vases à reliefs à couverture rouge et de statuettes 
en terre blanche. Ils communiquèrent ces objets à 
Mgr de Conny, membre de la Société d’Émulation, 
chez lequel ils étaient en visite, qui. après examen et 


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138 . EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 

quelques renseignements pris sur les lieux, présu¬ 
mant qu’il pouvait exister sur ce point ou une villa 
importante ou des ateliers de fabrication, s’assura de 
l’autorisation- du propriétaire pour faire quelques 
fouilles, et voulut bien m’inviter à les diriger. 

L’emplacement est celui d’un ancien étang dessé¬ 
ché, traversé par un petit ruisseau dont les eaux l’a¬ 
limentaient autrefois. 

C’est près de ce ruisseau que les fouilles firent re¬ 
connaître, à la suite de quelques recherches infruc¬ 
tueuses, à l m 60 environ de profondeur, dans une cou¬ 
che de terre noire, mélangée de vase, de nombreux 
fragments de statuettes, parmi lesquels se trouvaient 
quelques pièces entières accompagnées de moules 
ayant servi à leur fabrication. 

Les sujets représentés sont à peu près les mêmes 
que ceux découverts à Toulon : le type de la Vénus 
Anadiomène est, comme partout, le plus fréquent ; 
vient ensuite celui .des Isis Latones, Déesses mè¬ 
res, etc... quelques types de Mercure, Minerve, Her¬ 
cule, Mars ; puis la nombreuse série des objets votifs 
ou des jouets, oiseaux de toute espèce, bœufs, che¬ 
vaux, singes etc... 

Plusieurs de ces objets sont remarquables soit à 
cause du sujet nouveau qu’ils représentent, soit par 
leur étal de conservation. On remarque entr’autres 
plusieurs médaillons de 12 à 14 centimètres de dia¬ 
mètre représentant en général des scènes érotiques, 
qui paraissent avoir été brisés volontairement. 

Parmi les bustes, généralement en fragments, on a 
trouvé quelques types nouveaux et notamment un 
buste de femme de 0,14 de hauteur d’une remarqua- 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 139 

ble exécution, le moule de la face postérieure d’un 
autre buste de très-grande proportion, etc. 

La disposition des objets, leur état, le lieu de leur 
enfouissement permettent différentes hypothèses. 

La présence de fragments de moules, rend proba¬ 
ble l’existence à proximité de quelques fours de po¬ 
tiers nomades : la constatation dans les environs d’un 
gisement d’argile que l’on dit avoir la propriété de 
conserver la couleur blanche à la cuisson viendrait 
confirmer cette idée. 

Ces objets ont-ils été jetésdans l’étang ou dans le 
ruisseau qui l’alimentait, et entraînés par les eaux 
et leur poids dans les parties les plus profondes, ou 
doit-on attribuer leur réunion à la destruction des 
images des Divinités païennes lors de l’établissement 
du christianisme dans cette partie des Gaules ? C’est 
ce que de nouvelles recherches feront sans doute re¬ 
connaître lors de la continuation des fouilles que l’on 
espère reprendre quand les travaux de culture le 
permettront. 

Cinquante-sept de ces objets sont offerts pour le 
musée, au nom de Mgr de Conny et de M. Esmonnol. 

— Sont présentés : 

En qualité de membres correspondants pour la 
classe des lettres, M. F. Bernard, receveur de l’en¬ 
registrement et des domaines à Chaumont-sur-Tha- 
ronne (Loir-et-Cher), par MM. G. Bernard, de l’Es- 
toille et Bouchard, et M. L. Soufficeau, licencié en 
droit et notaire à Chaumont-sur - Tharonne, par 
MM. G. Bernard, del’Estoille et Bouchard. 


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140 EXTUTS DES PROCÈS-VERBAUX. 

—MM. Bonneton et Lascombe sont admis comme 
membres correspéndants pour la classe des lettres. 

Séance du 3 juillet. 

PRÉSIDENCE DE M. DE l’eSTOILI.E. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion ; parmi eux se 
trouve un travail de notre compatriote M. le docteur 
Laussedat, intitulé : Une cure au Mont-Dore. 

M. Laussedat sollicite de notre Société le titre de 
membre correspondant. Sur l’observation de M. le 
Président queM. Laussedat est un membre fondateur 
de notre Société, il n’y a pas lieu de voter sur sa de¬ 
mande, le titre de membre correspondant lui appar¬ 
tient, comme à tout membre titulaire qui cessant 
d’habiter Moulins, veut changer ce titre en celui de 
membre correspondant. 

— Le Secrétaire-archiviste donne lecture du pas¬ 
sage suivant extrait de la Revue du Salon de 1868/ par 
M. G. Blanc, où il est fait mention des travaux de 
notre collègue M. Queyroy. 

La médaille que M. de Rochebrune a obtenue et méritée 
pour ses planches du Louvre et du Donjon de Chambord, 
qui sont gravées à grand effet, d’un ton mâle et imposant, 
mais pesant, M. Queyroy la méritait aussi pour ses monu¬ 
ments du centre de la France, dont quelques-uns sont si 
admirables, sous le rapport de la perspective aérienne et de 
l’expression des choses par le choix des travaux. 

Dans le même article, M. C. Blanc cite parmi les 
plus habiles graveurs sur bois de notre époque notre 
compatriote M. Pierdon, qui a gravé il y a quelques 
années des planches pour notre bulletin. 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX - 141 

— M. Auger lit une pièce rare et inédite relative à 
l’histoire du Bourbonnais, qui a trait au projet d’un 
marché couvert. 

— M. le Président donne lecture de l’introduction 
d’un travail envoyé à notre Société par notre collègue 
M. V. Tixier et qui a pour titre : Lexique patois du can¬ 
ton d’Escurolles comparé aux langues anciennes et modernes 
•le l’Europe occidentale. 

— M. Bailleau met sous les yeux de la Société un 
collier franck en or. Ce collier a été trouvé à’Jaligny, 
au même endroit on avait trouvé précédemment les 
restes de deux cadavres, un anneau en or et une lame 
de bronze. Ce collier a été acquis pour le musée de 
St-Germain. 

— M. Bailleau donne ensuite lecture d’un travail 
sur le résultat des fouilles entreprises par lui à la 
Grotte des fées. Dans cette grotte il a trouvé des débris 
d’os remontant aux époques les plus reculées. 

Outre ces débris d’animaux il a rencontré des spé¬ 
cimen de l’àge de pierre. Ces curieux et étonnants 
instruments de travail des temps préhistoriques sont 
présentés à la Société par M. Bailleau, ainsi que ces 
débris d’animaux dont l’existence dans notre pays se 
perd dans la nuit des temps. 

— Sont nommés membres correspondants de la 
Société, MM. F. Bernard et Soufficeau pour la classe 
des lettres, est présenté en qualité de membre cor¬ 
respondant pour la classe des sciences M. Blanchet, 
agent-voyer à Gannat, par MM. Clairefond, Chazaud 
et Bernard. 

G. BERNARD, 
Secrétaire-archiviste. 


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RAPPORT 


SUR LES 

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ 

PENDANT L’ANNÉE 4868. 


Messieurs, 

En vous présentant, il y a un an, le résumé des 
travaux de la Société d’Émulation pendant l’année 
4867, je vous faisais entrevoir, pour 4868, des espé¬ 
rances qui se sont heureusement réalisées. L’année 
qui vient de s’écouler a été bien remplie, et nous 
avons eu cette bonne fortune que la plupart des ques¬ 
tions traitées par nous se rapportent à notre pro¬ 
vince. 

Certes, vous n’avez point oublié que le premier 
devoir de chacun de nous est de faire profiter la com¬ 
pagnie tout entière du fruit de ses travaux, quelle 
qu’en soit la direction. Vous l’avez prouvé par l’ac¬ 
cueil que vous avez fait à la pièce de vers de M. Pérot, 


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RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ 143 

« Orage et agonie, » aux savantes recherches de M. le 
vicomte de Charençay sur la Flore des îles Kouriles, 
à l’étude psychologique de M. Benoid-Pons sur l’in¬ 
telligence des animaux, et au compte-rendu par M. le 
docteur Meige, de plusieurs ouvrages offerts à la So¬ 
ciété. Mais, tout en manifestant de la sorte votre in¬ 
tention de laisser aux études individuelles la liberté 
la plus entière, vous avez témoigné le désir de les 
voir s’appliquer de préférence à des objets qui nous 
touchent de plus près : domestica facta. C’est surtout 
en restant dans cette voie que les Sociétés .de pro¬ 
vince sont appelées à rendre quelques services. C’est 
en apportant quelques épis glanés avec soin sur leur 
propre champ, qu’elles pourront contribuer à former 
une gerbe dans laquelle d’autres,plus habiles et plus 
en dehors des préoccupations et des intérêts locaux, 
pourront choisir ce qui convient à tous. Cette consi¬ 
dération n’a sans doute pas peu contribué à décider 
l’Empereur à fonder tout récemment un prix annuel 
que chacune des Académies devra décerner à celle 
des Sociétés savantes qui aura fourni le meilleur mé¬ 
moire sur un point d’histoire ou d’archéologie relatif 
à l’un des départements compris dans son ressort. 

Vous n’aviez point attendu ce nouvel encourage¬ 
ment pour diriger dans ce sens la plus grande partie 
de vos études et cette année, je me plais à le répéter, 
a été féconde en travaux exclusivement relatifs au 
Bourbonnais. Il suffit de vous rappeler les notices de 
M. Bouchard sur deux de Lingendes (Claude et Jean); 
de M. Victor Meilheurat sur la famille de Viry la 
Forêt ; de M. Vallat sur Dionyère et Barjaud ; de 
M. Auger sur le docteur Roux et sur l’ouvrage de 


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444 


RAPPORT 


M. Bouchard les guerres de religion et les troubles de la 
Fronde en Bourbonnais. En archéologie nous avons eu 
les notices de M. Bonneton sur l’évangéliaire de la pa¬ 
roisse de Sainte-Croix de Gannat, celles de M. Esmon- 
not sur les fouilles de Thoury-sur-Besbre, deM. Pérot 
sur un tronçon de voie romaine relevé par lui et sur 
la statue du Sommeil érigée dans notre ancien cime¬ 
tière par ordre de Fouché: une communication de 
M. Bertrand sur un sceau destiné aux indulgences 
accordées pour les réparations de l’église de Souvi- 
gny, et, en remontant jusqu’à l’âge de pierre, le dé¬ 
tail, si intéressant, des fouilles faites dans la grotte 
des Fées par M. le docteur Bailleau. MM. Auger, de 
Bure, Chazaud et Lascombe, vous ont présenté des 
pièces relatives à l’histoire de Moulins et du Bour¬ 
bonnais ; la météorologie locale a été représentée par 
le travail de M. Migout ; enfin la part de la linguis¬ 
tique n’a pas été la moins grande : M. Tixier nous a 
donné l’introduction et la première partie de son 
lexique du patois d’Escurolles. C’est encore le Bour¬ 
bonnais qui a inspiré à M. Millet la composition mu¬ 
sicale sur les paroles de M. Audiat, à laquelle vous 
avez décerné le prix proposé en 4866. 

En dehors des travaux destinés expressément à 
notre compagnie, il convient d’en rappeler quelques 
autres, publiés par des membres de la Société d’Ému- 
lation et dont l’honneur rejaillit sur elle; car, sous 
ce rapport, nous sommes tous solidaires. Tels sont le 
mémoire sur les fouilles du Beuv.ray qui a mérité à 
M. Bulliot la médaille d’or, au concours de la Sor¬ 
bonne ; les belles eaux-fortes envoyées à l’exposition 
de Paris par M. Queyroy, qui marquent un nouveau 


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SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. 445 

pas dans la carrière, déjà si brillante, de notre collè¬ 
gue ; le mémoire intitulé « Vues nouvelles sur les actions 
électro-dynamiques, » adressé par M. Reynard à l’Aca¬ 
démie des sciences : l’ouvrage déjà populaire, de 
MM. Méplain et Taizy * Histoire d’un domaine du dé¬ 
partement de l’Ailier et du grand Jacquet » ; enfin di¬ 
verses publications de MM. Bouchard , Derouet, 
docteur Bailleau, D r Laussedat, Bulliot, Lascombe, 
de Biotière, etc. 

Parmi les travaux collectifs, je dois surtout men¬ 
tionner ceux de la commission chargée de décerner 
le prix du concours musical pour lequel il ne se pré¬ 
sentait pas moins de huit concurrents. Vous avez 
adopté, sans restrictions, les conclusions du rapport 
de M. Rondeau et ajouté au prix principal trois mé¬ 
dailles de vermeil, dont deux ont été obtenues par 
des compositeurs de notre ville. Conformément aux 
conclusions d’une autre commission dont M. Bou¬ 
chard était le rapporteur, vous avez pris l’initiative 
d’une exposition des beaux-arts qui s’ouvrira à Mou¬ 
lins, cette année, au moment du concours régional ; 
tout nous fait espérer que cette exposition ne le 
cédera en rien à celles qui l’ont précédée à de trop 
rares intervalles. Enfin, vous n’aviez point attendu 
la visite de M. Gustave Lambert pour prêter à l’expé¬ 
dition du pôle nord un concours malheureusement 
proportionné non à votre sympathie pour cette noble 
entreprise, mais à l’exiguïté de nos ressources pécu¬ 
niaires. 

Ces ressources, en effet, sont loin de suffire à tout 
ce que nous voudrions faire. Néanmoins, grâce à l’ap¬ 
pui constant du conseil général, à la bienveillace d’un 


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146 


RAPPORT 


ministre de l’instruction publique, signalée cette an¬ 
née par une subvention exceptionnelle, grâce aussi, 
un peu, à notre sagesse, nos finances se trouventcette 
année dans une situation relativement prospère. 

Pourtant, nous avons continué à accroître les ri¬ 
chesses que renferment le musée départemental et 
notre bibliothèque. Il est vrai que des dons nombreux 
sont venus, cette année, s’ajouter à nos acquisi¬ 
tions. 

MM. Desbatisses, Derouet, Bouchard, Desmaroux 
de Gaulmin, Bougarel, Méplain, Taizy, le frère Asclé- 
piades, le marquis de Montlaur, les docteurs Lausse- 
dat, Girondeau et Bailleau, MM. de Biotière, Couny, 
Bulliot, Lascombes, Auradou, Raynard et notre infa¬ 
tigable correspondant d’Outre-Manche, M. Roach 
Smith, nous ont offert des ouvrages publiés par eux 
ou intéressant spécialement notre province. M. Jutier 
nous a fait don d’un portrait et d’autographes pré¬ 
cieux de feu M. le président Jutier, qui a laissé parmi 
nous un souvenir si respecté. M. le baron de Conny 
nous a envoyé des photographies représentant sous 
divers aspects son beau groupe du Samaritain, cou¬ 
ronné à l’exposition de 1866. Une vitrine entière a 
été remplie par les objets offerts par M. le docteur 
Bailleau et appartenant à l’âge de la pierre taillée, en 
Bourbonnais. Mgr de Conny et M. Esmonnot nous ont 
fait une large part dans leurs découvertes de Thoury. 
Parmi les statuettes que nous leur devons, .celle qui 
représente un fleuve, et qui n’a pas moins de 35 cen¬ 
timètres de hauteur sera un digne pendant au tronc 
de Vichy. Elle ajoute utfe valeur importante à notre 
collection de figurines en terre blanche, dont quel- 


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SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. 147 

ques spécimens, envoyés à l’exposition universelle, 
ont valu à notre Société une médaille nominative 
que nous avons reçue cette année. 

Notre compagnie a reçu quelques membres nou¬ 
veaux, mais elle a fait cette année deux pertes bien 
regrettables. La santé de M. le comte de Chavagnac 
l’empêchait de prendre une part active à nos travaux, 
et depuis quelque temps des occupations impor-. 
tantes nous privaient du concours habituel de M. Du- 
poyet. Mais le maire si dévoué de la ville de Moulins 
n’avait point oublié qu’il était un de nos plus anciens 
collègues et il n’a laissé échapper, pendant sa trop 
courte administration, aucune occasion de rendre 
service à la Société. Les bonnes traditions qu’il a lais¬ 
sées à la mairie seront continuées sous ce rapport, 
comme sous tant d’autres. Déjà sur l’initiative de 
notre nouveau maire, le conseil municipal vient de 
nous accorder un local parfaitement convenable 
pour l’installation de notre bibliothèque. Nos rap¬ 
ports avec toutes les autorités, aussi bien qu’avec 
nos concitoyens, continuent donc à être aussi satis¬ 
faisants que possible. C’est à nous à redoubler d’ef¬ 
forts pour mériter de plus en plus d'aussi précieuses 
sympathies, et pour accroître les dépôts artistiques et 
littéraires dont la garde nous est confiée. 

Je ne puis terminer, Messieurs, ce trop rapide ex¬ 
posé, sans vous remercier encore une fois de la con¬ 
fiance dont vous m’avez si souvent honoré. Celui que 
vous avez, avec tant de raison, appelé à me succéder, 
saura mieux que moi remplir lés obligations qu’im. 
pose la charge de président et, comme à moi, vous 


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148 «APPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. 

saurez lui rendre cette tâche facile. Il n’est point de 
fardeau si pesant qu’on ne puisse soulever quand 
chacun y prête son concours. Le mien est peu de 
chose, mais je serai toujours heureux d’aider avec 
vous de toutes mes forces et de tout mon cœur celui 
dont le zèle et les lumières ont rendu tant de services 
à notre compagnie, depuis le premier jour de sa fon¬ 
dation. 


Max de l’Estoille. 




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ESSAI 


SI’R LA 

NAVIGATION AÉRIENNE 

PAR 

M. RADOULT DE LA FOSSE. 


LU EN SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION DE L’ALLIER. 


Messieurs, 

Le sujet dont je désire vous entretenir aujourd’hui 
vous paraîtra, je le crains, quelque peu frivole. Il 
s’agit de la navigation aérienne, de ce problème qui 
sert depuis si longtemps de prétexte aux tentatives 
des inventeurs malheureux, et dont la solution sem¬ 
ble devenir plus difficile, à mesure que de plus grands 
efforts sont faits pour la découvrir. Vous le voyez, 
Messieurs, l’excursion à laquelle je vous convie doit 
cotoyer de bien près le royaume de.s chimères I J’in¬ 
voquerai comme circonstance atténuante les loisirs 
de cette séance que ne doit remplir aucune lecture 

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140 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


plus sérieuse ; je vous rappellerai d’ailleurs que l’in¬ 
vention qui forme le point de départ de cette étude 
sommaire appartient aux frères MontgolQer, dont la 
famille était originaire d’Ambert dans le Puy-de- 
Dôme et qui par conséquent sont presque nos com¬ 
patriotes. 

Au nombre des découvertes qui ont eu le privilège 
d’exciter la surprise et l’admiration universelles, il 
faut citer au premier rang celle des aérostats. L’hom¬ 
me venait, disait-on, de trouver le moyen de s’élever 
et de se diriger dans les airs ; il allait bientôt con¬ 
quérir un nouveau domaine çent fois plus vaste que 
les mers et les continents réunis 1 quel résultat plus 
inattendu légitima jamais de plus magnifiques espé¬ 
rances ! 

. Hélas ! Messieurs, de toutes ces aspirations que 
reste-t-il aujourd’hui ? A l’enthousiasme le plus vif 
a succédé une indifférence presque complète, et cette 
indifférence doit paraître légitime, car jamais décou¬ 
verte scientifique n’a plus mal tenu .les promesses 
qu’un début éclatant avait pu faire concevoir. Il faut 
bien le reconnaître, cet appareil merveilleux qui de¬ 
vait conduire l’homme à la conquête de l’univers, 
modifier les relations internationales, régénérer les 
sciences physiques en leur apportant de nouveaux 
moyens d’expérimentation, n’a presque jamais servi 
jusqu’à ce jour qu’à satisfaire dans les fêtes publi¬ 
ques une curiosité vulgaire. Les résultats que les 
sciences physiques ont retiré de son emploi n’ont 
qu’une valeur insignifiante. Tout s’est borné, comme 
au début, à la possibilité de s’élever dans les airs et 


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navigation] aérienne. 141 

d’y séjourner quelques heures, parfois au prix de 
mille dangers ! 

C’est qu’en effet , une difficulté de premier 
ordre s’oppose à toute application sérieuse de 
l’aérostat, et, malheureusement, dans l’état actuel 
de nos ressources mécaniques, cette difficulté reste 
absolument invincible. Il s’agit, je n’ai pas besoin de 
vous le dire, de la direction des ballons au milieu 
des courants de l’atmosphère. 

Songez, Messieurs, que le seul point d’appui offert 
au mécanicien est le fluide môme dans lequel l’aéros¬ 
tat se trouve entièrement plongé. Pour obtenir un 
effet sensible «Je réaction, il serait nécessaire de met¬ 
tre en œuvre une très-grande somme de forces méca¬ 
niques. Or, quelle que soit la nature du moteur, tra¬ 
vail de la vapeur, effort de l’homme ou des animaux, 
le poids de ce moteur sera toujours trop lourd pour 
être soulevé par l’aérostat. Cherche-t-on à accroître 
le volume du ballon, pour augmenter la force ascen¬ 
sionnelle? on augmente en môme temps la résistance 
au mouvement de tout le système et par suite le poids 
de la machine directrice. Ces deux éléments, le poids 
à soulever et la force ascensionnelle de l’aérostat 
croissent ensemble et les conditions premières res¬ 
tent sensiblement les mêmes. 

Ici, Messieurs, j’éprouve le désir de vous citer 
quelques chiffres qui seront plus éloquents qne tous 
les raisonnements du monde. Imaginez un ballon 
sphérique de cinq mètres de rayon gonflé de gaz hy¬ 
drogène pur. La force ascensionnelle de ce ballon 
sera égale à 028 kilogrammes. Déduisons le poids de 
l’enveloppe, du filet, de la nacelle et de l’aéronaute 


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142 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


qui ne peut être dans aucun cas inférieur à 328 kilo- 
grammes, il reste disponible une force effective de 
380 kilogrammes pour déterminer l’ascension. Vou¬ 
lez-vous savoir quel serait le poids d’une machine 
capable de maintenir l’aérostat contre l’action d’une 
brise légère ? 2,000 kilogrammes environ f S’il s’agis¬ 
sait de lutter contre certains ouragans dont la vitesse 
dépasse parfois 30 mètres par seconde, le poids de la 
machine directrice devrait être supérieur à un mil¬ 
lion de kilogrammes I Les conditions d’un problème 
ainsi posé équivalent sans aucun doute à une impos¬ 
sibilité complète. , 

Aussi, ces innombrables systèmes de roues, de 
vannes, d’hélices qui ont été tour à tour proposés 
ou essayés, ne pouvaient en aucune manière con¬ 
duire au but que l’on se proposait d’attein¬ 
dre. Toutes ces inventions contraires aux notions 
fondamentales de la mécanique devaient avoir le 
même sort, et toutes en effet soumises à la sanction 
de l’expérience ont trahi les espérances de leurs au¬ 
teurs. 

Certes, si la science parvenait à découvrir un mo¬ 
teur d’une nature particulière, dont le poids serait 
beaucoup plus faible que celui des machines connues 
jusqu’à ce jour, nul doute que la direction des aéros¬ 
tats ne put être facilement obtenue. Mais alors, ce 
ne serait pas seulement la navigation aérienne qui 
serait créée. Une révolution complète s’accomplirait 
dans le monde industriel et la direction des aérostats 
ne serait peut-être plus qu’un détail secondaire de 
cette merveilleuse transformation. C’est à la méca¬ 
nique seule qu’il faut demander un progrès aussi dé- 



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NAVIGATION AÉRIENNE. 


143 


sirable, et, tant qu’il ne sera pas obtenu, la direction 
des aérostats doit être considérée comme un problè¬ 
me absolument insoluble. 

Pour échapper à cette difficulté, quelques person¬ 
nes ont eu la pensée d’abandonner le système des 
aérostats qui, par leurs proportions énormes, offrent 
à l’action de l'air une résistance beaucoup trop con¬ 
sidérable, et de remplacer le ballon par un véhicule 
plus lourd que l’air et par conséquent de dimensions 
beaucoup plus restreintes. Dans cette hypothèsë, le 
moteur doit se soulever lui-même et pousser le vé¬ 
hicule dans une direction déterminée. Une société 
bien connue s’est fondée récemment pour la solution 
de ce nouveau problème, et il n’est sans doute pas 
un de vous qui n’ait entendu défendre, Dieu sait avec 
quel retentissement I la théorie de l’aviation opposée 
à celle de l’aérostation, théorie vulgarisée sous le nom 
de théorie du plus lourd que l’air. 

Au fond, de quoi s’agit-il? Au lieu de profiter 
de la force ascensionnelle du gaz hydrogène, on 
veut s’élever par un moyen mécanique? Soit, mais 
quel sera le moteur? Le calcul démontre que, pour 
pouvoir s’enlever elle-même, une machine ne devrait 
pas peser plus de 12 à 13 ilkogrammes, par force 
effective de cheval-vapeur. La difficulté est donc tou¬ 
jours la même : C’est le moteur qui fait défaut ; c’est 
lui qu’i} faut avant tout découvrir. 

Mais, les oiseaux, dira-t-.on ? Messieurs, il n’est pas 
d’exemple qui confirme d’une manière plus saisis¬ 
sante les observations que je viens de vous présenter. 
Sans doute les oiseaux, sinousneles considérons qu’au 
point de vue mécanique, sont des machines vivantes 


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144 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


.capables de s’élever et de se diriger dans les airs ; 
mais étudions de près ces petites machines. Savez- 
vous ce qu’un oiseau vulgaire, le pigeon, développe 
de puissance musculaire, lorsqu’il s’élève très-rapi¬ 
dement à une certaine hauteur ? Cette puissance rap¬ 
portée au poids de son corps est huit fois supérieure 
à celle de l’homme le plus vigoureux : elle surpasse 
douze fois celle du cheval, vingt ou trente fois celle 
de nos machines les plus parfaites ! La puissance du 
vol de l’aigle est trois fois plus considérable encore. 
Assurément, le voilà résolu avec la plus incompara¬ 
ble élégance ce problème d’une machine assez puis¬ 
sante et assez légère à la fois pour soutenir s'on poids 
dans les airs I Et, si du moteur lui-même nous pas¬ 
sons aux organes chargés de transmettre le mouve¬ 
ment, il est impossible d’imaginer plus de hardiesse 
unie à une simplicité plus grande î Voyez en effet. 
Messieurs, comme tout contribue à donner à l’oiseau 
la remarquable légèreté qui facilite son vol. L’air 
extérieur pénètre son corps de toute part ; ses os 
sont creusés de vastes cellules ; il est entièrement 
recouvert de plumes légères qui doublent son 
volume, sans augmenter sensiblement son poids ; 
et, sous cette frêle apparence, l’organisation la plus 
riche ; une respiration double ; une circulation deux 
fois plus active que chez tous les autres animaux ; 
une force musculaire en rapport avec cette chaleur 
vitale, presque entièrement concentrée à la face an¬ 
térieure du sternum, point d’insertion des muscles 
pectoraux qui transmettent aux ailes l’action de la 
volonté ! 



NAVIGATION AÉRIENNE. 


145 


Je m’arrête, car cette digression m’entraîne* 
rait trop loin. Il est impossible de soulever le 
voile qui cache à nos yeux l’œuvre la plus simple du 
créateur, sans être pénétré de l’admiration la plus 
vive, et sans faire un triste retour vers les inventions 
de l’esprit humain, si humbles et si imparfaites I 

Vous le voyez. Messieurs, le raisonnement et l’ex¬ 
périence s’accordent à démontrer l’inanité des ten¬ 
tatives qui ont pour but la direction des aérostats ou 
des appareils plus lourds que l’air, avec les seules 
ressources dont la mécanique dispose de nos jours.' 
Un moteur nouveau qui réunirait à une puissance 
plus considérable une légèreté beaucoup plus grande, 
telle est la condition indispensable pour la solution 
de ce grand problème. 

Il est donc inutile de persévérer dans la direction 
vicieuse où l’aérostation s’est engagée depuis 60 ans. 
C’est dans une autre voiequ’il fautchercherà réaliser 
tous les progrès compatibles avec nos ressources mé¬ 
caniques, et cette voie, j’ose le dire, me parait très- 
nettement indiquée. 

Tout fait présumer, Messieurs, qu’il existe dans les 
hautes régions de l’atmosphère des courants à peu 
près constants pendant certaines époques de l’année. 
Dans tous les cas, il est bien évident que tout courant 
aerien à la surface du sol doit donner lieu à un cou¬ 
rant supérieur ou latéral de sens opposé. C’est là une 
conséquence nécessaire des lois d’équilibre de la 
masse fluide qui entoure notre globe. On est donc à 
peu près certain, qu’au même lieu et au même ins¬ 
tant, l’atmosphère est animée de deux mouvementsde 


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146 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


sens contraire, à différentes hauteurs au-dessus du 
sol. Dès lors, s’il était possible de maintenir un aéros¬ 
tat dans une couche quelconque de cette atmosphère, 
de le faire monter ou descendre à volonté, sans perte 
de lest ou de gaz, ne vous semble-t-il pas que le pro¬ 
blème de la navigation aérienne serait beaucoup 
mieux résolu, que parles combinaisons mécaniques 
dont j’ai essayé de vous démontrer l’impuissance? 
Et, lors même qu’il ne serait pas toujours possible de 
rencontrer un courant tout-à-fait propice, ne serait- 
ce donc rien, que de se maintenir plusieurs jours 
de suite dans les airs ; de se laisser entraîner avec 
toute confiance à des centaines de lieues du point de 
départ ; de n’avoir à redouter ni la traversée des¬ 
mers, ni la rencontre des plus hautes montagnes, 
ni la violence des orages inconnus dans ces régions 
élevées où l’homme n’est parvenu qu’à de rares in¬ 
tervalles ; de choisir à son gré le lieu et le moment 
le plus favorable pour la descente ; d’avoir enfin à 
sa disposition un moyen facile d’étudier au milieu 
même de l’atmosphère les lois physiques et météo¬ 
rologiques du globe ? 

Comment réaliser les conditions de ce programme ? 
Ici, Messieurs, je dois me borner à hasarder quelques 
indications sommaires. Pour étudier le problème 
ainsi posé dans tous ses détails, il m’aurait fallu des 
loisirs très-nombreux et des connaissances spéciales 
que je ne possède pas. Je vais cependant indiquer 
une solution, non parce que je la considère comme 
entièrement irréprochable, mais parce qu’elle suffit 
pour faire comprendre dans quel sens les études ulté¬ 
rieures devront être dirigées et qu’elle peut ainsi con¬ 
duire à la solution définitive. 


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NAVIGATION AÉRIENNE. 


147 


Toutefois, avant de passer outre, permettez-moi 
une dernière observation. Je suppose qu’un aérostat 
n’ait pas été complètement rempli de gaz au moment 
du départ, et que par conséquent il puisse se dilater 
librement en s’élevant dans l’atmosphère. Dans ce 
cas, Messieurs, la force ascensionnelle acquise au 
début restera sensiblement constante. On peut don¬ 
ner une démonstration mathématique de cette vérité, 
mais il est aussi facile de le faire comprendre sans le 
secours d’aucune formule. En effet, à mesure que le 
ballon s’élève, il rencontre des couches d’air de moins 
en moins denses ; le gaz qu’il renferme se dilate, et, 
d’après une loi bien connue, l’accroissement de son 
volume est précisément proportionnel à la diminu¬ 
tion de densité de l’air atmosphérique. Le poids de 
l’air déplacé par l’aérostat reste donc le même ; or, 
c’est ce poids qui représente la force ascensionnelle 
du ballon. 

On peut donc affirmer que, tant qu’un aérostat ne 
sera pas complètement gonflé, son mouvement ascen¬ 
sionnel une fois commencé doit continuer sans inter¬ 
ruption. Ce mouvement aurait même une tendance à 
s’accélérer, s’il ne se produisait pas dans un milieu 
résistant. 

Il est dès lors facile de comprendre comment la 
plus légère variation dans la force ascensionnelle d’un 
aérostat obtenue soit par une perte de gaz, soit par 
une perte de lest, soit par un changement brusque 
de température, produit souvent des déplacements 
verticaux très-considérables. Ce fait a été constaté 
par tous les aéronautes et j’attire sur lui toute votre 
attention, car ses conséquences sont très-importantes 
pour la solution de notre problème. 


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148 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


Ceci bien entendu, je choisis comme exemple un 
aérostat de dimensions déterminées, afin de présen¬ 
ter à votre esprit une image aussi nette que pos¬ 
sible. * 

Représentez-vous, Messieurs, un ballon sphérique 
de 8 mètres de rayon, pouvant contenir 2,220 mètres 
cubes d’hydrogène. Ce ballon est complètement gon¬ 
flé. Il est enveloppé par un deuxième ballon ayant 
une capacité double, c’est-à-dire un rayon d’environ 
10 mètres. Ce deuxième ballon doit autant que pos¬ 
sible être vide d’air ou de gaz, et, pour obtenir ce ré¬ 
sultat, le tissu qui lui sert d’enveloppe doit s’appli¬ 
quer aussi exactement que possible sur la surface du 
ballon intérieur. Les deux ballons sont reliés l’un à 
l’autre par leur partie inférieure, mais ils ne peuvent 
communiquer entr’eux que par l’intermédiaire d’un 
tube articulé qui descend dans la nacelle à la portée 
de la main de l’aéronaute. Un robinet permet d’éta¬ 
blir ou de fermer à volonté la communication. 

La nacelle de forme circulaire est fixée au ballon 
extérieur par le système de suspension en usage. En¬ 
fin, sur le trajet du tube articulé qui réunit les deux 
ballons se trouve placée, dans la nacelle même, une 
machine à double effet, qui permet d’aspirer le gaz 
du ballon extérieur, pour le refouler dans le ballon 
intérieur. 

Je répète que le ballon extérieur doit contenir au 
moment du départ la plus faible quantité possible de 
gaz, tandis que le ballon intérieur doit au contraire 
être gonflé avec un léger excédant de pression, un 
trentième d’atmosphère, par exemple. Cette pression 
équivaut à un effort de 500 kilogrammes, par mètre 




NAVIGATION AÉRIENNE. 


149 


carré, sur l’enveloppe du ballon. Or le taffetas verni 
supporte très-facilement, sans le moindre danger 
d’altération, une pression de mille kilogrammes, par 
mètre carré. Du reste, ainsi que nous le verrons bien¬ 
tôt, l’excédant de tension de gaz va sans cesse en di¬ 
minuant à mesure que le ballon s’élève ; en outre une 
soupape de sûreté placée à la partie supérieure du 
ballon intérieur est disposée de manière à s’ouvrir 
pour toute pression supérieure à la pression limite 
fixée ci-dessus. 

Dans cette hypothèse, établissons les conditions 
d’équilibre de tout le système. 

La force ascensionnelle disponible qui n’est autre 
que le poids de l’air déplacé par le ballon intérieur. 


s’élève à 2,865 kilogrammes. 

Voici quel est le poids à soulever : 

Poids de l’hydrogène. 202 kilogr. 

Poids des deux enveloppes . . . 808 id. 

Poids du filet. 190 id. 

Poids de la nacelle et des acces¬ 
soires . 350 id. 

Poids de la machine à double effet . 250 . id. 

Poids de quatre voyageurs, avec tou¬ 
tes les provisions, ustensiles, bagages 
nécessaires pour un voyage de plu¬ 
sieurs semaines. 600 id. 

Poids total. 2,400 kilogr. 


Ajoutons à ce poids une quantité de lest de 465 
kilogrammes, nous obtiendrons un poids total équi¬ 
valent à la force ascensionnelle disponible. 

Remarquons en passant que le lest destiné à com¬ 
pléter le poids d’équilibre se compose de limaille de 


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150 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


fer, d’eau et d’acide sulfurique, dans les proportions 
voulues pour la fabrication de 50 mètres cubes envi¬ 
ron de gaz hydrogène. 

Je suppose, Messieurs, les choses ainsi disposées; 
les voyageurs et le lest placés dans la nacelle. Tout le 
système se trouve en parfait équilibre, mais il est 
évident que la plus faible quantité de gaz introduite 
dans le ballon extérieur doit suffire pour déterminer 
l’ascension. 

Au moment fixé pour le départ, l’aéronaute ouvre 
le robinet placé à la portée de sa main, qui lui permet 
de mettre les deux ballons en communication. Aussi¬ 
tôt une partie du gaz contenu dans le ballon intérieur 
s’échappe dans le ballon extérieur, en vertu de son 
excès de force élastique. L’ascension se produit. Si 
la communication reste ouverte, l’ascension conti¬ 
nuera jusqu’à ce que la moitié du gaz contenu dans le 
ballon intérieur ait passé dans le ballon extérieur qui 
se trouvera alors complètement gonflé et parvenu à 
une hauteur d’environ 6,200 mètres ! 

En général l’aéronaute n’éprouvera pas le désir de 
s’élever à une hauteur aussi considérable ; lorsqu’il 
sera parvenu au milieu de la couche d’air qui lui of¬ 
frira des conditions favorables pour le résultat qu’il 
aura en vue, il lui suffira de fermer le robinet qui in¬ 
tercepte la communication, l’ascension s’arrêtera 
presque immédiatement. 

Remarquez, Messieurs, que, tant qu’il ne s’agit que 
de s’élever dans l’atmosphère, la force élastique du 
gaz contenu dans le ballon intérieur, force mise en 
réserve avant le départ, suffit pour produire le mou¬ 
vement. Aucun effort n’est donc jusque là imposé à 


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NAVIGATION AÉRIENNE. 181 

l’aéronaute. Mais, une fois qu’on est parvenu à une 
certaine hauteur, il devient nécessaire de faire agir 
la machine à double effet, pour obtenir un mouve¬ 
ment de descente. Cette manœuvre sera toujours fa¬ 
cile, car le maximum de résistance à vaincre, c’est- 
à-dire la pression exercée sur le piston de la machine, 
ne dépassera jamais un trentième d’atmosphère, soit 
cinquante grammes par centimètre carré. Dans ces 
conditions, deux voyageurs, à l’aide d’une simple 
manivelle à bras, pourront très-facilement compri¬ 
mer vingt décimètres cubes de gaz par seconde, soit 
72 mètres cubes par heure, quantité bien suffisante 
pour provoquer un mouvement de descente de 4,000 
mètres d’amplitude. On pourrait donc à la rigueur 
s’élever du niveau de la mer aux plus hautes régions 
habitables de l’atmosphère, puis redescendre à vo¬ 
lonté, et cela plusieurs fois par jour, sans que le tra¬ 
vail imposé aux voyageurs fût excessif. Mais en réalité 
ce travail continu ne sera jamais nécessaire : La ma¬ 
nœuvre des robinets et de temps à autre la mise en 
jeu de la machine pendant quelques minutes seront 
suffisantes pour effectuer tous les déplacements ver¬ 
ticaux réellement utiles. 

Mais, objectera-t-on, pour opérer ces déplacements 
verticaux, on n’aura à sa disposition qu’une faible 
quantité de gaz. Ces déplacements seront donc fort 
lents, ce qui peut avoir les inconvénients les plus 
graves pour la sécurité des voyageurs. Messieurs, 
cette objection est sérieuse ; cependant je crois qu’il 
est facile d’y répondre. 

Les écueils que l’aéronaute doit songer à éviter 
sont situés au-dessous et non pas au-dessus de lui. Il 


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452 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


n’est donc pas nécessaire que la descente soit rapide, 
• mais il peut être indispensable dans certains cas de 
précipiter l’ascension. Or, en utilisant à la fois tout 
l’excédant de gaz contenu dans le ballon intérieur, 
on peut disposer d’une force ascensionnelle effective 
de 115 kilogrammes, qui représente les quatre cen¬ 
tièmes du poids total du système. Dans ces conditions, 
la vitesse d’ascension sera égale a 0 n, 40 après la pre¬ 
mière seconde, à 0 m 80 après la deuxième, à l m 20 
après la troisième, à l m 60 après la quatrième. Mais à 
ce moment, la résistance que l’air oppose au mouve¬ 
ment du ballon fera à peu près équilibre à la force 
ascensionnelle ; la vitesse acquise do l ra 60 par se¬ 
conde restera donc constante jusqu’à ce que la den¬ 
sité de l’atmosphère ait sensiblement diminué. 

Une hauteur verticale de 60 mètres sera ainsi fran¬ 
chie en 40 secondes. Cette hauteur représente celle 
des principaux obstacles à la surface du sol, tels que 
les arbres et les monuments publics. Une heure suf¬ 
firait à la rigueur pour atteindre la hauteur de 6,000 
métrés, limite extrême à laquelle l’atmosphère cesse 
d’être assez dense pour la respiration des êtres ani¬ 
més. Ces conditions de vitesse sont assurément bien 
suffisantes, pour permettre à un aéronaute vigilant 
de s’élever en temps opportun au-dessus de tous les 
obstacles. 

Je m’empresse. Messieurs, d’aller au devant d’une 
deuxième objection. Toute la théorie qui précède 
suppose l’imperméabilité absolue du tissu qui forme 
l’enveloppe de l’aérostat. Cette imperméabilité peut- 
elle être facilement obtenue? Je le crois. Ainsi, on 
m’a affirmé que le ballon captif qui est resté en acti- 


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NAVIGATION AÉRIENNE. ,153 

vité pendant plusieurs mois à côté des bâtiments de 
l’exposition universelle de 1867 n’avait perdu aucune 
quantité de gaz appréciable. Si ces renseignements 
sont exacts, l’expérience est concluante. On vient, il 
y a deux ou trois jours, d’inaugurer à Londres un nou¬ 
veau ballon captif d’une contenance de douze mille 
mètres cubes. Toutes les précautions ont été prises 
pour garantir l’imperméabilité de l’enveloppe qui a 
été constatée par des essais préalables très-nom¬ 
breux. Voici comment cette enveloppe a été préparée. 
Elle se compose de cinq parties distinctes soigneuse¬ 
ment collées ensemble. La partie extérieure est une 
mousseline légère destinée à recevoir un vernis excel¬ 
lent. Au dessous de cette mousseline, se trouve une 
couche de caoutchouc vulcanisé destinée à empêcher 
le vernis de pénétrer jusqu’à l’étoffe intérieure et 
d’attaquer sa résistance. Cette étoffe intérieure est à 
son tour composée de deux étoffes de lin séparées par 
une étoffe de caoutchouc naturel. En substituant aux 
étoffes de lin une étoffe de taffetas très-serrée, on au¬ 
rait l’avantage d’obtenir une résistance beaucoup 
plus grande unie à plus de légèreté. L’enveloppe 
ainsi composée pèserait 400 grammes environ par 
mètre superficiel, c’est l’hypothèse que j’ai admise en 
établissant les conditions d’équilibre de tout le sys¬ 
tème. 

Je suis donc convaincu que l’imperméabilité 
de l’enveloppe d’un aérostat peut toujours être 
obtenue. C’est une question de soins minutieux et de 
dépense. Veuillez aussi remarquer que le lest, dont 
il est toujours possible d’augmenter la quantité en 
augmentant les dimensions de l’aérostat, pour servir 


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154 


NAVIGATION AÉRIENNE. 


lui-même à la préparation d’un volume plus ou moins 
considérable de gaz et suppléer ainsi, pendant le 
cours du voyage, à une déperdition assez importante. 

Vous le voyez, Messieurs, le problème à résoudre 
peut se résumer ainsi : trouver un moyen simple et 
pratique de condenser et de restituer à volonté un 
volume de gaz à peu près égal à la trentième partie 
du volume total de l’aérostat, en supposant l’équilibre 
établi au niveau de la mer, lorsque le gaz est soumis 
à son maximum de condensation. Je viens de vous 
indiquer le système qui me paraît le plus convenable 
pour réaliser cette double condition ; mais je suis 
' oin d’admettre que d’autres moyens plus simples ne 
puissent pas être obtenus à la suite de recherches 
plus sérieuses. 

Nous voici. Messieurs, parvenus au terme de cette 
petite étude. Je reconnais que quelques expériences 
auraient été utiles pour la rendre plus concluante. 
Malheureusement ces expériences ne peuvent pas être 
faites sur une petite échelle ; elles devraient s’appli¬ 
quer à un aérostat d’assez grandes dimensions et 
coûteraient par conséquent fort cher. Or nous vivons 
à une époque où les recherches purement scientifi¬ 
ques n’ont pas le privilège de passionner très-vive¬ 
ment les esprits ; contentons-nous d’espérer que ce 
qui n’est pas possible aujourd’hui le deviendra peut- 
être dans un avenir prochain ! 

RADOULT de la FOSSE. 




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ASSISES SCIENTIFIQUES 


DE LIMOGES. 


I 

Le volume qui renferme le compte-rendu des tra¬ 
vaux des assises scientifiques tenues à Limoges, en 
décembre 1866, venant de paraître, je vais essayer de 
vous donner une idée des différents sujets traités 
dans celte réunion savante qui se tint, un mois ou 
deux, après celle de Moulins. Comme délégué de 
notre Société, j’aurais pu, sans (joute, m’acquitter 
de cette tâche beaucoup plus tôt. J’ai préféré atten¬ 
dre la publication du bulletin, afin de pouvoir agir 
avec plus de précision, tout en ne négligeant aucuns 
détails. 

Qu’il me soit permis, tout d’abord, de remercier, 
d’une façon toute particulière, M. le Préfet de Limo¬ 
ges, l’honorable président des Assises scientifiques, 
M. P. de Cessac, M. le bibliothécaire Ruben, président 
de la Société littéraire de Limoges et le savant bota¬ 
niste M. Edouard Lamy, banquier de cette ville, de 
l’accueil bienveillant qu’ils m’ont fait, témoignage 
sympathique que je m’empresse de reporter à la 
Société que j’avais alors l’honneur de représenter. 

17 


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156 


ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 


Ce devoir rempli, constatons, sans plus tarder, 
que le résultat obtenu a dépassé les espérances des 
personnes à l’initiative dévouée et éclairée desquelles 
était due l’organisation de ces réunions. 

II 

C’est sous la présidence et par un discours élevé 
du premier magistrat du département que se sont 
ouvertes ces Assises scientifiques. Après l’allocution 
prononcée par 1\I. de Cessac, comme président, la pa¬ 
role a été donnée à votre délégué, pour répondre à 
la 3° question du programme de littérature et philo- 
' sophie : étude sur Bernard de Ventadour (I). 

III 

Ce ne sont pas seulement des lectures, des discus¬ 
sions qui doivent donner de l’attrait à|ces Assises ; ce 
sont aussi des promenades archéologiques, scientifi¬ 
ques et industrielles. — Aussi, dès le second jour, un 
certain nombre de membres se réunissent-ils, dans 
la matinée, pour visiter, sous la direction de M. l’abbé 
Arbellot, curé-archiprêtre de Rochechouart, les di¬ 
vers monuments et les musées archéologique et céra¬ 
mique de Limoges. C’est dire assez quel aurait été 

(1) Note du Secrétaire-Archiviste. 

« L'honorable délégué des Assises scientifiques de Moulins ne 
s’est pas borné dans cette étude, consciencieusement ci brillam¬ 
ment écrite, à traiter la question du programme ; il a surtout eu 
pour but d’établir un parallèle entre deux troubadours d’un genre 
bien différent : Bernard de Ventadour et Bertrand de Born.* 

;Extrait du bulletin des Assises scientifiques de Limoges , 1867 .) 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 487 

l’intérêt et.<le charme de ces excursions, si un temps 
affreux n’était pas venu les contrarier. 

Malgré une pluie battante, nous visitons et nous 
admirons dans tous ses détails la Cathédrale dont 
M. l’abbé Arbellotnous failles honneurs en historien 
et en archéologue. Pour caractériser ce beau monu¬ 
ment, j’emprunte à notre cicerone les lignes sui¬ 
vantes : « Cette église, quoique inachevée, présente 
des beautés de premier ordre : le style ogival du 
XIV e siècle qui rayonne dans l’abside ; le style flam¬ 
boyant du XV e et du XVI e siècles, qui brille dans la 
nef et sur la façade du nord, s’y déploient avec lar¬ 
geur et magnificence ; poiir mieux dire, c’est la seule 
église ogivale hors ligne dans une vaste province qui 
compte plusieurséglises romanes d’unegrande beauté, 
mais où les églises entièrement gothiques sont plus 
rares et relativement moins remarquables. ( Histoire 
et description delà Cathédrale de Limoges, par M. l’abbé 
Arbellot, 1852, p. l re .) 

Malheureusement, comme la plupart des grandeâ 
basiliques, ce monument historique est loin d’être 
achevé. Les membres présents, à la dernière séance, 
ont donc été bien inspirés de s’associer, à l’unanimité, 
au vœu émis par leur président, Mgr l’évêque de Li¬ 
moges, pour solliciter du gouvernement le prompt 
achèvement de la Cathédrale, par l’union de la nef au 
clocher. 

IV 

La première séance de la 2 e journée, sous la prési¬ 
dence de M. l’abbé Arbellot, a été consacrée à l’ar¬ 
chéologie et à l’histoire. 


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138 ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 

Après avoir répondu, en quelques mots, à la ques¬ 
tion relative à la voie romaine de Ghassenon à Limo¬ 
ges et Clermont, question sur laquelle M. Bosvieux, 
membre correspondant de notre société, avait déjà lu 
un mémoire à la session de Guéret en 1865, et qu’il 
se proposait de traiter de nouveau, en se bornant 
toutefois à la partie comprise entre Limoges et Ahun, 
l’Acitodunum de la carte de Peutinger, M. de Gessac 
donne communication de deux extraits d’un large et 
intéressant mémoire sur les peuplades gauloises qui, 
au dire des historiens du pays, auraient autrefois 
habité le sol de la Marche. Ces extraits se rapportent 
aux Andecamuleuses et aux Ratiatenses.—Les autres 
peuplades gauloises ont nom : Tullenses, Agedunen- 
ses, Cambiovicenses et Felletinenses. — Contraire¬ 
ment à la tradition vague, mais ancienne, selon 
laquelle il exista, à l’époque romaine, une ville consi¬ 
dérable au sommet du mont de Jouer, dans la com¬ 
mune de St-Goussaud, M. de Cessac prétend que, 
d’après les fouilles faites par MM. Buisson de Maver- 
{jnier, Al. Bertrand et le général Creuly, il n’y eut 
jamais, à cette époque, sur cette montagne, qu’une 
villa des plus modestes. La tradition s’expliquerait 
parla traduction du mot villa par «ville-» qui est 
constante dans le pays.—Enfin, notre savant archéo¬ 
logue termine en disant que < si les Gaulois ont laissé 
sur le sol de notre province (la Marche) des traces 
nombreuses et incontestables de leur séjour, l’étude 
qui précède n’en prouve pas moins qu’aucun nom dé 
leurs peuplades n’ést parvenu jusqu’à nous. » 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 


159 


V 

La deuxième séance de cette journée avait été ré¬ 
servée à la littérature et à la philosophie. 

Le président, M. Lemas, secrétaire de cette section, 
donne la parole à M. l’abbé Arbellot qui, pour répon¬ 
dre à cette question du programme : Etude littéraire 
9ur Rorice l’Ancien, évêque de Limoges à la fin du 
V* siècle, fait connaître quelques pièces intéres¬ 
santes de la correspondance que ce saint entretenait 
avec un grand nombre de personnages de son temps. 
Au nombre des sujets d’intérêt matériel qui l’occu¬ 
paient souvent, se rencontre plus d’une lettre qui 
atteste l’antique renommée du cheval limousin. 
M. l’abbé Arbellot a probablement, à l'heure qu’il 
est, publié le résultat de ses recherches et de ses tra¬ 
vaux sur cette célébrité du Limousin. 

VI 

C’est dans la troisième séance, section des sciences 
physiques et naturelles, présidée par M. le docteur 
Duverger, qu’ont eu lieu les communications de 
M. l’abbé Carrier, et de M. le marquis de la Roche. 

Le premier mémoire affirme qu’on peut employer 
l’électricité à la découverte des sources et des eaux 
souterraines et il donne, en même temps, l’indication 
des deux procédés pour pouvoir se servir de l’in¬ 
strument indiqué et que vend M. l’abbé Carrier. 

Notre compatriote M. le marquis de la Roche traite 
les questions botaniques du programme « par une 
simple comparaison de la flore centrale avec celle de 
l’Ailier et des diverses plantes rares citées par 


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160 


ASSI SES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 


M. Boreau comme appartenant aux départements du 
centre et de l’ouest entre elles. » 

VII 

La séance, qui suivit, ne fut, pour ainsi dire, que la 
seconde partie de la première, quoiqu’elle ait été con¬ 
sacrée à la médecine. 

La seule thèse soutenue avait pour titre : Quels 
avantages présente au point de vue de la médecine 
humaine l’étude comparative des maladies des ani¬ 
maux? Après avoir critiqué l’énoncé même de la 
question, M. le docteur Laborderie prétend qu’entre 
l’homme et les animaux, aucun rapprochement utile 
n’est possible : organisation, fonctions, maladies, 
tout est divers et opposé. Les résultats tirés de l’é¬ 
tude des maladies des animaux n’ont donc, dit-il, rien 
de concluant au point de vue de lamédecine humaine: 
ils sont à peu près nuis ou illusoires ; tout au plus les 
faits observés chez les animaux peuvent-ils servir 
d’indication, ouvrir la voie aux recherches à faire 
dans l’étude des maladies de l’homme. 

Complètement incompétent en semblable matière, 
je ne puis savoir ce que cette thèse a de vrai ou de 
faux. Je dirai seulement avec le docteur Raymondaud, 
que les idées émiscsdans le mémoire dont nousvenons 
de parler sont opposées à l’opinion la plus répandue 
parmi les médecins, ainsi qu’à la tendance générale 
de la science contemporaine. Quoi qu’il en soit, je ne 
puis m’empêcher d’avouer, qu’en agissant et en par¬ 
lant ainsi, c’était de la part de ce jeune docteur, vu 
son isolement, « une honorable résolution » qui mé¬ 
rite d’être signalée. Ne craignons donc jamais de ma- 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 161 

nifester hautement nos principes et nos idées, 
quand nous croyons avoir pour nous la vérité ; et, 
comme conséquence, respectons toujours ceux qui, 
sincèrement et honnêtement, soutiennent leur ma¬ 
nière de voir, qu’il s’agisse de science, de religion, de 
politique, de littérature ou d’histoire. Malheureuse¬ 
ment, c’est un des nombreux progrès que nous avons 
encore à réaliser. 

VIII 

Le soir, toutes les sections réunies, sous la prési¬ 
dence de M. A. Noualhier, député de la Haute-Vienne, 
deux lectures ont eu lieu. 

Le premier mémoire, lu par M. Fizot-Lavergne, 
était dû à M. Camille Leymarie, et avait pour titre : 
Les peintres-verriers. Cette étude rapide et conscien¬ 
cieusement écrite passe en revue les grands peintres- 
verriers des XII 8 , XIII e , XIV e , XV et XVI e siècles. N’ou¬ 
blions pas d’indiquer qu’un chapitre spécial est con¬ 
sacré aux peintres-verriers limousins et surtout au 
plus illustre de tous, à Penicaud. 

M. le baron de Verneilh-Puyraseau donne ensuite 
lecture du premier chapitre de l’ouvrage posthume 
de M. Félix de Verneilh, son frère, dont il a entrepris 
la publication et qui est intitulé : De l'architecture by¬ 
zantine en Orient. Soin pieux et vraiment fraternel 
qu'on est heureux de rencontrer et de constater, en 
regard des divisions qui ne régnent que trop souvent 
au sein des familles. — Un autre extrait de cet impor¬ 
tant ouvrage a encore eu les honneurs d’une lecture 
publique. Une visite à sainte Sophie, le dernier cha¬ 
pitre de cette étude, captive de nouveau l'assemblée 


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162 ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 

et confirme une fois de plus « le talent si connu et si 
aimé en Limousin de M. F. de Verneilh ; » car, on y 
retrouve « tout entier l’archéologue éminent, l’ob¬ 
servateur éloquent et fin, l’artiste inspiré, que la 
mort a si prématurément enlevé aux sciences et aux 
lettres. » 

IX. 

Maintenant que nous connaissons l’emploi d’une 
journée des Assises scientifiques de Limoges, il est 
inutile, pensons-nous, de nous astreindre, comme 
nous l’avons fait jusque-là, à suivre l’ordre des lectu¬ 
res et des discussions. Cherchons plutôt à grouper 
les unes et les autres de façon à éviter toute espèce 
de répétition et de monotonie. 

X 

Malgré toute la sagacité de nos archéologues bour¬ 
bonnais, il serait difficile, croyons-nous, en ce qui 
a trait à notre contrée, de poser et encore plus de 
résoudre la question suivante que M. l’abbé Arbellot 
a élucidée : Quelles sont les villes du Limousin qui 
entretenaient non loin de leurs murs, des ermites 
chargés de prier pour les consuls et pour la commu¬ 
nauté? Origine et fin de cet usage. 

Dans une improvisation pleine de verve, de bon¬ 
homie, et relevée par des traits piquants bien appro¬ 
priés au sujet, M. Navières, ancien inspecteur d’aca¬ 
démie, a retracé les traits principaux de la vie si agi¬ 
tée du littérateur Marc-Antoine Muret, qui s’écoula 
de 4526 à 1585. — Ce n’est que justice de dire que 
des applaudissements unanimes suivent cette bril¬ 
lante improvisation. 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES 163 

Une autre fois, M. Naviôres s’est fait connaître 
comme traducteur du poète grec Babrius, ou par cor¬ 
ruption Gabryas qui mit en vers choliambiques les 
fables d’Esope. La lecture de quelques-unes de ces 
fables, traduites en vers français, faite avec esprit et 
entrain, est accueillie avec le plus grand plaisir. 

M. l’abbé Lecler, auteur d’un mémoiresur la voirie 
romaine, etM.de Cessac, traitent, chacun à leur point 
de vue, le sujet suivant, souvent mis à l’ordre du 
jour par les archéologues, dans chaque pays : Existe- 
t-il dans le Limousin des monuments celtiques ? Peut- 
on les diviser en monuments de l’âge de la pierre, de 
l’âge du bronze et de l’âge du fer? 

M. l’abbé Lecler a découvert, dans l’ancien Limou¬ 
sin : 14 pierres branlantes, 48 dolmens, 11 menhirs 
et 30 noms de lieux significatifs. 

Le travail de M. de Cessac, qui ne s’occupe que des 
monuments de la Creuse, est divisé en deux parties. 
Dans la première, l’honorable président des Assises 
décrit les oppidum et les instruments en pierres ; 
dans la seconde, les tumulus, les souterrains-refuges, 
les anciennes exploitations de mines et les camps vi¬ 
trifiés. Selon M. de Cessac, les premiers monuments 
sont évidemment celtiques; les seconds peuvent dater 
de cette époque ; mais la plupart lui paraissent bien 
postérieurs. 

M. Alfred Richard, archiviste de la Creuse, avait 
adressé au Congrès un travail sur deux artistes scul¬ 
pteurs de Limoges, Le Pilleur etPericr, et sur l’autel, 
lç retable et le tabernacle qu’ils ont faits pour l’église 
de Guéret. 

Pour faire revivre un instant, au milieu de nous, 


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164 ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 

la personnalité du P. Le Jeune, ce prêtre de l’oratoire 
qui s’attachait surtout, dans ses sermons, à détruire 
les abus et les vices, plutôt qu’à discuter les questions 
de dogme, M. l’abbé Grange était bien l’orateur à la 
parole puissante et sympathique qu’il fallait. Des ap¬ 
plaudissements n’ont cessé de se faire entendre pen¬ 
dant tou t le temps que l’assemblée a étésous le charme 
de cette chaleureuse et entraînante improvisation. 
Voilà de ces études qu’il faut renoncer à analyser, et 
qu’il faut entendre pour pouvoir s’en rendre compte. 
Nous résumerons notre impression, en disant que 
l’éloquence de M. l’abbé Grange était à la hauteur de 
l’éloquence et de la sainteté du P. Le Jeune qui consa¬ 
cra les vingt dernières années de sa vie, à parcourir 
les paroisses du Limousin, pour y donner à tous la 
parole de Dieu et l’exemple de toutes les vertus. 

XI 

La dernière séance des sections réunies a été pres- 
qu'entièrement occupée par la lecture d’un volumi¬ 
neux et intéressant travail de M. Alfred Ghapoulaud 
sur les principaux travaux archéologiques publiés en 
Limousin. Nous ne pouvons, cela va sans dire, entrer 
dans l’examen de ce mémoire d’un intérêt tout local 
et par les travaux dont il s’occupe et par les noms 
de ceux qui les ont signés. Un souvenir de mon séjour 
à Limoges me fait toutefois un devoir de rappeler le 
nom de M.Maurice Ardant, numismaste célèbre et bio¬ 
graphe érudit et consciencieux des émailleurs limou¬ 
sins que la mort a enlevé, le 6 mai 1867, à l’âge de 
74 ans, privant ainsi le monde savant de l’un de ses 
plus modestes et infatigables travailleurs. 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 168 

XII 

Dans la section d’agriculture, industrie et commerce 
ont été traités différents sujets qui tous se font re¬ 
marquer par un intérêt soit général, soit local. 

M. Faustin Gonneau qui s’est beaucoup occupé de 
pisciculture et qui possède, à Limoges, un bel aqua¬ 
rium, où il se livre à de nombreuses expériences, 
avait adressé un mémoire répondant à cette .question : 
Quels ont été les résultats des essais de pisciculture ? 

MM. Simon-Laraside, président dn comice agricole 
de Roehechouart et de Cessac s’occupent des irriga¬ 
tions; et, tout le monde sait que les sources sont 
nombreuses sur le sol de la Haute-Vienne, et que 
leurs eaux sont loin d’être convenablement utilisées. 

Après la lecture de ces deux mémoires, et une ob¬ 
servation de M. Bourdeau, M. Gérardin, secrétaire de 
cette section et qui la présidait alors, propose, sur la 
demande de M. de Cessac, de formuler un vœu qui 
est adopté à l’unanimité, et que nous pouvons résu¬ 
mer ainsi : Emploi des cent millions destinés au drai¬ 
nage et restés sans emploi, à exécuter des travaux de 
dérivation sur les cours d’eau de la France, pour per¬ 
mettre de convertir en prairies des terrains jusqu’ici 
incultes. L’Etat rentrerait dans ses déboursés par 
voie de redevances payées par les propriétaires. 

Quelles sont les causes, dans le présent, de la dépo¬ 
pulation des campagnes ? Quels en seraient les remè¬ 
des? — A ces deux importantes questions, M. de Ces¬ 
sac croit devoir répondre, en disant que les causes de 
la dépopulation des campagnes sont de deux sortes : 
là première se trouve dans la rupture d’équilibre 


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166 


ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 


des encouragements donnés à l’industrie et de ceux 
donnés à l’agriculture ; la seconde, dans le vice du 
système de l’instruction primaire suivi dans les écoles 
de nos campagnes. Indiquer les causes, c’esten même 
temps faire connaître les remèdes; inutile donc de les 
formuler. Prenant en considération les idées soute¬ 
nues par l’auteur, l’assemblée exprime le désir qu’une 
large part soit faite à l’enseignement agricole dans 
les écoles primaires de France, et demande au Gou¬ 
vernement de modifier ses programmes dans ce sens. 
Il est bon d’ajouter qu’un arrêté récent de M. le Mi¬ 
nistre de l’instruction publique a donné satisfaction 
au vœu exprimé par les membres des Assises scienti¬ 
fiques de Limoges. 

N’oublions pas le mémoire de M. le vicomte Cornu- 
det, lu par M. de Cessac, faisant connaître les moyens 
de remédier aux inconvénients de l’organisation ac¬ 
tuelle de la boucherie parisienne, au point de vue de 
l’agriculture. 

XIII 

Si vous le voulez bien, nous passerons aux travaux 
de la section de médecine, et, pour cause, nous ne 
ferons que les indiquer. 

M. le docteur Ricou, médecin militaire, expose ses 
idées sur l’anatomie de la région thyroïdienne, dont 
il a fait l’objet d’une longue et laborieuse étude. Des 
applaudissements suivent les rcmercîments adressés 
à M. le docteur Ricou, parM. le docteur Dardinet qui 
présidait cette séance. 

Le même membre donne aussi la lecture d’un tra- 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 167 

vail anatomique et pathologique sur les glandes sous- 
maxillaires. 

M. le docteur Thouvenet lit un mémoire sur cette 
question : y a-t-il des modiBcations utiles à faire su¬ 
bir au manuel opératoire de la trachéotomie ? 

M. le docteur Ricou prend la parole sur le même 
sujet et passe en revue les principaux procédés opé¬ 
ratoires en usage, et en fait la critique. 

La tique, considérée comme parasite de l’espèce 
humaine, est l’objet d’une étude de M. le docteur 
Raymondeau que nous connaissons déjà. 

M. Brun-Séchaud fait la relation d’une épidémie de 
croup qui a régué, en octobre et en novembre 1866, 
dans le bourg des Gars et dans la ville de Chalus. La- 
statistique qu’il donne est assurément des plus.conso¬ 
lantes, puisque sur 35 malades, il n’y a eu que 
7 morts. Le traitement qui a si bien réussi à M. Brun- 
Séchaud consiste dans l’administration de l’émétique 
à haute dose (0,25 pour 150 gr. de véhicule), aidée 
de l’application sur la glotte et le pharynx de l’alun 
en poudre, porté directement à l’aide du doigt enve¬ 
loppé d’un linge mouillé. 

Le même praticien avait donné connaissance, dans 
une précédente séance, de quelques extraits d’un mé¬ 
moire répondant à cette partie du programme : L’as¬ 
sistance publique, sous toutes ses formes, soit méde¬ 
cine cantonale,soit service des enfants assistés,atteint- 
elle le but qu’elle se propose ? — Discuter les princi¬ 
pes, les règles et les mesures que cette question com¬ 
porte.— Gomme l’indique le compte-rendu, M. Brun- 
Séchaud demande en substance : la création d’un 
comité d’assistance dans chaque département ; d’un 


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168 


ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 


sous-comité chargé, dans chaque canton, de ia sur¬ 
veillance desenfantsassistés, des indigents, etc., etc.; 
de médecins inspecteurs, de praticiens officiels, méde¬ 
cins et pharmaciens, dont il spécifie les attributions. 
Enfin, il insiste sur les avantages des secours à domi¬ 
cile, et termine en recommandant à toute la solli¬ 
citude du Gouvernement les enfants illégitimes, or¬ 
phelins et abandonnés. 

Pour compléter l’indication des communications 
faites par M. Brun-Séchaut, il faut mentionner une 
note sur l’étude de la botanique appliquée à l’agricul¬ 
ture et sur son enseignement élémentaire dans les 
écoles primaires. 


XIV 

Avec les mémoires que nous connaissons déjà, les 
sections des sciences physiques et naturelles ont pro¬ 
duit les travaux dont nous allons maintenant vous 
entretenir. 

M. Orliaguet étudie la première partie de la 13 e 
question du programme : Est-il possible de rattacher 
à une cause spéciale la.-plus ou moins grande fré¬ 
quence de la grêle sur certaines communes? — La 
seconde partie de cette même question, qui avait été 
ainsi formulée : Peut-on faire une statistique des 
communes grêlées fréquemment et des communes 
qui semblent exemptes de ce sinistre, est demeurée 
sans réponse. 

A cet autre point d’interrogation : Depuis combien 
d’années des observations météorologiques se font- 
elles dans la Haute-Vienne ? Peut-on en tirer des ren¬ 
seignements utiles pour l’hygiène, l’agriculture et 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 169 

les inondations? M. Lecaplain répond, en résumant 
brièvement les grands résultats que la science a déjà 
obtenus, quoique la météorologie, comparée aux au¬ 
tres branches des sciences physiques, soit dans un 
état d’infériorité incontestable et que l’auteur expli¬ 
que. 

M. Linard fait connaître que l’analyse de l’eau de la 
Vienne et des fontaines Blanchard et Jacques-Jean, a 
été faite à Paris et que ces eaux répondent, autant 
que les procédés actuels de la chimie permettent de 
le faire, à toutes les objections sérieuses sur le choix 
d’une eau considérée tant au point de vue de l’hygiène 
qu’au point de vue de l’industrie. 

M. l’abbé Lecler, dont nous avons déjà cité le nom 
plus d’une fois, s’occupe du champignon appelé Poly- 
porus imbricatus Fries que personne, selon lui, n’a 
encore signalé, parmi les champignons comestibles. 
C’egt ce genre Polyphorus Micheli, renfermant pres¬ 
que toutes les espèces employées à la fabrication de 
l’amadou, qui a joué, parait-il, un certain rôle dans la 
légende de Saint-Pardoux, écrite par un contempo¬ 
rain et que conserve un manuscrit du X e siècle de la 
Bibliothèque impériale. 

Nous devons encore au zèle de ce même membre, 
un travail instructif sur les observations qui ont été 
faites jusque-là relativement à la migration des oi¬ 
seaux. 

Une seule question de géologie est traitée par 
M. Carnot, ingénieur des mines de l’arrondissement, 
à savoir : quelles sont les observations géologiques 
faites dans la contrée depuis dix ans ; et encore ce 
sujet n’est-rl traité qu’en partie, car la notice de 


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170 ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 

M. Carnot ne devait être que le complément d’une 
étude de M. Mallard, professeur à l’école de Saint- 
Etienne, qui n’a pu terminer à temps son travail. 
M. l’ingénieur Carnot n’a donc fait part à l’assemblée 
que de ses observations sur cette partie de l’Indre qui 
s’étend, sur la rive gauche de la Creuse, depuis Egu- 
zon, Argenton et Le Blanc jusqu’aux limites du dé¬ 
partement de la Creuse, de la Haute-Vienne et de la 
Vienne.- 

M. de Cessac cite ensuite, parmi les collections géo¬ 
logiques de la Haute-Vienne, celles de MM. Alluaud, 
Linard et Debord. 

La botanique a eu sa large part, puisqu’eutre les 
mémoires déjà nommés, nous avons encore à men¬ 
tionner celui de M. Edouard Lamy, banquier à Limo¬ 
ges, sur les plantes aquatiques et semi-aquatiques 
qui fréquentent les rivières, les ruisseaux, les étangs 
et les marais de la Haute-Vienne. Un tel sujet répon¬ 
dait du reste parfaitement à la nature du pays au 
milieu duquel se tenaient nos assises scientifiques. En 
effet, « peu de contrées, comme le dit très-bien 
M. Lamy, sont aussi variées, aussi pittoresques que 
notre Limousin. Il doit ses avantages à l’inégalité du 
sol, à ses prairies, à la belle venue de ses arbres fores¬ 
tiers, surtout àux innombrables sources qui alimen¬ 
tent ses ruisseaux et ses rivières.Leur cours est 

si rapide qu’il devient presque impossible aux plantes 
de s’y fixer ; cette difficulté s’accroît encore par la 
dureté des roches que recouvrent les eaux : aussi leur 
limpidité n’est presque jamais troublée par la moin¬ 
dre trace de végétation.Plusieurs espèces restent 

à l’état stérile dans les courants rapides,* parce que, 


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ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 171 

amies du repos, la vie agitée ne convient nullement à 
leurs mœurs naturellement douces. > 

En poursuivant, nous voyons que les étangs de ce 
pays renferment très peu de plantes aquatiques, ra¬ 
reté attribuée à ce double motif : la froideur des eaux 
et leur profondeur. Nous faisons ensuite connaissan¬ 
ce avec différentes espèces de mousses qui jouent un 
rôle important dans la formation de la tourbe. « Après 
avoir chevauché longtemps par monts et vallées, il con¬ 
vient de descendre dans la plaine avec celles des 
plantes montagnardes qui voudront bien m’y suivre. » 
C’est aussi ce que nous ferons bien volontiers, en 
compagnie de M. Lamy, pour étudier ces quelques 
plantes; « car, à l’exemple des habilants des hautes 
régions, elles s’attachent au sol natal : on pourrait 
dire qu’elles sont sujettes aussi au mal du pays. » 

Ce travail est complété par l’indication des plantes 
plus ou moins rares et plusou moins communes dans 
la Haute-Vienne, la Creuze, la Corrèze, la Dordogne, 
la Charente et la Vienne. Enfin, les espèces non com¬ 
prises dans les deux catégories précédentes figurent 
dans uu tableau, dressé de façon à faire saisir d’un 
coup d’œil soit l’absence de l’une d'elles, soit son 
abondance ou sa rareté, dans les terrains granitiques 
et siliceux de chacun de ces six départements. 

11 est à regretter que M. Lamy n’ait pas embrassé 
la question posée par le Congrès dans toute son éten¬ 
due, puisqu’il n’a pas comparé la végétation des par¬ 
ties calcaires des départements voisins avec celle du 
plateau central du pays, qui est essentiellement gra¬ 
nitique, se privant ainsi de mettre en relief bien d’au¬ 
tres richesses. Quoi qu’il en soit, c’est avec juste rai¬ 
ls 


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172 


ASS1SKS SCIENfiFigUES !>K I.IM.HÏE*. 


son qu’on peut dire que la lecture de cette étude 
dénote* non - seulement les solides connaissances du 
botaniste, mais encore le talent de l’homme qui aime 
la nature et qui sait faire passer quelque chose de 
cet amour, dans son style. 

XV 

Personne n’ignore que l’industrieuse cité de Limo¬ 
ges possède de nombreuses et importantes fabriques 
de porcelaine. Les mémoires de MM. Frédéric des 
Granges et Dubouché que malheureusement (comme 
bieu d’autres du reste) ne renferme pas le bulletin, 
nous auraient initiés à la situation de l’art céramique 
en Limousin, ainsi qu’à la décoration de la porcelaine, 
non-seulement dans le présent, mais encore dans le 
passé, ainsi qu’aux progrès qui restent à faire à ces 
deux industries. 

Comme complément ou comme préparation à ces 
études, il ne faut pas passer sous silence la conférence 
faite, le vendredi matin, sur la fabrication de la por¬ 
celaine, parM. Astaix, professeur de chimie indus¬ 
trielle de la ville, ainsi que les visites qui ont eu lieu 
sous sa direction, à la manufacture de MM. Alluaud, 
pour étudier la mise en oeuvre des matières et chez 
MM. Havilland, pour étudier le procédé de la décora¬ 
tion à l’aide de l’impression en taille-douce. 

XVI 

Arrivé au terme de ce compte-rendu, avec vous, 
je crois être en droit de dire que les Assises scientifi¬ 
ques qui ont eu lieu à Limoges, sous la présidence 
de M. de Cessac, comme celles de Moulins présidées 


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173 


ASSISES SCIENTIFIQUES DE LIMOGES. 

par le respectable abbé Boudant, sont de ces niani. 
fes ta lions qui marquent et qui impriment au pays 
une noble et sérieuse émulation pour les choses de 
l’esprit. Tout fait donc espérer que le Congrès scien- 
tifiquequi se tiendra, au chef-lieu du département de 
l'Ailier, en 1870, sous la présidence de M. de Cau- 
mont, directeur général de l'Institut des Provinces, 
viendra dignement couronner ce qui a été si bien 
commencé, au triple point de vue des intérêts intel¬ 
lectuels, moraux et matériels des individus et des 
populations. 

Ernest Bouchard. 




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ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 


SIR 

L’INTELLIGENCE DES ANIMAUX 

Par M. J. BENOID-PONS 


CORRESPONDANT DK LA SOCIÉTÉ d'ÉMILATION DE l’aLLIF.R. 


La société d’émulation bienveillante pour ses cor¬ 
respondants a inséré, |dans le bulletin de ses tra¬ 
vaux de l’année 1867, la note archéologique que 
j’ai eu l’honneur de lui communiquer. La dernière 
partie de cette note soulève une haute question de 
zoologie concernant l’espèce humaine; et comme 
complément de la conclusion de ce travail qui attribue 
à l’homme, parmi tous les êtres, une nature et une 
origine à part, j’ai pensé, au point de vue intellec¬ 
tuel des êtres organisés, devoir soumettre aux lu* 
mièresde la Société d’émulation quelques réflexions 
philosophiques de la plus haute importance et qui 
naissent de l’objet de cette seconde étude — je veux 
parler de l’intelligence des animaux comparée à celle 
de l’homme. — Cette haute question de psychologie 
a dû, dans tous les temps anciens et modernes, appe¬ 
ler les méditations de tous les esprits graves et pro¬ 
fonds. Cette matière qui touche grandement à la di- 


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HT U DK l'SY KIOI.'HiiQKK. 


175 


gnilé, à la destinée humaine, mérite l’examen le plus 
sérieux, et par suite de la conclusion zoologique que 
je mentionne plus haut, je n’ai pas crains d’en abor¬ 
der moi-même la difficile question et d’en exposer-lc 
résumé rapide dans le tableau suivant. 

I 

< Une graude différence, dit Cicéron, sépare 
« l’homme de la brute. Entièrement soumise à l’im- 

< pulsion des sens, celle-ci ne se porte qu’à ce qui 

< est devant.elle, ne s’attache qu’au présent, indiffé- 
« rente d’ailleurs pour le passé et pour l’avenir. Mais 
« l’homme parle privilège de cette raison qu’il reçut 
« en partage, voit les causes, les effets, les progrès 
c de ce qui est : aperçoit pour ainsi dire les avant- 

• coureurs des choses, compare leurs rapports, unit 
« l’avenir au présent, embrasse sans effort le cours 
« entier de la vie et prépare tout ce qui est nécessaire 

* pour ce voyage. » (1) 

Dans les temps modernes, l’appréciation du naturel 
des animaux, dans le sens du premier paragraphe de 
la citation que je viens de faire des œuvres de Cicé¬ 
ron, fut généralement acceptée. Aussi, auXVll siècle, 
le philosophe Descartes les considéra comme de sim¬ 
ples machines. Mais dans la suite, beaucoup de grands 
esprits, notamment Bossuet, Condillac, firent une 
part spiritualiste plus vraie et plus juste à l’intelli¬ 
gence des animaux. 

(1) De offlciis, liber l* r . 

Cicéron, tome XXXII, livr. I" r , page i3; bibliothèque latine- 
française, édition Panckoucke. 


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176 


liriDE PSYCHOLOGIQUE. 


Cette dernière opinion a prévalu. Aujourd'hui, les 
doctrines philosophiques les plus accréditées, en psy¬ 
chologie, reconnaissent que certaines facultés, telles 
que la mémoire, l’attention, la perception, l’exécu¬ 
tion se révèlent à un certain degré chez les bêtes. 

Cependant cette nomenclature intellectuelle, à la¬ 
quelle l’intelligence des animaux participe, jusqu’à 
une certaine mesure, ne suffit pas aux psychologistes 
de la nouvelle école;—leur système n’est pas restric¬ 
tif— ils donnent aux bêtes toutes les facultés de 
l’homme ; dès lors, ils ne craignent pas d’attribuer 
aux animaux, la pensée et le jugement, cette haute 
et dernière faculté qui apprécie, raisonne, compare, 
juge et n’est au fond que la raison. 

Mais là se trouvent l’exagération excessive et le 
côté faux de l’opinion de ceux qui élèvent la spiritua¬ 
lité desbêlesà la hauteur de ces deux facultés de l’es¬ 
prit, la pensée et le jugement ; car, ainsi que l’ensei¬ 
gne Cicéron, tout concourt à prouver que la raison est 
uniquement dans le domaine de l’homme, comme la 
pensée n’est pas moins sa prérogative exclusive ; d’où 
la conséquence, dans cette dernière hypothèse, que 
l’homme seul a le pouvoir de faire usage de la pen¬ 
sée qui est la faculté principale, éminemment inven¬ 
tive, prévoyante et la source première du perfection¬ 
nement des choses ; or, rien de tout cela n’apparait 
dans la conduite des bêtes ; la pensée n’est donc pas 
constitutive du principe vital et intellectuel des ani¬ 
maux. 

Les écrivains qui élèvent et généralisent l’intelli¬ 
gence des animaux ont le soin, à l’appui de leurs 
écrits etcomme signe évident du principe spiritualiste 


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ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 


177 


et fécond qui les anime, d’énumérer les actes intelli¬ 
gents qu’on observe dans les habitudes des bêtes. Les 
mœurs mystérieuses et surprenantes des innombra¬ 
bles espèces d’animaux et d’insectes qui peuplent 
l’univers et qui concourent non moins mystérieuse* 
ment par leur reproduction infinie et leur coopéra¬ 
tion destructive des uns par les autres & en as* 
surer l’équilibre, se prêtent sous leur plume à de 
merveilleux et brillants récits. Ces écrivains appuient 
surtout leur thèse sur les actes des animaux domes¬ 
tiques — les circonstances qui caractérisent le natu¬ 
rel des animaux , quoique vulgairement connues, 
n'attachent pas moins l’esprit et ne manquent jamais 
d’intérêt. — Le chien, l’ami de l’homme, est l’animal 
qui fixe le premier l’attention de l’observateur. C’est 
lui principalement qui procure par sa sagacité, les 
nombreuses anecdotes d’intelligence animale qui se 
rapportent dans le monde. Ses habitudes domesti¬ 
ques sont tellement variées qu’elles démontrent, à 
ne pas en douter, qu’il fait usage plus ou moins long¬ 
temps et jusqu’à un certain degré de certaines facul¬ 
tés de l’esprit ; notamment, de la mémoire, de l’at¬ 
tention, de la perception, de l’exécution ; et cela, dans 
les exercices des actes qui lui sont familiers, qu’on 
exige de lui lorsqu’il a appris à les connaître, ou qui 
naissent en frappant ses sens des objets qui 'l’entou¬ 
rent. 

,Dans toute matière d’une nature délicate et pro¬ 
fonde, comme celle qui nous occupe, la forme et le 
titre de l’ouvrage qui en contient l’exposé servent 
souvent à répandre plus facilement de périlleuses et 


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178 


ÉTUDE t’SVCIlOLOCiyUK. 

imaginaires doctrines : le contenu de la note qiu __ 
relate plus bas en fournit un exemple. (1) 

Ce n'est donc pas sans un intérêt utile, réel et op¬ 
portun que de se préoccuper de la dignité de l’espèce 
humaine et de faire en sorte, d’élever l’intelligence 
de l’homme à la hauteur exceptionnelle qui lui ap¬ 
partient parmi les êtres organisés. C’est une vérité 
manifeste et dont la preuve évidente résulte claire¬ 
ment de la différence qui existe, entre l'animisme de 
l’homme et le vitalisme des bêles. 

Cette différence est compréhensible, visible pour 
tous. En effet, l’intelligence chez la brute ne se ré¬ 
veille, ne sort de sa léthargie, ne parait, dans quel¬ 
ques-uns des divers rouages intellectuels qui caracté¬ 
risent idéalement l’àme humaine, qu’à l’aide d’un 
signe extérieur. Chez la bête, celle lueur d’inlclli- 

(1) Le système de l'intelligence pensante des animaux vertébrés 
c cst-à-dire pourvus de cerveau, se trouve très-élégamment présenté 
dans le livre de l’éducation des mères de famille ou de la civilisa¬ 
tion du genre h imain par les femmes , par M. Aimé Martin, 3* édi¬ 
tion, 1841. Au chapitre VI11, l'auteur est conduit à placer l'Ame 
dans l'idéal et la conscience de riiotume. 

Plus récemment, M. Figuier, dans son édition populaire, la 
terre avant le déluge , 1863, émet la même opinion admiratrice de 
l'intelligence des bétes. On y lit, page 406 : « que dans bien des 
occasions, l'animal agit en vertu d'une décision mûrement pesée » 
l'ouvrage énumère beaucoup d'autres écrits, qui élèvent à la même 
hauteur l’intelligence des animaux ; cet auteur trouve l'homme 
surtout dans la faculté qu'il a d’abstraire et dans celle d'avoir créé 
la poésie, l'algèbre, même page 406. 

Celte année 1868, la librairie Hachette, Paris (bibliothèque des 
merveilles) a publié dans le même esprit, Vintelligence des ani¬ 
maux , par M. Ernest Menault. 

On sait qu'il y a même de savants physiologistes qui nous font 
descendre des singes. 


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ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 


179 


gcnce, l’usage qu’elle eu fait à court temps et à un 
certain degré, se réduit, selon mon exposé, à la sim* 
pie faculté de mémoire, d’attention, d’exécution; 
facultés diverses, dans l’énumération desattributs de 
l’esprit et accidentellement produites chez la brute, 
comme je viens de le dire, suivant les cas, soit par la 
présence d’un objet extérieur qui frappe les sens de 
l’auimal, soit par un signal qui lui est familier et que 
la personne qui commande à l’animal exécute devant 
lui. 

Gela est si vrai—toute merveille à part—que le chien 
premier type de l’intelligence des animaux n'obtient 
aucune perception prévoyante du seul fond intime de 
son être; ne perfectionne, ne change de lui-même 
rien qui repose sur l’esprit. Aussi, dans les services 
qu’il rend, sa participation à ces services, son obéis¬ 
sance à les accomplir ne sont pas autre chose que 
le résultat de ses habitudes journalières qui réveil¬ 
lent sa mémoire, ou que lui rappellent le commande¬ 
ment, le signal de son maître. S’il agit avec plus d’a¬ 
dresse et de précaution, lorsqu’il a un certain âge que 
lorsqu’il est jeune,ce qui arrive pour tous les animaux, 
cette expérience apparente chez les bêtes de toute 
espèce, n’est cependant que la suite, l'effet du temps 
qui donne aux sens moins de mobilité, et leur im¬ 
prime une direction plus fixe et plus sûre. C’est 
encore la même main du maître q ui dirige le chien 
savant, dans les exercices pour lesquels principale¬ 
ment cet animal est parfois habilement dressé. 

Mais quoi qu’il en soit, la science factice des ani¬ 
maux ne change pas le cours uniforme de leur vie 
naturelle et pour me borner à la vie propre du chien, 


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180 


ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 


je répète que le mobile de ses actions ne dépasse 
jamais le cercle des choses qu’il a appris à connaître, 
à suivre ou qui excitent ses appétits,-provoquent sa 
colère, frappent sa vue, son oreille ; chatouillent, 
éveillent son odorat ; c’est en tout, dans les fonctions 
de sa vie animale, un mouvement intellectuel borné 
et soumis à des lois naturelles déterminées et arrê- 
tées. 

La pensée, ou plutôt l’âme elle-même, n’est pas 
chez l’homme renfermée dans un cercle étroit d’ac¬ 
tions bornées et prévues, ni soumises pour se mani¬ 
fester à une cause motrice, en dehors de l’âme 
même. La pensée chez l’homme apparaît proprio motu 
avec une entière liberté ; elle parcourt de sa propre 
et intime inspiration le champ intellectuel le plus 
vaste et le plus varié en bien comme en mal. (i) 

C’est la pensée qui est le foyer lumineux de l’esprit 
humain; c’est elle, ainsi que je l’observe précédent- 


(1) Le parcours que je prête à la pensée et qui est un des pou¬ 
voirs réels de scs attributs, me conduit à noter et à faire utilement 
remarquer, que l'existence toute morale de la pensée en rend évi¬ 
demment insaisissables le mouvement et l'étendue. Il n’en est pas de 
■néme pour les diverses fonctions de I organisme du corps dont le 
mouvement et l'étendue peuvent se mesurer, se calculer comme 
cela est possible par exemple, en expérimentant-la circulation 
du sang, les battements du cœur, les pulsations du pouls, le souffle 
des poumons, etc., etc. 

Il résulte donc nécessairement de cette différence substantielle 
des deux éléments de la vie, que l'essence de la pensée n’est 
pas le produit de l’organisme humain, et qu’elle échappe par con¬ 
séquent à la science physiologique expérimentale qui n’a de prise 
et de point d’appui que sur le corps, où se secrétent les substances 
matérielles appropriées aux fonctions des organes de I homme. 


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KTl LtK l'SYCHOLOGIQl'Ë. 18 i 

ment qui la première aperçoit, à l'aide de la raison 
éclairée, les probabilités de l’avenir et par consé¬ 
quent les résultats qu’on doit en attendre ; de même 
l’invention infinie et permanente des grandes et belles 
choses comme les progrès qui les préparent, les per¬ 
fectionnent et les assurent sont des attributs qui 
naissent de l’initiative de ses aspirations élevées et 
libres. Le génie que le monde admire, dans le résul¬ 
tat de ses hautes combinaisons, n’est rien autre chose 
que l’idéal du beau, du grand, l’élan de la pensée 
plus pénétrante et plus développée par exception 
dans quelques natures privilégiées ; l’homme a ce 
haut et intime privilège, la bète ne l’a pas. 

« Les ruches des abeilles, dit Pascal, étaient aussi 
< bien mesurées, il y a mille ans qu’aujourd’hui, et 
« chacune d’elles forme cet hexagone exactement 
« la première fois que la dernière » (1) 

U 

Le rapprochement de l’intelligence de l’homme avec 
celle des bêtes, ne se borne pas aux facultés de i’es- 
prit qui ont rapport à la mémoire, à l’attention, à la 
perception, à l’exécution ; mais il faut encore, sans 
craindre de rabaisser l’espèce humaine, donner aux 
animaux une place dans les éléments intellectuels qui 
caractérisent les sentiments, les mouvements du 
cœur. C’est le titre incontestable qui leur acquiert un 
droit à la protection et aux bons traitements de 
l’homme. 

(4) Pensées de Pascal, l ro partie, art. \ tf . 


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182 


ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 


< Elles ont (les bêtes), dit Montesquieu, des lois na- 
« turelles parce qu’elles sont unies par le sentiment, 

« elles n’ont point de lois positives parce qu’elles ne 
< sont pas unies par la connaissance. > (1) 

C’est là encore, ce qui sépare profondément l'intel¬ 
ligente de l'homme de celle des bêles, lesquelles 
n’ont pas de connaissance; c’est-à-dire qu’elles n’ont 
pas d’elles-mémes la conscience de leurs actions, et 
il ne leur est pas alors permis de les conformer par le 
raisonnement et à Y avance aux choses exécutées et faites 
à-propos. La conscience intime, même de son propre 
être, le moi, s’il n’est pas provoqué, fait défaut à l’ani¬ 
mal et le soin qu’il semble mettre à sa conservation 
n’est que le mouvement inné de l’instinct de la vie 
que porte en soi — sans en excepter l’homme — cha¬ 
que être organisé ; et cela, quelque précaution inlelli* 
gente en apparence que les bêtes prennent — suivant 
la catégorie de l’espèce à laquelle elles appartiennent, 
— soit à se garantir des intempéries des saisons en 
s’émigrant, à certaines époques, d’un climat à un 
autre, soit à construire, à confectionner leur demeure, 
à capturer leur proie, à rechercher, à ramasser, à 
emmagasiner la substance qui convient exclusivement 
à leur espèce. C’est le même instinct, la même loi de 
nature qui les porte à s’écarter sur leur chemin des 
obstacles qu’ils rencontrent et à éviter, dans le 
moment même , mais sans appréhension sentie de 
la mort, l’imminence du danger qui s’offre à leurs 
yeux. 


(1} Montesquieu, esprit des lois, liv. !•', chap. II. 


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ÉTl'DE I SVCHOl.OlilQl K- 


183 


< Les animaux, dit un écrivain du commencement 
* de ce siècle, ne connaissent point la mort par la 
< raison qu’ils ne connaissent point la vie. » fi) 

La preuve non équivoque, comme je viens de le 
dire, que des sentiments d'une certaine nature exis¬ 
tent également à un certain degré chez les bêles, 
résulte tout d'abord de la sollicitude que témoigne la 
femelle pour ses petits, de l’ardeur qu’elle met à les 
défendre. Il est même facile de remarquer, chez les 
oiseaux surtout et chez certaines espèces de volatiles, 
le mâle lui-même aider la femelle dans la garde et les 
soins donnés aux petits de la nichée ; mais cette ni¬ 
chée, quoique couvée attentivement sous l’aile de la 
mère, ne tarde pas à lui devenir entièrement étran¬ 
gère, aussitôt la volée prise. On sait également que 
des animaux s’attachent à des compagnons de travail 
ou de captivité ; ils s’en séparent avec peine, ce qu’ils 
font connaître par des cris et des hennissements ; 
mais en tout chez eux, les souvenirs sont fugitifs 
comme l’objet qui disparait; par suite l’instinct même 
de la reproduction que périodiquement les animaux 
éprouvent, ne forme entre eux aucun lien durable. 

La bêle n’est pas émue par les merveilles de la na¬ 
ture ou de l’art. Elle passe froide et indifférente devant 
les beautés de tout genre. La bête n’a nul souci de sa 
situation plus ou moins précaire ; la pâture lui suffit. 
Si son corps est sain, exempt de souffrances et d’ap¬ 
pétits sauvages, elle profite sûrement à l’engrais dans 
le calme et la quiétude de son indifférence. Elle 


(1) De Saint-Marlin, dit le philosophe inconnu, de l’esprit des 
choses, lome H, année 1800. 


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184 


ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 


n’éprouve pas comme l’homme dans le cours desa vie, 
la réaction chagrine, inquiète, maladive de l’esprit ; 
réaction morale, spiritualiste qui atteint le corps 
humain, diminue ses forces, altère ses organes et 
l’expose à périr. 

La pitié est étrangère à l’animal, quoiqu’il recon¬ 
naisse et épargne par instinct son espèce « la brute, 
dit Juvénai, reconnaît et épargne son espèce > (1) 
aussi instinctivement les animaux de la môme espèce 
— malgré le programme infranchissable qui régit 
leurs habitudes naturelles—généralement se recher¬ 
chent, se groupent ; et lorsque l’instinct de l’espèce 
est sociable entre elle, le plus fort animal du groupe 
réuni se met à la tête du troupeau et en dirige les 
mouvements : tant est dominatrice sur tous les êtres 
organisés l’influence prestigieuse de la force I Cette 
union cependant — sauf par exception chez quelques 
espèces principalement , maritimes — ne se cimente 
que momentanément, et cela à la vue surtout du 
danger qui les menace ou d’un objet qui excite leurs 
appétits. Ces animaux mettent alors en commun 
leurs moyens de défense ou leurs efforts pour s’em¬ 
parer du morceau convoité. Mais bientôt la proie 
dont ils sont maîtres excite les appétits individuels 
et soulève entre eux des querelles, des combats tran¬ 
chés subitement par les armes naturelles dont chacun 
est pourvu. Aussi, la guerre durable, stratégique et 
militante, entre animaux et d’espèce à espèce, ne 
s’ensuit pas par la raison non moins certaine, que 


(K J u vénal satire XV.... pareil coçnatis macu/is similis fera.... 


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ÉTIDE PSYCIIOLOfiUtl'E. 185 

leurs passions ne sont pas réfléchies, calculées, inta¬ 
rissables comme elles le sont chez les hommes. 

La bête la plus sauvage se montre sensible à la main 
qui la soigne. 

« Les bêtes même, dit.Sénèque le philosophe, sen- 

< tentce qu’on fait pour elles et il n’y a pas d’animal 
« si sauvage, que nos soins ne puissent dompter et 
« conduire à nous aimer. Le lion laisse manier sa 

< gueule par son maître ; le farouche éléphant se fait 
« l’esclave obéissant de l’Indien qui le nourrit; tant 
« une bonté assidue et persévérante triomphe même 
« des natures qui ne peuvent avoir l’intelligence et 
« la conscience du bienfait » (1) 

L’animai a même le sentiment spontané, actuel de 
l’acte courageux qu’il accomplit et qu’il partage avec 
le maitre qui le dirige. Le cheval s’anime, s’exalte au 
feu, au bruit des batailles; ses membres frémis¬ 
sent, ses allures, qui sont toujours franches et aisées 
sur la route qu’il connaît et dont il conservé la mé¬ 
moire, se dressent en face d’un péril imminent. Ce 
même sentiment accidentel,quoiqued’un autre genre, 
se retrouve dans l’animal qui vient d’accomplir en 
présence des personnes qu’il connaît, un acte bon ou 
mauvais. Le chien que je mentionne de nouveau par 
rapport à toutes ses qualités intelligentes, se réjouit 
lorsqu’il a exécuté ponctuellement les ordres de son 
maitre ; il est craintif, soucieux, si l’acte qu’il a com¬ 
mis est repréhensible et s’il a mal compris le com¬ 
mandement qui vient de lui être donné. 


il! Sénèque le philosophe, des bienfaits , livre 1 er parag. III, tra¬ 
duction iN isard, 1850. 


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180 


I'TI DE PSYCIIOl.f CIQl'K. 


Je me borne pour ne pas multiplier les citations do 
v faits d'intelligence animale connus de tous, à rappe¬ 
ler les divers phénomènes que je viens d’exposer 
parmi beaucoup d’autres faits particuliers à chaque 
espèce d’animaux cl qui prouvent évidemment qu’il 
existe chez les bôtes, un principe vital étranger à la 
matière. 

III 

Est-ce à dire, que la dignité de l’homme peut être 
compromise par ces termes de comparaison spiritua¬ 
liste ? — Nullement — Sa supériorité intellectuelle et 
l’origine surnaturelle de l’esprit qui l’anime n’en res¬ 
tent pas moins intactes. 

En effet, la bête selon l’ordre le plus visible des 
lois naturelles qui régissent l’univers est un être en¬ 
tièrement mortel. Si la bêle dans bien des cas est 
pour l’homme un eompagnon, un auxiliaire précieux 
dans ses travaux, elle ne sert pas moins à satisfaire 
ses besoins de première nécessité, c’est-à-dire à le 
nourrir, à le vêtir. Celte appropriation des animaux 
à l’usage de l’homme, de tout temps universellement 
reçue, confirme cette pensée que la destinée de la 
béteest périssable, comme celle de la plante qui elle- 
même, dans le dernier rang des êtres, se meut par 
une sensibilité qui lui est propre — phénomène re¬ 
marquable surtout chez la sensitive, et visible chez 
d’autres plantes de diverses familles—vit et croit au 
moyen des feuilles, ses organes respiratoires, et des 
sucs nutritifs qu’elle s’approprie par ses racines adhé¬ 
rentes au sol. 


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187 


ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 

La tête,courbée vers la terre, la parole manque à 
l’animal. Ce merveilleux mécanisme qui est un 
moyen pour l’homme de communiquer avec son sem¬ 
blable et d’exprimer ses idées n’est pas au pouvoir de 
la brute; il s’ensuit que l’absence du langage impli¬ 
que nécessairement chez la bête, l’absence de la pen¬ 
sée dont la parole est l’instrument naturel. Rien 
n’élève le principe vital et intellectuel des bêtes au- 
dessus des choses terrestres ; rien ne les porte, comme 
je l'ai déjà dit, à l’usage réfléchi de la liberté qui est 
de l’essence même de l’âme. 

L’homme seul par son libre arbitre s’appartient ; 
lui seul a la conscience, le sens intime du bien et du 
mal ; sens intime d’où découle la loi morale qui le 
régit et le gouverne utilement en société ; lui seul a 
le privilège d’élever sa pensée à Dieu, son regard jus¬ 
qu'au firmament, cette voûte céleste parsemée, en 
nombre incalculable, de corps lumineux qui roulent 
sur nos têtes et brillent à nos yeux d’un vif et majes¬ 
tueux éclat. 

L'homme seul sur ce globe connaît les beautés de 
tous genres qui l’ornent et le composent; lui seul 
apprécie, calcule l’ordre immuable et parfait dés 
merveilles qui l’entourent et dont l’existence et le 
mouvement acclament visiblement — rien ne nais¬ 
sant de rien — un créateur suprême également tout 
autre que la nature proprement dite inerte et maté¬ 
rielle dans sa composition, dès lors impuissante à 
créer le mouvement et la vie. 

Ainsi, tous ces faits universels, grandioses, immen¬ 
ses, merveilleux qu’il est donné à la science humaine 
de connaître, d’apprécier et de constater manque- 

w 


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188 


ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE. 


raient de causes pour en comprendre la création et le 
but, si en appréciant la matière et en comparant la 
vie de l’animal à celle de l’homme, il était possible, 
d’en conclure que tout fatalement chez l’homme, 
corps et âme, doit périr et finir de même. Une telle 
conclusion serait l’approbation des doctrines maté¬ 
rialistes et panthéistes qui se révèlent de nouveau, 
et qui servent aux disciples de cette école pour don¬ 
ner faussement à la science, comme je l’observe pré¬ 
cédemment dans une note, le singulier droit de sou¬ 
mettre l’esprit par le moyen de la structure et du 
jeu des organes au fonctionnement réglé d’une méca¬ 
nique. Un pareil enseignement, uon-seulement dé¬ 
grade l’homme, lui ôte le prestige de sa nature et 
l’idéal de ses instincts élevés; mais encore, il aboutit 
à rien moins qu’à la négation du vrai et du faux, et à 
celle du libre arbitre qui laisse à l’homme la liberté 
de choisir le bien et d’éviter le mal. C’est de plus, 
l’anéantissement moral des choses qui reposent l’es¬ 
prit dans l’honnêteté des traditions domestiques et 
sociales, et dans l’espérance consolante et juste d’un 
meilleur aveuir, au-delà de ce bas monde—là cepen¬ 
dant réside la vérité rationnelleet vivifiante, non dans 
le néant. —Aussi, l’homme convaincu de la spiritua^ 
lité de l’âme, par conséquent de son immortalité, 
puise dans cette pensée un grand encouragement à 
faire le bien et il devient alors, dans son propre in¬ 
térêt et dans l’intérêt du bon ordre, soucieux des 
actes de sa vie et de la mémoire qui lui survivra. 

Gannat, octobre-1868. 


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MÉMOIRE 

SUR 

UN DÉPÔT TRACHYTIQUE 

DANS LA COMNUNE D'YZEURE. 


lü EN séance de la société d’émulation de l’allier. 


En 1751, l’observateur Guettard annonçait bien 
vaguement à l’Académie, l’existenced’anciens cratères 
sur les monts du Puy-de-Dôme. Plus tard, Desmarets 
publia ses observations confirmant l’opinion que 
Guettard avait avancée, seulement il supposait que 
le Puy-de-Dôme était formé d’une masse autrefois 
granitique, ayant changé de nature par l’action des 
feux souterrains éteints depuis longtemps. Cette opi¬ 
nion tomba d’elle-mâme devant les théories mieux 
fondées de plusieurs savants qui avaient depuis étu¬ 
dié les montagnes de l’Auvergne; cependant, elle sub¬ 
sista jusque vers 1788, époque à laquelle M. lecomte 
de Montlosier publia ses opinions sur la formation 
des Puys-de-Dôme, il supposait que tous les Puys 
avaient été l’effet d’une irruption soudaine et pulvé¬ 
rulente dont les matières retombant de toutes parts 
avaient dû nécessairement s’épancher en tous senset 


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190 


MÉMOIRE SUR UN DÉI'OT TRACHYT1QUE 


affecter une configuration sphérique, il fondait ainsi 
sa théorie sur la présence de roches scorifiées qu’il 
avait observées dans les carrières du Puy de Clierzon» 
et sur d’autres points environnant le Puy-de-Dôme. 

Dolomieu fut le premier qui regarda le Puy-de- 
Dôme comme le produit d’un volcan qui aurait été 
bien plus élevé dans son état primitif, puis entraîné 
en partie par les mers. Son opinion eût paru vraisem¬ 
blable, si Dolomieu avait pu fournir une preuve du 
séjour des eaux dans les régions des Puys, et expli¬ 
quer surtout, comment la retraite des eaux aurait pu 
se produire sans entraîner à leur suite les débris vol¬ 
caniques qu’elles auraient recouverts. Mais convaincu 
de son opinion, le savant Dolomieu la soutint avec 
plus d’énergie : il avait eu raison, les travaux des 
hommes de science sont venus corroborer ces idées, 
sinon par dès preuves palpables, mais par des fictions 
que leur justesse a fait accepter. 

Je reviendrai sur ce point important^ après avoir 
jeté un coup d’oeil sur l’ensemble des systèmes de 
bouleversements que notre globe a éprouvés. 

La mer Silurienne avait passé sans atteindre les 
sommets granitiques de l’Auvergne et du Limousin, 
un peu plus tard, les lacs carbonifères baignant les 
pieds des monts comblaient de leurs dépôts les anfrac¬ 
tuosités du sol en formant les houillères de Noyant, 
Fins, Commentry, celles du Forez et des Cévennes ; 
l’époqueTriassique parait avoir envahi parla mer qui 
porte ce nom, la presque totalité sinon les montagnes 
entières de l'Auvergne, elles semblent reparaître 
au-dessus des eaux pendant le dépôt du terrain Juras- 


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MÉMOIRE SUR UN DÉPÔT TRACHYTIQUIÎ. 191 

sique, celui Crétacé et celui de l’époque Parisienne. 

Le système du grand soulèvement de Corse avait 
produit sou effet, la dislocation du sol causée par 
cette nouvelle catastrophe, l’affaissement des terrains 
avaient fait naître de nouvelles mers submergeant 
de nouveau la terre ferme, autrefois immergée. Ce 
fut de cette époque dite de Molasse que se forma ce 
lac immense s’étendant depuis près de Rodez, jus¬ 
qu’aux mers du Nord ; l'Auvergne était au centre de 
la plus grande largeur de ce lac qui se rétrécissait de 
beaucoup vers Moulins, pour former une sorte de 
détroit vers le Veurdre et Château-sur-Allier. L’on 
peut encore observer aujourd’hui les traces de ses 
bords vers les localités ci-dessus indiquées, ainsi qu'à 
Saint-Germain-des-Fossés. 

L’époque Subapennine en succédant à celle de Mo¬ 
lasse fit complètement disparaître le lac dont je viens 
de parler, et enfin le Diluvium rétablit à peu près le 
globe terrestre dans la même configuration que nous 
lui connaissons. 

Suivant un auteur moderne, les volcans du Puy-de- 
Dôme ne se seraient formés que vers le dix-septième 
soulèvement appartenant au système du Ténare, et 
alors cette formation serait de beaucoup postérieure à 
l’époque de la Molasse, tandis qu’il est plus que pro¬ 
bable ou à peu près certain que les cratères ont pré¬ 
cédé cette époque, et voici les faits sur lesquels j’ap¬ 
puie mon assertion. 

Au moment de la débâcle du grand lac qui traver¬ 
sait notre province et formé par l’époque que je viens 
d’indiquer, les eaux se retirèrent du Sud an Nord (la 
Loire et l’Allier ont leur cours dans la même direo- 


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192 MEMOIRE SUR UN DEPOT YRACHYT1QUE. 

tion) entraînant à leur suite des débris volcaniques sur 
lesquels elles avaient longtemps séjourné, il dût alors 
se former des dépôts de tufs ponceux, de trachyte, 
de domile, de laves, de basaltes, charriés par les 
eaux qui dûrent les amonceler au fond des vallées. 
Jusqu’ici ces dépôts n'avaient été découverts, malgré 
que l’on reconnaissait quelques laves apportées par 
une action mécanique au-delà du Puy-de-Dôme, et 
comme on en voit au hameau de Brolat, non loin de 
l’Ailier. 

Ramond dans ses travaux sur le nivellement baro¬ 
métrique des monts Dores et monts Dômes supposait 
l’existence de dépôts de matières pulvérulentes, de 
domite, et autres produits volcaniques, et dans un 
rapport qu’il en adressa à l’Académie des sciences, il 
donna pour solution de son problème que les vents et 
les pluies torrentielles avaient dispersé ces débris 
volcaniques çà et là, et quelquefois à une assez grande 
distance du lieu où ces matières avaient été produites. 
Mais cette solution parut insuffisante à l’Académie et 
un peu plus tard l’auteur en proposa une nouvelle, 
qui fut de nouveau combattue, et dont la bibliothèque 
de Genève publia en 1829, un article très étendu. 

A environ quatre kilomètres nord-est de Moulins, 
au lieu dit Les Combes, commune d’izeure, existe un 
immense dépôt de tuf trachytique, analogue identi¬ 
que à ceux que l’on trouve aux environs et sur les 
Puys-de-Dôme. Ce dépôt disposé en stratifications 
concordantes, repose sur une nappe d’eau vive qui 
se trouve à environ onze mètres au-dessous du ni¬ 
veau du sol actuel et à treize ou quatorze mètres de 
celui qui devait exister avant la disparition des 


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MÉMOIRE SUR UN DÉPÔT TRACHYTIQUE. 193 

argiles et des terres, une première couche de galets 
roulés forme la base de ce dépôt, qui n’a pas moins 
de six mètres d’épaisseur ; au-dessus de ce premier 
lit commencent les conglomérats trachytiques, 
essentiellement formés de particules de trachyte 
blanchâtre, roulées, usées et arrondies par un 
frottement prolongé ; au-dessus se remarque une 
autre couche de galets siliceux, à cassure conchoïde, 
jaunes et colorés en noir à la surface, quelques rares 
fragments de trachyte y sont mélangés.G’est dans cette 
couche que ceux qui exploitent ce terrain, ont trouvé 
une matière noirâtre, fibreuse, se réduisant en pous¬ 
sière, impalpable au toucher, et ressemblant par sa 
texture à du bois, je n’ai pu en découvrir, je relate 
cette particularité, car dans les fossés du chemin 
d’Alagnat, village bâti sur les trachytes du Puy-de- 
Dôme, il a été trouvé du bois carbonisé lors du tra¬ 
vail d’agrandissement de ces fossés. Les couches supé¬ 
rieures ne sont plus alors formées que de conglomé¬ 
rats, toujours stratifiés, formant des lignes succes¬ 
sives d’un dépôt constant et alternatif en plusieurs 
endroits, soit de gros, soit de très petits fragments de 
trachytes liés entre eux, et ayant à peu près la même 
couleur. Dans l’une des couches inférieures, à un 
pied environ du niveau de l’eau, j’ai trouvé un mor¬ 
ceau de lave, d’une grande porosité et dont la densité 
était à peu près égale à celle du trachyte, c’est le 
seul morceau que j’ai rencontré. 

Ce dépôt était autrefois recouvert par des argiles 
qui ont été enlevées pour les briqueteries, elles étaient 
assurément de la même nature que celles qui existent 
au nord de ce dépôt et y touchent ; la première cou- 


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194 MÉMOIRE SUR UN DÉPÔT TRACilYTIQUE. 

che est une argile blanche, parfois bleuâtre et rosée, 
très onctueuse, elle est superposée par une autre 
argile ferrugineuse, puis une couche de limonite de 
peu d’épaisseur est séparée de la terre végétale par 
un autre banc argileux, de couleur noirâtre. L'ensem¬ 
ble de ces couches d’argile varie de 4 à 5 mètres d’é¬ 
paisseur au-dessus de la dernière stratification tra- 
chytique. 

F. Pérot. 




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LEXIQUE 0 

PATOIS DU CANTON D’ESCUROLLES (BOURBONNAIS) 


COMPARÉ 


AUX LANGUES ANCIENNES ET MODERNES 


Par M. Victor TIXIER, membre correspondant. 


Aumône, aumogne (Duc.); alms, A.; limosm, E.; /*- 
mosina, IL.; eîmômo, Auv.; mon, donner, Ba. 

Auquant, R., aucun. 

AurAge, adj. 2 g.; orageux, horée, forte pluiç, R.; 
quo tëns é aurage ; euradzou, Auv. 

Eara, uria, pluie ; eurgaza, nuage, Ba.; vor, dvor, 
eau, G. 

Aure, aurxs ; grand vent, ouragan ; orez. (Lai de 
l’Oiselet.) 

Hurricane, A.; huracan, E.; oragano, It.; euro, Auv.; 

Urisch, puissant; awel, vent ; eurach, plein d’eau, 
G.; euragui, beaucoup, Ba.; oragan, B. 

(*) Voir la !'• livraison du tome XI, page 8. 


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196 


AVA. 


Austretel, autant. (Une damoiselle qui sonjoit .) Baille 
me de toun avene, ie te baillerai austretel de la mien ; 
altoir, autre, Irl. 

Autr’aillous, autre part; elsewhere, A.; otraparte, 
E.; altrove, It. ; undaquan, Auv. 

Autant bën, aussi bien. (Roq.) 

Auteil, autel (Roq.); altar, A. E.; ait are, It. Lat.; 
aeutel, euta, Auv. 

Al, haut; tar, devant, Celt.; al, pierre, Celt., Irl.; 
tar, habitation, creuser, Celt. 

Autrazie, avant-hier; autrier, R.;autre’hier. (D. J. F.) 

Vutretant, autrautant, autant, en égale quantité. 

N’oi austretani mal ne dolor. 

[Const. Duhamel.) 

Autretëns, autrefois, Auv. 

AuvArgne, nous appelons Auvergne toute la partie 
de l'Ailier qui appartenait à cette province, les gens 
de Gannat, d’Escurolles sont pour nous des auver¬ 
gnats. 

Arvernia, peut être d ’aroor. B.; mer, en sou venir du 
lac de la Limagne, ou arvor, plaine ; limania, A. M-, 
signifie plaine. 

AvaieI avaie! vois donc! regarde donc! ahtvez, 
R.; awet, espionnage (D. J. F.); avez, dehors, Corn. 

Avaler, descendre, R.; avallare, It.; avalare, A. M.; 
val, bas, vallée, Celt. 

Avaluére, avaloire (Duc.),»o/, Celt. 

Avaquer, affaiblir, approcher de la fin, los ôvrages 
s’avaquont ; vacate, vider, A.; tranquille. 


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avé 497 

Avach, petit, Ec. Irl.; vachan, G. (vacant); vagan- 
nereh, défaillance, B. 

Avances, m. pl., aisance: veire deins sos avances. 
Panre sos avances. 

Lorsque les nouvelles mariées accouchent, selon la coutume 
de Randan, ce qui n’est pas rare, leurs mères se consolent en 
disant : Ouz ont pm's /tus avances. 

Avarraô, varrou, courtilière ; averia, dommage, 
Ba. 4 - ouen, arbre, b.; gave, jardin, G. de Mona; 
vargus, larron. Gaulois; virlis, jardin, Irl., peut-être 
de barri, diviser, Corn., de sa progression souter¬ 
raine. 

Avartî, v., avertir; avartmemënt do jûge de pès. Vam, 
advertissement, A.; advertir, advertercia, E.; awertire, 
It.; avisatu, Ba..; averticza, B.; vert, défense, Irl. (d’où 
prendre sans vert.) 

Ave, avas, cette désinence de l’imparf. ind. à toutes 
les conjugaisons, ie amave, te fenissavâs, ou rendave, ne 
recevavia/is appartient au latin, à la langue d’Oc et à 
l’espagnol. Elle détermine nettement la délimitation 
du Bourbonnais et de l’Auvergne. 

Aveine ou mieux avene ( Chron. Saint-Magloire) ; 
avoine ;oats. A.; avena, E. Auv.; vena, It.; chevade, 
Auv.; av, herbe. G.; en, élevé, excellent, G. B. 

Aveinière, champ d’avoine (Roq. Duc.); avenariae, 
A. M. 

Aveïre et veïre, avoir auxiliaire, aver, (Roq.) ne 
signifie pas posséder, qui se dit : tenî ; ie ai sena tout 
lechépre qu’te tenios. On trouve auriani, avianl (rare), 
R.; hâve A.; l’espagnol a comme nous deux verbes 


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198 


* Avi 


kaber et tener ; avéré, It.; habere, Lat.; ower, over, 
avoir ; over, abondance, G. 

Avenant , à venir, qui suit ; la semane avenant ; 
wain, venir, G. 

Avenasse, paille d’avoine, advenas. (D. J. F.) 

Avenî, revenir, arriver, kela pâ v’s avënt, 

Une aventure qui avint. 

(Hugues Piaucelle.) 

Happen, A.; avvenire, It.; wain, venir, G. 

Avenue, retour, arrivée ; advenue, qui est arrivée 
(D. J. F.); abendua, Ba.; wain, G. 

Avermes, Avrilly, Bellenaves, Naves, n. de lieux, 
ont le radical Gaulois, ave, eau. 

Avers, avare ( castoiement du père), ward, garder, 
A.; avaro, E. It.; avarus, Lat.; avaricius, B. warth, 
garde, Irl. 

Avesîner, être dans le voisinage (Voy. vesin)-, ave- 
cinar, E. ; esser vicino, It. ; avvitichiare, joindre (Dante) ; 
vik, bourg. Gaulois. 

Aviron, autour, environ, R.; vira, entourer, B.; 
virare, virer, À. M avironner , environner, entourer, 
avironner, (Roq.) 

Un estanc parfont 
Tout^fe manoir avironoit. 

(Huon Leroi.) 

Anvirouni , B. 

Avis (m’est) et m’est vis, opinion, je crois,R.; advice, 
A.; aviso, E.; avviso , It.; avisamenlum, A. M.; avisa , 
aviser, avis, opinion. B.; avisai, j’avertis, Ba. 


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awo i99 

Aviser (Barbaz), voir, viser: ie avisis ein llievre 
deins son jâs ; avisar, E.; avisare, It. 

Avision (Duc.), vision, fantôme, revenant. 

Et quant cel avision faut. 

(Gt tillaume au faucon.) 

Vision, A. E.; visione, It.; avisalu, j’avertis, Ba.; 
fisib, visions, Gadal. 

Au moment où j’écris, 1868, il n’est bruit à Saint-Pont que de 
l'apparition d’une dame morte depuis peu, que plusieurs habi¬ 
tants ont vue avec une crinoline de feu, ce qui prouve évidem¬ 
ment qu’elle n’est pas en enfer, d’où les revenants ne sortent 
jamais. 

La sainte Vierge a demeuré en 1862 plusieurs jours dans une 
maison du village de Chaussc-Courte, Saint-Pont. La femme qui 
la voyait chaque jour décrivait son costume et ses habitudes. 

Avoïer (D. J. F.), envoyer ; enviar, E.; inviare, It. 
envouia, Auv. 

Avois, f. voix ; voice. A.; voz, E.; voce, It.; vox, Lat. 

Mouez, vouez, Br.; mvioso. Gaulois, changeant m er. 
a (Monin); vozaera, accent, Ba. 

Avola, Avoler, envolé, envoler (Duc.); fly away, 
A.; volar E.; involare, It. (Voy. voulage.) 

Avoültî, v. (Boq.), avorter; avoitrer, B.; abortive 
child, avorton, A.; abortar, E.; abortire, It.; avorti. B. 

Avouyer, avouer ; avow, A.; abonar, E. 

Avuglle, Avugller (du Vallet qui se maria à N.-D.)\ 
aveugle, aveugler, l’Espagnol et malien viennent de 
cœcus, a priv.; llfig, lumière, G. 

Awoine, veine, voine (Roq.); vein, A.; vena, E. It.‘ 


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200 


BA 


Auv.; gwythen, G. B.; gwazien, B.-, g nul ( vasa des ana¬ 
tomistes). 

Ayie pour Eyie, il est ; variante employée dans les 
cas suivants : que ou ayie, qué cou ayie, de cou ayie, qué 
donc qu’ ou ayie, qu’est-ce que c’est? 

Ayière, pas de correspondant exact, égal, uniforme 
en tout point ; mon blat pousse ayière, se trouve dans 
disjajo, inégal. (Arioste.) 

Aïce, famille, Irl.; aid, plénitude, abondance G., 

Ayions, où ? ayions qu’ou icait ? où va-t-il ? where, A. ; 
adonde, E.; ove, dote, It.; hont, Auv.; a-hoîit, B. 

Ayraut (Duc.), airée ; horreum, Lat. 

Distentet spicis horrea plena Ceres. 

(Tibulle.) 

• Area, era, E.;aja, It.; ajuob: (Dante.) 

Airel, lit. Irl.; lairriat, airée, B.; era, aire, A. M.; 
er, sur B.; er, long, Corn.;er, sol, Celt. 

P 

Azie, hier ; azie au sei, hier soir ; devant zie, avant- 
hier ; yerterday, A.; ayer, E jeri, It.; hieri, Lat.; atzo, 
Ba.; hier. 

Azoudrer, asoudre (Roq.), se pardonner, se remettre 
d’accord ; azoué, heureuse rencontre ; zoué, en com- 
pos. pour doué, Dieu, B. (Voy. assoudre.) 

B 

Bâàller (Rabelais), bailler, on écrivait encore ba- 
ailler en 1759; bostezar, E.; sbadigliare, It.; badare, 

A. M.; badailtat, bahaillat. B.; bad, ouverture, Celt. 

B. 


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BAG 


201 


Babà, corrupt. de Gilbert. 

Babet, Elisabeth, n. pr., chèvre; gabar, chèvre. 
Gadal. 

Babo, lutin noir qui habite les cheminées, épou¬ 
vantail des enfants (légende celtique), B. petit en¬ 
fant. 

Baby, A.; bambino, It.; babo, toscan ; bab, petit en¬ 
fant, Celt. 

Voici un mot d’origine commune que les Anglais 
et les Français se sontpris et repris, bébé, F,; Baby, A., 
pron. bébé. Les anglomanes croyant faire une trou¬ 
vaille ont prononcé selon l’orth. anglaise et voilà un 
néologisme, comme wagon qui est Roman. 

Bachas, dépression de terrain où l’eau séjourne 
bac’ha, enfermer. B.; bach, creux, G.; Bâche, auge, 
bac, baquet, mêmes sources. 

Baconnet, n. pr. de bacon (Ségr. Moine), porc salé 
qui est resté aux Anglais 

Baco (1332) Bass. Lat.; bagun, lard, Irl.; bacco, 
A. M.; bacctvn, G.; baccones, paysans. A, Gl. Gaulois. 

Bada et Bade, ouvert, ie ai bada ma porte, la grainge 
é bade, bad, ouverture, Celt. (baie). 

Badebès, qui a l’air étonné ; bad, Celt.; becco, bec, 
Gaulois. 

Bader, ouvrir, baer, R.; bad, Celt. 

Bagâ, f., bryone, pl .;baga, enfermé, Celt., à cause 
de la profondeur de sa racine ; baga, lien, Ba., elle 
est grimpante. Les Bretons la nomment bara-an- 
houc’h, pain de cochon ; nous l’appelons aussi robe 
d’ouille, rave de brebis. 


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Bagage, R., effets mobiliers et d’habillement; 
baggage, A.; bagage, E.; bagaglio, 1t.; bagadze, Auv.; 
du vieux mot bague, hardes, dérivé p#Etienne Gui¬ 
chard de la basse Lal.; baga, coffre où l’on serre les 
habits, les Anglais en ont fait. 6a^r, sac ; bac’h lieu en¬ 
fermé (Legonidec); prison (Monin), B. 

Bagnaüts, n. de lieu,.défendu par un ban. (Duc.) 

Bagner et Bagnîe, mouiller, tremper, bath, A.; ba- 
har, E.; bagnare, It., basse Lat.; bagna, Auv. 

Bagnuin, -bain, A. M.; bagn, m. s. B., l’abbé Grivel 
le dérive du Celt. beina que je ne trouve pas. 

Baoneux, commune, balneolum, Lat., synon. nombr. 
de balniolum (Lebceuf), bano, terrain communal, 
(Duc.) de ban en ce cas ; lieu de bain (Hadrien de 
Valois, Houzé.) 

Bagoulant, de bagouler (Roq.), qui parle sans rai¬ 
son ; (bagout), bagol, gaillard. B.; bagula, sans frein, 
A. M. (blague); baghenoda, parler en enfant, B.; (ba¬ 
guenauder.) 

Bailler, ( Roman de Perceval ), donner en propriété, 
dounner est une nuance ; n’ën baille ein cadot ; n’ën 
dornne ein souflet. De même en Roman. 

À Guillaumes les lettres baille... 

Vos cuit teil chose doneir. 

(Rutebœut.) 

Bail, caution, A.; bailla, btfrla, Auv.; balliare, A.M.; 
bail, G., donner. 

Bajonc, m., souchet, pl.; juncia, E.; jiunco,, It., 
jonc ; buain, couper, Irl.; bajius, couleur marron, G.; 
buigiutn, jonc, Irl. 


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BAL 


203 


Bal, bail ; bailke. B.; balagium, redevance en blé 
pour chaque champ qu’on a par bail ; ballium, bail, 
A. M. (Voy. bailler.) 

Baladous, sobriquet, danseur, baladin, baladeur 
(Roq.); balare, danser (Saint Augustin), bal, danse, 
£ B., Gadal ; baylador, danseur, E. 

Balaïè, m., balai, genêt, b.-bâtard, g. des teintu¬ 
riers ; barrer, balayer ; gagomba, genêt, E. 

Balai, de valletus (Ménage),de tofeis, bouleau (Duc.); 
balaium, A. M.; pabuer, B .‘,bal, tête, Celt. 

Genet, valan, ballan, balaen, B., bandbl, G. 

* Quand on laisse la maison seule, on place un balai devant la 
porte afin d’en interdire l’entrée aux esprits malfaisants. —A son 
arrivée £hez son époux, une noïe bien apprise prend un balai 
placé derrière la porte et nettoie la maison, puis elle le brise en 
en demandant un neuf ; si le ménage est pauvre, c’est une que¬ 
nouille qu’elle se met à filer. Les jeunes femmes prouvent ainsi 
qu’elles sont bonnes ménagères ou bonnes bergères de moutons. 

Balaïne (Bat. de Karesmfl, baleine de corset ; vohale, 
A.; ballena, E.; balena, It.; balëno, Auv. 

Falden, Ec.; balen, balan, B.; balea, Ba.; balena, 
A. M., Lat.; v*; bal, grand, lancer (les évents), 
Celt.; pattu» 

Balaitière, champ de genêts ; balanek, B.; bataîtin, 
ajonc marin ; eithin-jan. G.; attin, Irl.; eithniau, es¬ 
pèce de genêt, Corn. 

Balant, (Duc.), équilibre (balance), aplomb, tré- 
buchement; balancz, balance, B.; bal, extrémité, 
Celt. 

■ Baléru injure, vaurien, coureur; balatro, Lat.; 
bal, tête, Celt. +erua, lièvre, Ba.; erru, dur, B. 


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204 


BAL 


&BAï.ï , ûTER, r sefmoquer, taquiner; baleful, qui nuit, 
K.] bal, danse, faire sauter, Gadal. + fuath, mépris, 
Irl. 

B ali vi au, baliveau ; bal, haut, Gelt. + liva, peindre, 
litvor, peintre. Corn., arbre marqué en couleur. 

Balizen, balivèau (balise), B. de bal, arbre + lizen, 
laissé selon Bullet ; baliruz, saillant, B. 

On laisse seize baliveaux à l'arpent selon les anciennes ordon¬ 
nances des Eaux et forêts. 

Ballière, f.; paillasse de lit pleine de balles d’a¬ 
voine, de balle ; bal, sauter, à cause de sa légèreté 
(balloter); ballota, petite peau (balle), A. M.; manus 
et bal, balle de blé, G. belc’h, B.; pel, m. s., Celt. 

Ballot, petit paquet ; ein ballot de gueurnes, ; baie, 
A.; "ballotto, It.; balonus, A. M.; ballot, B.; bal, balle, 
paquet, G. 

Ballouins, m. pl.; mauvaises balles, débris de 
paille qu’on jette hors des granges. 

■ Pailheur, criblures, bourre de blé. B.; cwdpail, son 
de blé; peiswy, balle ; bal, gousses de lin. G.; enve¬ 
loppes des graines en général, Celt.; palea, balle, 
A. M. 

Bana, corné, vechi ina vache mal band ; kel houmme 
é mal banà, il a une mauvaise figure (Voy. bane.) 

BAnâs, f. pl.; banée (Terme de Coût.); ban, A.; bando, 
E. It.; ban, Auv. 

Baïnum, ban ( Capitulaires . Delamarre); ban, pro¬ 
clamation, B.; bainum, À. M.; banadh, commun, Irl.; 
banal, battna, bande, Ba. 


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BAR 


205 


Les bans indiquaient en effet un 4erroir limité dont tous les 
cultivateurs devaient lever larécolte en môme temps. Cet usage était 
établi plutôt pour faciliter la perception des dîmes que pour pro¬ 
téger les récoltes des colons. Nous avons encore les bans de ven¬ 
dange qui n'ont plus leur raison d’étre. 

Bane, corne ; banne, lang. d’Oc ; ban, haut, B. Ba. 
Corn., montagne,Ec. 6 . (panned’Ordenche, Auv.); beau. 
Corn. Irl. — Banon, dent de fourçhe. 

Baptesailles, baptême, repas de baptême ; baptism, 

A. ; bautismo, E.; battesimo, It.; batayoa, Ba. 

Bapteure, f.; battage des blés (de Laurière); tres- 
hing, of'com. A.; trillazon, E.; trebbiatura, It.; bapti- 
dere, battire, battere, A. M.; bat, Celt. B.; battre et 
bâton. 

Barailler, se tourmenter inutilement; bar, dou¬ 
leur, chagrin + ail, fréquence, G. 

Barat, n. pr. (deBarat et Haimet), trompeur; ba- 
rare, tromper, A. M.; barad, tromperie; bar, homme, 

B. ; -\-at, mauvais,Irl. 

Barbelin, pou de mouton ; bar, aiguillon, piquant, 
G.; -4- belen, roux, Celt. 

Barbeloche, f. (Dict. de Trév.), petit blé barbu, 
barb, barv, Celt.; barbe + lâcher, branler, R.; loc’ha, 
remuer, B. 

Barbelotte, barbotte (Roq.), cloporte. 

Pour Roquefort c’est un insecte aquatique. En 
Bretagne, le hanneton se nomme barbot (Bullet). Les 
noms de plantes et d’animaux qu’on trouve dans les 
vieilles langues restent souvent intraduisibles, faute 
de détails qui pourraient aider à les reconnaître, 


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206 


BAR 


BarbIe, barbier, barber, A. B.; barbero, E.; barbiere, 
U.; barbet, Auv.; barbwr, m. s., G.; barb, Celt. 

Barbits (Roq.), brebis, pecora, It.; bar, couper ; bil, 
bête, Celt., animal que l’on tond?.. 

Barbou£ron, stomatite, angine ; bar, ce qui arrive 
brusquement, Celt.; borraim, enfler, Irl.. 

Barbounneis, barbounichon, Bourbonnais, du Bour¬ 
bonnais (de Bourbon). 

Borbora, Ba.; bom, fontaine, Celt.; bor, feu-1- bonn, 
source, Celt. G. +ona, fontaine, Gaulois. 

Borooni, inscription latine ou gauloise qu’on trouve 
précisément dans les lieux qui s’appellent Bourbon 
et où il y a des boues thermales (Monin, des anc. 
idiômes gaulois ), bour, boue, B. (la Bourboule.) 

Avon, afon, source, Celt., Gaëlic ; borvo, source 
bouillonnante, Gaulois. 

Barcelle, f.; tombereau ; barrow, voiture à bras, 
A.; barrot, Auv.; ber, bar, porter, Celt. -4 -cel, cachette, 
G. (celer, receler); cela, siège, habitation, A. M. 

Bardet, baroin, bardot, n. pr., homme fort. (Roq.) 

Les noms propres en bard, ber, sont communs, ils 
dérivent probablement de bar, ber, force, porter, 
Celt.; bardd, barde, devin, G., comédien, B. Corn.; 
bardas, chanson, joueur de vielle, Irl. 

Bareter, marchander sans acheter (Barbaz.), bar, 
comptoir, A.; baratar, échanger, E.; barato, échange, 
It.; baratare, A. M.; barataze, Ba.; échanger. 

BargIe-iére, berger-ère ; bergi, (Roq.), sign. aussi 
petit domestique ; bughel, petit garçon, valet de bé¬ 
tail, B. 


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BAR 


207 


Barginus, A. 61., étranger; les bergers qui sont gé¬ 
néralement des enfants à gages, conduisent les trou¬ 
peaux au loin; bugeila, être berger, G.; berg, mon¬ 
tagne, Gaul.; berh, fermé, B.; les troupeaux paissent 
la nuit dans des parcs sur la montagne. (Voy. bughe.) 

Nos femmes qui gardent les bestiaux pendant la semaine sont 

remplacées le dimanche par les hommes. 

% 

Bargiêre-barrâ, bergeronnette grise, b. jaune, la¬ 
vandière; vag-tail. A.; baquouêna (bat queue), vatsé- 
runa, Auv., vachère. 

Barguigner, R.; marchander, vieille acception con¬ 
servée au propre. 

Bargaigna, B.; bargeinio, faire un marché, G. 

Barizel (Chev. au Barizel), petit baril ; barrel, A.; 
barril, E.; barile,-lt.\barraw, Auv.; barellus,barilletum, 

A. M.; barilh, B. 

Bar, creux, Celt. Irl.; tour, Ec.; haut, B. 

Barlàfe, invers, de balâfre, blessure au visage ; 
gash on the face, A.; taglia sul' oiso, It. 

Bal, couper, blessure aff, visage, Celt. 

Barlôter, faire du bruit, comme certains jouets 
d’enfants qui renferment des pois ; farlota, s’ébattre, 

B. 

Bar, creux-J- top, pièce, morceau (lopin), Celt. 

Barme, f., pierre plate, calcaire feuilleté dont on 
pave les maisons. 

Balma, caverne, pierre, Gaulois. 

BarnA, n. pr. et nanâ, Bernard, Bamard, évêque 
Vienne 810. (Baillet.) 


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208 


BAS 


Barnabilla, m.; troglodyte, oiseau qui remue tou¬ 
jours la queue; bar, branche, Celt.; boibilla, roue, 
chorabilla, petit oiseau, Ba. 

Baroler, Auv., agir sans but; bar, homme, Celt.; 
brindille, + rolli, roulis, erella, chanceler, B. 

Barre, levier de bois ; bar, spar. A.; barra, E. II.; 
barren, B.; sparr, branche (espar), Irl.; bar, bâton, 
Celt. 

Barra, rayé; barrez, R.; de différentes couleurs. 

Barratus, A. M.; bar, Celt.; Los barràs, les gendar¬ 
mes. 

BarrIe, m.; barrière ; barrier. A.; barrera, E.; bor¬ 
nera, It.; barr, m. s. G.; barren, B.; bar, Celt. 

BarrouaIte barrûte, brouette, barroueste (Duc.) ; 
t oeel-barrow, A. 

Bara, m. s., Irl.; bar, porter, Celt. -+. rond, route, 
roi. B.; roe, Irl., roue ; weth, pré, champ, G. 

Bartelon, claire-voie; barte, R.; échelon; barti, 
partie, division ; barr, grille, G.; barri, diviser,Corn.; 

bar, bâton, Celt. 

Barthomy, n. pr., Barthélemy. 

Baseste-chière, mauvaise mine (La dame qui fust 
escoillée ); basness, bassesse. A.; abaxo, E.; basso, It., 

bas. ; basia, vilain ; basa, agreste, sauvage, Ba. 

Bâsme, R., baume, plante et parfum ; balm, A.; bal- 
satno, E. It. 

Bassyo, évier, dressoir placé dans la maison où Ton 
expose la plus belle vaisselle, les fourchettés et 


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BAT 209 

cuillères d’étain brillantes de propreté, on dit aussi 
waisselière. 

Bassye, latrine (Duc.) 1 er s. bassia, A. M.; bas, G., 
creux. 

Bâstian, pron., Bâtian, Sébastien. 

Batailler, se donner de la peine: oui a batailla toute 
sa vio durant, pa rën fouaire, — los nigiés, gauler les 
. noix ; bata, bâton, Irl. (Voy. batture.) 

Bâtard, nom qui distingue certaines plantes de 
leurs congénères ; étrouge bâtarde, ortie blanche. 

Bicasta, Ba.; bastardd, vieux G. B. Irl., formé selon 
Davies de bas, non profond ■+. tardd, origine. 

Batârre (le), Aubeterre, village de Broût-Vernet, 
célèbre dans le pays par son vieux couvent et la loue 
de Saint-Gervais. 

Le nom patois est plus près de la vérité que le nom 
d'Aubeterre, rien ne justifiant alba terra, tandis que 
le batarre se rapproche du Basque batavia, commu¬ 
nauté, couvent; bat, habitation (bâtiment), Celt.-4- 
ar, haut, grand, G. Ba. 

Bateson, f., batison, (Roq.), saison des écossures 

Batazoer, B.; bat, bâton, Celt.; bata, Irl. (batte.) 

Bâtis, m., digue de terre; pelouse battue (Roq.); 
bat, Celt. 

Bâtir, se dit de la nidification : los ôsiaus bâtissont 
agoure. 

Bastir, R.; baticza,, B.; bast, fermé, Celt.; basa, 
masa, maison, Irl.; bat, habitation, Celt. 

Batouer (Roq.), battoir; battledore. A.; battiere, 
(Plaute); battaras, massue. B.; bat, bâton, Celt. 


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210 


BAT 


Battühe (Duc.), rixe; battery. A.; batalla, E.; ba- 
taglia, It. ; batiota, batosta, Àuv. 

Batalia, bateria, duel, combat, battere, battuere, 
A. M.; bateria, Ba.; bahedi, V. B.; bat, fouler, bata, 
* bâton, bagh, bach, combat, Irl.; bat, Gelt. 

Ou se fadjiet ina batture à rapport de San-Ramaïe. 

Il y a vingt ans, nos garçons se livraient, surtout aux fêtes pa¬ 
tronales, des batailles rangées. Saint-Pont, Vendat, Escurolles se 
distingaient dahs ces rencontres. Aujourd'hui la paix est faite. Ces 
querelles étaient sans doute le reste d’une ancienne rivalité entre 
les gens des sires de la Rouzière, de Laqueuille et de Praingy. 
Leurs ancêtres étaient certainement batailleurs, car il reste dans 
notre vocabulaire cinquante mots au moins presque tous romans, 
qui désignent les différents degrés, formes et résultats d’une battur 
depuis s'entr ’ essaier jusqu’à liùe, tuer. 


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NOTICE 


SUR 

M. GASPARD ROUX 


Médecin en chef aux armées, officier de la Légion-d'Honneur 
et de l’Ordre de Saint Sauveur de Grèce 

Par M. J. AUGER 


LUE EN SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE L'aLLIER. 


Plusieurs biographes ont parlé en termes élogieux 
de M. Gaspard Roux. MM. Ripoud et Alary l’ont classé 
au nombre des illustrations bourbonnaises, mais les 
uns et les autres se sont bornés à faire suivre son 
nom de quelques lignes indiquant les titres de ses 
ouvrages. 

M. Gaspard Roux appartenant à notre, cité par sa 
famille et par sa naissance, j’ai pensé que vous écou¬ 
teriez avec intérêt cette notice qui nous montre le 
fils d’un honorable artisan devenu par son propre 
mérite, médecin en chef aux armées et officier de la 
Légion d’honneur. 

M. Gaspard Roux naquit à Moulins le 25 août 1780, 
en face de l’hôpital général, dans une maison qui 

21 


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NOTICE SUR M. GASPARD ROUX 


212 

appartient encore à sa famille (1). Il était fils de 
M. Claude Roux, fabricant de serge et de Madame 
Françoise Jardet. 

Gaspard manifesta, dès sa plus tendre enfance, un 
violent désir de s’instruire. Quand la révolution 
éclata, il venait d’atteindre l'âge où de nos jours on 
possède déjà une instruction élémentaire plus que 
suffisante pour commencer des études classiques. 

A. 44 ans seulement, il reçut les premières leçons 
de latin de M. l’abbé Cuissot, chapelain de l’hôpilal 
général. Ce vénérable ecclésiastique, aussi distingué 
par son savoir que par une piété solide et éclairée, 
ayant remarqué dans son disciple des dispositions 
extraordinaires le prit en véritable affection et lui 
prodigua tousses soins. Il était précepteur de M. de 
Labrousse de Veyrazet (2). Persuadé avec raison que 
l’émulationest indispensable pour activer les progrès, 
il avait obtenu de faire travailler Gaspard Roux avec- 
le jeune de Labrousse. 

La vocation de Gaspard se prononça d’une façon 
toute particulière. L’abbé Cuissot conduisait souvent 
ses élèves dans les salles de l’hospice et témoignait, 
en leur présence, une bonté tout évangélique à ces 
pauvres vieillards, la plupart infirmes; à ces nombreux 
enfants abandonnés, orphelins dès le berceau. Ces 
visites étaient une excellente occasion pour M. de 
Labrousse de manifester sa bienfaisance. Combien 
était-il heureux de se priver des sommes destinées à 
ses menus plaisirs et de les employer, suivant les 


(1) Faubourg de Paris, 8. 

( I) Maire de Moulins, en 18‘29. 


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NOTICE SCIl U- GASPARD ROUX. 213 

charitables intentions de son maître, en faveur des 
infortunés qui attendaient son arrivée avec une vive 
impatience ! 

Ce qui faisait les délices de l’enfant du riche ame¬ 
nait presque toujours des larmes aux yeux du fils de 
l’ouvrier. Le précepteur, en homme prudent et habile, 
suivait avec intérêt et complaisance ces mouvements 
généreux du cœur. Il trouvait l’occasion favorable 
de faire ressortir la justice et la bonté de Dieu qui, 
avec une sagesse infinie, a donné aux uns la richesse, 
pour répandre le bien autour d’eux, aux autres, la 
science qui permet à l’homme dépourvu de'fortune 
d’être utile, indispensable même à ses semblables, et 
rend ainsi le riche et le puissant ses tributaires et 
ses obligés. 

Pendant ces visites, on rencontrait assez fréquem¬ 
ment les médecins auxquels il arrivait parfois d’opé¬ 
rer quelques cures- Gaspard Roux avait le cœur extrê¬ 
mement compatissant bien qu’exempt de cette sen¬ 
siblerie extérieure qui n’est pas toujours l’indice des 
sentiments qu’on éprouve. Il était profondément ému 
à la vue des souffrance et se disait tout haut : Je serai 
médecin. Son précepteur lui répétait sans cesse que 
pour devenir docteur, il fallait étudier beaucoup, être 
très-instruit. Alors, rayonnant de joie et d’orgueil, 
il travaillait avec une nouvelle ardeur. Le succès 
répondant à ses courageux efforts, il avançait si rapi¬ 
dement que ses parents ne tardèrent pas à être con¬ 
vaincus que leur enfant était un petit génie et que 
son maître n’avait plus rien à lui apprendre. 

Son père quoique chargé de famille (4), fier des ad- 

(!' 11 avait sept autres enfants en 1ms âge. 


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NOTICE SUR U. GASPARD ROUX. 


214 

mirables dispositions de son fils, n’hésita pas à faire 
le sacrifice d’une somme relativement considérable 
pour l’envoyer à Paris achever ses études. 

Suivant M. A. V. Arnaud (1), Gaspard Roux fit ses 
cours à Paris et se fit remarquer comme l’uu des 
élèves les plus distingués de l’école de médecine. Le 
29 prairial an X (18 juin 1802), il soutint sa thèse (2) 
au doctorat intitulée : Dissertation sur la rougeole 
simple. * Très-bonne thèse, m’écrit M. le bibliothé¬ 
caire de la faculté de médecine, qui, développée et 
augmentée a donné lieu au traité sur la rougeole » 
dont noüs parlerons bientôt. 

A peine reçu docteur, notre compatriote se livre à 
des observations sur l’objet qui semble le préoccuper 
vivement depuis longtemps. 11 a vu si cruellement 
souffrir tant de jeunes enfants de la rougeole qu’il 
veut à tout prix trouver un remède à leurs maux. 

En étudiant ses ouvrages qu’il ne nous appartient 
pas d’examiner au point de vue médical ; en suivant 
Gaspard Roux dans ses pérégrinations, en Bourgogne 
où il s’est fixé, nous le voyons parcourir, en ami de 
l’humanité, lesenvironsde Pierre (3).Il étudie avec un 
soin tout particulier la situation topographique des 
18 communes de ce canton. Rien ne parait échapper 
à ses observations : le cours rapide du Doubs, la dis¬ 
position des côteaux, le voisinage des bois et des 
étangs, la nourriture des habitants, leur tempéra¬ 
ment, leurs habitudes, tout est l’objet de ses conti¬ 
nuelles investigations. C’est du château de Pierre 

(t) Biographie nouvelle des Contemporains. Paris, 18?5. 

(il ln-§°, 34 pages. 

(3) Arrondissement de Loubans (Saône-et-Loire). 


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NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


215 


qu’il écrit l’introduction à son premier ouvrage. Il 
venait d’étre nommé médecin ordinaire à la grande 
armée. 

Son traité, comme il a soin d’en informer le lec¬ 
teur, en lui signalant de nombreux errata, ayant été 
imprimé fort rapidement, loin de l’auteur et sur un 
manuscrit non recopié, il s'est glissé dans l’impres¬ 
sion, bien des fautes pour lesquelles il invoque 
l’indulgence. 

M. Roux appartient dès lors tout entier à la méde¬ 
cine militaire. Nous le voyons suivre successivement 
toutes nos phalanges victorieuses. 

Sur la terre étrangère, il n’oublie pag son pays 
natal. Un hasard heureux nous en donne une preuve. 
En feuilletant le registre des arrêtés de la mairie de 
1806 à 1810, cherchant sans doute quelque mesure 
de voirie ou de police municipale, j’ai trouvé un pro¬ 
cès-verbal constatant le dépôt solennel à la bibliothè¬ 
que publique de Moulins d’un exemplaire du Traité sur 
la rougeole (1) dont fait hommage à sa ville natale le 
sieur Gaspard Roux, docteur en médeeiue de la 
grande armée, ainsi qu’il résulte de sa lettre écrite 
de Slraslund (Prusse), le 29 septembre 1807 (2). 

Pendant que nos armées remportent de continuels 
triomphes, Gaspard Roux se livre à l’étude de son art 
avec une prodigieuse activité et une infatigable per¬ 
sévérance. 


(1| Paris 1807, in-8°,préf. XX, 211 pages Bibl. de Moulins, 
n® 810. 

(2) Registre des arrêlcsdu 14 janvier 1806 au 4 septembre 1810, 
114 e feuillet, à la date du 8 décembre 1800. par M. Desmorillon, 
adjoint-bibliothécaire. 


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516 


NOTICE SOB U. GASPARD ROl’X. 


Belle et sublime mission que celle du médecin 
militaire. Il fait d’incroyables efforts pour rappeler à 
la vie quelques hommes. Cependant sa science, son 
travail restent ignorés. C’est à peine si son nom est 
connu dans sa modeste retraite. Tandis que, ô con¬ 
traste vraiment dérisoire, le héros, cause de la perte 
de milliers d’hommes est proclamé le sauveur de 
l’humanité. 

Dans un second volume publié en 1813, M. G. Roux 
transcrit le résultat de ses observations dans les hôpi¬ 
taux militaires. Cet ouvrage intitulé Traité des fièvres 
adynamiques contagieuses (1) rend compte, page 436, 
de l’épidémie qui a régné pendarit le trimestre d’été 
de 1809, à l’hôpital militaire de l’académie Joséphine 
à Vienne, en Autriche. Comme dans son précédent 
traité, on reconnaît le médecin à qui rien n’échappe 
de ce qui peut intéresser l’art. Il signale son impuis¬ 
sance et fait pressentir la règle de conduite qu’il tien¬ 
dra lorsqu’il sera médeciu en chef. Nous croyons 
devoir extraire de ce volume les passages suivants : 

« Si l’exposé que je viens de donner, 3e la lièvre putride 
contagieuse observée à Vienne, durant 1 été dernier, offre 
un certain intérêt, de quelle importance ne serait pas une 
histoire générale bien tracée des maladies qui ont affligé 
l’armée depuis l’ouverture de la campagne jusqu’à l’époque 
glorieuse de la paix I Mais combien un pareil travail n’exi- 
gerait-il pas de soins, de renseignements exacts, d’habileté, 
de connaissances I Car sufflrait-il d’indiquer, même avec 
précision, les maladies qui ont régné? Ne faudrait-il pas 

(I) Paris, 181 3, in-8°, préf. XXIX, 498 pages, Bibl.de Moulins, 
n° 797. 


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NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


217 


accompagner ces divers tableaux de vues élevées, de ré- 
tl exions profondes sur le traitement des différentes affections 
qui se développent dans les armées ? C’est du moins ce que 
peuvent souhaiter les gens instruits qui aiment avec ardeur 
les progrès de l’art et ce que comporte réellement l’état 
actuel de Fa science. 

La première, et peut-être indispensable condition pour 
arriver à ce but, serait, ce me semble, que le médecin en 
chef pût trouver assez de temps, au milieu de ses fonctions, 
pour traiter vingt, trente, quarante malades, pris sans choix 
parmi les entrants , il acquerrai! alors la connaissance 
exacte, précise et non pas superficielle des maladies ré¬ 
gnantes, de leur caractère essentiel, des moyens les plus 
efficaces pour les combattre fructueusement, notions que 
lui fournissent, il est vrai, les médecins ordinaires, mais 
qu’il est nécessaire de constater par sa propre expérience 
quand on veut, ou lorsqu’on doit écrire sur cette matière. 

Les médecins principaux pourraient à plus forte raison, 
suivre les mômes marches pour leur corps d’armée, — et 
présenter ainsi tous les mois, avec la situation médicale de 
leurs collaborateurs, un rapport convenablement détaillé 
au premier médecin. 

Circonscrits dans les limites d’un service quelquefois peu 
considérable, toujours moins étendu, les médecins ordi¬ 
naires peuvent plus facilement se livrer à lobservation, 
soit des maladies constitutionnelles, soit de certains cas 
qu’ils jugent dignesd’une attention spéciale. Mais en même 
temps, combien ne doivent-ils pas être réservés, lorsqu’il 
s’agit de tirer quelques inductions de leur expérience? 

En effet, un médecin militaire peut-il ajouter une grande 
confiance aux résultats qu’il obtient, lorsque peu ou mal 
instruit par le malade de ses souffrances, borné quelquefois 
à la simple contemplation des caractères extérieurs, il se 
trouve encore le plus souvent contrarié par ceux qui doivent 
favoriser l’influence de ses prescriptions ? Quelles consé- 


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218 


NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


quences pourra-t-il tirer surtout de sa pratique, si, obser¬ 
vateur sévère du formulaire, il n’abandonne pas quelque 
fois ce faible guide, pour satisfaire réellement aux indi¬ 
cations thérapeutiques qui se présentent à remplir. 

Ainsi l’observation médicale est donc difficile aux armées 
et peut rarement offrir des résultats exacts. On peut, à la 
vérité, multiplier les autopsies cadavériques ; mais à quoi 
peuvent-elles servir quand on manque de renseignements 
nécessaires pour s’éclairer dans la rechercho des lésions 
pathologiques. 

Cependant, quoique l’expérience soit difficile à acquérir 
dans les hôpitaux militaires, je ne prétends point dire quelle 
soit impossible. On se trouve quelquefois dans des circon¬ 
stances heureuses, placé, par exemple, dans un hôpital peu 
considérable, bien tenu, éloigné du centre d’opérations de 
l’armée ; ensuite le grand nombre de malades, soumis à 
peu près aux mêmes influences^et dont plusieurs offrent la 
même affection, fournit sans doute les moyens d’obtenir 
des résultats généraux approximatifs très-utiles. Tels sont 
ceux que peut présenter, dans une histoire générale, le 
médecin en chef de l’armée à la fin d’une campagne. 

S’il est une occasion favorable pour étendre l’horizon de 
nos connaissances sur les maladies propres aux armées, 
c’est assurément celle où nos phalanges victorieuses portent 
chez tant de nations diverses la gloire du nom français. 

Cependant, pourquoi se fait-il que la médecine militaire 
semble rester en arrière de la médecine civile, malgré un 
si bel avantage pour reculer ses bornes et assurer ses pro¬ 
grès ? Pourquoi les ouvrages de Lind, d ePringle, de Moitro , 
de W. Hillary, de Cleghorn , donnent-ils encore à l’Angle¬ 
terre l’honneur d’avoir une supériorité évidente sur nous ? 

Si les progrès des sciences chez une nation montrent ce 
qu’elle peut faire, ne faut-il pas espérer que cette supé¬ 
riorité disparaîtra bientôt devant les productions d’un 
homme de génie. 


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NOTICE SUR M. GASPARD ROUX 


2l9 


En effet, le temps peut-il être éloigné oü il paraîtra enfin 
sur cette intéressante partie de la médecine générale, quel 
ques ouvrages d'hygiène et de pathologie, remarquables 
par l’esprit de méthode qui caractérise ce siècle et par des 
vues philosophiques appuyées sur une expérience éclairée ! 

Tel est du moins le vœu sincère que je forme dans mon 
cœur pour les progrès d’une science si intimement liée à 
la prospérité de la Patrie et au bonheur de l’humanité tout 
entière I » 

De la grande armée, M. Roux passe à celle du Nord. 
Nous le trouvons démissionnaire le 30 mars 1810 et 
médecin ordinaire à l’armée de Catalogne (Espagne) 
le 2 décembre suivant. Licencié par mesure générale 
en 1814, après un an .de repos, il reprend sa carrière 
militaire. En 1815, il est nommé adjoint aux profes¬ 
seurs à l’hôpital militaire d’instruction à Lille. En 
1816, il est 2 e professeur au même hôpital. 

Dans les mémoires de médecine, chirurgie et phar¬ 
macie militaire l. vu, page 366, se trouve la notice 
que M. Gaspard-Roux a prononcée le 4 février 1819, 
sur la tombe de M. J.-B. Féron, médecin en chef, 
premier professeur, à l’hôpital militaire de Lille. Là 
se révèlent toutes les qualités du cœur et de l’esprit 
de notre compatriote. 

Après quelques années de paix, notre armée est de 
nouveau en campagne. En 1823, M. Gaspard Roux, 
suit nos soldats en Espagne avec le titre de médecin 
principal. Les services éminents qu’il a rendus à la 
science et au pays, reçoivent enfin leur récompense. 
Par ordonnance du 18 septembre 1823, le roi lui 
confère la croix de Chevalier delà Légion d’honneur. 
Il comptait déjà 17 ans de services et 10 campagnes. 


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220 


NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


En 1824, M. Roux reprend son poste de professeur 
à l’hôpital d’instruction de Lille. La même année, il 
est élevé au grade de médecin principal, deuxième 
professeur. 

En 1825, iljest désigné comme médecin principal 
1 er professeur à l’hôpital militaire d’instruction de 
Strasbourg. 

La Grèce a proclamé son indépendance. La France 
va déployer son drapeau dans les îles de l’Archipel. 
Cette lutte de l’indépendance d’un peuple à laquelle 
le gouvernement de la Restauration sut prendre une 
si glorieuse part, trouve notre compatriote au poste 
d’honneur. Elle ouvre une nouvelle carrière à son 
esprit éminemmeut investigateur. 

Un troisième ouvrage sort de sa plume et constate 
les résultats de son expérience (1). Il a pour titre : 
Histoire médicale de l'armée française en Morée pendant 
la campagne de 1828, et pour épigraphe cette pensée 
philanthropique dePringle: 

« Cherchons à tirer des malheurs de la guerre quelque avantage 
pour le genre humain. » 

Ce livre a le mérite, dit M. Reige Delarue, biblio¬ 
thécaire de la faculté de médecine, d’avoir fait con¬ 
naître un des premiers (le 1 er en France) les fièvres 
rémittentes propres au climat de la Grèce et des pays 
chauds. 

Médecin principal de la division de l’expédition de 
Morée, M. Roux, fait partie de l’intendance chargée 
spécialement de prendre toutes les mesures néces- 


(l, Paris 1829, in-8°, 175 pages. Bibl. de Moulins, n® 810 


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NOTICE SUR Ai. GASPARD ROUX. 221 

saires pour assurer la santé des troupes dans ces 
parages marécageux et insalubres. 

Plus du quart du volume contient des ordres du 
jour, lettres circulaires,* qui indiquent de quels soins 
éclairés, de quelle constante sollicitude, nos soldats 
étaient l'objet de la part du docteur Roux. 

Dans une note au bas de la page 141, il se prononce 
énergiquement contre certaine quarantaine de ri¬ 
gueur. Il pensait avec raison que le cours d’une tra¬ 
versée un peu longue est déjà un temps d’épreuve, 
une espèce de quarantaine. Cependant il a fallu 
encore un grand nombre d’années pour faire adopter 
des observations si judicieuses. Depuis 1866 seule¬ 
ment les quarantaines si préjudiciables au commerce, 
si peu efficaces pour conjurer le choléra ou la peste, 
ont été supprimées. 

Avant d’achever cette cûurte notice, j’ai pensé 
devoir transcrire la lettre d’adieu qui termine le der¬ 
nier ouvrage de M. Roux. Elle est adressée à ses col¬ 
lègues de la division. Elle vous le fera connaître tout 
entier, car elle résume en quelque sorte le style, la 
conduite et le caractère de cet habile médecin. 


Lettre circulaire du docteur Roux aux médecins 
do la brigade d’occupation. 

Au quartier général à Modon, le 26 mars 1829. 

L’armée, après avoir accompli, Messieurs, sa noble mis¬ 
sion, va revoir le sol de la patrie ; toutefois, une partie des 
troupes de l’expédition doit temporairement occuper la 
péninsule. 

Comme vous êtes destinés à continuer, auprès de la bri- 


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222 


NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


gade d'occupation, l'exercice de notre ministère, il m'est 
doux, avant de cesser des relations dont le souvenir me sera 
toujours cher, de m’entFetenir avec vous d’observations qui 
nous ont été communes, de (a tâche honorable qui vous est 
imposée et des nouveaux devoirs que vous avez à remplir. 

Lorsque la guerre s’allume dans toute autre contrée de 
l’Europe, la tradition, les livres et l’expérience journalière 
des praticiens mettent ordinairement, dans une situation 
assez favorable les médecins militaires appelés à suivre les 
destinées d’une campagne : ces ressources si nécessaires, si 
précieuses, nous ont manqué, vous le savez, lors de notre 
apparition en Morée. En effet, à l'exception des monuments 
immortels élevés par le vieillard de Cos, à l’exception d'a¬ 
perçus assez vagues donnés par quelques voyageurs sur 
certains climats essentiellement fiévreux du Péloponèse,nous 
ne possédions aucuns documents sur les maladies de ce pays 
susceptibles de se présenter à nos regards. 

Le livre de la nature, Messieurs, n’a pas tardé à s’ouvrir 
pour nous. A peine étions-nous assis sur les rivages de la 
Grèce, et aussitôt il nous a été donné de faire une applica¬ 
tion très-heureuse même de notre expérience aux affections 
morbides graves qui se sont développées parmi les troupes. 

Le triomphe de l’art, dans le traitement des fièvres pério¬ 
diques, maintenant si certain, si remarquable même, pour 
les yeux les moins exercés, a été très-évident; il aurait été 
bien plus éclatant encore, on ne saurait en douter, si nous 
nous fussions trouvés dans des circonstances moins favo¬ 
rables. 

Toutefois, Messieurs, vous aurez toujours présent à la 
pensée l’épidémie des fièvres intermittentes et de plileg- 
masies qui a régné au milieu de nous, surtout au camp de la 
Djalova et à Patras, épidémie remarquable par ses carac¬ 
tères propres, par son génie spécial, par sa nature éminem¬ 
ment grave, qui s’est développée soudainement, sans que 
l’on dût s’y attendre, sous un tel ciel en apparence clément, 


i 

j 


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NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


223 


dans un air en apparence très-sain, très-pur, et, dans le 
vrai, perfide. 

La position dans laquelle vous allez vous trouver, favora¬ 
ble à l’observation, vous mettra à même de signaler avanta¬ 
geusement ce qu’il importe le plus de connaître pour dresser 
dans les intérêts de la science, le tableau des constitutions 
médicales dont votre séjour en Morée pourra vous rendre 
témoins. 

Je ne puis assez vous recommander ce genre de travail. 
Donnez donc un soin particulier à l’observation des consti¬ 
tutions épidémiques, dont Hippocrate, Baillou, Sydenham, 
Stoll, Fouquet et Pinel, ont offert de si beaux modèles. 

Que de fruits l’art peut se promettre d’en recueillir! 
Quellesource d’une véritable gloire pour vous, si, à l’exem¬ 
ple de ces ^princes de la médecine, vous bornant à offrir 
avec exactitude, d’une manière pure et simple, les faits, 
vous savez rejeter toute doctrine exclusive, toute théorie 
abstraite, pour l’ordinaire plus propre à tourmenter et à 
égarer l’esprit qu’à l’éclairer utilement. 

L’étude des constitutions médicales, en comprenant celle 
des saisons, celle des vicissitudes atmosphériques sur la 
manifestation des maladies, vous mettra également dans 
une situation très-favorable, pour apprécier, d’une part, la 
puissance de l’acclimatation sur les trôupes, et de l’autre 
les résultats de cette puissance sur les militaires restant dans 
la péninsule qui ont recouvré la santé à la suite des mala¬ 
dies épidémiques de l’automne dernier. 

« Nos fonctions aux armées, écrivait le célèbre Des Ge- 
nestes à ses collaborateurs en Egypte , dans une circon¬ 
stance également mémorable, ne se bornent point à traiter 
les maladies; nous devons constamment surveiller tout ce 
qui peut intéresser la santé des militaires, et nos devoirs 
sur ce point sont suffisamment détaillés par les lois et les 
réglements qui en sont explicatifs. 

« Mais pour appliquer convenablement les principes de 


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224 


NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


l'hygiène, et pour trouver des médicaments dans un pays 
nouveau pour nous, il est indispensable d’en rédiger soi¬ 
gneusement la topographie. » 

Votre instruction étendue et vos talents me dispensent, 
Messieurs, de vous tracer un plan sur cet intéressant objet; 
il en existe d’ailleurs un dressé par des mains fort habiles 
pour étudier la France physique et médicale: aux localités 
près, ce plan peut très-bien s’appliquer aux diverses con¬ 
trées du Péloponèse, où les besoins du service vont vous 
retenir. 

Votre sollicitude, Messieurs, de même que votre zèle, si 
parfaitement appréciés par l’armée, ne doivent pas se bor¬ 
ner uniquement à nos militaires, et les Grecs aussi pourront 
profiter de votre présence. Dispersés jusqu’à présent, on doit 
s'attendre enfin à leur retour au sein de leurs ruines, et, 
dans ce cas, pourraient-ils manquer d’offrir un aliment à 
votre philanthropie, et ne pas se ressentir des progrès d’une 
science née, il y a vingt siècles, au milieu d eux?D’ailleurs, 
c’est alors même que l’étude comparative des maladies sus¬ 
ceptibles de se présenter à votre investigation philosophique 
deviendra une source nouvelle dans laquelle vous saurez 
puiser d’utiles lumières pour étendre à votre tour les limites 
de l’art. Ensuite, les consolations que vous leur donnerez, 
comme vos conseils, seront pour eux de véritables bienfaits, 
et tout engage à croire qu’ils exciteront dans leur cœur un 
des plus beaux sentiments qui honorent l’homme, celui de 
la reconnaissance. 

Pénétré, Mes leurs, de vos intentions généreuses et de 
votre dévouement, auquel je ne saurais assez rendre hom¬ 
mage, il ne me reste, en me séparant de vous, qu’à vous 
réitérer l’assurance de ma haute estime et celle de mon 
sincère attachement 

G. Houx. 

A son retour, en 1829, M. Roux reprit les fonctions 


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NOTICE SUR y. GASPARD ROUX. 


220 

de 1 er professeur à l’hôpital d’instruction de Stras¬ 
bourg. 

L’insulte faite à la France dans la personne de notre 
consul était une occasion favorable pour purger la 
Méditerranée des bandes de pirates et de forbans 
qui portaient un préjudice funeste au commerce 
maritime. L’expédition d’Alger fut résolue. La rapi¬ 
dité avec laquelle fut conduite cette mémorable 
conquête est encore présente à tous les esprits. 

M. Roux parvient à l’apogée de la médecine mili¬ 
taire. A peine officier de la légion d’honneur, il prend 
part à l’expédition d’Afrique en qualité de médecin 
en chef. Il reste à Alger pour installer les services 
sanitaires et revient à Strasbourg, à l’hôpital d’ins¬ 
truction reprendre son emploi de l #r professeur. 
D’après M. le Doyen de la faculté de médecine, 
M. Roux a laissé dans cette ville les meilleurs sou¬ 
venirs. 

Retraité par ordonnancedu 18 février 1839, M. Roux 
qui avait tant songé à alléger les souffrances des 
autres s’était toujours complétementoublié lui-même. 
Sa santé était altérée et sa vue très-affaiblie depuis 
longtemps. 11 se relira dans celte Bourgogne témoin 
de ses débuts, à Dijon où deux mois après il mourut, 
le 22 juin 1839, rue Rameau, 4. 

Son acte de décès lui donne le titre d’officier de 
l’ordre de St-Sauveur de Grèce non mentionné sur 
l’état officiel de ses services. Il est très-probable que 
cette dignité lui avait été conférée comme une marque 
de la juste reconnaissance du souverain de ce pays. 

M. Gaspard Roux n’eut jamais d’autre ambition que 
celle de faire le bien, en consacrant toute sa vie à 


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226 


NOTICE SUR M. GASPARD ROUX. 


soulager ses semblables. 11 n’a laissé aucune fortune 
à sa famille, mais il a honoré son nom par sa science, 
son dévouement et son patriotisme. 

J. Auger. 


— i g ^ Oi «■ 

État des services de M. Roux Gaspard, fils de Claude, et 
de Françoise Jardet , né le 25 août 1780. à Moulins 
i Allier ) (1). 


DÉTAILS DES SERVICES. 


Médecin ordinaire à la Grande-Armée, le . . 13 mars 1807 

% — à l’armée du Nord.27 novem. 1809. 

Démissionnaire, le. 30 mars 1810. 

Médecin ordinaire à l’armée de Catalogne, le. . 2 décem. 1810. 

Licencié par mesure générale, le. 24 mai 1814. 

Médecin ordinaire, adjoint aux professeurs, à 
l’hôpital militaire d’instruction de Lille, le. . 8 janvier 1815. 

Médecin ordinaire, 2 e professeur au même hô¬ 
pital, le.. 21 juillet 1816. 

Médecin principal au grand quartier général de 
l'armée en Espagne, le. 24 février 1823. 

Médecin ordinaire, 2 e professeur à l’hôpital 
militaire d’instruction de Lille le. 3 février 1824. 

Médecin principal, 2 e professeur au même 
hôpital, le... . .. 13 octobre 1824. 

Médecin principal, 1 er professeur à l’hôpital 
militaire d’instruction de Strasbourg, le. . . 10 janvier 1825 

Médecin principal à la division d’expédition en 
Morée, le.. . 4 août 1828. 


(1) Extrait des archives du ministère de la guerre. 


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NOTICE SUR ML GASPARD ROUX. 


227 


Médecin principal, 1 er professeur à l’hôpital 
militaire d'instruction de Strasbourg, le . . 
Médecin en chef à l'expédition d’Afrique, le . . 
Médecin principal, 1 er professeur à l'hôpital 
militaire d'instruction de Strasbourg, le. . . 
Retraité par ordonnance du. 


i mai 1829. 

3 mars 1830. 

25 janvier 1831. 
U février 1839. 


CAMPAGNES. 


1807, 1808, 1809, 1810 à la Grande-Armée et à l’armée du 
Nord; 1811, 1812, 1813 et!814 à l’armée de Catalogne; 1823 et 
1824, en Espagne ; 1828 et 1829, en Morée , 1830, en Afrique. 

décor \ T i o NS. 


Chevalier de ia Légion-d’Honneur, le 18 septembre 1823. 
Officier de la Légion-d’Honneur, le 22 février 1830. 


Fait à Paris, le 6 août 1867. 


Pour le Conseiller d’État Directeur: 
Le Sous-Directeur , 

A. P. de Forge. 


22 


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LES ARMES 


DE 

GUILLAUME DE LA PALICE 

EN 1213- 


{)ans son « Étude historique sur le château de la 
Palice » (Bulletin de la Société d’Emulalion, t. X, 
p. 237-251), M me la comtesse de Chabannes rap¬ 
porte qu’en 1230 Roger de la Palice portait « d'argent 
à trois lionceaux d’azur: «Nous trouvons dans une 
pièce tirée des archives de Cluny par Lambert de 
Barive, avocat, officiellement chargé au xviu® siècle 
par le ministre Bertin, de copier pour le cabinet des 
chartes tous les documents historiques de quelque 
importance qu’il viendrait à découvrir, qu’en 1213 
Guillaume, sire de la Palice, frère aîné de Roger de 
la Palice, seul mentionné par M m ®de Chabannes, avait 
pour sceau un écu de. . . . chargé de trois pals . . 
à la fasce de. . . . Les couleurs émaux ou métaux 
de l’écu et des figures qui le remplissent n’étant pas 
désignés par Lambert de Barive, nous ne pouvons en 
parler avec connaissance de cause. 

Les armoiries de la famille de La Palice ont-elles 
changé de 1213à 1230? Pourquoi Rqger de la Palice, 
frère de Guillaume, et vraisemblablement son succes¬ 
seur, a-t-il adopté un écu tout différent de celui de 


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LES ARMES DE GUILLAUME DE LA PALICE. 229 

son frère ? C’est ce que nous ne pouvons nous oharger 
de déterminer, en l’absence de documents contem¬ 
porains qui pourraient seuls nous mettre à même 
de vider la question. Encore faudrait-il examiner 
comment on a été amené à donner à Roger de la 
Palice, en 1230, l’écu dont parle Madame de Cha- 
bannes. 

L’acte de 1213, dont nous donnons ci-après le texte, 
est un traité avec l’abbé de Cluny, par lequel Guil¬ 
laume sire de la Palice, et Roger son frère, s’engagent, 
àl’exempledu sire de Bourbon et de bien d’autressei- 
gneurs du pays, à laisser circuler en franchise, sur 
leur terre, toute espèce de denréesà l’usage de l’abbé 
et de ses moines : l’original écrit de la main d’Ildi- 
nusPelaboes, doyen d’Escurolles, sans doute le prin¬ 
cipal intéressé, est daté de l’an 1213, Philippe étant 
roi de de France, et Richard évêque Clermont. 

A. M. Chazaud, 

Archiviste de l'Allier. 


DE PEDAGIO PAL1G1E (1) 


Noverint présentes pariter et futpri quod Guillel- 
mus dominus de Palicia dédit et concessit abbati et 
conventui Cluniacensi, pedagium omnium rerum ad 
usum ejusdem conventus pertinentium, itaquod per 

(1) Copie de Lambert de Barive, d'après l’original, scellé, à 
Cluny, Layette Péages, n° 3i. 


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230 


LES ARMES DE GUILLAUME DE LA PAL1CE. 


terram suam liberum habeant transitum in perpe- 
tuum possidendum. Hoc enim tam ipse Guillelmus 
quam Rotgerius frater ejus, tactis sacrosantis evan- 
geliis, tenere juraverunt; et ne a successoribus eorum 
dicto conventui super boc aliqua possit inferri mo- 
lestia, idem Guillelmus presentem paginam sigilli sui 
munimine roboravit. Actum anno Domini millesimo 
CC° XIII 0 per manum Ildini Pelaboes decani de Escu- 
roles, et venerabile Guillelmo abbate Cluniacensi, 
et R. Claromontensi episcopo, et Philippo rege Fran- 
corum régnante. 


Sceau de Guillaume de La Palice. (1) 



(1) Le dessin de Lambert de Barive est reproduit exactement : 
les parties ombrées représentent ce qui manquait du sceau entier 
quand a été fait le dessin. Les hachures sur le blason n’indiquent 
aucune couleur déterminée. 


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DES PROCÈS-VERBAUX 

DES SÉANCES 

DE LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION 


année: 1808 . 


Mance du 7 août. 


PRÉSIDENCE DE M. DE I.’eSTOILLE. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion ; parmi eux se 
trouvent deux brochures de nos compatriotes MM. Gi- 
rodeau, docteur en médecine et de Biotière, homme de 
lettres. L’une traite de la circulation cérébrale in¬ 
time dans ses rapports avec le sommeil, l’autre a 
pour titre les Autruches du roi Soleil. 

— M. le Président donne lecture d’une lettre de 
Son Exc. le ministre de l’instruction publique, l'aver¬ 
tissant qu’il est accordé à notre Société une somme de 

ts 


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232 


EXTRAIT 


quatre cents francs, en dehors de l’allocation habi¬ 
tuelle que nous recevons de ce ministère. 

— M. Delageneste prend la parole pour proposer à 
la Société de faire une démarche auprès du Conseil 
général, afin d’obtenir un emplacement convenable 
pour nos collections et un local pour la tenue de nos 
séances. Le moment lui semble opportun pour adres¬ 
ser cette demande, le Conseil général va avoir à dis¬ 
poser d’un local assez vaste, l’école normale actuelle, 
qu’il serait fâcheux de voir aliéner. 

M. Delageneste de son côté, agissant comme maire 
de la ville de Moulins, se propose de demander au 
Conseil général une partie de ce local, où l’on place¬ 
rait le musée de tableaux, qui se trouve à l'Hôtel-de- 
Ville. De telle sorte qu’on réunirait dans un même 
lieu, les diverses collections qui se trouvent dissé¬ 
minées dans différents endroits. 

Après une courte discussion, la Société approuve 
la proposition faite par M. Delageneste et décide que 
M. le Président voudra bien écrire dans ce sens à M. le 
Préfet. 

— M. Bouchard lit la suite de son travail sur la fa¬ 
mille des Lingendes. 

Dans cette seconde partie, il raconte la vie et pré¬ 
sente une analyse critique des œuvres de Jean de 
Lingendes. Parmi les ouvrages de ce poète se trouve 
un volume rare : Les changements de la bergère Iris. Uu 
exemplaire de ce poème se trouve à la bibliothèque 
de l’Arsenal à Paris, et grâce à l’obligeance d’un de 
nos compatriotes, M. Avizard, M. Bouchard a pu en 
avoir une copie ainsi que de plusieurs autres poésies 
du même auteur. 


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DES Pnor.ÈS-VER'BAUX. 


233 


— M. Auger lit une pièce inédite sur l’établisse¬ 
ment des réverbères daus la ville de Moulins (l or no¬ 
vembre 1784). 

— M. L. Audiat, vice-président de la Société des 
arts, sciences et belles-lettres de Saintes, offre à notre 
Société en échange de nos publications celles de cette 
nouvelle Société. Cette demande est accueillie. 

— Sont présentés en qualité de membres corres¬ 
pondants pour la classe des lettres, M. E. de Rattier 
de Susvalon, rédacteur en chef du journal VÉtincelle, 
par MM. Bernard, de l’Estoilleet Bouchard. 

M. F. de Biotière, homme de lettres cà Paris, par 
MM. de Bure, T. Choussy et Champagnat. 

— Est admis en qualité de membre correspondant 
pour la classe des sciences, M. Blanchet. 


Séance du 6 nooembre. 

PRÉSIDENCE DE M. DE I.’eSTOILLE. 

M. le Président indique les titres des ouvrages 
reçus en grand nombre par notre Société, depuis 
notre dernière réunion. 11 dépose sur le bureau ceux 
qui doivent faire partie de notre bibliothèque bour¬ 
bonnaise ou qui sont l’œuvre de nos collègues. Ainsi 
le frère Asclépiades a adressé à la Société par l’entre¬ 
mise de M. Esmonnot un certain nombre de volumes 
et de brochures qui intéressent l’histoire de notre 
province. M. Conny offre une relation extraite d’un 
vieux manuscrit de la bataille de Rocroy, par M. le 
comte d’Estrée. 


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234 


EXTRA 1 r 


M. Desmaroux de Gauimin, président du comité de 
l'Ailier, pour l’exposition universelle de 1867, a en¬ 
voyé un travail sur cette exposition par M. C. La- 
vergne. 

Nous avons reçu de M. Bulliot son travail : Le culte 
des eaux sur les plateaux Eduens. 

M. Lascoinbe joint à une lettre dans laquelle il re¬ 
mercie la Société de l’avoir nommé membre corres¬ 
pondant, une brochure dont il est l’auteur : Testa¬ 
ment de Jean de Langeac, évêque de Limoges. 

M. Auradou, auteur de la musique d’une ode au 
Bourbonnais, nous fait hommage de deux exemplaires 
de son travail. 

— M; le Président entretient la Société d’une com¬ 
munication qui lui a été faite comme membre de 
l’Institut des provinces. On le consulte pour savoir 
s’il ne pourrait pas être tenu à Moulins, soit en 1869, 
soit en 1870, une session du congrès scientifique de 
France. M. de l’Estoille demande à notre Société 
quelle année lui semblerait la plus favorable pour la 
réussite de cette session. Il est d’avis que 1870 serait 
une époque plus convenable que 1869, d’abord parce 
que le temps manquerait pour préparer les travaux 
qui doivent être lus à cette réunion ; ensuite il pense 
que le concours régional ayant lieu l’année prochaine 
à Moulins, absorbera nécessairement le temps des 
membres de la Société d’agriculture et de celle d’hor- 
liculture. Pour ces raisons, il propose la date de 1870 
pour la tenue d’une session du congrès scientifique 
de France. La Société partage complètement l’opi¬ 
nion de M. de l’Estoillc, il est prié d’écrire dans ce 
sens à M. de Gaumont. 


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DES' PROCÈS-VERBAUX. 


235 


— Dans une de nos précédentes séances M. le Pré¬ 
sident avait désigné la commission du musée pour 
s’occuper d’une proposition de M. Queyroy relative à 
une exposition au moment du concours régional. 
M. Bouchard, rapporteur de cette commission, lit un 
rapport sur ce sujet. 

La commission dont il est l’organe est d’avis qu’une 
exposition doit avoir lieu à Moulins au mois de mai 
1869 et que le mode employé en 1862 ayant parfaite¬ 
ment réussi, on n’a qu’à suivre les errements du 
passé, c’est-à-dire que cette exposition devra se faire 
au moyen d’une souscription dont le chiffre est fixé 
à vingt-cinq francs, souscription qui donnera droit 
aux chances d’une loterie et à l’entrée gratuite à cette 
exposition. On se bornera pour 1869 à une exposition 
des beaux-arts, laissant de côté tout ce qui a trait à 
l’archéologie. 

Pour mener à bien cette entreprise, la commission 
du musée propose à la Société de nommer une com¬ 
mission mixte dont partie prise parmi nos collègues 
et partie en dehors de notre Société. 

Après une courte discussion, les conclusions du 
rapport de M. Bouchard sont adoptées et la Société 
désigne pour faire partie de la commission de l’expo¬ 
sition MM< de l’Estoille, Esmonnot, Queyroy, de Bure, 
de 1 Lafosse, Bertrand, Bouchard, Croizier, de Mora, 
Champagnat, Conny et Bariau. 

— La commission impériale de l’exposition univer¬ 
selle a envoyé à notre Société une médaille nomina¬ 
tive en souvenir du concours qu’elle a apporté à 
l’exposition de l’histoire du travail. 

— M. Esmonnot qui a déjà appelé l’attention de la 


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236 


EXTRAIT 


Société sur l’importance des fouilles faites au do¬ 
maine de Beauvoir, près de Saint-Pourçain-sur- 
Besbre, annonce qu’on vient de découvrirdansce lieu 
une statuette en terre cuite, de 35 centimètres de 
hauteur. Elle représente un fleuve tenant une urne 
et un aviron, la lêle est couronnée de lotus. Cette sta¬ 
tuette est offerte avec plusieurs autres objets au 
musée par MM. de Conny et Esmonnot. 

M. le Président se faisant l’interprète des senti¬ 
ments de tous, remercie M. Esmonnot de ce don ma¬ 
gnifique et le prie de vouloir bien transmettre à M. de 
Conny les remerciements de la Société. 

— M. F. Perrot donne lecture d’une notice sur la 
statue du Sommeil érigée dans l’ancien cimetière de 
Moulins. 

— M. Conny lit le passage suivant extrait de la 
Revue des cours littéraires (29 août 1868), où il est 
parlé avec éloge de l’ouvrage : Les guerres de religion et 
les troubles de la fronde en Bourbonnais, de notre collè¬ 
gue M. Bouchard : 

Nous n’avons pas à craindre que le goût des recherches 
d’histoire et d’archéologie s’affaiblisse longtemps en France. 
Il n'y a pas de société savante qui ne renferme dans son 
sein quelque membre fort instruit ou fort curieux de l'his¬ 
toire des monuments du pays ; ces travaux méritent d'être 
connus, non-seulement des érudits, mais de tous ceux qui 
attachent quelque prix à une histoire plus précise de notre 
pays. Ainsi nous citerons deux éludes sur les guerres de 
religion et sur les troubles de la fronde en Bourbonnais, 
par M. Ernest Bouchard. Ces travaux se recommandent par 
une connaissance exacte des faits, par des détails fort cu¬ 
rieux et par un récit aussi clair que judicieux ; c’est assez 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 237 

dire pour louer l’auteur de ces deux opuscules, qu’il a ob¬ 
tenu l’approbation et les encouragements de MM. Ch. de 
Rémusat, Henri Martin et Michelet. 

— M. Auger prend la parole pour lire une notice 
sur la vie et les travaux du docteur Gaspard Roux, né 
à Moulins en 1780 et mort à Dijon en 1839. 

— Sont admis en qualité de membres correspon¬ 
dants pour la section des lettres MM. de Rattier de 
Susvalon et F. de Biotière. 


Séance du 4 décembre. 

PRÉSIDENCE DK M. DE l’eSTOILLE. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion et donne lecture 
d’une lettre deM. de Biotière, adressée au secrétaire- 
archiviste, dans laquelle il remercie la Société de 
l’avoir nommé membre correspondant. 

— M. Reynard offre un exemplaire d’un travail dont 
il est l’auteur et qu’il a envoyé à l’académie des 
sciences. Ce travail a pour titre : Vue nouvelle sur la 
théorie des actions ékclrodijnamiqucs. 

— M. Clairefond informe la Société que M. le doc¬ 
teur Bailleau a l’intention de donner au musée une 
collection d’objets recueillis par lui de l’époque 
préhistorique; mais il voudrait qu’à cette collection 
fût affectée une vitrine spéciale. Il est décidé qu’on 
placera ces objets dans une des vitrines où se trouvent 
des médailles. 


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238 


EXTRAIT 


— M. F. Pérot lit la note suivante sur une voie 
romaine qu’il a relevée dans notre département. 

En établissant^ carte des voies romaines qui sillonnaient 
notre département, l’auteur de cet important travail sup¬ 
posait l’existence d’une voie allant de Moulins à Néris par 
Gipcy et Cosnes-sur-l’OEil, ainsi qu’on peut en voir je tracé 
sur cette carte insérée dans le tome huitième du Bulletin 
de la Société d'Emulation. 

Jusqu’ici l’on n’avait encore retrouvé aucuns vestiges de 
celte voie ; aujourd’hui, il vient d’en être découvert une 
portion dans le jardin de M. Bonnichon, notaire à Cosnes. 
Elle avait environ 2 roèt. 70 cent, de largeur, et le milieu 
de la voie présentait un exhaussement de plus de 0 m. 60 c. 
de hauteur sur les bords. Sans être de premier ordre, cette 
voie avait bien encore son importance, car elle avait été 
soigneusement construite, elle était formée d’abord du 
statumen sur lequel était un lit de ciment rouge d’une 
dureté extrême, puis un enrochement sur lequel était su¬ 
perposée une autre couche du même ciment, avec cette dif¬ 
férence qu’il était mélangé de pierres cassées ; le tout était 
recouvert d’une couche de terre mêlée d’une grande quan¬ 
tité de tuiles à rebords, ces débris étaient bien, plus abon¬ 
dants sur les bords, évidemment il y avait des construc¬ 
tions importantes à en juger par la quantité de tuiles, blocs 
de pierres, quelques fers oxidés, des débris de vase et enfin 
un grand bronze que je crois être l’un des premiers Césars. 
L’an dernier j’ai trouvé dans le même jardin la moitié de 
la monnaie bien connue d’Auguste et d’Agrippa, colonie 
de Nîmes, et coupée à dessein entre les deux têtes des em¬ 
pereurs, pour faire le demi-as. Cet exemple est très-com¬ 
mun. 

Dans un rayon assez étendu autour de la petite ville de 
Cosne. l’on découvre fréquemment des antiquités. Près 
du foirail l’on trouva en 1861 entr’autres débris de construc- 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


239 


tions gallo-romaines, des verroteries et une assez grande 
quantité de boules d’une matière jaune et opaque ainsi que 
quelques monnaies. 

Selon toute probabilité, la voie traversait là une pagi plus 
ou moins importante. 

L’église fortifiée de Cosnes est de la fin de l’époque ro¬ 
mane, il existe encore trois ponts que l’on peut rapporter 
du xiu e au xiv e siècle, qui sont très-intéressants et assez 
bien Conservés. 

— M. Bertrand fait passer sous les yeux de la So¬ 
ciété l’empreinte d’un sceau appartenant à notre col¬ 
lègue M. Chasscint, gravé à l’occasion de la recon¬ 
struction de l’église de Souvigny. Ce sceau porte en 
exergue : S. (igillum ) INDVLGEN (tiarum ) PRO 
REPARACIONE ECCI (esiæ) SÏLVGNIACI. 

L’église de Souvigny, d’après la Gallia christiana, 
fut rebâtie par Geoffroy Chollet 20 e prieur, qui 
mourut en 1457. 

— M. le Président donne lecture d’une communi¬ 
cation de notre collègue M. Lascombe sur un dénom¬ 
brement de Chambord et Jalligny. 

Ces documents sont extraits des terriers de ces 
deux châteaux qui se trouvent actuellement dans 
l’étude de M. Lascombe, notaire à St-Gerand-le-Puy. 

L’écriture de ces terriers est très-lisible, ils sont 
sur parchemin bien conservé ; ils ne paraissent pas 
remonter au-delà du siècle dernier et ont sans doute 
été copiés sur un manuscrit plus ancien. 

— M. le secrétaire-archiviste donne lecture comme 
l’indique l’ordre du jour, d’un travail de notre col¬ 
lègue M. Benoid-Pons intitulé : Etude psychologique .— 
L’intelligence des animaux. 


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240 


EXTRAIT 


— Sont présentés en qualité de membres titulaires 
pour la classe des lettres, M. O. Buchet de Neuilly 
par MM. Bouchard, de l’Estoille et Conny. Pour la 
classe des sciences M. F. Méplain, docteur en méde¬ 
cine, par MM. E. Méplain, A. Méplain, de Bure et 
Bergeon. 


ANNÉE 1869 . 


Séance du 15 janvier. 

4 

' PRÉSIDENCE DE M. DE I.’eSTOILLE. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion. Parmi eux se 
trouve une étude sur le marnage dans le canton d’Es- 
curolles par notre collègue, M. V. Tixier. 

— M. Bouchard a acquis pour notre bibliothèque 
bourbonnaise un ouvrage de Mizauld, qui a trait au 
jardinage. Ce volume renferme plusieurs autres opus¬ 
cules du même auteur. 

— M. le Président donne lecture d’une lettre.de 
M. le recteur de l’académie de Clermont, l’informant 
que sur la proposition de S. Exc. le ministre de l’in¬ 
struction publique, S. M. l’Empereur vient de fonder 
un prix de mille francs, qui sera décerné chaque 
année à un travail intéressant les départements du 
ressort académique. Il demande dans la même lettre 
un rapport de notre président pour savoir de quelle 


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DES PHOCÈS-VKRBAUX. 241 

macère les conditions de ce concours doivent être 
formulées. 

— M. Bonneton a entretenu précédemment la So¬ 
ciété de trouvailles de poterie et de moules faites aux 
environs de Gannat. Dans le même endroit il a été 
trouvé une médaille gauloise qu’il met sous les 
yeux de la Société. Il est décidé qu’on fera l'acquisi¬ 
tion de cette médaille pour le musée. 

M. Bonneton parle également d’une médaille de 
Pertinax, trouvée dans le même lieu, qui présente au 
revers une merœ ressemblant beaucoup à celles en 
terre cuite trouvées aux environs de Moulins. 

— On procède aux élections, comme l’indique 
l’ordre du jour, pour la formation du bureau de 1869. 

Un premier tour de scrutin a lieu pour l’élection 
du président, aucun membre de la Société n’obtient 
la majorité. Mais avant de procéder à un second tour 
de scrutin, M. Clairefond qui avait réuni un grand 
nombre de voix pour la présidence, remercie ses 
collèguesde leurs suffrages et les prie de vouloir bien 
reportersur une autre personne les voix qu’ils avaient 
bien voulu lui donner, ses occupations ne lui permet¬ 
tant pas de s’occuper assez activement des intérêts de 
la Société. 

Le scrutin est ouvert de nouveau, M: Esmonnot 
ayant réuni la majorité est élu et proclamé pré¬ 
sident. 

Uu scrutin est ensuite ouvert pour la nomination 
des vice-présidents. Un premier tour n’ayant pas 
amené de résultats, il a dû être procédé à un nouveau 
vote. Mais avant d’ouvrir le scrutin, M. le Président 


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242 


EXTRAIT 


fait observer que les membres titulaires ont seuls le 
droit de faire partie du bureau. 

Il est donné, sur la demande de quelques membres, 
lecture de l’article 3 (tit. II, chap. I er ) de nos statuts : 
Les membres associés-libres ne sont point obligés de se rendre 
aux séances de la Société. Ils peuvent néanmoins y assister 
avec voix consultative, mais ils ne prennent point part aux 
élections. 

Une discussion s’engage à ce sujet, M. le Président 
fait observer que depuis de longues années, les 
membres associés-libres ont toujours pris part aux 
élections, il croit que cette modification au réglement 
doit être maintenue, car il est préférable que le bu¬ 
reau soit élu par le plus grand nombre possible de 
membres ; mais qu’il est d’avis que seuls les mem¬ 
bres titulaires puissent faire partie du bureau. 

M. Bonneton demande qu’on mette aux voix les 
deux propositions suivantes : i° doit-on continuer de 
laisser voter comme par le passé les membres as¬ 
sociés-libres ; 2° les membres du bureau peuvent-ils 
être pris indistinctement parmi les membres titu¬ 
laires et les membres associés-libres. 

La Société vote que les membres associés-libres 
peuvent comme par le passé, prendre part aux élec¬ 
tions, et que les membres titulaires ont seuls le droit 
de faire partie du bureau. 

Le scrutin ouvert pour la nomination des vice- 
présidents donne les résultats suivants : MM. de l’Es- 
toille, pour les lettres, R. de Lafosse, pour les 
sciences; Bertrand pour les arts. 

M. Bouchard est nommé secrétaire-adjoint, et 
M. Croizier, trésorier. 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 243 

Le bureau de la Société reste donc composé ainsi 
qu’il suit pour l’année 4869. 

Président : M. Esmonnot. 

MM. de l’Estoille, pour les lettres. 
Vice-présidents ■ ] R. de Lafosse, pour les sciences. 
( Bertrand, pour les arts. 
Secrétaire-archiviste, M. G. Bernard. 
Secrétaire-adjoint, M. E. Bouchard. 

Trésorier, M. Croizier. 

Conservateur du musée, M. Queyroy. 

— Sont nommés membres titulaires de la Société. 
M. F. Méplain, pour la classe des sciences. 

M. O. Buchet de Neuilly, pour la classe des lettres. 


Séance du 5 février. 
présidence de m. esmonnot. 

Il est donné de nouveau lecture de la lettre de 
M. le Recteur de l’Académie de Clermont au sujet du 
prix annuel de 4,000 fr. institué, par un décret impé¬ 
rial du 30 mars, dans chaque ressort académique de 
l’Empire et qui doit être décerné par un jury com¬ 
posé de savants et de littérateurs, résidant dans les 
départements, à l’ouvrage ou au mémoire jugé le 
meilleur sur quelque point d’histoire politique ou 
littéraire, d’archéologie ou de science intéressant les 
départements compris dans le ressort. 

M. le Président reproduit de vive voix la réponse 
qu’il a cru devoir faire à M. le Recteur, après avoir 
pris l’avis du bureau de la Société, le laps de temps 


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m 


EXTRAIT 


assigné pour répondre ne permettant pas d’attendre 
la réunion de ce jour. 

— Comme les années précédentes, une circulaire 
de M. le Ministre de l’instruction publique fait con¬ 
naître les facilités accordées aux personnes qui vou¬ 
draient faire des lectures à la Sorbonne, ainsi qu’à 
celles qui seraient désignées par la Société pour la 
représenter à ces réunions qui auront lieu en avril. 

— Dans une lettre adressée à M. le Maire de 
Moulins et communiquée à la Société, M. de Caumont, 
directeur de l’Institut des provinces, demande le 
concours de l’administration et celui de la Société 
pour la tenue du congrès scientifique qu’il se propose 
d’organiser à Moulins en 1870. 

La Société confirme ce qu’elle a précédemment 
décidé à ce sujet, c’est-à-dire que M. de Caumont 
peut être sûr du concours non-seulement de la 
Société d’Emulalion, mais encore de celui des autres 
Société savantes de Moulins, comme M. de l’Estoille 
lui avait déjà fait savoir par une lettre datée de plu¬ 
sieurs mois, lettre qu’un malencontreux hasard a 
empêchée d’arriver à son adresse. 

M. le Président est prié de faire connaître les inten¬ 
tions de la Société à M. le Maire, qui voudra bien à 
son tour, les porter à la connaissance de M. le direc¬ 
teur de l’Institut des provinces. 

— M. Esmonnol annonce que grâce à M. le Maire 
de Moulins et à notre ancien Président M. de l'Esloille, 
notre Bibliothèque bourbonnaise va pouvoir être 
installée dans un local beaucoup plus commode que 
l’ancien et composé de trois pièces. 

Des remerciements sont votés à M. le Maire. 


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DES PROCÈS-VERB.U’X. 245 

—- Indication des publications reçues pendant le 
mois dernier. 

•— M. de l’Estoille donne lecture de son rapport sur 
les travaux de la Société pendant l’année 1868. 

M. le Président remercie au nom de la Société 
M. de l’Estoille du concours qu’il n’a cessé de donner 
à notre Compagnie depuis sa fondation. 

— Au nom de la commission des comptes, M. Gillot 
fait un rapport verbal sur les comptes de l’exercice 
1868 et sur le projet de budget pour 1869. 

Pour l’exercice de 1868, les recettes se sont élevées 
à 3,948 fr. 25 c., les dépenses à 2,550 fr. 85 c., ce qui 
fait qu’au 31 décembre 1868, il restait en caisse 
1,397 fr. 40 c. sans compter une somme de 84 fr. à 
recouvrer. 

Les comptes sont approuvés. 

Le projet de budget pour 1869 est ensuite arrêté 
ainsi qu’il suit : Recettes, 4,287 fr. 40 c. ; dépenses; 
3,456 fr. 50 c. D’où un exécédant de recettes sur les 
dépenses de 830 fr. 90 c. 

— Sur une demande de M. Clairefond relative à 
une dépense à faire pour organiser le Musée lapi¬ 
daire dans un terrain dépendant du palais de justice, 
ainsi que dans le vestibule de l’escalier conduisant 
aux salies du Musée, . la Société vote un crédit de 
300 fr. et charge en même temps la commission du 
Musée de lui faire un rapport sur l’emplacement 
qu’on pourrait affecter aux collections d’histoire na¬ 
turelle données par MM. Desbrochers des Loges et 
F. de Chavigny. 

— M. Chazaud est chargé d’examiner des notes 


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246 


EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX. 


adressées à la Société par M. l’abbé Millet, notes con¬ 
cernant le Bourbonnais. 

— La Société autorise notre collègue M. Tixier à 
présenter à la commission des lectures de la Sor¬ 
bonne, son glossaire du canton d’Escurolies. 

—11 est procédé à la nomination des commissions 
du bulletin, des comptes et du Musée pour l’année 
1869. 

Sont nommés membres de la commission du bul¬ 
letin : MM. Chevalier, Clairefond et Chazaud. 

Sont nommés membres de la commission des 
comptes : MM. Conny, Gillot et Rondeau. 

Sont nommés membres de la commission du 
Musée : MM. de Bure, Bouchard et Migout. 

G. BERNARD, 

Secrétaire-archiviste. 


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RAPPORT 


SU K LKS 

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ 

PENDANT L’ANNÉE 1869 
LU PAR LE PRÉSIDENT A LA SÉANCE DU 7 JANVIER 1870. 


Messieurs, 

Une année qui finit laisse à celle qui lui succède le 
soin de recueillir la moisson qu’elle a semée, et de 
préparer la récolte suivante. La première partie de 
cette tâche est facile et agréable, l’impulsion donnée 
à la Société par notre dernier Président la rendait 
aisée ; c’est la seule excuse que j’aie à vous présenter 
d’avoir accepté l’honneur de diriger cette année l’or¬ 
dre de vos travaux. 

Malheureusement la seconde partie est plus diffi¬ 
cile, et il eût fallu toute l’habileté qui me manque 
pour résumer clairement vos discussions, provoquer 
des études variées en rapport avec les goûts, les 
aptitudes et les occupations de chacun des membres 
de la compagnie, et maintenir par là l’intérêt de nos 
réunions, ce que je n’ai essayé que soutenu par l’as¬ 
surance de votre concours bienveillant. 

24 


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RAPPORT 


248 

Vos travaux ont été nombreux , et comme les 
années précédentes, ils sont de deux espèces : 
ceux collectifs résultat des études des diverses com¬ 
missions que vous avez choisies, et ceux individuels. 

Nous avons à nous féliciter de l’installation conve¬ 
nable et définitive de notre bibliothèque dans un local 
gracieusement offert par M. le Maire de la ville; l’ap¬ 
propriation a pu être opérée avec les fonds mis à la 
disposition de la commission d’installation, et grâce 
à l’activité de notre bibliothécaire, le classement, que 
l’espace a permis de rendre plus complet, est ter¬ 
miné. 

Vous avez pris l’initiative d’une mesure qui a ajouté 
un nouvel attrait à la réunion du concours régional. 
Une exposition d’œuvres d’art formée par les soins 
d’une Commission quia pris naissancedans la Société, 
a obtenu tout le succès désirable, grâce à l’activité et 
au dévouement des membres chargés de la diriger, 
et au concours empressé des artistes et des amateurs 
qui ont répondu à leur appel. 

Vous avez aussi, à l’occasion du concours régional, 
donné plus d’extension et une place plus convenable 
aux richesses archéologiques formant notre musée 
lapidaire ; ces précieux restes déposés provisoirement 
dans la cour du Palais de justice, ont été transportés 
et rangés dans le jardin situé derrière le bâtiment 
principal, et dans l’escalier monumental qui donne 
accès aux salles renfermant les autres collections. 
Donnons ici un nouveau témoignage de reconnais¬ 
sance à l’infatigable M. Bertrand qui, aidé du goût 
éclairé de M. le Conservateur, est parvenu en peu de 
jours, et avec des ressources très-limitées, à obteni" 


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SUR LUS TRAVAUX DK I.A SOCIÉTÉ. 249 

un classement avantageux aux objets qui, en leur 
rendant leur véritable importance, a déjà valu à notre 
musée, de la part de M. de Caumont, d’être cité au 
nombre de ceux de province en voie d’amélioration. 
Espérons que les vœux formés à cette occasion par 
cet archéologue distingué pour le complément de ce 
classement, pourront prochainement êlre réalisés. 

Vous vous êtes aussi occupés des éludes à venir. A 
l’annonce d’un Congrès scientifique à Moulins en 
4870, une commission provisoire d’organisation, prise 
en grande partie dans le sein de la compagnie cl dési¬ 
gnée dans une réu nion générale des différentes sociétés 
du département, a étudié et arrêté, après discussion, 
les diverses questions à proposer aux cinq sections de 
ce Congrès. Ce programme sera prochainement publié 
avec les invitations d’adhésion. 

Je n’entrerai pas dans le détail des lectures et com¬ 
munications particulières qui ont été faites pendant 
l’année, je demanderai cependant la permission de 
vous en rappeler le sujet et l’importance. 

M. de l'Estoille dans son rapport sur les travaux de 
la Société pendant l’année 1868, vous a fait jeter un 
coup d’œil rapide sur l’ensemble de ses intéressantes 
études. 

• M. Gillot, rapporteur de la Commission des comptes 
vous a fait connaître la situation régulière et prospère 
de nos finances. 

M. Radoult de Lafosseî dans une élude où il a su 
rendre la science attrayante, nous a initiés aux prin¬ 
cipes de la navigation aérienne, en envisageant la so¬ 
lution de ce problème à un nouveau point de vue. 

Al. Bertrand a continué ses nombreuses commuai- 


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250 


RAPPORT 


cations sur des découvertes archéologiques faites sur 
plusieurs points du département. Compte-rendu des 
fouilles entreprises par lui. Rapport sur l’installation 
des collections des objets d’histoire naturelle donnés 
par MM. F. de Chavigny et Desbrochers-des-Loges. 

M. Bouchard, rapport détaillé sur les travaux des 
assises scientifiques de Limoges où il avait été chargé 
de représenter la Société. Étude sur les changements 
de la Bergère Iris du poète Jean de Lingendes, en 
collaboration avec notre compatriote, M. Alfred Avi- 
sard. 

M. Chazaud, notice sur les armes de Guillaume de 
La Palice. 

M. Bonneton, étude sur la peinture sur verre et 
sur Jacques de Paroy peintre verrier né à Saint- 
Pourçain. Communication accompagnée de dessins 
des bas reliefs de la commune de Charroux. 

M. Queyroy, rapport sur les acquisitions faites pour 
le musée au moyen des allocations départementales 
accordées sur 1868. Communication sur le poète Ron¬ 
sard. 

• M. Auger communications diverses de documents 
historiques concernant la ville de Moulins. 

M. F. Pérot, plusieurs communications sur des dé¬ 
couvertes archéologiques faites dans le département. 
Pièce de vers sur la mort de Vercingétorix. Analyse 
de l’annuaire numismatique et d’archéologie de 1867. 
Mémoire sur un dépôt trachytique dans la commune 
d’Iseure. 

M. Belin, membre correspondant. Communication 
sur quelques styles en bronze trouvés à Cosne (Allier). 
Eaux fortes représentant ces objets. 


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SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. 


251 


M. Lascombe, communication sur différents objets 
trouvés dans la commune de Boucé, et notamment 
sur un poignard vénitien offert pour le Musée. 

M. l’abbé Millet, communication de quelques docu¬ 
ments concernant le pays et notamment une liste de 
religieux du prieuré de la Charité, originaires du 
Bourbonnais. 

M. Esmonnot, rapport motivant la demande d’al¬ 
location pour le musée, exercice 1870. Communica¬ 
tions sur les fouilles de Toury. 

Vous n’avez pas voulu rester étrangers aux diffé¬ 
rentes solennités scientifiques. M. le marquis de 
Montlaur a bien voulu, comme les années précé¬ 
dentes, représenter à Paris la Société d’Émulation, 
à la réunion des Sociétés savantes fondée par l’Insti¬ 
tut des Provinces. M. de Montlaur a également rempli 
à Clermont la mission de membre du Jury du con¬ 
cours, pour le prix que la circonscription académique 
a décerné en 1869. 

En dehors des actes de la compagnie, plusieurs de 
ses membres ont répondu par leurs travaux à l’appel 
des Académies. Ainsi, à l’occasion du concours insti¬ 
tué cette année pour le prix à décerner au meilleur 
ouvrage produit dans la circonscription académique, 
sur un sujet d’histoire politique ou littéraire, cinq 
membres ont envoyé des mémoires. Ce prix a été 
remporté par M. Chassaing, l’un de nos membres 
correspondants, aujourd’hui juge au Puy et secrétaire 
de la Société Académique de cette ville : il a été vive¬ 
ment disputé par M. Chazaud, dont le travail d’érudi¬ 
tion a étéjugédignedu lauréat applaudi à la Sorbonne 
en 1865. 

Vous avez tenu à participer au témoignage de rc- 


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252 


RAPPORT 


connaissance donné aux hommes qui ont illustré le 
pays à toutes les époques, eu souscrivant pour l’é¬ 
rection à Vendôme et à Mâcon des statues de Ronsard 
et de Lamartine, et pour l’acquisition à Château - 
Thierry de la maison dans laquelle est né Lafontaine, 
pour être consacrée à une bibliothèque et un musée. 

Les témoignages de sympathie du Conseil Générai 
et de l’administration municipale ne nous ont pas 
fait défaut cette année, et je crois, Messieurs, être 
votre interprète en les priant d’accepter ici l’expres¬ 
sion de notre gratitude pour les encouragements 
qu’ils nous ont donnés jusqu’ici. 

Nous avons eu la douleur de perdre en 4869, deux 
collègues : M. Namur, membre correspondant, secré¬ 
taire de l’Institut historique du Luxembourg, auteur 
de nombreuses recherches archéologiques, auquel la 
Société est redevable de documents utiles sur l’inter¬ 
prétation des figurines de notre musée céramique. 

M. l’abbé Millet, membre correspoudant, depuis 
l’année 1854. 

Nos rangs se sont augmentés pendant l’année de 
deux membres titulaires et de huit membres corres¬ 
pondants: et nos relations avec les Sociétés savantes 
ont été étendues : deux nouvelles Sociétés ont pro¬ 
posé l’échange de publications. 

Le musée a vu cette année s’accroître ses collec¬ 
tions par de nouveaux achats et des dons importants, 
tant des membres de la Société que des personnes 
qui, sans en faire partie, s’intéressent à nos travaux. 
Je ne citerai pas les noms des donateurs dont la liste 
serait trop longue, et qui figurent aux procès-verbaux 
de vos séances. 


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SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. 253 

Nous avons reçu aussi en dons plusieurs ouvrages 
importants, qui viennent augmenter la richesse de 
notre bibliothèque bourbonnaise déjà si intéressante. 

Après vous avoir entretenus des résultats obtenus, 
permettez-moi, Messieurs, de vous parler de nos tra¬ 
vaux à venir et des vœux à réaliser. Si les résultats 
de l’année 4869 la mettent au niveau de ses sœurs 
ainées, nous pouvons faire davantage, et il n’est pas 
moins désirable de voir un plus grand nombre de nos 
membres participer aux travaux de la Société, soit 
par des lectures plus fréquentes, en nous faisant part 
des sujets de leurs études d’intérêt général ou local, 
soit en nous tenant au courant des faits scientifiques, 
artistiques ou littéraires qui viennent à leur connais¬ 
sance, soit enfin par des comptes rendus des ouvrages 
nouveaux ou curieux dont la lecture les a intéressés, 
et sans être obligés pour cela de recourir aux séries 
de questions à résoudre proposées à plusieurs re¬ 
prises par la Compagnie. Il ne faut pas perdre de vue 
que si les plus petits détails étant isolés, paraissent 
insignifiants, ils peuvent, réunis, acquérir une impor¬ 
tance réelle, éclairer un point douteux, permettre de 
rétablir la vérité d’un fait, et pour l’histoire locale, 
nous donner la connaissance ou l’interprétation d’un 
usage, d’une coutume, d’une tradition, tirer de l'oubli 
la mémoire d’un homme utile. Telles sont, Messieurs, 
les obligations de la mission que nous nous sommes 
donnée, et à laquelle, j'en suis sûr, chacun de nous 
s’empressera de coopérer. 

Esmonnot. 


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LES 


BUSTES EN BRONZE 

D’AUGUSTE ET DE LIVIE 

Trouvés 4 Neutlly-le-Ré«kl en 1810. 


Tous les membres de la Société d’Émulation con¬ 
naissent, au moins pour en avoir entendu parler, 
les deux magnifiques bustes en bronze d’Auguste et 
de Livie, naguères encore appartenant à M. de Saint- 
Léger, aujourd’hui au Louvre. Notre musée, à défaut 
des originaux, en a du moins des surmoulages, et la 
Société en possède dans ses Archives un dessin de notre 
regrettable collègue Tudot, d’après lequel a été faite 
la lithographie qu'on trouvera dans ce bulletin. Nous 
devons à deux autres de nos collègues dont le zèle 
infatigable s’est montré depuis longtemps au-dessus 
de tout éloge, MM. Bertrand et Vignon, la communi¬ 
cation des documents ci-après qui, en constatant, 
d’une part, la date exacte de la découverte, et de 
l’autre, la valeur artistique et archéologique de ces 
deux précieux morceaux, semblent en former tout 
naturellement un historique auquel il ne reste rien à 
ajouter. 


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Bustes d'Auguste et de Livie 



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BUSTES EN BRONZE D’AUGUSTE ET DE I.IVIE. 


255 


PROCÈS-VEHBAL 

de la découverte des deux bustes en bronze d’Auguste 
et de Livie* à Neuilly-le-Réal ( Allier ) (1). 

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de 
Navarre, à tous présents et à venir, salut : savoir 
faisons que l’an mil huit cent seize et le vingt-neuf 
du mois de mai, 

Pardevant M® Gilbert Challeton, notaire royal, rési¬ 
dant à Neuilly-le-Réal, arrondissement de Moulins, 
département de l’Ailier et témoins après nommés, 

Sont comparus: sieur Pierre Saulnier, propriétaire, 
demeurant à Neuilly-le-Réal, d’une part ; 

Joseph et Antoine Navrot frères, laboureurs, demeu¬ 
rant ensemble au domaine des Guillemins, dite com¬ 
mune de Neuilly-le-Réal, d’autre part. 

Lesdits Navrot frères ont dit que le sept du présent 
mois de mai, ils labouraient ensemble, une terre dé¬ 
pendante dudit domaine, que la pointe de l'ariau de 
Joseph, l’un d’eux, Rencontra un objet et le sortit de 
terre ; ils arrêtèrent leurs bœufs étayant examiné ce 
que ce pouvait être, ils reconnurent que c’était une 
figure, ils fouillèrent à l’endroit qui le (sic) recelait 
et y en trouvèrent une seconde. Surpris de cette dé¬ 
couverte, ils s’avisèrent d’appeler M. le curé de la 


. (I) Communication de M Bertrand, vice-président de la Société 
d’Émuiation. 


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256 


BUSTES EN BRONZE 


commune, (l’abbé de Lépau, ancien Chartreux) qui, 
s’étant rendu sur les lieux, leur dit qu’il fallait 
laver ces figures pour en ôter la terre qui y était 
attachée et qu’après il serait plus facile de connaître 
qui elles représentent. Ils portèrent ces têtes au 
ruisseau, les frottèrent et vinrent à bout de mettre à 
découvert l’inscription que portait chaque base de 
ces figures, et M. le curé en fit la lecture. 

Ces deux objets trouvés formaient deux têtes en 
bronze appuyées au moyen d’une clavette sur une 
base de même métal qui avait la forme d’une sou¬ 
coupe renversée. 

La première trouvée avait été séparée de sa base 
par la secousse qui l’avait mise hors de terre et brisé 
sa clavette, elle représentait la figure d’une femme, 
l’oeil gauche fait d’émaille (sic) incrusté, rongé par la 
terre, était tombé par morceaux sous la main de celui 
qui avait lavé la tête. L’œil droit était terni. La base 
de cette tête portait pour inscription ces mots : 
LIVIÆ AVGVSTÆ (1) ANTESPATVS CRIXI FIL et 
plusieurs lettres initiales (2). La seconde représen¬ 
tant une figure d’homme était restée attachée à sa 
base qui portait pour inscription : CÆSARI AVGVSTO 
(1) ANTESPATVS CRVXI FIL et quelques lettres 
initiales (2). L’œil gauche de cette tête était aussi 


(1) La leciure n'en a pas été faite exactement , car c’est 
ATESPATVS que portent ces deux inscriptions. 

(2) V. S L. M, pour V (otum) S (olvit) L (ibens) M (erito) Ales- 
patus fils de Crixus, acquitte ce vœu avec empressement, à César 
Auguste ou encore Voto svscepto Libenter Merito, par vœu accom¬ 
pli avec pleine volonté. 


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d’auguste et de lime. 257 

très-altéré et l’émaille (sic) qui le formait, tombait 
par morceaux au moiudre contact. 

D’après ces examens, les frères Navrot déposèrent 
les deux figures près de l’endroit où ils travaillaient 
et le moment de cesser leurs labeurs étant arrivé, ils 
se retirèrent chez eux et y transportèrent leur trou¬ 
vaille. Quelques instants après, le sieur Saulnier 
arriva à leur domicile et les pria de lui faire voir ce 
qu’ils avaient trouvé. Ils se rendirent à sa prière et 
le sieur Saulnier, après avoir visité ces figures, de¬ 
manda si on voulait les lui vendre ; les Navrot ré¬ 
pondirent qu'ils le voulaient bien. Le père de ceux-ci 
dit : Monsieur, cela vaut bien un franc de la livre. Le 
sieur Saulnier répondit : ce serait peut-être cher pour 
une personne qui voudrait mettre ces objets à la re¬ 
fonte, mais comme mon intention, en les achetant, 
serait de les conserver, je vous en offre trente sols 
de la livre. Les Navrot répondirent : nous acceptons 
votre offre, ils firent alors la pesée des têtes qui pe¬ 
sèrent ensemble y compris leurs bases, quatre kilo¬ 
grammes deux hectogrammes. 

Le sieur Saulnier leur compta la somme de treize 
francs, qu’ils retirèrent.et lui firent la délivrance des 
deux têtes dont ils lui transmirent la pleine pro¬ 
priété. 

Enfin, les Navrot ont dit que par ces présentes, ils 
consentent quittance au profit du sieur Saulnier du 
prix de la vente qu’ils lui firent alors. 

Le sieur Saulnier comparant, nous a requis acte, 
tant de la déclaration desdits Navrot, que de la trans¬ 
mission de propriété et de la quittance qui y sont 
contenues,'ce que nous lui avons octroyé. —Mandons 


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258 


BUSTES EN BRONZE 


et ordonnons à tous huissiers, sur ce requis de mettre 
les présentes à exécution, etc., etc., car ce fut ainsi 
fait, lu et clos en l’étude, à Neuilly-le-Réal ledit jour, 
vingt-neuf mai mil huit cent seize, en présence de 
Laurent Favié, boulanger, et Jean Bouillot, garde 
forestier demeurant tous deux à Neuilly-le-Réal, 
témoins requis, qui et le sieur Saulnier, ont signé 
aveo nous. Notaire, non les frères Navrot, pour ne 
savoir, ainsi qu’ils l’ont déclaré, de ce par nous 
requis. 

La minute est signée : Saulnier, G. Favié, Bouillot 
et Challeton, notaire. 

En marge est écrit : etc. 

Challeton, notaire à NeuillyleRéal. 


COMMUNICATION FAITE PAR M. DE LONGPERRIEH 

Conservateur du Musée du Louvre, membre de l'Académie 
des inscriptions et belles-lettres, le 11 septembre 1868, 
sur deux bustes d'Auguste et de Livie trouvés en 1815 
dans le département de l'Ailier, récemment mis en lumière 
et acquis pour le Musée du Louvre (1). 

Le Musée du Louvre a récemment acquis deux 
bronzes antiques très-précieux, qui étaient pendant 

(l) Extrait du compte rendu des séances de l’Académie des 
inscriptions et belles-lettres, 1868, tome IV,pages 323 et suivantes, 
communique par M. le commandant Viguon, membre correspon¬ 
dant. 


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d’auguste ET DE L1VIE. 


259 


de longues années restés inconnus des archéologues. 
Ce sont des bustes d’Auguste et de Livie trouvés vers 
1815 (sic) dans le sol du domaine de Bretagne 
commune de Neuvy-le-Réal (1) (Allier). Ils furent 
découverts par un paysan qui creusait le sol d’un 
chemin. 

Le premier représente Auguste, tête nue, les yeux 
sont inscrulés en émail blanc avec pupille noire. Ce 
buste s’ajuste au moyen d’un goujon fixé à la partie 
inférieure de la poitrine, sur une base circulaire 
haute de 3 centimètres (diam. 13 cent.) décorée de 
cercles en relief tracés autour et percés d'une mor¬ 
taise. 

Sur le devant de cette base, on lit entre les deux 
moulures : 


CAESARI AVGVSTO 

ATESPATUS . CRIXI . FIL . V . S . L . M. 

Le second buste est celui de Livie. Les cheveux 
sont relevés autour du front, formant saillie sur le 
devant et chignon sur la nuque. Deux grandes mèches, 
fondues à part, sont fixées dans deux trous pratiqués 
en arrière des oreilles et tombant sur les épaules. 
Une petite draperie couvre la poitrine, les yeux sont 
incrustés. Sur la base circulaire on lit : 

LIV1AE AUGVSTAE 

ATESPATVS . CRIXI . FIL . V . S . L . M. 


’l) C’est sans doute une faute d’impression pour Ncuilly-lc- 
Réal. 


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260 


BUSTES EN BRONZE 


Les deux bronzes ont été évidemment exécutés par 
le même artiste et consacrés à la même époque, car 
les caractères des deux dédicaces sont identiques. 
Cette époque se place entre l’an de Rome 727 (26 ans 
av. J.-C.) date du changement de nom d’Octave et 767 
(14 ans après J.-C.) date de la mort de l’Empereur. Il 
était encore vivant lorsque les bustes furent dédiés, 
puisqu’il ne reçoit pas dans l’inscription le titre 
DIVVS. Livie ne prit le nom Julia qu’après la mort 
d’Auguste et en vertu du testament de son mari, pen¬ 
dant l’existence duquel elle n’a pas porté légalement 
le titre d’Augusta. Cependant ce titre lui était donné 
daus quelques provinces, témoin l’inscription : 

LIVIAE . DRVSl. F . AVGVSTAE . MATRI . CAESARIS 
ET DRVSl . GERMANICI. SVPERAEQVANI. PVBLICE . 

gravée alors que Tibère n’était encore que Cæsar 
(Romanelli, Topogr. hist. del regno di Nap., t. III., 
p. 134). 

ATESPATVS est nouveau dans le catalogue des 
noms gaulois où figurent Atessates, Ateporix, Ate- 
pillus, Atepomarus, Alepo, Ateviritus, etc., etc. Au 
contraire Crixus est célèbre. Porté par un Gaulois 
compagnon de Spartacus dans la guerre des esclaves 
(Tit. Liv. épit. xcv, 7 xcvii, i, 2, cf. Oros. V. 24), il 
appartint encore à un chef de Boïes. (Sil. Ital. IV, 
V, 248.) 

La formule Votum solvit libenter merito indique très- 
positivement que ces curieux bustes,bien que repré¬ 
sentant des personnages vivants, ont été consacrés 


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d’auguste et de UV1E. 


261 


aux deux Augustes considérés comme divinités. Ils 
ont dû figurer dans un Laraire, de même que celle 
image de bronze que conservait Suétone, (oct. 7) et 
qui portait le mot Thurinus, premier nom d’Au¬ 
guste, incrusté en caractères que l’historien croyait 
être de fer, mais qui étaient bien plus probablement 
d’argent noirci parle temps, ce qui est plus conforme 
aux habitudes connues des anciens. 

Les bustes trouvés près de Neuvy-le-Réal (sic) [4], 
outre leur mérite d’exécution, leur état admirable de 
conservation, offrent encore une grande utilité pour 
les archéologues en ce qu'ils montrent l’usage auquel 
étaient destinés d’autres bronzes de même dimension 
qu’on avait recueillis sans leur baseet par conséquent 
sans inscription. 

Observation présentée par M. Renier, président de 
l’Académie des inscriptions et belles-lettres, après la 
lecture de la communication qui précède, (ibid., 
page 286.) 

« M. Renier fait observer que la qualification d’Au¬ 
guste donnée à Livie dans l’inscription d’un de ces 
bustes est, non pas un titre politique, mais un titre 
religieux et qu’elle dénote une époque postérieure à 
la restauration des Dieux Lares par l'Empereur Au¬ 
guste. Il en résulte que l’exécution des deux bustes 
doit se placer entre les années de Rome 727 et 767. » 
On lit, enfin (ibid., page 435) : Je (M. de Long- 
perrier) n’entrerai ici dans aucun détail sur les noms 
gaulois, commençant par ATE (Sanscrit ATI indice de 


(!) Faulc d'impression pour « Neuilîy-le-Réal.** 


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262 BUSTES EN BRONZE d’AUGUSTE ET DE LIVIE. 

• 

prééminence). C’est un sujet qui déjà a été traité par 
des gens plus compétents que moi. 11 me suffit de 
rappeler les savantes recherches de M. Piclet. Mais 
je constate seulement que de l’existence de ces noms, 
on peut conclure que le nom Atesmerius (ci-dessus 
cité) doit se couper ainsi Ate-smerius de même que 
le nom inscrit sur les bronze d’Auguste et de Livie 
dont j’ai eu l’honneur de parler à l’Académie doit se 
décomposer en ATE-SPATVS. 


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LE FIEF 


DE LA FORÊT 

ET 

ROBERT LE DIABLE 


Nous ne rechercherons pas, au début de cette étude, 
l’origine des fiefs ; cette mission, beaucoup trop 
lourde pour nous, ne remplirait pas notre intention ; 
faire l’histoire d’un fief situé dans la partie Sud-Est 
du Bourbonnais, rechercher ce qu’était et quel rôle 
a joué le personnage qui est resté dans le souvenir 
des vieillards des environs du Donjon sous le nom de 
Robert-le-Diable, tel est le but que nous nous propo¬ 
sons. 

Si nous prenons la carte de Gassini, nous voyons, 
à l’extrémité Nord-Est de la carte 13 J, le signe indi¬ 
catif du fief avec le nom de la Forêt. 

Le château parait posé au revers d’une petite 
chaîne de collines s’inclinant à l’Est, et au bas de 
laquelle se trouve un assez grand étang, alimenté 
par un ruisseau qui prend sa source à environ trois 
mille cinq cents toises de là, sur la paroisse de Mont¬ 
as 


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m 


LE FIEF 


combroux. Au-dessous de l’étang uu moulin est indi¬ 
qué, le tout se trouvait sur la paroisse de Liernolles. 

Le château était le lieu où les censitaires devaient 
remplir leurs devoirs seigneuriaux, le moulin était 
le moulin banal où ils devaient faire moudre leur 
grain. 

Nous ignorons l’origine des premiers maîtres du 
fief de la Forêt, quel fut le chef germain ou franc 
qui le reçut comme bénéfice (1), en récompense de ses 
services lors de la conquête ; ces temps, appliqués 
aux environs du Donjon, sont toul-à-fait des temps 
fabuleux. Nos connaissances ne remontent pas au- 
delà du XIV 8 siècle. 

A cette époque, le dernier du nom de la Forêt vivait 
toujours, son nom était Adrien. Il mourut au com¬ 
mencement du XV e siècle, à une date inconnue, mais 
antérieure à 1428. 

Trois filles héritèrent de ses biens : 

1° Marguerite de la Forêt, femme de Guillaume de 
Buffevent, de cette famille de Buffevent qui fut pos- 
sessionnée, jusqu’au commencement du XVI* siècle, 
en Bourbonnais, dans les châtelleuies de Moulins, 
Bessay et Ghavroche. 

2° Ghatherine de la Forêt, femme de Philippe de 
Putay, écuyer, seigneur du fief de ce nom situé sur 
les bords de la Loire entre Diou et Pierrefitte. 

3° Alise de la Forêt, femme de Guillaume Grenier, 
écuyer, seigneur de Laduque (2), sur lequel nous n’a- 

(1 ) Le nom de fief ne se rencontre, pour la première fois, qu'en 
l'an 884 dans une charte de Charles-le-Gros. 

(2) Sentence arbitrale déposée chez Ghassenay Jean-François, 
notaire au Donjon, le 15 juillet 1752. 


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DK I.A FORÊT. 


263 


voûs rien de positif, mais qui pourrait bien être le 
même qu’un certain Guillaume Grenier, lequel faisait 
aveu au Roi, en 1433 et 1443, de l’hôtel de la Motte et 
dépendance, paroisse de Chapeau par lui tenu en 
viager d’Isabeau de la Forêt, femme de Guyot de 
Ghevennes (1). 

Le fief de la Forêt resta à Catherine, femme de 
Philippe de Putay. Ils eurent deux filles, l’une Jehanne 
épousa le 2 août 1438 Guillaume de Viry. 

Dans le partage des biens de la famille, le fief de 
la Forêt échut à Jehanne qui le transmit ainsi à la 
famille de Viry. 

Le 2 septembre 1432, Guillaume de Viry intragea 
à Pierre Bouguin, de la paroisse d’Huvers, un tène- 
ment, dépendant de son fief de la Forêt, appelé du 
Fournier, composé de prés, terres, bois, buissons, etc, 
pour sept sous six deniers (2), à la Saint-Barthélemy, 
autant à carême prenant, plus deux bichets de seigle 
et les corvées accoutumées. Telle fut l’origine de la 
communauté des Bouguin. 

C’est surtout à cette époque que s’établissaient, en 
associations de travailleurs, ces familles connues 
sous le nom de Communautés qui défrichèrent les 
environs du Donjon, réduits à l’état de bois aban¬ 
donnés, à la suite de la bataille de Poitiers et de l’in¬ 
vasion des Anglais. 

Et à ce propos nous ferons une remarque : dans 
son étude sur la chronologie dès sires de Bourbon, 


(1 ) Archives de l’Empire, section domaniale, série P. R. 454, 
p. 242; R. 463. p. 243. 

(2) Environ H fr. 25 c. de nos jours 


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266 


LE FIEF 


le savant conservateur des Archives de l'Ailier, citant 
la donation de Pierre-le-Clerc, lieutenant du comte 
d'Auvergne, au couvent deParay-Ie-Monial, de diverses 
villas situées dans la paroisse de Montcombroux, 
trouve dans le nombre : villam Brugulinas, qu’il 
traduit par les Bouguin. II y a ici une erreur évidente. 
Le texte dit positivement que les choses données 
sont situées apud ecclesiam sancte Marie de Monte- 
Combroso, in circuitu ejusdem ecclesie et parrochie 
ipsius. Aussi, pour faire concorder son opinion avec 
le texte, M. Chazaud est-il obligé d’ajouter que la 
paroisse de Montcombroux était sans doute beaucoup 
plus étendue que la commune actuelle de ce nom ; 
or, c’est le contraire qui existait, et il nous serait 
facile d’établir, si cette discussion ne devait nous 
enl rainer trop loin, que la paroisse de Montcombroux, 
au Xl° siècle, était plus de moitié moins considérable 
que la commune actuelle. Et puis, les Bouguin sont 
à huit kilomètres de l’église de Montcombroux, dis¬ 
tance prise sur la carte, à vol d’oiseau, il sera diffi¬ 
cile dès lors de faire concorder avec cet éloignement 
les mots apud, in circuitu. Rendons villa Brugulinas 
par villa du Breuil, du Bois, selon la traduction que 
M. Chazaud lui-même voulut bien nous donner lors¬ 
qu'il nous communiqua la copie de cette charte, et 
quoique ce nom ne se trouve plus aujourd'hui, les 
lieux, dignes de le porter en l’an mil, abondaient tn 
circuitu ejusdem ecclesie. C’est une bien minime cri¬ 
tique, au reste, que nous nous permettons sur un si 
remarquable travail. 

Nous avons dit, dans la notice sur la famille de 
Viry, que la terre de la Forêt fut érigée en baronnie 


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DE LA FORÊT. 267 

au profit de Guillaume de Viry et de ses descendants 
en 4450. 

Le fief avait un annexe. Dans l’aveu que Louis 
de Viry fit au duc de Bourbon en 1488 et en 4505, 
nous voyons qu’au fief de la Forêt se joignait celui 
de la Berthière (4). 

Nous croyons que c’est à tort.que Claude de Viry 
en 4544 et Jean en 4569 se qualifient de seigneurs de 
Liernolles ; ce ne fut que plus tard, comme nous le 
verrons, que cette seigneurie fut séparée de la ba¬ 
ronnie de Chatelperron pour être annexée à celle de 
la Forêt. Les limites de cette dernière s’étendaient 
certainement sur des terres comprises dans l’étendue 
de la paroisse, mais les propriétaires de la Forêt ne 
devinrent seigneurs du fief et du clocher de Liernolles 
qu’en 4657. 

Dans une précédente étude, nous nous sommes 
occupé spécialement de cette famille, nous ne nous 
y arrêterons donflc pas plus longtemps aujourd’hui. 

Seulement, parmi les de Viry, il en est un dont nous 
n'avons trouvé aucune trace dans les archives très- 
complètes de cette maison, c’est Jean qui était curé 
de Liernolles en 4520. Le 9 juin de cette année, il 
fait remise aux communautés des Raimond, des 
Goubby, des Jacob, de toutes dîmes de bled et vin à 
lui dues sur les terres de ces communautés, à la con¬ 
dition, que le jour de Noël, on donnerait à dîner à 
lui, à son vicaire, à ses chevaux, à ses chiens et une 
poule pour son oiseau, ou cinq sous tournois, à son 


(1) Archives de l'Empire, seclion domaniale, série P. Rég. 553, 
p. *3 ; rég. 408, p. 51 ; rég. 482, p. 22 ; rég. 484, p 38. 


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m 


LE FIEF 


choix et que lorsque le maître ou la maîtresse de la 
maison décéderait, le Curé aurait la moitié du lit 
du trépassé. Ce traité était un avantage évidemment 
fait aux communautés susdites, car les terres affran- 
chiesde la dtme avaient une étendue de 108 bichettées 
représentant à peu près 43 hectares ; la dime, que 
devait retirer le Curé de cet espaoe de terre, était né¬ 
cessairement bien supérieure aux cinq sous tournois 
équivalant à 3 fr. 73 c. environ de nos jours. Aussi 
Pierre Pacaud, prêtre bachelier en théologie et curé 
de Liernolles en 1688, attaqua cette transaction, di¬ 
sant: que Jean de Viry n’était qu’usufruitier, que 
dès lors il n'avait pu aliéner un fonds aussi considé¬ 
rable de sa cure pour peu ou presque rien. Les des¬ 
cendants de ceux avec lesquels avait contracté le curé 
de Viry reconnurent la justice de cette réclamation 
et le traité de 1320 fut aboli. (1) 

Les biens des communautés sus-désignées étaient 
proches de la Forêt ; ces chiens, cet oiseau auquel on 
devait une poule, indiquent l’extraction noble du 
curé de Viry; ces considérations nous portent à croire 
qu’il devait être de la famille des seigneurs de la 
Forêt. 

Jean, cinquième seigneur de la Forêt du nom de 
Viry, eut douze enfants. 

L’ainée, Claudine, épousa, le 16 septembre 1382, 
JeanTurpin, seigneur de Laya (2). 


(1) Acte reçu Chassenay Clément, notaire au Donjon, le 13 no¬ 
vembre 1688 

(2) Archives du château de Viry. La propriété de Laya rc trouve 
placée entre Trezel et Cindré. 


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DE LA FORÊT. 


269 


D’où venait Jean Turpin ? L’Armorial général indi¬ 
que des Turpin dans quinze provinces de France. Le 
Bourbonnais y figure. D’après les Noms féodaux les 
Turpin auraient été possessionnés dans seize châtel¬ 
lenies, entr’autres dans celle de Chavroche en Bour¬ 
bonnais, an village de Trezel en 1506. Nous croyons 
que c’est à cette dernière famille qu’appartenait le 
nouveau seigneur de la Forêt ; et voici pourquoi : nous 
avons trouvé, en parcourant les archives du château 
de la Forêt, des expéditions d’actes d’achats de de¬ 
voirs considérables, faits en 1567 et en 1571, dans les 
paroisses de Saint-Lyans (Saint-Léon) et de Sorbier, 
par François Turpin, procureur à Chavroche, demeu¬ 
rant à Trezel. Ces pièces, trouvées dans les archives 
de la Forêt, ont dû y être laissées par les seigneurs 
de ce fief qui avaient d’abord été simples procureurs 
à Chavroche, comme le chef de la famille Delingende 
était bourgeois et praticien dans le chef-lieu de cette 
châtellenie au commencement du XVI e siècle (1). 

En reconstruisant la sacristie de l'église de Trezel, 
il y a une vingtaine d’années, on a retrouvé une pierre 
tumulaire recouvrant un cercueil en forme d’auge. 
On a lu, sur les fragments existants de cette tombe, 
au-dessous d’un écusson indéchiffrable, les let¬ 
tres F. A., la date 1587, et les mots suivants : 

.Tvrpin vivant conseiller et élev povr le Roy, 

« en l’élection de Bovrbonnays et honneste femme 

« dame Jacqveline.dict s r Tvrpin le promier jovr 

« d’ao.vsl 1586 et la dicte Materat le promier jovr d’oc- 


(1) Terrier Merle, Fauvre et Morel, F 0 V° 76. Archives de l’Ailier. 


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270 


LE FIEF 


« tobre 1562. Priez Dieu povr levr ame. Amen. » (1) 

Cette épitaphe donne la position de la famille 
Turpin en 1586. Les armoiries, le litre d'honnéte 
femme indiquent la bourgeoisie baut placée, par sa 
fortune, ses charges. Si la famille eût appartenu à la 
petite noblesse, écuyer, chevalier, on aurait mis: 
noble dame ; à la noblesse titrée : haute et puissante 
dame. 

Jean Turpin, époux de Claudine de Viry, avait ac¬ 
quis une créance contre son beau-père, il avait avancé 
à sa belle-mère, obligée de soutenir un procès, une 
somme importante (2). Le 2 août 1612, des arrange¬ 
ments de famille eurent lieu, la terre de la Forêt fut 
laissée à M. de Laya et le 27 du même mois, Charles 
de Viry prit possession de la terre des Échelettes, et 
Jean de Laya resta seul maître de la Forêt (3). 

Le nouveau seigneur ne tarda pas à augmenter sa 
seigneurie, il fit l’acquisition, le 4 mars 1614, du do¬ 
maine de Troussière de la famille de ce nom. (4) 
Nous avons vu naître la communauté de Bouguin, 
nous voyons finir celle de Troussière. 

Puis le 12 mai 1618 (5), il fit une fondation pour 
laquelle le curé de Liernolles était tenu d’aller dire, 
dans la chapelle de la Forêt, une messe, le vendredi 
de chaque semaine, lorsque le seigneur habitait le 


(1) Nous croyons que cette pierre est aujourd'hui dans le mnsée 
départemental 

(2) Voir une cession reçue Chassenay Jean, notaire au Donjon, 
le 23 décembre 1599 

(3) Archives du château de Viry. 

(4) Archives de la Forêt. 

(5) Archives de la Forêt. 


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DE LA FORÊT. 


271 


château ; et en cas de non résidence, la messe devait 
être dite, aux mêmes époques, dans l’église de Lier- 
nolles pour le seigneur de la Forêt. Pour ceci, ledit 
seigneur devait payer au curé une^ rente annuelle de 
cinq bichetsde seigle (1) et 3 livres en argent (2). 

Jean Turpin vécut encore longtemps à la Forêt, 
mais sa fortune suivit une pente descendante. 

Sa seigneurie fut saisie et vendue le 18 juillet 1635 
par décret du Sénéchal de Bourbonnais, confirmé 
par arrêt du Parlement de Paris le 18 avril suivant, 
pour la somme de 25,000 livres (3). 

M. Pératon Claude, procureur au Parlement de 
Paris, s’en rendit adjudicataire et remit ses droits à 
noble Jean Riquier, conseiller du Roi, maison cou¬ 
ronne de France et de ses finances, contrôleur géné¬ 
ral de la marée à Paris. 

Le fief de la Forêt passait entre les mains d'un 
étranger. 

Nous n’avons, sur Jean Riquier, aucuns renseigne¬ 
ments antérieurs à son acquisition. C’était très-pro¬ 
bablement un nouvel enrichi ; ce qui nous le fait 
supposer, c’est cette charge de secrétaire du Roy, 
maison couronne de France qui, ayant le privilège 
d’annoblir ceux qui en étaient revêtus, était achetée 
parles membres de la bourgeoisie parvenus à la for¬ 
tune. 

Malgré le décret du Sénéchal du Bourbonnais, mal- 


(1) 13 doubles décalitres 7|9 environ. 

(2) 157 fr. de nos jours. 

(3) Archives de la Forêt. 


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272 


LE FIEF 


gré l'arrêt du Parlement de Paris, le seigneur dépos¬ 
sédé ne cousenlit pas à partir. Alors le 44 mai 1636 
Louis Lepaire, lieutenant de la Prévôté de Bourbon¬ 
nais, demeurant à Gannat, arriva au château de la 
Forêt avec dix ou douze archers et en expulsa M. de 
Laya avec sa famille. 

Ce dernier, cependant, emporta tous les meubles, 
les papiers, les bestiaux de la basse-cour, même les 
fauconneaux qui avaient préservé le château des 
routiers pendant les guerres de religion. Le lieute¬ 
nant et ses hommes s’installèrent au château et y 
habitèrent dix-huit jours. 

Enfin, le 4 juin suivant, un mandataire de Jean 
Riquier, Gabriel Veyret, bourgeois de la ville de 
Roaune, arriva à la Forêt avec Louis Constantin, no¬ 
taire à Charlieu, et Louis Ravier, notaire au Donjon. 
A leur arrivée les archers et leur officier sortirent et 
les notaires se mirent en devoir d’opérer la prise de 
possession. 

C’était bien l’habitation d’un homme ruiné, ils 
constatent que ladite maison seigneuriale est en triste 
état, elle est découverte en plusieurs endroits; 
les vitres sont cassées, les portes n'ont ni clefs, ni 
serrures ; le pont levis est pourri, les écuries sont en 
ruines, les crèches sont rompues, le jardin a été 
mangé par les bestiaux ; le domaine de la basse-cour, 
oelui de la Berthière, le moulin, sont dans un état 
semblable. La tuilerie, située dans le grand bois au¬ 
près de la Berthière, est inhabitée. Troussière est 
dans un état tel que le métayer dit que depuis vingt 
ans on n’y a fait aucune réparation. Dans les bois de 


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DE LA FORÊT. 278 

haute futaie, les plus beaux arbres ont été coupés et 
enlevés, la terre est jonchée de branchage (1). 

Malgré tout, le nouveau seigneur se fixe à la Forêt, 
au moins pendant une partie de l’année, ceci résulte 
d’un bail à ferme du moulin de la seigneurie passé 
devant Ravier, le 19 décembre 1636, dans lequel acte 
on voit Jean Riquier demeurant au château de la 
Forêt. 

A cette époque les formalités de la procédure étaient 
longues et coûteuses. Nous en verrons des exemples 
dans le cours de cette étude. Après l’expulsion de 
M. de Laya, des difficultés surgirent encore entre lui 
et M. Riquier. Le tout ne fut terminé que par un 
arrêt du Parlement de Paris du 31 août 1641. Et 
lorsque ledit arrêt fut signifié à Voille, procureur de 
M. de Laya, l’homme de loi répondit que son client 
était décédé depuis longtemps. 

. Le nouveau propriétaire s’occupa de quelques 
réparations, les plus urgentes, telles que suppression 
du pont levis et reconstruction du portail, qui porte 
aujourd’hui la date de 1637. 

Quelques restaurations partielles étaient loin de 
suffire ; aussi huit ans plus tard, le château menaçant 
ruine, le seigneur le fit à peu près reconstruire à 
neuf (2). 

Il y avait vingt-deux ans que Jean Riquier possé¬ 
dait la Forêt, lorsqu’un habitant du Rourbonnais en 
devint propriétaire. 

Par acte reçu Ogier et Levasseur, notaires à Paris, 


(1) Procès-verbal reçu Ravier, notaire au Donjon, le 4 juin 1836. 

(2) Prix fait reçu Collas, notaire au Donjon, le 2 janvier 1614. 


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274 


LE FIEF 


daté du 1 er août 4657, Messire Gilbert Vialet, con¬ 
seiller du Roi en ses conseils, président trésorier 
de France en la Généralité de Moulins, fit l’acquisition 
de la terre et seigneurie de la Forêt, membres, cir¬ 
constances, et annexes, tant en fief que roture, con¬ 
sistant en maison forte, fossés, bâtiments, cours, 
basses-cours, colombier, jardin, vignes, prés, bois, 
terres, étangs, moulin, rentes, dîmes, devoirs, do¬ 
maines anciens et annexés à ladite seigneurie, avec 
les droits honorifiques d’église, le tout situé dans la 
paroisse de Liernolles et d’Huvers pour la somme de 
46,550 livres. 

Gilbert Vialet augmenta immédiatement sa sei¬ 
gneurie, car, par contrat reçu Ogier et Pain notaires 
à Paris, le 16 septembre 1657, il acheta de haut et 
puissant seigneur Messire Claude de la Guiche, che¬ 
valier des Ordres du Roi, conseiller en ses conseils, 
lieutenant-général des .camps et armées, gouverneur 
du Bourbonnais, Maréchal et Sénéchal dudit pays, 
comte de Saint-Gerand et de Lapalice, seigneur de 
Chatelperron et autres ses terres, et de haute et puis¬ 
sante dame Suzanne de Longaunay son épouse, la 
terre et seigneurie de Liernolles, consistant en haute 
justice, moyenne et basse, droits honorifiques et tous 
autres droits tant taiilables et mortaillables que 
autres devoirs dans toute l’étendue de la paroisse de 
Liernolles, tant en grains, poules, chapons, corvées, 
rentes foncières dus dans icelle paroisse, membre de 
Chatelperron, le tout pour la somme de 15,000 livres, 
et dès lors, Liernolles devenait un annexe de la sei¬ 
gneurie de la Forêt ; les vendeurs ne s’étaient réser¬ 
vé que la foi et hommage. 


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DE LA FOKÉT. 


275 


En 1675, Gilbert Vialet avait affermé sa seigneurie, 
cet acte nous indiquera sa valeur. II afferma tous les 
devoirs et droits seigneuriaux, y compris la dtme qui 
se percevait dans la paroisse de Sorbier, les huit 
bichets de seigle, vingt et un doubles décalitres en¬ 
viron, qui se prenaient sur la dime de Quatraigues, 
les droits de lots et ventes, commise, dégradation de 
bois, laide (1) et autres droits seigneuriaux, étangs, 
pêcheries ; le tout était affermé 1,500 livres, environ 
4,125 livres de nos jours (2). Sur les droits de lots 
et ventes, dégradations de bois et commise le sei¬ 
gneur s’en réservait la moitié. 

Gilbert Vialet augmenta encore sa seigneurie par 
l’acquisitiou du fief des Augères qui lui était limi¬ 
trophe. Cette vente fut faite par François de Bonnay, 
chevalier, seigneur de Verneuil en Nivernais y de¬ 
meurant, Catherine de Maumigny son épouse, et 
Marguerite de Bonnay, sœur de François Léonard, 
pour la somme de 5,600 livres, acte reçu Cantat, no¬ 
taire à Moulins, le 2 septembre 1684. Et dès lors, 
Gilbert Vialet put se qualifier seigneur de la Forêt, de 
la Berthière, de Liernolles et des Augères. 

Il possédait encore la terre des Noix dans la pa¬ 
roisse de Cressanges. C’est à cette seigneurie qu’était 
attaché le fameux droit des Musards de Cressanges, 
dont parlent Y Ancien Bourbonnais et le Bulletin de la 
Sociétéd'Émulation, volume IV, p. 197. 

(I) Droit perçu sur toutes les bôtes et marchandises qui se ven¬ 
daient à la foire de Liernolles. tenue chaque année le jour de 
Sainte-Catherine Ce droit seul s'affermait 8 à 10 livres, 26 fr. 65 
à 33 fr. 30 de nos jours. 

(2; Bail reçu François, notaire au Donjon, le 9 novembre 1675 


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276 


LF. FIEF 


Gilbert Vialet eut deux filles : Marguerite qui 
épousa, le24 juin 1687, Charles Legendre, conseiller 
du Roi en son grand conseil, chevalier, seigneur de 
Saint-Aubin, Chirat, Chavance en Bourgogne ; Sali- 
gny dans la paroisse de Bagneux, Lépine dans celle 
d’Agonges en Bourbonnais. L’autre fille également 
nommée Marguerite, épousa Michel Cadier, écuyer, 
seigneur de Cressance et de la Brosse, paroisse de 
Saint-Bonnet (1). 

Par son mariage, Charles Legendre devint seigneur 
de la Forêt ; il en fournit l’aveu et le dénombrement 
au Roi le 30 mai 1692 (2). 

Le nouveau seigneur vécut peu, en septembre 
1702 il était mort, et comme il avait affermé sa terre 
avant de mourir, les nouveaux fermiers firent faire 
un procès-verbal de l'état des lieux. Examinons cette 
pièce, nous y verrons ce qu’était, à cette époque, la 
seigneurie de la Forêt. 

On constate qu’il y a beaucoup de réparations à 
faire au château ; cela devait être. M. Vialet et son 
gendre l'avaient peu habité ; l’un était retenu à Mou¬ 
lins par l’exercice de sa charge de président des tré¬ 
soriers de France, l’autre à Paris, où il siégeait au 
grand conseil. Le premier se voit encore à la Forêt 
pendant les vacances, nous n’avons pas trouvé de 
traces du passage du second au château seigneurial. 
Il avait des terres beaucoup plus importantes et mieux 
situées, il devait venir rarement à la Forêt. On con- 


(!) Près Moulins. 

(2) Sentence arbitrale déposée chez Chassenay Jean-François 
notaire au Donjon, le 15 juillet 1752. 


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DK LA FORÊT. 


277 


state encore que le château des Augères est en si 
mauvais état qu’il est entièrement inhabitable. Dans 
le reste de la propriété on trouve un moulin, une tui¬ 
lerie, le domaine de la Maison-Neuve, celui des 
Gonnet, celui de la Berthière, de Troussière, plu¬ 
sieurs étangs et le domaine des Bergeries qui faisait 
partie de la seigneurie de Liernolles (1). 

Charles Legendre avait laissé un fils jeune encore 
à l’époque de la mort de son père. Comme il avait 
hérité de sa fortune, il lui succéda dans ses charges: 
conseiller du Roi en tous ses conseils, maître des re¬ 
quêtes de son hôtel. 

De même que son père, il habitait Paris. En 1716, 
il vint à la Forêt, et il fit faire de grandes réparations 
à tous ses domaines (2). 

La fortune de la famille Legendre s’était accrue 
rapidement, tant en terres qu’en dignités. Dans 
l’aveu et le dénombrement que Charles avait fournis 
au Roi, en 1692, de son fief de la Forêt, il est qualifié 
chevalier. Et son fils Charles-Gilbert obtint, au mois 
d’avril 1718, des lettres patentes par lesquelles Sa 
Majesté crée, érige et décore en nom, titre et dignité 
de Marquisat la terre de Saint-Aubin-sur-Loire, mou¬ 
vante de la couronne, à cause du duché de Bour¬ 
gogne. Les armes d’azur à une fasce d'argent accom¬ 
pagnées de trois têtes de filles de même chevelées 


(li Procès-verbal reçu Lcsglot Charles, notaire au Donjon, le 
30 septembre 1702. 

(2) Prix fait reçu Chassenay Clément, notaire au Donjon, le 
29 septembre 1716. 


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278 


I.K K IKK 


d’or et posées de front, deux en chef et l’autre à la 
pointe de l’écu (1). 

Et le même jour, comme la baronnie de la Forêt 
s’était éteinte avec le départ de la famille de Viry, ce 
fief fut de nouveau érigé en baronnie au profit de 
Gilbert-Charles Legendre. « Reconnaissant, » dit ce 
titre qui appartient à une époque dans laquelle les 
bases de la société reposaient sur la propriété terri¬ 
toriale et la famille, * avec beaucoup de satisfaction 
« que rien n’excite davantage nos sujets à nous 
« servir avec plus de zèle et de fidélité que les mar- 
« ques d’honneur que nous attachons à leur famille, 
« et que cette distinction lps porte à s’employer avec 
« plus d’ardeur au bien de l’État. » Et plus loin, il 
est dit que Charles Legendre est issu des anciens 
seigneurs de Villeroy et d’Alincourt. Pour la terre : 
« sachant que ledit Legendre possède la terre de la 
< Forêt en toute justice haute, moyenne et basse et 
« seigneurie de paroisse, mouvante et relevante de 
t notre Duché de Bourbonnais. » Puis au bas se trouve 
une signature, qui est bien un seing manuel et non 
une griffe. Le nom Louis est formé d’une main ferme, 
avec des lettres de huit millimètres de hauteur. C’est 
la signature du roi de France, alors âgé de sept 
ans (2). 

La famille Legendre était parvenue à son plus haut 
point de splendeur, fortune, dignités, rien ne lui 
manquait. Charles-Gilbert usa-t-il avec sagesse et 
prudence des biens qui lui étaient advenus : Il est 


(t) D’Ilozier. 

(S) Archives de la Forêt. 


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DE LA FORÊT. 


279 


permis d’en douter. On était à l’époque de la Régence 
époque de dissolution. Le seigneur de la Forêt, et de 
nombreuses autres seigneuries tant en Bourbonnais 
qu’en Bourgogne et en Auvergne, habitait Paris et 
fréquentait la Cour. Ses dépenses ne furent pas en 
proportion de ses ressources ? Ne tenta-t-il pas d'aug¬ 
menter encore sa grande fortune avec la banque de 
Law? Nous l’ignorons. Quoi qu’il en soit, M. le Pré¬ 
sident de Perrigny et le sieur Dusave firent saisir ses 
seigneuries dans les années 1722 et 1727 et comme 
la liquidation devait être longue à faire, la saisie fut 
suivie du bail judiciaire des revenus, et la terre de 
la Forêt fut affermée par Alexis Robert de la Motte- 
Morgon, gentilhomme de M. le duc d’Orléans (1). 

Arrêtons-nous ici un instant, nous sommes arrivés 
à la seconde partie de notre travail, nous voici à 
Robert-le-Diable. Racontons d’abord la légende, puis 
nous rechercherons la vérité. 

L’auteur du Voyage pittoresque de XAncien-Bourbon¬ 
nais arrivé à la description du château de Saligny 
dit: 

« A l’intérieur, les murailles sont couvertes de 
« peintures arabesques ; on y voit aussi plusieurs 
* portraits en mauvais état ; l’un d'eux, cependant, 

< doit fixer l’attention, c'est celui d’un homme au 
« visage dur et sévère, et de qui le costume date de 

< l’époque de la Régence. Cet homme était un sei- 
« gneur de Saligny, qui désolait le pays par ses bri- 
« gandages. La vengeance publique le désignait sous 


(1) Sentence arbitrale, déposée chez Chassenay Jean-François, 
notaire an Donjon, le 45 juillet 1753. 


26 


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280 


LE FIEF 


< le nom de Robert-le-Diable. Le souvenir de ses fu- 
« reurs et de ses excès s’est conservé, jusqu’à pré- 
« sent, dans le souvenir des populations dont il a été 
« la terreur. II avait gagné au jeu le château de la 
« Forêt, situé près de la ville du Donjon ; et là, comme 
« àSaligny, il avait exercé les plus cruelles vexations. 
« Il était donc l’objet d’une haine profonde, et il dé- 
« vait redouter l’effet de quelques terribles ven- 
i geances; aussi ne traversait-il jamais le Donjon 
« que la bride de son cheval entre les dents et un 
« pistolet armé de chaque main. Un jour, c’était par 
« exemple un pauvre braconnier qu’il tuait à coups 

< de fusil ; un autre jour, un couvreur qu’il faisait 
« rouler du haut d’un toit de la même manière qu’il 
« avait tué le braconnier. Les crimes de ce seigneur 
« se multipliaient de plus en plus, et malgré la cia- 
« meur publique restaient impunis, car il avait à la 
« Cour des amis puissants qui l’arrachaient aux pour- 
« suites de la justice. Enfin, les plaintes devinrent 
« si violentes et si multipliées, que le Régent, auprès 
« de qui on sollicitait en faveur du seigneur de Sa- 
« ligny, répondit que l’individu qui coucherait celui¬ 
-là à mort aurait bien mérité du pays. Mais ce n’était 
« pas chose facile que de l’aborder, et on aurait eu 

< beau le traquer comme une bête féroce, qu’on 
« n’aurait pas été sùr du succès, tant il se tenait sur 
« la défensive, et il aurait coûté trop de sang si on 
« eût voulu l’attaquer de vive force dans son château 
- muni de fossés et de tours. Son désespoir était en- 
« core plus à redouter que toutes ses méchantes 
« passions, que tous ses instincts de cruauté. On eut 
« recours à la ruse pour s’en emparer. Le seigneur 


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DE LA FORÊT. 


281 

« de Saligny avail fait exécuter une cage de bois et de 
« fer, dans laquelle il renfermait quelques-unes de 
« ses victimes pour les faire mourir à petit feu. Il fut 
« convenu qu un des seigneurs de sa connaissance, 
« homme de probité à toute épreuve, irait lui faire 
« visite, demanderait à voir la cage, et ferait tous 

* ses efforts pour le faire entrer dedans. Gomme il 
i fut convenu, il fut fait. Le seigneur arrivé à Sa- 

* ligny lut engagé, par le brigand, à considérer la 
« cage de son invention, t Mais elle est trop basse, 
« dit l’amt, pour que les prisonniers puissent s’y 
« tenir debout. » — « Non vraiment, dit Robert, moi 
« qui suis d’une assez haute taille, je m’y promènerais 
« sans courber la tête. » — La chose est impossible, 

« reprit l’autre. » A ces mots, voici « le seigneur de 

* Saligny qui entre dans la cage pour donner un dé- 
« menti à son ami ; mais à peine se dressait-il dedans 

* tout fier et tout victorieux, que l’ami .poussa tout- 

* à-coup la porte et la ferma précipitamment à double 
« tour. La justice put enfin saisir sa proie dans ses 
« propres filets. » 

Telle est, en effet, l’histoire qui se raconte dans le 
pays; et le savant auteur du Voyage pittoresque a dû 
la tenir de la bouche de quelque pâtre qui, à cette 
époque, gardait son troupeau dans les vastes landes 
qui entouraient Saligny, en vue de la grosse tour 
ronde de Lourdin dont le toit dépasse les marron¬ 
niers séculaires qui garnissent la place du ch⬠
teau. 

Aujourd’hui encore, le bûcheron, qui exploite les 
taillis avoisinant la Forêt, frémit à la vue du toit des 


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282 


LE FIEF 


tours ; c’est de là, pense-t-il, que Robert-le-Diable 
faisait descendre les couvreurs. 

On ajoute de plus qu’il avait une fille, que cette 
fille ayant voulu entrer sous les halles du Donjon, 
sans baisser la tête, s’était' fait au front une blessure 
dont la cicatrice fut visible toute sa vie. Ici l’erreur 
est palpable, car les portes des halles du Donjon 
avaient une toise et demie à deux toises de hauteur. 

Ce terrible seigneur, ajoute-t-on, était un ancien 
marjn, et se nommait Robert de la Motte. 

Tâchons de faire sortir la vérité de ce chaos. 

Très-certainement celui qui a écrit le Voyage pitto¬ 
resque de F Ancien Bourbonnais, ne croyait pas un mot 
de cette sombre légende. Au commencement du 
XVIII* siècle, un seigneur qui torturait ses vassaux 
et les tuait selon son caprice pour rencontrer des 
forfaits semblables impunis, il faut se rapporter au 
XIV* ou au XV* siècle, pendant l’invasion des Anglais, 
ou les guerres de Religion ; mais après Richelieu, 
après Louis XIV trouver un seigneur qu’on n'osait pas 
attaquer dans son château, ce n’est pas M. Louis 
Râtissier qui écrirait l’histoire ainsi. Et cette forte¬ 
resse dont la prise aurait coûté trop de sang, est-ce 
Saligny ? mais en deux heures une pièce de quatre 
ruinerait le château ; est-ce la Forêt? mais ce manoir 
est bien moins important encore. 

Nous avons vu par l’exemple de M. de Laya com¬ 
ment On traitait les seigneurs de la Forêt, quand ils 
étaient par trop récalcitrants. Ce dernier n’avait pas 
commis de crimes, il refusait tout bonnement d’obéir 
à un décret de la Sénéchaussée de Bourbonnais, con- 


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DE LA FORÊT. 


283 


firmé par un arrêt du Parlement de Paris, il ne vou¬ 
lait pas quitter son château. Un simple lieutenant de 
la Prévôté arrive avec dix ou douze archers, et jette 
le seigneur à la porte avec toute sa famille ; et ceci 
se passait en 1636, soixante-neuf ans avant la 
Régence. Nous verrons au reste, dans la suite de ce 
travail, qn’on agit absolument de même à l’égard de 
Robert de la Motte. 

Commençons d’abord par séparer les seigneurs de 
la Forêt de ceux de Saligny, et montrons qu’au com¬ 
mencement du XVIU* siècle, le seigneur de Saligny 
et celui de la Forêt n’étaient pas la même personne. 

Nous avons vu que depuis la fin du XVII' siècle le 
fief de la Forêt était dans la famille Legendre, qui 
comptait aussi dans ses possessions un fief du nom 
de Saligny ; mais cette Seigneurie, située dans la 
paroisse d’Agonges, n’avait rien de commun, que le 
nom, avec le comté de Saligny placé dans la paroisse 
de ce nom entre Dompierre et le Donjon. 

Saligny avait passé des Lourdin aux Coligny, de 
ceux-ci aux Palatin de Dyon-Montperroux (I), puis 
aux de Damas d’Anlezy, par mariage. En 1715, le 
Seigneur de Saligny était mort, et sa veuve Elisabeth 
de Dyo était dame de Saligny (2). En 1727, la même 
est dame de Saligny (3) ; enfin, en 1746, le comte de 


, (1) Cession reçue Lefranc et Troyet, notaires au Châtelet de Paris, 
le il février 1681. 

(2) Inventaire reçu Nichault Jean-François, notaire au Donjon, 
le 15 mars 1786. 

(3) Intrage reçu Chassenay Clément, notaire au Donjon, le 
16 avril 1727. 


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284 


LE FIEF 


Saligny est Louis François de Damas d'Anlezy (I). 
On le voit, le Seigneur de Saligny, pendant la Régence, 
était une femme. 

Cette terre et celle de la Forêt ne furent réunies, 
dans la même main, que sous Jean Pâris en 1755, et 
celui-ci n’a jamais mis le pied dans ses terres du 
Bourbonnais. 

Nous avons vu le portrait dont parle Y Ancien Bour¬ 
bonnais, nous avons remarqué une assez mauvaise 
peinture, mais nous ne lui avons pas trouvé le visage 
dur et sévère que lui donne l’auteur du Voyage pitto¬ 
resque. Ce portrait est celui d’un jeune homme qui 
paraît, d’après son costume, avoir vécu dans la pre¬ 
mière moitié du XVIII® siècle, il porte un vêtement 
de chasse, des chiens, un cheval sont à côté de lui, 
sa main se repose sur un fusil. Ce doit être le portrait 
de Louis François de Damas d’Anlezy. 

Mais laissons les seigneurs de Saligny qui n ont 
rien à faire ici et revenons à Robert. 

Nous avons vu, d’une part, que la tradition attri¬ 
buait à Robert-le-Diable le nom de Robert de la 
Motte, et de l’autre qu’après la saisie des biens de 
Charles Legendre, la terre de la Forêt fut affermée 
judiciairement par Alexis Robert de la Motte Morgon, 
gentilhomme ordinaire de M. le duc d'Orléans. 

Eh 1 mon Dieu, c’était un gentilhomme bourbon¬ 
nais ; le Morgon est un ruisseau qui prend sa source 
à Billezois, et qui va se jeter dans l’Ailier au-dessous 
de Saint-Germain-des-Fossés. Un fief, qui se nomme 


(I) Reconnaissance reçue Chassenay Jean-François, notaire au 
Donjon, le 30 mai 1746. 


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DE LA FORÊT. 285 

la Motle-Morgon, se voit sur son cours à environ 1725 
toises de sa source (1). 

Mais si notre Robert était seigneur de ce lieu, il ne 
faisait point partie de l'ancienne famille de la Motle- 
Morgon, dont un membre figurait aux obsèques (2) 
du maréchal de Lapalisse tué devant Pavie en 1524 ; 
non, il était beaucoup plus récent que cela. Le fief 
dont il portait le nom avait été acheté par lui en 
1721 de Jean-Claude Bardon, écuyer s r du Méage (3). 

Avait-il été marin, selon le dire de la tradition ? 
nulle part nous ne lui avons vu prendre de qualifi¬ 
cation rappelant cette carrière ; cependant nous ne 
serions pas éloigné de croire que la marine le comp¬ 
tait sur ses cadres. Voici pourquoi : nous avons trouvé, 
dans les archives de la Forêt, une commission de 
garde donnée par lui, le 4 août 1727, au bas se trouve 
le cachet de ses armes, elles sont : tiercées en fasce, 

au 1 d’azur chargé d’une hache et d’un sabre de. 

en sautoir, au 2 d’or au. (ici un instrument qu’il 

est difficile de définir, mais qui doit être un harpon), 

au 3 d’azur chargé d’un globe de.l’écu est timbré 

d’un casque de face, deux sirènes pour support. Tout 
dans ce blason, rappelle le marin ; Robert de la 
Motte-Morgon était le premier de son nom, les armoi¬ 
ries adoptées par lui devaient avoir rapport à sa pro¬ 
fession. De plus, dans l’inventaire qui fut dressé au 
moment de son expulsion du château de la Forêt, 


(1) Cassini. 

(2) Ancien Bourbonnais. 

(3) Archives de l’Empire, section domaniale, série P. Rég, 478, 
p. 449 


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286 


LE FIEF 


on trouve des instruments et des ouvrages de mathé¬ 
matiques. 

Maintenant que nous connaissons l'origine du per¬ 
sonnage, voyons ses actes. 

Ils ne sont pas empreints du cachet de férocité 
indiqué dans l’article de Y Ancien Bourbonnais ; cepen¬ 
dant Alexis Robert était un assez mauvais drôle, 
mais les auxiliaires de ses vexations ne furent pas 
de farouches hommes d’armes, mais des officiers de 
justice. 11 a fait couler plus d’encre que de sang à la 
Forêt, et pour démêler son histoire, pendant son 
séjour dans cette seigneurie, il faut lire une quantité 
prodigieuse de citations , protestations , procès- 
verbaux, sommations et autres actes émanés d’huis¬ 
siers, notaires, greffiers, baillis et lieutenant parti¬ 
culier. 

La femme de Robert de la Motte se nommait Gene¬ 
viève Hébert, elle était fille du lieutenant-colonel de 
la ville de Paris. M. le marquis de St-Aubin, nous ne 
savons à quel titre, était débiteur du sieur de la Motte 
et de sa femme Geneviève Hébert ; ils n’étaient pas 
les seuls, les créanciers étaient nombreux. Très-pro¬ 
bablement Robert était un des plus importuns, car 
Charles Legendre lui abandonna la jouissance de la 
seigneurie de la Forêt et de celle des Noix. 

Mais si Robert de la Motte était créancier de M. de 
Saint-Aubin, il était débiteur autre part, car dès que 
cet abandon fut connu, ses créanciers firent saisir la 
Forêt. Ceci donna l’éveil à ceux de M. de Saint-Aubin 
qui agirent, et ce dernier fut forcé de leur aban¬ 
donner ses biens. 

Sans tenir compte de ce dernier acte, Robert 


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DE LA FORÊT. 


287 


obtient de M. de Saint-Aubin, une procuration poür 
jouir de la Forêt, alors il quitte son appartement de 
la rue Boucherat à Paris et il vient se fixer dans cette 
seigneurie. 

A peine arrivé les hostilités commencent avec tout 
ce qui l’entoure. 

Et d’abord il fait saisir les cheptels, les grains, des 
meubles appartenant au fermier, auquel il réclamait 
des arrérages de ferme ; il lui reprochait surtout 
d’être parti avant la fin de son bail et d’avoir emporté 
des effets mobiliers. Le fermier était pris dans l’en¬ 
grenage des saisies (1), mais il mettait dans sa dé¬ 
fense au moins autant d’énergie que Robert dans 
l’attaque. Il répondait par la bouche de son gendre 
qui le représentait, que Robert n’avait aucun droit 
sur la Forêt, la procuration de M. de Saint-Aubin 
étant postérieure à l’abandon de ses biens. Quant à 
son départ avant la fin de son bail, voici comment il 
l’expliquait : étant paralysé d’une partie du corps, 
il avait été, au mois de mai dernier, (on était alors 
au mois de juillet) prendre les eaux de Bourbon- 
Lancy, à son retour au château de la Forêt, comme 
il avait besoin d’un membre de sa famille pour lui 
donner des soins, il avait gardé son gendre près de 
lui. Robert n’ayant pu souffrir ce gendre, lui fermier, 
avait été obligé de se retirer jusques à parfaite gué- 


(1) Saisie des créanciers de M. de Saint-Aubin, saisie de ceux 
de Robert, saisie de Robert lui-méme. 

Nous n’avons pu voir quelle suite fut donnée au bail judiciaire 
fait par Robert de la Hotte, des biens de H. de Saint-Aubin au 
début des poursuites. 


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288 


LE FIEF 


rison ; qu’il n’avait jamais entendu abandonner la 
terre de la Forêt, dont il était responsable pour la 
conservation des droits des saisissants, jusqu’à ce 
qu’il en fût valablement déchargé par les créanciers 
deM. de Saint-Aubin. La discussion dura onze jours, 
à raison de cinq à six heures par jour, et pendant 
tout ce temps un notaire était présent et dressait un 
volumineux procès-verbal des dires des parties. Cet 
acte commencé le 2 juillet 1728 ne fut terminé que le 
12 du même mois. Il fallut bien en venir à un arran¬ 
gement ; le fermier partit, mais restait une dernière 
difficulté, l’estimation du cheptel. A la nomination 
des experts chargés de faire cette opération, on voit 
que si Robert n’était pas d’un naturel porté à la conci¬ 
liation, le fermier, ou pour mieux dire son gendre, 
ne lui en cédait guère, car le premier choisit pour son 
estimateur un sieur Duterrain son fermier de la Motte- 
Morgon, dont nous allons reparler bientôt, et le 
second, son propre cousin-germain. Aussi ces deux 
experts ne purent-ils jamais s’entendre, et le notaire 
en nomma un d’office qui mit fin à la difficulté. 

Voici Robert de la Motte provisoirement paisible 
possesseur de la Forêt, mais les scènes de violence 
recommencent d’autre part. 

Une prise de corps avait été lancée contre le même 
sieur Duterrain, fermier de la Motte-Morgon, pour 
une dette probablement, car des huissiers étaient 
chargés de l’exécution du mandat. Pour se soustraire 
aux conséquences de cet acte, le fermier susdit se 
cachait. Le 9 mars 1729 arrivent au château de la 
Forêt les nommés Lacaille, Lepradot et Charles, 
huissiers royaux à Moulins, accompagnés de cinq 


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DE LA FORÊT. 


289 


autres personnes, tous armés de pistolets, épées et 
bayonnettes. Ils trouvèrent Robert revenant de la 
chasse, et ils le suivirent dans une chambre du ch⬠
teau ; là ils lui dirent, qu’en vertu d’ordres supé¬ 
rieurs, ils venaient faire la recherche du sieur Duter- 
rain. Robert leur répondit qu’il n’était pas à la Forêt, 
et pour preuve de ce qu’il avançait, il ouvrit aux 
huissiers toutes les portes du château et les accom¬ 
pagna dans leur perquisition. Les huissiers se mirent 
en devoir de dresser leur procès-verbal. Tout allait 
très-bien jusque-là, mais au milieu du procès-verbal 
rédigé, les huissiers insérèrent une réponse que 
Robert prétendit n’avoir pas le sens de celle qu’il 
avait faite, et qu’il refusa de signer, de là une alter¬ 
cation ; Robert se lève pour envoyer chercher un no¬ 
taire qui rédigera une protestation. Il était seul dans 
la maison avec une domestique, les huissiers s’empa¬ 
rent de son fusil et d’une bayonnette pendue auprès 
d’un lit qui était dans la chambre, de là une lutte, 
dans laquelle Robert reçoit des coups. La servante 
et un autre individu, qui était auprès du château, 
accourent au bruit et prennent parti pour leur 
maître, la lutte continue et se prolonge jusqu es au- 
delà du portail du château, tout le monde reçoit et 
donne des coups, un des serviteurs de Robert est 
blessé de deux coups de bayonnette, et les huis¬ 
siers se retirent emportant la bayonnette et le fusil 
qu’ils avaient saisis. Ce que voyant Robert, il saute à 
cheval et arrive au Donjon pour se mettre, soi-disant 
, sous la protection du juge royal du lieu (I) et de la 


(1) Barthélemy Prévcraud. 


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290 


LE FIEF 


maréchaussée. Dans ce lieu, il apprend que les huis¬ 
siers sont au logis du Cheval-Blanc, il s’y rend avec 
son notaire et les somme de lui rendre les armes 
qu’ils ont enlevées du château. Les huissiers répon¬ 
dent que ce sont eux qui ont une plainte à dresser 
contre les violences dont ils ont été victimes, que l’un 
d’eux a reçu un coup de bayonnette au bras gauche, 
et qu’ils ne rendront pas les armes par eux saisies. 
Robert va chercher la maréchaussée, et revient accom¬ 
pagné du brigadier, de ses quatre cavaliers et du no¬ 
taire. Sommés, par le brigadier Roy, de rendre le 
fusil et la bayonnette, les huissiers refusent. Cepen¬ 
dant, sur les interpellations de ce dernier, ils décla¬ 
rent que le sieur Robert, non-seulement ne s’est pas 
opposé à la perquisition qu’ils avaient mission d’o¬ 
pérer, mais qu’il leur a donné toutes facilités. Qu’il 
avait reçu les actes à lui signifiés, seulement qu’il 
avait sommé l’huissier, porteur des pouvoirs, de 
rédiger sa réponse telle qu'il allait la dicter et de rayer 
celle qu’il avait écrite. Ils ajoutent qu’ils ne rendront 
les armes, par eux saisies, que dans le cas où Robert 
leur donnerait de l’argent pour boire. Ils insistèrent 
même sur ce point, et dans la soirée ils sp rendirent 
au domicile du brigadier Roy pour le charger de re¬ 
nouveler à Robert cette proposition. Ce dernier 
refusa énergiquement. Deux cavaliers de la Maré¬ 
chaussée ajoutent qu’ils ont entendu dire à l’huissier 
Lacaille que, s’il savait qu’il ne lui en coûtât que 
200 (1) livres, il brûlerait la cervelle au sieur Ro¬ 
bert (2). 

(1) Environ 403 ir. de nos jours 

(2) Voir deux procès-verbaux reçus Chassenay Jean-François, 
notaire au Donjon, le 9 mars 1729. 


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DE LA FORÊT. 


291 


Il faut remarquer que ces deux procès-verbaux 
sont rédigés à la demande de Robert, et par des 
hommes mandés par lui. Nous n’avons pas vu celui 
de6 huissiers. Cependant il est un fait qui ressort de 
tout ceci, c’est que, pour arrêter un seul homme dans 
un château où, paralt-il, il y avait peu de domesti¬ 
ques, les huissiers s’arment et se réunissent au nom¬ 
bre de huit, la réputation de Robert devait donc être 
mauvaise ; et on admettra difficilement la lutte, dans 
le château, de huit personnes contre trois, dont une 
femme, sans provocation de la part de ces der¬ 
niers. 

Au reste, entre Robert et les huissiers de cette épo¬ 
que le choix est difficile pour savoir lesquels mettaient 
le plus de formes dans leurs procédés ; j'ajouterai 
plus, il serait difficile de déterminer chez lesquels 
le sentiment de l’honnêteté était le plus développé. 
Nous venons de voir que ces derniers, pour rendre 
les armes réclamées, ne demandaient qu’une chose, 
un peu d’argent pour boire. Il ne faudrait pas non 
plus se faire une idée de la maréchaussée de 1729 
basée sur la gendarmerie de nos jours, la première 
était loin d’avoir la dignité dans sa conduite de nos 
gendarmes actuels (1). 

Nous voici arrivés à l’année 1734 ; ici se trouve un 


(1) Un exemple: Le 30 juin <754, Mandrin, à la léte de Rodez, 
fait capituler les employés des Fermes et établit un commerce de 
contrebande pendant tonte une journée, sans que les 40 cavaliers 
de la Maréchaussée de la ville paraissent. Se figure-t-on, de nos 
jours, une ville de 7,QOO Ames, dans laquelle il y a 40 gendarmes, 
prise d’assaut par S2 bandits, et à leur merci pendant toute une 
journée. 


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292 


LE FIEF 


acte plus grave à porter au compte de Robert, il s’agit 
d’un assassinat bien constaté, mais le Bourbonnais 
n’en fut pas témoin. On lit, dans un volume intitulé : 
la Bastille dévoilée, page 86, ledit volume imprimé 
en 1789 et d’après le registre d’écrou de la fameuse 
prison : < Le sieur Robert de la Motte, gentilhomme de 
< S. A. R. le duc d’Orléans, est resté à la Bastille six 
« mois en 1734, pour avoir assassiné Bruni, limona- 
« dier, pour jouir de sa femme. (1) » A la suite de cet 
événement il quitta totalement Paris et la Cour, et on 
le voit résider continuellement à la Forêt. 

Avec lui reparaissent les difficultés. 

Il faut reconnaître que les habitants de Liernolles 
n’étaient pas moins portés, que le représentant de 
leur seigneur, à user de violence. La nuit du 8 au 9 
janvier 1736, Pierre Denis, Jean Courroux,journalier, 
Gilbert Crozier, Annet son domestique et Blaize Cou- 
Ion, tous laboureurs de la paroisse de Liernolles, se 
rendirent à la maison du jardin de la Forêt, où de¬ 
meurait Antoine Quatresous ; armés de pistolets de 
poche et de pistolets de ceinture, de barres de fer et 
de longs bois ils brisèrent les portes et les fenêtres 
de ladite maison. Sur la plainte du représentant du 
seigneur de la Forêt un ordre de comparaître fut lancé 
par le bailli de Liernolles contre les inculpés (2). 

Ces voies de fait devaient être la conséquence d’une 
vengeance contre le garde de la Forêt, car la maison 
assaillie était son habitation. 


(1) Chronique et légende des rues de Paris par Edouard Fournier. 
Paris 186-4. 

(2) Archives de la Forôt. 


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DE LA FORÊT. 293 

Nous retrouvons encore Robert en difficultés judi¬ 
ciaires. 

La cure de Liernolles n’était plus en état de loger 
le curé, la paroisse avait été condamnée, par sentence 
de la Sénéchaussée du Bourbonnais, en l’an 1713, à 
fournir une somme annuelle à son curé pour indem¬ 
nité de logement, de 30 à 40 livres (1). Les paroissiens 
reconnurent que la sentence était juste, et ils se 
réunirent pour aviser aux mesures à prendre pour 
faire la construction désirée ; et cette construction 
était de la plus urgente nécessité, car, dans le procès 
verbal de prise de possession de l’abbé Michel Lefevre, 
qui est de l’année 1713, il est dit : « que la cure est 
« vaque et abandonnée, que tout le couvert qui était 
« en paille, est péri et emporté par les grêles et orages 
« de l’année précédente, que la cheminée est tombée, 
« enfin que la cure est totalement en ruines et que 
< personne ne peutl’habiter. » Un impôt de la somme 
nécessaire fut donc voté par la paroisse. Dans la 
répartition la seigneurie de la Forêt avait été taxée 
à la somme de 1214 livres (2). Le syndic de la paroisse 
nommé Pierre Denis, trouva de la résistance chez 
AlexisRobert pour le payement de cette somme. Après 
beaucoup desommations, protestations et autresacles 
judiciaires, que la procédure de l’époque multipliait 
à l’infini, il fit saisir les grains de la Berthière l’un 
des domaines de la seigneurie de la Forêt. Lorsque 
Jean Dru, nommé gardien de la saisie, voulut faire 
battre ces grains, il se trouva en présence de Robert, 


(1) Environ 82 à 110 fr. de nos jours. 

(2) Environ 2450 fr. de noire monnaie. 


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LE FIEF 


accompagné d’un notaire, lequel : < exhiba un acte 
« reçu Chassenay,notaire au Donjon, du i7 août 1736, 

« par lequel ledit Denis s’était désisté de la charge 

< de syndic pour toucher les deniers destinés à la 
« construction du presbytère, et a consenti à ce que 
« ledit Robert en fit nommer un autre ; qu’à la suite 
« de ce désistement ledit Robert avait déposé, entre 

< les mains dudit Chassenay, la somme de 463 livres 
* reste de celle de 1214 portée au rôle pour le compte 

< de la seigneurie de la Forêt ; et qu’ainsi d’une part 
« ledit Denis est sans droit, et de l’autre lui Robert 

< ne doit rien (1). » 

Une autre fois les métayers de Troussière font des 
dégâts considérables dans les bois dudit lieu, c’était 
une bonne occasion pour donner satisfaction, si la 
chose eût été possible, aux instincts sanguinaires dont 
la légende de Y Ancien Bourbonnais suppose que 
Robert était pourvu ; point du tout il fait tout bonne¬ 
ment dresser un procès-verbal de l’état des lieux 
par un notaire (2). 

Mais tandis qu’il fournissait ainsi de la besogne aux 
hommes d’affaires du Donjon, les créanciers de M. de 
Saint-Aubin ne restaient pas oisifs à Paris. Le 3 juin 
1740 le lieutenant particulier en la sénéchaussée de 
Bourbonnais (3), en vertu de l’arrêt du 21 mai précé¬ 
dent, se transporta à la Forêt, à la requête de Louis- 
Honoré Delamars de Verdanché. La réputation de 


(1) Procès-verbal reçu Gobbé Charles, notaire au Donjon, le 21 
août 1736 

(2) Chassenay Jean-François, notaire au Donjon, le U mars <736. 

(3) Desbouis de Sallebrune. 


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DE LA FORÊT. 


295 


Robert était toujours mauvaise, car le magistrat se 
fait accompagner de cinq huissierset de trois cavaliers 
de la maréchaussée. De Verdanché, le requérant, fai¬ 
sait partie de la bande. 

Ils venaient pour expulser Robert. Mais auparavant 
ils se mirent en devoir de dresser le procès-verbal 
des meubles et papiers qui se trouvaient au château, 
avec les bestiaux garnissant la terre. Le lendemain 
le lieutenant particulier, ayant vu que Robert n’était 
pas aussi terrible qu’on le lui avait dit, renvoya 
quatre huissiers ; il n'en garda qu’un avec lui, dans 
le lieu où il dressait son procès-verbal. 11 garda aussi, 
près de lui, un des trois cavaliers, et il envoya les 
deux autres • auprès du sieur Robert de la Motte, à 
« l’effet de le contenir et de n’être point troublé dans 

* l’exercice de ses fonctions. » Cependant le magis¬ 
trat n’est pas tranquille, car le second jour, qui était 
un samedi, son procès-verbal se termine ainsi : « Nous 
« avons remis la continuation de notre présent pro- 
« cès-verbal à demain, après que. nous aurons assisté 
« au service divin et ce à cause de la réquisition qui 
« nous a été faite par le sieur Delamars de Verdan- 
« ché que pour éviter à frais et prévenir les mouve- 
« ments qui pourraient provenir des préposés du 
« sieur Robert de la Motte, il convenait de continuer 

* notre présent procès-verbal, attendu qu’il n’y a 
« aucun inconvénient, dès que nous aurions assisté 
x au service divin qui se ferait dans l'église parois- 
« siale ou autre circonvoisine de ladite terre de la 
« Forêt. » Le quatrième était aussi un jour de fête, 
car le magistrat insère, au début de son procès ver¬ 
bal, qu’il a assisté à l’office divin. Enfin le travail se 

2 - 


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296 


LE FIEF 


termine le cinquième jour? juin, et le magistrat, 
conformément à l’arrêt précité, c met ledit Delamars 
* en possession de tout pour le rendre ainsi, et à qui 
« par justice il en sera ordonné. * 

Et le travail est taxé, par le lieutenant particulier, 
savoir: 980 livres pour lui, pour son greffier 120 ; à 
l’huissier principal 60 livres, aux autres huissiers, iis 
sont quatre, chacun 42 livres ; à chacun des cavaliers 
de la maréchaussée 30 livres, en tout 1418 livres (1). 

A la suite de cela Robert fut expulsé et alla se faire 
pendre ailleurs ; expression juste dans sa trivialité, car 
si Alexis Robert de la Mothe Morgon a dû finir sa vie 
par le supplice des coupables, il est fort douteux que 
sa noblesse ait été assez sérieuse pour lui mériter 
l’honneur de la décapitation. 

Tels sont les documents que nous avons pu nous 
procurer sur le fameux Robert-le-Diable. Sans être 
complets, ils sont plus que suffisants pour montrer 
que tout ce qui a été dit sur ce personnage n’est 
qu’un tissu de fables. D’abord qu’il n’a jamais habité 
Saligny, et puis que les crimes, qu’on lui a imputés, 
non-seulement n’étaient pas de son époque, mais 
encore ne pouvaient être le fait d’un homme n’ayant 
qu’une domestique, comme nous l’avons vu à l’arrivée 
des huissiers à la Forêt en i729, habitant un château 
aussi peu disposé à la défense que celui qui uous 
occupe, et dans lequel il n’y avait pas même une 
prison ; car, pendant une absence de Robert, une 
jument et son poulain furent volés dans un pré de la 
Forêt. Sur la plainte de sa femme, Pierre Roy briga- 


(i) A peu près 3900 fr. de notre monnaie. 


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DE LA FORÊT. 


297 


dier et Simon Esmonnol cavaliers de la maréchaussée 
à la résidence du Donjon, sè transportèrent au do¬ 
maine des Gonnet, se saisirent du métayer, accusé de 
ce vol et l’écrouèrent dans les prisons du Donjon, 
appartenant à M. de la Rochette (1). « attendu qu’il 
« n'y avait pas de prison au château de la Forêt. (2) * 
La baronnie avait haute justice, il est vrai, mais son 
ressort ne s’étendant que sur 30 ou 35 feux, les 
dépenses d’une prison, et surtout d’un geôlier, n’é¬ 
taient pas de première nécessité, il était plus à propos 
de s’entendre avec un seigneur voisin assez puissant 
pour avoir l’une et l’autre. 

Avant de quitter Robert-Ie-Diable, pourrions-nous 
trouver l’origine des bruits qui ont couru sur son 
compte ? une légende n’est jamais complètement 
fausse ; vraie au point de départ elle s’accroît avec le 
temps et les générations ; n'en serait-il pas ainsi de 
celle qui nous occupe ? 

Tout le monde connaît l’histoire de Charles de 
Bourbon, comte de Charolais, de la maison de Condé. 
Ce prince, qui habitait le château d’Anet, était sou¬ 
vent ivre ; il est connu surtout par sa brutalité et sa 
cruauté. C’est à lui que sont attribuées ces histoires 
de braconnier tué d’un coup de fusil, de couvreur 
atteint par la balle du prince et qui roule du haut 
d’un toit. Un soir, revenant de la chasse pour rentrer 
au château, il traversait la place d’Anet ; il aperçoit 
à sa fenêtre, un bon bourgeois en bonnet de coton, 


(1) Baron du Donjon. 

(S) Procès-verbal du brigadier Roy dh 10 juin 1789. Archives de 
la Forêt. 


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298 


LE FIEF 


il s’arrête et dit à ses gens : « Voyons si je tirerai bien 
sur ce corps-là. » Aussitôt il met le fusil à l’épaule, le 
coup part et le malheureux bourgeois tombe mor¬ 
tellement blessé. Le lendemain il se rendit auprès du 
duc d’Orléans pour lui demander sa grâce. Le Régent, 
déjà instruit de l'affaire, ne la lui refusa point ; mais, 
pour lui montrer combien son crime était odieux, il 
lui répondit : « Monsieur, la grâce que vous me de- 
« mandez est due à votre qualité de prince du sang, 

« le Roi vous l’accorde ; mais il l’accordera encore 
« bien plus volontiers à celui qui vous en fera au- 
« tant. » 

Ceci se passait peu de temps avant l’arrivée d’Alexis 
Robert à la Forêt. 

Le prince, au reste, vécut encore de longues années 
après. Le bruit de ses forfaits effrayait Paris et les 
provinces. Nous avons vu que Robert de la Motte 
avait eu de nombreuses altercations à la Forêt. Les 
vieillards, longtemps après son départ, racontaient, à 
la veillée, les crimes de ce terrible comte de Charo- 
lais et les vexations de celui qu’ils avaient surnommé 
Robert-le-Oiable ; passant de génération en généra¬ 
tion les récits, sur l’un ou sur l’autre de ces person¬ 
nages, se confondirent, tout fut attribué à un seul, à 
celui qui était le plus connu, et dont on pouvait 
dire : < Mon grand-père vivait de son temps. > On 
augmenta même, comme toujours; la cage de bois et 
de fer, l’ami perfide furent inventés, bref la narration 
devint ce qu’elle est de nos jours. 

Mais laissons Robert-le - Diable et continuons à 
suivre l’histoire du fief de la Forêt. 

Depuis vingt-sept ans les seigneuriesde M. de Saint- 


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DE LA FORÊT. 


299 


Aubin étaient saisies, lui-méme était mort en 1746. 
La lenteur de la procédure, à cette époque, menaçait 
de faire durer éternellement cet état de choses ; et 
Dieu sait les frais énormes qui en furent la consé¬ 
quence. Nous en avons vu un échantillon dans le 
transport du lieutenant particulier de Moulins. 

Enfin, le 23 août 1749,' MM. les commissaires du 
conseil, députés par le Roi pour juger en dernier 
ressort les contestations, nées et à naître, entre le 
marquis de St-Aubin, ses créanciers et ses débiteurs, 
rendirent un arrêt qui ordonnait la vente de la sei¬ 
gneurie de la Forêt. 

Les meubles furent vendus d’abord. Nous avons 
vu, au Donjon, chez un amateur d’objets appartenant 
à la céramique, des assiettes au fond desquelles était 
peint l’écusson aux trois têtes de filles chevelées 
d’or. 

Messire Jean Pâris de Monmartel (1), comte de 
Sampigny, baron deDagouville, seigneur de Brunoy, 
Ghâteauneuf, Villars, Toucy, les Duraux et autres 
lieux, et ces derniers mots n’étaient pas une vaine 
formule, conseiller du Roy en ses conseils, garde du 
trésor royal, secrétaire de Sa Majesté, maison cou¬ 
ronne de France et de ses finances, demeurant en la 
ville de Paris, rue Neuve Saint-Augustin, paroisse de 


(1) Lorédan Larchey, dans ses Gens singuliers , Jeanncst-Saint- 
Hilaire, Pau leur anonyme des Folies du marquis de Biunoy , les 
membres de la famille Pàris de nos jours, tous écrivent de Mont- 
martel. Ayant vu la signature de Jean Pâris, au bas d'une procu¬ 
ration, écrite ainsi de .\1onmartel, nous avons adopté celte dernière 
orthographe. 


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300 


LE FIEF 


St-Roch, se rendit adjudicataire de la terre de la 
Forêt, pour la somme de 100,400 livres (1). La sei¬ 
gneurie consistait en un château, moulin au-dessous, 
une locaterie : 1° La maison Neuve; 2° Le Gonnet; 
3^ La Berthière; 4° Les Bergeries; 5° Troussière; 
6° Les Augères ; justice haute, moyenne et basse tant 
dans la seigneurie de la Forêt, que dans celle de Lier- 
nolles, de la Berthière et des Augères et dans la pré¬ 
vôté d’Huvers Julien (c’était une des prévôtés de la 
châtellenie de Chavroche, réunie au fief de la Forêt à 
une date inconnue, mais antérieure à 1607 et posté- 


(1) Ici nous sommes très-embairassé. Jusqu es à présent, pour 
donner le rapport entre la valeur de l'argent des temps passés et 
l'époque actuelle, nous avons eu recours au travail de M. Leber, 
nous l'avons toujours trouvé assez juste, peut-être au-dessous de 
la valeur réelle, car l'ouvrage a été imprimé en 1847, et depuis 
cette époque l'argent a perdu de sa valeur'comme pouvoir ou prix 
variable, qui augmente ou diminue selon que le métal est plus ou 
moins abondant, et le métal a beaucoup augmenté depuis une ving¬ 
taine d'années. Mais quand il s'agit de représenter la valeur de la 
terre, il y a une telle augmentation sur la propriété, dans les 
environs du Donjon depuis quelques années, et cette augmenta¬ 
tion elle-même variant, selon la qualité, la position de la pro¬ 
priété. que les calculs de M. Leber ne peuvent plus nous être 
utiles. Ainsi, à proximité du Donjon, des domaines qui ont coûté, 
aux familles qui les possèdent de nos jours, 3000 livres à la fin du 
XVII e siècle, valent aujourd'hui deux cent, ou tout au moins cent 
mille francs, selon qu'ils sont plus ou moins rapprochés de la 
ville. Pour la Forêt les 100400 livres de l'acquisition de JeanPâris, 
scion les calculs de M. Leber, représenteraient 276100 fr. et par le 
fait, la propriété, telle qu'elle était en 1749, vaudrait, aujourd'hui, 
de six à sept cent mille francs; et encore ne parlons-nous que du 
prix de la propriété territoriale, sans tenir compte des droits sei¬ 
gneuriaux, dont nous ne connaissons pas la valeur. 


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DE LA FORÊT. 


301 


rieure à 1509) (1), dîmes, cens, tailles, rentes, droits 
seigneuriaux et féodaux et droits honorifiques dans 
les églises paroissiales de Liernolles et d’Huvers (2). 

Il y aurait beaucoup à dire sur Jean Pâris de Mon- 
martel, l’un des hommes les plus éminents du siècle 
dernier, et qui mourut laissant une fortune immense 
noblement acquise ; mais ce seigneur eut de très- 
grandes possessions dans le Bourbonnais, il fut notam¬ 
ment baron du Donjon ; comme nous avons le projet 
de faire une notice sur cette ville et sur ses environs, 
nous parlerons alors de M. de Monmarlel, et nous 
accorderons à ce sujet le développement qu’il com¬ 
porte. 

Je ne crois pas que Jean Pâris ait jamais visité ses 
seigneuries du Bourbonnais. Dans les actes authen¬ 
tiques passés pour lui, il est représenté par Messire 
Chrysostôme Chassenay, curé de Luneau, muni de sa 
procuration. 

Mais si le fameux financier du dix-huitième siècle 
administrait avec sagesse et prudence les deniers de 
l’État, il ne négligeait pas ses terres. Dans chacune 
d’elles on trouve des traces de son passage. A la Forêt 
il fit immédiatement de grandes réparations, au ch⬠
teau, dans tous les domaines, aux étangs, au mou¬ 
lin, aux chemins. 11 fit démolir le reste du château 
des Augères pour employer la pierre aux réparations 


(J) Archives de la Forêt. Terrier, Merle, Fauvre et Morel, de la 
châtellenie de Chavroche. Archives de l'Ailier. 

(2) Prise de possession reçue Desgarennes Antoine, notaire au 
Donjon, le 4 octobre 1749. 


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302 


LE FIEF 


des domaines (1) ; il fit fossoyer des terrains impro¬ 
ductifs et il y fit semer des bois. En 1734 la paroisse 
de Liernolles faisait réparer son clocherle seigneur 
y contribua, volontairement, pour la somme de 102 
livres. Il entretenait ou faisait élever des enfants 
trouvés ou des orphelins au Donjon, à Liernolles, à 
Saint-Didier (2). 

En 1761 il affermait la baronnie de la Forêt, le 
prix de ferme nous fera connaître ce que rapportait 
cette seigneurie à cette époque. La ferme fut faite 
pour le prix annel de 3330 livres. Etaient réservés au 
seigneur : la tuilerie, la glandée du grand bois, les 
amendes, confiscations, épaves et autres émoluments 
de justice et droits de fi'ef, les charrois et corvées et 
les émoluments du greffe (3). On voit que l’acquisi¬ 
tion de la seigneurie de la Forêt avait été une excel¬ 
lente affaire. 

Mais, comme les empires, les familles ont leur 
époque de prospérité, puis vient la décadence. 

Elle dura peu la prospérité de la famille de Mon- 
martel. Tant que vécut Jean Paris, cet homme émi¬ 
nent vit augmenter sa fortune et ses dignités. Il ne 
laissa qu’un fils dont la conduite fut telle que la mort 
de son père en fut avancée. 

Un service fut fait, dans l’église de Liernolles, à 
l’occasion de cette mort, pour le repos de l’àme du 
défunt. Les dépenses de ce service se montèrent à 


(1) Archives de la Forêt. 

(t) H. comptes des fermiers. 

(3) Bail reçu Méplain Jean-Baptiste, notaire au Donjon, le SI juin 


1761. 


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DE LA FORÊT. 


308 


168 livres 8 sous, savoir: 50 livres au peintre chargé 
de peindre les litres et ceintures funèbres autour de 
l’église, 110 livres aux prêtres, et 8 livres 8 sous à 
un commissionnaire chargé de divers messages (1). 

Le marquis de Brunoy, ainsi était qualifié Armand 
Paris fils de Jean, s’adounait à l’ivrognerie la plus 
crapuleuse. Ses dépenses, ses folies, dirons-nous, 
arrivèrent à des excès qu’on ne pouvait plus tolérer. 
Sa famille le fit interdire. 

Mais le conseil de tutelle du marquis veillait à ses 
intérêts. Dans le courant de l’année 1779 les grandes 
eaux emportèrent le déversoir du moulin situé au- 
dessous du château, et firent une large brèche à la 
chaussée ; déjà, aux environs du Donjon, on com¬ 
mençait à reconnaître la supériorité, comme revenu, 
des prés sur les étangs, aussi le conseil de tutelle du 
marquis décida qu’il était plus avantageux pour les 
intérêts de l’interdit, de convertir ledit étang en 
pré. 

Le marquis de Brunoy mourut à Villers sur Mer, 
près Trouville, Normandie, le 10 avril 1781 (2). Il 
n’avait jamais eu d’enfants, mais il laissa beaucoup 
de collatéraux. Un seul portait son nom, c’était son 
cousin Antoine Pâris d’Illins, qui hérita des biens si¬ 
tués en Normandie, caria coutume de cette proviuce 
voulait que les biens restassent au nom, et dont les 
descendants vivent encore aujourd’hui. 

Parmi les collatéraux se trouvait la femme de 


(1) Archives de la Forêt. 

(2) Renseignement fourni par M. Pâris d’ïîlins, seul descendant, 
du nom, des frères de Pâris. 


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304 


LE FIEF 


M. Vivant de Micaud de Courbeton. Cette dame, fort 
âgée, se nommait Catherine Nugues. Elle était fille de 
Marthe Pâris, sœur de Jean, et par conséquent cou¬ 
sine germaine du marquis. A la mort de ce dernier 
Madame de Courbeton hérita de la plus grande partie 
de sa fortune, comme la plus proche parente (1); 
mais elle ne tarda pas à mourir laissant plusieurs 
enfants. 

Bizarre vicissitude des choses humaines I dans la 
fortune du marquis de Brunoy se trouvait la seigneu¬ 
rie de Sampigny, située à deux lieues Nord-Ouest de 
Commercy, d’une valeur de 40,800 livres de rente (2). 
Cette terre avait été érigée en comté le 29 avril 
1708 (3), au profit de la famille Réhés (4), qui rem¬ 
plissait des charges importantes à la cour de Lorraine. 
La famille Réhés ayant quitté la Lorraine pour aller 
habiter l’Auvergne, la terre de Sampigny avait été 
acquise par Jean Pâris ; elle fut de nouveau érigée en 
comté à son profit en 1730 (5). Un membre de la fa¬ 
mille Réhés de Sampigny abandonna l’Auvergne et 
vint, sous la Restauration, se fixer aux environs du 
Donjon où il acheta la Forêt ; et si un Pâris était, au 
milieu du siècle dernier, seigneur de Sampigny, un 


(1) Renseignement fourni par M. Pâris d’Illins, seul descendant, 
du nom, des frères Pâris. 

(2) Archives de la Forêt. 

(3) Cette terre appartenait depuis peu à la famille Réhés ; car 
elle avait été concédée en 1686, par le duc de Lorraine Charles V 
à Alexandre de Grimaldi avec Rombourd et St-Avoid. 

(4) Gourdon de Genouillac. 

(5) Bouillet. 


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DE LA FORÊT. 305 

Sampigny est, dans le siècle présent, propriétaire de 
la Forêt (1). 

Dans le partage des biens de madame de Gourbeton 
le fief de la Forêt échut à messire Jean Vivant de 
Micault de Gourbeton, chevalier, président à mortier 
du parlement de Dijon, seigneur d’Agey, marquis de 
Toucy, seigneur de Meilly et autres lieux (2). 

Jean de Gourbeton laissa plusieurs enfants, dont 
une fille, Marie-Joseph-Louise, qui épousa, en 1789, 
Charles-Louis de Trudaine. La mariée eut en dot, la 
terre de Saligny et celle de la Forêt, affermée l’une 
16,500 livres et l’autre 7,500.Commeconditiondecette 
donation mademoiselle de Gourbeton renonçait ex¬ 
pressément aux successions de ses père et mère, tant 
qu’il y aurait des enfants mâles issus de leur mariage 
ou des enfants mâles issus desdits enfants mâles (3). 

Mais on était alors à une époque où le vieux monde 
s’écroulait avec ses institutions, comme tombe toute 
chose dont le destin est achevé. Dans la nuit du 
4 août 1789 on supprima tout le système féodal, et 
les seigneurs de la Forêt ne furent plus que proprié¬ 
taires. 

Et on le leur fit bien voir : 

Car en 1793 un huissier se présenta, de la part des 
propriétaires du village de Gouttéraud, situé dans la 


* 

(1) Le comte Ignace. II a bien voulu mettre son chartrier à notre 
disposition, nous y avons largement puisé. 

(2) Voir une transaction reçue Méplain Jean-Baptiste, notaire au 

Donjon, le 4 juillet 1*88. * 

(3) Contrat de mariage reçu Guespereau et son confrère à Paris, 
le 15 juin «789. 


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306 


LE FIEF 


paroisse de Liernolles, au régisseur des terres de 
Saligny et de la Forêt, comme représentant Aucitoym 
Trudaine et de la citoyenne Courbeton sa femme, 
il lui signifie un acte dans lequel il lui dit, en style 
de l'époque : « Que pendant bien des années, eux et 
« leurs auteurs n’ont cessé de payer des cens et' de- 
« voirs sur ledit village à la terre de la Forêt, sans 

< raison, qu’ils n’ont osé résister dans la crainte d’un 
« procès ruineux, qui était toujours la fin malheu- 
« reuse quand on réclamait ses droits de la ci-devant 
« caste nobiliaire, qui avait tout à sa dévotion, et 
« qui a été propriétaire de ladite terre depuis plu- 
« sieurs siècles et par cette raison n’ont osé refuser de 

< payer tout ce que ces propriétaires ont demandé ; 

« mais aujourd’hui, que la justice a repris son empire 
* sur les débris de toutes les iniquités de l’ancien 
« régime de féodalité la plus odieuse fait que désor- 
« mais, après l’expulsion hors le territoire de la Ré- 
« publique de la plus grande partie de ces hommes 
« impurs, elle fera le guide du restant de ses habi- 
« tants et le fondement de ses lois (1). » Puis somma¬ 
tion d’avoir à représenter le titre primitif des conces¬ 
sions de terre dudit village, faute de ce faire les 
demandeurs entendent profiter du bénéfice de la loi 
du 20 août 1792. 

Cette phraséologie est non-seulement ridicule, mais 
elle contient des faits erronés. 

Comment ces seigneurs de la Forêt usaient-ils de 
leur fortune ? nous avons vu les orphelins, les enfants 

(1 j Voici ce qui se mettait dans un acte authentique au début du 
charmant régime que la postérité a stigmatisé de nom de Terreur 


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DE LA FORÊT. 


307 


trouvés élevés par les soins de Pâris de Monmartel. 
Nous avons feuilleté les comptes des fermiers de la 
Forêt, admirablement tenus sous le grand financier, 
et nous avons constaté que la plus grande partie du 
revenu était dépensée dans le pays. Même après l’in¬ 
terdiction du marquis de’Brunoy, chaque année le 
conseil de tutelle fait remettre au curé, une somme 
pour les pauvres. 

Quant aux procès, il faut n’avoir pas étudié cette 
époque, pour ignorer que de fréquentes contestations 
s’élevaient entre les vassaux et leurs seigneurs, et 
que le gain des causes n’était pas toujours acquis à 
ces derniers. 

Pour la noblesse, à part la famille de Yiry d’ancienne 
race, mais qui avait quitté la Forêt depuis la fin du 
XVI e siècle, on ne trouve pas de vieille noblesse 
dans les seigneurs de la Forêt. Les Turpin, famille 
de procureur de Ghavroche. Riquier de Paris, dont 
le nom ne se voit ni dans Y Armorial général de France, 
ni dans les noms Noms féodaux (1). Legendre qui 
n'est titré qu’en 1718, Pâris de Monmartel, fils d'un 
aubergiste de Moirans en Dauphiné, qui arriva à la 
fortune et aux grandes dignités par son seul mérite, 
et après d’immenses services rendus à l’Etat. Sans 
doute ces familles firent partie de ce qu’on appela 
plus tard la caste nobiliaire, mais c’est qu’elles vé¬ 
curent à une époque où la noblesse était toujours la 
compagne de la fortune et du mérite. N’y avait-il pas 


(1) Il ne faudrait pas conclure de celle réflexion que nous 
croyons à la noblesse de tous ceux dont le nom se lit soit dans VA r- 
moriaide France, soit dans les Noms féodaux. 


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308 


LE FIEF DE LA FORÊT. 


quelque chose de véritablement grand dans ces ré¬ 
compenses qui atteignaient l’homme dans ce qu’il 
avait de plus cher, dans ses enfants ; car il leur trans¬ 
mettait le titre qu’il avait gagné, et il obligeait ces 
derniers à suivre l’exemple de leur père et à marcher 
sur ses traces ; et les différents membres de la famille 
à se montrer toujours dignes d’un nom qui était 
illustré. 

Victor MEILHEURAT. 


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LE DOLMEN 


DE LA PIERRE-HACHÉE 

COMMUNE D'ERCEVILIE 

CANTON D’OUTARVILLE (LOIRET). 


Si le monument que je décris n’appartient plus à 
notre pays à la suite des changements que les guerres 
ont apportés dans les limites de nos anciennes pro¬ 
vinces, il n’en a pas moins été élevé sur le sol de la 
Celtique à laquelle notre pays appartenait et dont il 
occupait à peu près le centre; puis à l’époque de son 
édification, la Gaule entière ne formait-elle pas qu’un 
même peuple animé du même esprit de culte et d’in¬ 
dépendance ? Nous en avons eu la preuve h sa con¬ 
quête si difficile, ce ne pouvait être que le rival de 
Pompée qui put la vaincre et la soumettre I 
Au milieu des vastes plaines de la Beauce, près des 
petits villages d’Erceville et de Boisseaux, entre les 
stations de Toury et d’Ângerville, l’on aperçoit un 
petit bois de sapins et de chênes s’élevant comme par 
enchantement au milieu des terres fertiles ; la vue 
s’y repose agréablement, fatiguée par la monotonie 
de ces plaines interminables dont les bornes se con¬ 
fondent avec l’horizon. 


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310 


LE DOLMEN 


Au centre des quatre allées qui traversent ce bou¬ 
quet d’arbres, s’élève majestueusement le beau 
dolmen de la Pierre-Hachée ou de la Pierre Kelouet. 
Il était autrefois formé de deux larges tables dont 
l’une d’elles et ses supports gisent sur le sol, et 
sont à moitié recouverts des terres anciennement 
remuées par la clxarrue, aujourd’hui, il en subsiste 
une encore entière qui, par sa masse imposante, 
semble défier les efforts que l’on pourrait faire pour 
la détruire. 

Ce dolmen est formé de trois blocs considérables 
de grès fin des carrières d’Etampes, situées à environ 
sept lieues de là ; sur leurs extrémités repose une 
table colossale de la même pierre, elle est inclinée 
dans le sens de sa longueur, de l’est à l’ouest ; il est 
à remarquer que la table est bien plus épaisse d’un 
bout que de l’autre, et que l’extrémité la plus grosse 
est la partie la plus élevée. Les surfaces des blocs 
sont brutes, tandis que les bords accusent un travail 
grossier qui les a rendus à peu près droits. 

La longueur de la table mesure près de 4 ”, sa lar¬ 
geur est de 2“70, et son épaisseur de 0“80 ; son poids 
peut être estimé à environ 15,000 kil. Le bloc qui 
forme le fond du dolmen a 4”35 de longueur, les côtés 
ont un peu plus de 2”, la hauteur totale est de 3°90, 
sans y comprendre les parties qui s’enfoncent dans 
le sol. 

Au pied du monument, se remarque un énorme 
bloc de silex, ayant reçu un travail fort grossier ; son 
aspect et sa matière sont si différents des autres 
roches qui forment le dolmen, que l’on est tout étonné 
de le voir près des autres blocs. Il est à douter qu’il 


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b IC LA PIERRE-HACHÉE. 


311 


faisait partie du monument, car il est en arrière des 
masses gisant sur le sol. On ne connaît aucune 
carrière qui aurait pu fournir ce silex, si ce n’est aux 
environs de Chartres, où l’on reconnaît des roches 
siliceuses : elles sont si différentes de celles-ci qu’il 
est difficile d’admettre que ce bloc pût en provenir. 
Dans les environs de Vierzon, sur le côté de Graçay, 
j’ai remarqué des silex ayant beaucoup d’analogie 
avec celui-ci. 

Serait-il impossible de croire que ce bloc fût trans¬ 
porté près du dolmen pour y être un objet de véné¬ 
ration, comme ayant fourni aux hommes la matière 
de leurs outils, celle des ornements dont ils se paraient, 
les armes qui leur servaient à la chasse et celles enfin 
avec lesquelles ils ont combattu leurs ennemis?... 

11 n’y a pas trente ans qu’on labourait encore 
au pied du dolmen, M. le marquis de Saint-Marc y a 
fait planter le petit bois qui l’entoure ; il est heureux 
que ce monument appartienne à un homme qui en 
apprécie la valeur, car, à deux pas de là, plusieurs 
châteaux féodaux ont été vendus pour être démolis, 
et aujourd’hui l’on rase de fond en comble un élégant 
château dont Mansard avait fourni les plans, et l’on 
coupe impunément les chênes séculaires qui en for¬ 
maient le parc et les avenues. 

A quelques centaines de mètres au sud du dolmen, 
s’élève la butte d’Halement : c’est un magnifique 
tumulus d’une hauteyr prodigieuse et d’une conser¬ 
vation parfaite. Sa forme rappelle celle de celui de 
Saint-Loup, mais ses dimensions en sont bien plus 
grandes. 

F. PÉROT. 


28 


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LES 


BAS-RELIEFS DE CHARROUX 


Dans le courant de septembre dernier, je me rendis 
àCharroux pour voir des bas-reliefs en pierre qu’une 
personne du pays m’avait depuis longtemps signalés. 
Le meilleur et le plus sûr moyen de se rendre compte 
d’un objet, c’est de le dessiner; aussi bien, c’est le 
mode le plus expressif et le plus bref d'en faire com¬ 
prendre aux autres la nature, les détails et l’ensem¬ 
ble. Immédiatement donc, je me mis à l’œuvre, et 
j’offre aujourd’hui à la Société, un petit croquis des 
sculptures de Charroux. 

Éminemment payen, le sujet qu’elles représentent 
a plusieurs fois tenté les artistes ; il est donc bien 
connu dans l’histoire des arts; c’est la trilogie de 
Bacchus, Cérès et Vénus, avec cette inscription tirée 
d’une comédie de Térence : 

Sine Cerere et Baccho friget Venus. 

Dicton devenu populaire, que je retrouvais na¬ 
guère encore au bas d’une gravure du flamand Gol- 


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LES BAS-RELIEFS DE CHARROUX. 313 

\ 

tzius qui a traité le même sujet, mais d’une façon tout 
à fait différente (1). 

Bacchus, le chef ceint de pampres et de raisins, 
siège sur un tonneau cerclé dont il presse les flancs 
entre ses jambes rebondies. En guise de sceptre ou 
de marotte, il porte sur son cœur la dive bouteille. 
A droite, Gérés à demi-coucbée sur une épaisse gerbe 
de blé, présente à Bacchus un bouquet de fleurs des 
champs. De l’autre côté, à gauche^ Vénus, dans une 
pose lascive, est mollement étendue sur un coussin, 
tenant un miroir de forme arrondie. 

Au bas est l’inscription Mont nous venons de 
parler, divisée en trois compartiments formant autant 
d’écriteaux distincts ; après chaque mot, se trouve 
un point, ainsi qu’on le voit dans beaucoup d’inscrip¬ 
tions latines. 

Ce vers de Térence, dont le sens ressort clairement, 
peut être traduit de bien des manières : 

Le peuple dit : 

Sans pain et sans vin, on ne peut faire l’amour. 

Le poète dira : 

SansCèrès et Bacchus, Vénus n'a point de feux. 

Du temps de Fénelon on aurait dit : 

Vénus languit, quand elle n’a point les trésors de Cérès et de Bacchus 

Les trois figures sont encastrées dans la maçonnerie 
d’un vieux mur, qui forme la [façade d’un bâtiment 


(1) Cette gravure de Goltzius a été reproduite dans Y Art pour 
tous, livraison du 30 octobre 1864. 


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LES BAS-RELIEFS 


ai 4 

d’exploitation appartenant à M. Pattier propriétaire 
à Charroux. 

Ces sculptures ne sont point à leur place et se 
trouvent là évidemment par hasard. Destinées à 
garnir le tympan d’un fronton, elles devaient faire 
partie de l’ornementation d’un édifice important. 
Après avoir interrogé autour de moi la tradition 
populaire, j’ai pu me convaincre qu’elle était assez 
diverse. Communément l’on croit dans le pays que 
ces statues sont gallo-romaines, sans doute à raison 
de l’inscription et des divinités mythologiques ; c’est 
ainsi que l’on m’a invité à venir voir les statues « ro¬ 
maines. » Inutile de démontrer la fausseté de cette 
attribution d’origine ; un œil exercé ne saurait s’y 
arrêter un instant. D’aucuns disent que ces bas- 
reliefs ornaient la façade du grenier aux dîmes des 
moines de l’abbaye de Charroux, lequel grenier, 
aujourd’hui démoli, existait sur un emplacement 
voisin. Je ne veux ni contester, ni discuter cette 
opinion, peut-être est-elle juste et fondée. Ce que je 
puis affirmer sans trop m’avancer, c’est que ces 
bas-reliefs m’ont paru réunir tous les caractères qui 
distinguent les œuvres de la Renaissance. Je n’hésite 
donc pas à faire remonter cette page à l’époque du 
XVI e siècle (2 e moitié). Du reste, le tailleur de pierres 
qui a ciselé ces statues, était loin d’être un artiste 
de mérite, il connaissait mal l’anatomie, et les formes 
du corps humain lui étaient peu familières. Cepen¬ 
dant, sa composition n’est point dépourvue d’une 
certaine originalité. 

En 93, leBacchus, que des révolutionnaires médio¬ 
crement intelligents prirent sans doute pour un saint, 


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DE CHARROUX. 


315 


fut martelé et fâcheusement mutilé. L’infortuné a 
perdu bien des choses à la bataille, son nez, ses joues, 
ses doigts, etc., etc. Quant aux déesses, elles sont 
restées intactes et d’une conservation parfaite. On ne 
pouvait les prendre pour des saintes, vu la simplicité 
immodeste de leur tenue. Pour tout vêtement, Vénus 
a un collier de perles, et Cérès, un bracelet. 

Sculptées dans une pierre noire, qui ressemble 
beaucoup à celle de Volvic, ces trois figures placées 
les unes à la suite des autres, sans intervalle sur le 
même plan et sur la même ligne d’horizon, mesurent 
environ trois mètres de largeur. Bacchus, qui devait 
occuper le milieu et le sommet intérieur du fronton, 
a un mètre de haut. L’inscription gravée en creux est 
encore très-lisible. Tout à côté, plus bas une main 
malicieuse a tracé au crayon la contre-partie du 
dicton : 


Sine Venere et Baccho tœdet Cœrerem. 

Vénus, Cérès, Bacchus ! Le sensualisme payen se 
résumait dans ces trois mots qui exprimaient les trois 
dons par excellence de la Nature. 

Quand vint la Renaissance au XVI e siècle, on ressus¬ 
cita les vieilles formes de l’antiquité. Secouant la 
poussière des siècles, les dieux et les déesses repa¬ 
rurent avec tout l’éclat d’un art nouveau. Rajeunies 
par le ciseau des Jean Cousin, des Jean Goujon, les di¬ 
vinités de la Grèce et de Rome avec leurs cortèges de 
nymphes, de naïades, de satyres et de faunes, repri¬ 
rent leurs places sur les frises, les tympans, les fron¬ 
tons des édifices ; on les vit sur les fontaines, ori les 
admira dans les jardins; Jupiter et Junon remonté- 


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316 LES BAS-RELIEFS DE CHARROl’X. 

rent sur la scène pour de nouveaux débuts ; les galan¬ 
teries mythologiques revinrent à la mode ; les devises 
amoureuses s’entrelacèrent avec les guirlandes de 
fleurs, et des religieux purent, sans grand scandale, 
placer sur le fronton de leur grenier aux dîmes cette 
inscription : 

Sine Cerere et Baccho friget Venus t 

Au moyen-âge les artistes sous prétexte de peindre 
la luxure et de flageller les moines, s’étaient permis 
des obscénités révoltantes exposées au grand jour, 
sans pitié ni merci pour la pudeur publique, mais 
jamais on n’eût osé faire parler le paganisme, ni gra¬ 
ver sur un monument quelconque la moindre har¬ 
diesse mythologique. Le XVI e siècle inaugura ainsi le 
premier dans l’histoire moderne, la liberté de la parole 
écrite, qui devint cette formidable puissance que 
deux siècles plus tard od appelait la liberté de la 
presse. 


J.-H. BONNETON. 


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DÉCOUVERTE 


D’UN CAMP ANTIQUE 


DANS LA COMMUNE 

DE SAINT-GERAN-DE-VAUX (ALLIER) 


Lettre à Monsieur le Président de la Société d'Emulation 
de /’ Allier. 

Monsieur le Président, 

Je viens de découvrir, sur la rive droite de l’Ailier, 
dans la commune de St-Geran-de-Vaux, et sur la li¬ 
mite de cette commune avec celle de Laferté-Haute- 
rive, un camp romain, d’une grande étendue ; il me¬ 
sure 570 mètres sur un côté et 420 mètres de l’autre, 
c’est donc près de 24 hectares de surface, sans compter 
les retranchements et les postes avancés. 

Les retranchements, je les connaissais depuis long¬ 
temps (14 ans), mais dans le travail général de l’ex¬ 
cursion archéologique de la rive droite de l’Ailier, que 
j’avais fait, je les avais négligés à dessein, parce que 
d’une part, je ne pouvais les rattacher au camp, que 
je ne connaissais pas alors, et aussi, parce que, les 
ayant examinés, moi tout seul, j’avais quelque peine 


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318 


DKOOL'VKHTK 


(le prime abord, à y reconnaître des retranchements ; 
je ne craignais pas tant me tromper, que vous 
tromper par un excès d’enthousiasme et je me tus à 
leur égard ; plus tard, en 1865 ou 1866, quand je fus 
chargé par la commission de topographie des Gaules, 
en qualité de correspondant de cette commission, de 
donner quelques renseignements complémentaires 
sur les antiquités que recèle notre sol, je craignis 
moins de m’avancer; j’avais aussi peut-être, plus 
d’expérience qu’au début, je notai ces retranchement» 
qui ont bien pu paraître quelque peu extraordinaires 
à cette Commission, si elle y a prêté attention, car, 
seuls, ils n’avaient guère de raison d’être ; ces retran¬ 
chements ont pu, jusqu'à présent, passer inaperçus 
pour tous ceux qui les ont traversés, car ce ne sont 
pas des retranchements proprement dits, mais bien 
des croupes des alluvions volcaniques d’Auvergne, 
qui ont été aménagées comme retranchements ; je me 
réserve de vous en donner un croquis aussitôt que je 
le pourrai, et j’y joindrai dans un travail d’ensem¬ 
ble, le camp et les postes avancés et la position de la 
rive gauche de l’Ailier, dont il va être parlé plus 
loin. 

J’ai rendu compte de ces découvertes à M. le chef 
d’escadronsd’État-Major, Rouby, qui, par son alliance 
avec une honorable famille de notre pays, s’intéresse 
à tout ce qui touche aux intérêts de notre Société, 
aussi bien qu’aux progrès de notre histoire nationale ; 
il a été chargé, plusieurs fois, par S. M. l’Empereur, 
de missions spéciales relatives à Y Histoire de César ; 
M. Rouby, en stratégistc habile, a vu dans les des¬ 
criptions que je lui ai données, sur ce camp et ses 


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d’un camp antiquk. 


319 


annexes, l’endroit où César, revenu du siège d’Ava- 
ricum (Bourges) par Decetia (Decize) à la poursuite 
de Vercingétorix, qui se rendait à Gergovia-Arver- 
norum (Clermont), a dû camper quelque temps, 
avant de se décider à le pourchasser et le surprendre 
par ruse à Gergovia. 

Les Commentaires de César traduction de la col¬ 
lection Panckouke , indiquent, au livre 7, cha¬ 
pitre xxxiv, que : César « partageant son armée, 

. f donna quatre légions à Labiénus pour marcher 
« contre les Sénonais et les Parisiens et prenant 
« avec lui les six autres, se dirigea vers les Arvernes, 

* à Gergovia, le long de la rivière d’Allier. Il avait 
« donné une partie de la cavalerie à Labiénus et 
•< gardé l’autre ; Vercingétorix, instruit de cette 
« marche, coupa tous les ponts de l’Ailier et fit route 
« de l’autre côté de cette rivière. 

* Chap. xxxv. — Comme les deux armées étaient 
« en présence, et les camps presqu’en face l’un de 
« l’autre, les éclaireurs disposés par Vercingétorix, 
« empêchaient les Romains de construire un pontet 
< de faire passer les troupes. César était dans une 

* position critique, et craignait d’être ainsi retenu 
« une partie de l’été , l’Ailier n’étant presque jamais 
« guéable avant l’automne. Pour vaincre cet obstacle, 
« il alla camper dans un lieu couvert de bois, vis-à- 
« vis l'un des ponts que Vercingétorix avait détruits, 
« il y resta caché le lendemain avec deux légions et fit 
« partir le reste des troupes avec tous les bagages, 
« dans l’ordre accoutumé, retenant encore sur celles- 
« ci quelques cohortes, afin que le nombre deslé- 
« gions parut être complet, il leur ordonna de se 


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320 


DÉCOUVERTE 


« porter aussi loin qu’elles pourraient, et quand il 
« pensa qu’elles étaient arrivées à leur campement, 

< il se mit à rétablir le pont sur les anciens pilotis, 
« dont la partie inférieure restait entière. — L’ou- 

< vrage ayant été promptement terminé, il fit passer 

< ses légions, se campa dans un lieu favorable et 
« rappela le reste des troupes. A. cette nouvelle, Ver- 
« cingétorix, craignant d’ôtre forcé de combattre 
« malgré lui, se porta en avant, à grandes journées. 

t Ghap. xxxvi. — César parvint à Gergovia, en 
« cinq jours de marche ; le même jour après une lé- 
« gère escarmouche de cavalerie, etc. » 

On voit par ce récit, que Vercingétorix, instruit de 
la marche de César, fit couper tous les ponts de 
l’Ailier. 

César occupait un camp vis-à-vis celui du chet 
Arverne, les armées étaient probablement l’une, sur 
la commune de St-Geran-de-Vaux, près Laferté- 
Hauterive, occupant le camp qui avoisine le bois des 
Moines, et César, craignant d’y être bloqué, jusqu’au 
moment des basses eaux, fait rétablir le pont récem- 
mentcoupé par Vercingétorix, qui occupait probable¬ 
ment les hauteurs de Châtel-Deneuvre, où il reste 
une butte d’observations, dominant la vallée de l’Ai¬ 
lier; les matériaux et les poteries gallo-romaines 
abondent sur cette butte; à côtéde là, dans les vignes, 
il y a une terre, dite les Murailles, où j’ai recueilli 
des débris d’amphores ; ces murailles sont probable¬ 
ment les restes de l’enceinte d’un oppidum gaulois. 
Si, par la pensée, on rétablit la position topographi¬ 
que du bourg de Châtel-Deneuvre, avant les modifi¬ 
cations que lui ont fait subir les routes qui le traver- 


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d’un camp antique. 321 

sent, on verra que l’emplacement d’un oppidum 
gaulois, était bien choisi, sur un promontoire, en¬ 
touré de ravins, d’une défense facile et d’une atta¬ 
que très-difficile. 

Les cinq journées de marche, que mit César à par¬ 
courir l’espace qui le séparait de Gergovia, sont en 
concordance avec cette distance de CHStel-Deneuvre. 

Auprès de l’Ailier, sur la rive droite, vers le do¬ 
maine actuel de la Jarrie, et en face des deux camps, 
une levée artificielle en sable, de plus de 100 mètres 
de longueur et de 4 mètres de hauteur, parallèle au 
cours du fleuve et isolée de la terre ferme, a résisté 
à toutes les crues et débordements de cette rivière, 
peut-être a-t-elle été faite par César pour surveiller 
Vercingétorix, de plus près, et garantir ses soldats, 
pendant qu’il faisait rétablir le pont sur les pilotis 
coupés précédemment par ordre de Vercingétorix. 

A la tête du camp de St-Geran-de-Vaux , il y a 
une butte d’observations, entourée de fossés qui se 
reliaient à ceux du camp. Sur cette butte devait 
exister une tour en maçonnerie, dont on retrouve les 
matériaux de couverture; la butte par elle-même 
n’est pas très-élevée actuellement au-dessus du fossé, 
3 mètres environ, sa plate-forme ou parallélogramme 
arrondi aux arêtes, mesure 27 mètres sur 24 mètres. 

Une autre butte à peu près semblable à celle-ci est 
à moins d’un kilomètre, à l’est, dans le bois des 
Moines, on retrouve aussi des matériaux de la cou¬ 
verture de la tour qui devait la surmonter. 

Deux autres buttes accolées et presque nivelées, 
se voient au nord-est, près du .domaine de Villars, 
dans le pré des Quillerots, elles sont réunies dans le 


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322 


DÉCOUVERTE 


même fossé ; le poste qui occupait ces buttes avait' 
probablement pour mission de garder les sources qui 
devaient alimenter le camp d’eau potable. Il y a deux 
ans, une fouille opérée sur les terres du domaine de 
Vauvres, a fait découvrir une conduite d’eau, en 
tuyaux de terres cuites, de 0 m 12 de diamètre inté¬ 
rieur et de 1 "V 40 à 1 “ 50 de longueur qui a été en¬ 
levée de terres, sur près de 400 mèt. de longueur, 
dans un espace intermédiaire entre le domaine de 
Villars et le camp ; cette conduite aboutissait à un 
endroit où on a recueilli des traces d’habitations 
gallo-romaines et quelques ferrements très-oxydés; 
de là, partaient deux branchements de cette conduite 
qui se dirigeaient sur la tête du camp. Enfin, un 
ruisseau qui vient actuellement de l’étang des Gui- 
chardots, en côtoyant le bois des Moines, entourait 
les fossés extérieurs du camp. 

Plusieurs importantes découvertes ont été faites 
depuis peu d’années, sur un rayon fort restreint, et 
peuvent servir de corollaire à la découverte de ce 
camp. Je citerai d’abord la découverte des beaux 
bronzes de Laferté-Hauterive qui ornent le musée et 
qui ont été trouvés à moins de 1,500 mètres au sud du 
camp. 

Le torque et la faucille de bronze, de la plaine des 
Écherolles, qui sont aussi au musée, trouvés à 
2,500 mètres environ du camp. 

Une monnaie anépigraphe en bronze, au type de 
Vercingétorix, trouvée près de là, et une autre en 
bas électrum, trouvée près de Bessay, cette dernière 
au type de Philippe de Macédoine a sa légende 
effacée. La découverte des soixante-dix statères en 


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d’cn camp antique. 


323 


électrum au type de Philippe, avec la légende 
philippoy , le bracelet et les anneaux d’or du trésor 
de la plaine du Boudet, près St-Geran-de-Vaux. 

Les noms de quelques pièces de terre de la com¬ 
mune de Laferté-Hauterive auxquelles la tradition a 
conservé les noms de champ de < la Faim, champ des 
Batailles, de la Guerre, de la Famine, du Mauvais 
Pas, etc. 

La découverte de cadavres, à Laferté-Hauterive, 
dans un champ où j’ai recueilli quelques poteries de 
sépultures à ustion. 

Les deux buttes de St-Loup, la nécropole et les 
ruines romaines de la plaine des Écherolles, où ont 
été trouvées une centaine de pièces du bas Empire, 
en billou saussé. 

Les buttes et les restes de retranchements de la 
plaine de Bessay. — Enfin, près de la vieille Poste, 
les noms de champ de la Pierre et de la Pierre qui 
danse, qui indiqueraient là, une position celtique. 

J’oubliais de signaler que j’ai trouvé, sur l’empla¬ 
cement du camp, une pointe de flèche en silex brun, 
retaillé, et près de la butte du bois des Moines, une 
scie en silex translucide. 

J’ai fait part de cette découverte à la Commission 
de topographie des Gaules, je vous tiendrai au cou¬ 
rant de l’avis de cette Commission, mais en atten¬ 
dant que cette question soit approfondie par les 
membres de cette Commission et par la visite sur 
place que doit venir en faire M. le chef d’escadrons 
d’État-Major, Rouby, je crois avoir trouvé ce point, si 


9 


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334 DÉCOUVERTE D’UN CAMP ANTIQUE. 

controversé de la guerre des Gaules, du passage de 
l’Ailier, par les armées de César, se rendant à Ger- 
govia Arvernorum (Clermont). 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance 
de mon dévouement. 

, Bertrand, 

Vice-président de la Société d'Émulation. 


Moulins, le 4 novembre 1869. 


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POÈTES BOURBONNAIS 


(XIV e AU XVII e SIÈCLE) 


JEAN DE LINGENDES 

Jean Dupin. — Pierre et Jeannette de Nesson. — Henri 
Baude. — Jean Robertet. — Antoine Mizaud. — Blaise 
de Vigenère. — Estienne Bournier. — Claude Billard. 

— Chouvigny de Blot. — Saint-Aubin. — Henri Aubery. 

— Gilbert Gaulmin. — Pierre Bizot. 


La poésie hélas I n’ost rien par elle-môme. 

Tant que d’un cœur touché de la grâce suprême. 
Elle n'éveille point le sympathique amour. 

C’est Galatée ouvrant ses yeux de marhre au jour: 
Pour qu’elle vive, il faut qu’on l'aime ! 

Emile Drschaups. 


I. 


Les amis des muses n’out jamais fait défaut au 
Bourbonnais. Aussi, avec notre poète Jean de Lin- 
gendes, nous est-il facile de citer un certain nombre 
de noms qui, dans leur temps e't à leur heure, ont 
eu de l’importance et de l’éclat. Sans parler de toutes 
les personnes qui, au siècle dernier, ou au commen- 


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326 


POÈTES BOURBONNAIS. 


cernent de celui-ci (1), ont cultivé cet art avec plus 
ou moins de succès, nous nous contenterons, comme 
introduction toute naturelle à cette étude, d’évoquer 
le souvenir de ceux de nos compatriotes qui ont pris 
part, du XIV e au XVII e siècle, aux différents mouve¬ 
ments poétiques de la France. Agir ainsi, c’est faire 
acte de justice; il ne faut pas que les hommes de 
génie absorbent les individualités secondaires, ces 
morts-là ont encore quelque chose à apprendre aux 
vivants. 


II. 

JEAN DUPIN 

Dans cet ordre d’idées, le nom le plus ancien que 
nous connaissions remonte au XIV e siècle. Mention¬ 
nons donc, tout d’abord, Jean Dupin (2), nommé 
aussi, par quelques biographes, Durpain ou Durpin, 


(1) XVIII* siècle, Desmori'.lons (Baudet). — Claude Criffet et 
Antoine-Gilbert Griffet de la Baume. 

XIX e siècle, Andraud — Jcan-Bapiislc-Bcnoll Barjaud — l’abbè 
Boudant — deux membres de la famille deCbampfcu - Colomban 
Ch a lard — Pierre-Antoine Meilheurat — Durand de la Presle — 
Gaspard Tourret. 

Inutile de dire, qu'au moment où nous écrivons ces lignes, notre 
Bourbonnais possède plusieurs poètes dont les noms sont trop 
connus pour qu'il soit nécessaire de les reproduire ici. 

• 2) Un érudit, historiographe de Savoie et de France, Samuel 
Guichenon, parlait encore au XVII* siècle, avec éloge, de Jean 
Dupin. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


327 


né vers 1302, en Bourbonnais, probablement dans 
cette partie qui forme aujourd’hui la commune du 
Pin(l). Etant devenu moine de l’abbaye deVaucelles, 
ordre de Giteaux, diocèse de Cambrai, il mourut, 
selon Lacroix du Maine, en 1372, dans le pays de 
Liège et fut enterré dans le monastère des moines de 
Saint-Guillaume. Le même biographe qualihe aussi 
notre compatriote de théologien, de médecin et d’o¬ 
rateur, titres qu'il était assurément loin de se donner, 
puisqu'il prétend dans son poëme du Champ vertueux 
de Bonne vie, qu'il ne sait exprimer, qu’en langage 
vulgaire, tous les travers et tous les désordres dont 
il est malheureusement spectateur et qu’il ne rap¬ 
porte du reste qu’avec la plus entière bonne foi et 
avec < bonne intencion. • 

Si j'ay point dit icy follie 

Nul ne m'en doibt en mal reprendre, 

C.ar je ne sçav mot de clergie : 

Donc j’ay fait par mélancolie 

Des faiis ce que j'ay veu emprendre ; 

Selon mon sens et mon usaige. 

Fis ces proverbes en mon langaige. 

Sans patron et sans exemplaire. 


Je ne suis clerc ne usages, 

Ne ne sçay Latin, ne Ebrieux. 


Je suis rude et mal courtois ; 
Si je dis mal, pardonnez-moy. 


(1) Vu la ressemblance des noms, l'Ancien Bourbonnais avait 
déjà produit celte hypothèse. 

29 


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328 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Je foys par bonne intention ; 

Si n’ay pas langue de François ; 

De la Duché de Bourbonnoys 
Fust mon lieu et ma nation (1). 

Quoique moine, Jean Dupin imita la liberté de 
penser et de parler de Jean de Meung qui, sur la 
demande de Philippe-le-Bel, continua le roman de la 
Rose de Guillaume de Lorris, témérité qui dût forcé* 
ment lui susciter beaucoup d'ennemis. 

Ce fut, en 1340, à l’âge de trente-sept ans environ, 
qne notre compatriote composa, partie en prose et 
partie en vers, un ouvrage intitulé : Le Champ vor- 
tueux de Bonne vie, appelé Mandevie, ou les Mélancolies 
sur les condicions de ce monde, composées par Jehan du 
Pin, l’an 1340, divisées en sept parties, escrites en prose; 
avec une huictième, en vers, appelée la Somme de la vision 
Jehan du Pin. 

Ce manuscrit sur vélin, à doubles colonnes, ren¬ 
fermant cent quatre-vingt-dix pages in-f* se trouve 
à la bibliothèque d’Orléans. « La première partie, 
d’après A. Septier qui s’exprime du reste abso¬ 
lument comme l’abbé Goujet, est partagée en sept 
livres et renferme le récit de ce qu’il feint avoir vu 
en songe sous la conduite d’un chevalier nommé 
Mandevie, avec qui il parcourt toutes les conditions 
des hommes. La deuxième partie, qui contient le 
huitième livre, est en vers, et roule sur le même 
sujet ; c’est comme l'abrégé des sept autres livres. 
Jean Dupin fait passer en revue dans ce huitième 


(1) Ces derniers vers font partie du prologue du Champ vertueux 
de. Bonne rie. 


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POÈTF.S BOURBONNAIS. 


329 


livre généralement tous les états, dont il représente 
en quarante chapitres, et avec beaucoup de liberté, 
les abus et les vices (1). > La biographie Michaud 
résume son appréciation, en disant que ce moine 
bourbonnais * parait s'être attaché surtout à faire 
des désordres du Clergé une peinture effrayante. » 
Cet ouvrage aurait été imprimé, avec ce titre : Le 
Livre de Bonne vie, en 1495, à Chambéry, et à Paris, 
environ vers 1520, sous cette dénomination : Le Champ 
vertueux de Bonne vie. 

Une particularité assez curieuse à enregistrer, c’est 
que lorsque l’auteur se mit à composer son œuvre, 
il avait déjà vu, comme il le dit lui-même, cinq rois 
se succéder sur le trône de France : 

Je vy en moins de quatorze ans 
Unatre roys en France régner : 

Crans et fors, ce ne vcüil céler. 

Tous furent morts en peu de temps. 

Nous emprunterons encore à ce poème les trois 
morceaux suivants reproduits par l'abbé Goujet. 

L’un est relatif aux avocats qu'il appelle « Clercs 
de loix » ; jugez par là de ses autres satires. 

Clercs ont la langue envenimée, 

De faulce parolle fardée ; 

Avarice leur est à dextre ; 

Robes ont d’envie (terminée. 

Housse d’ypocrisie fourrée. 

Chapeau de paresse en la teste ; 

(I) Manuscrits de la bibliothèque d’Orléans, etc., par A. Seplier, 
bibliothécaire d’Orléans, chauoine honoraire de la Cathédrale, etc., 
Orléans, 18*0. (N® 380, p 200 et 201.) 


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330 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Le lire maisons sont d'yre parées, 

D'orgüeil et de gueule fondées ; 

De luxure sont leur digeste : 

Loyaulté, droicture est faillie, 

Car tout le sens de celte vie 
Est transporté en faulcelé. 

Voici maintenant ce qu'il dit des papes : 

Le pape pécher ne pourroit 
Comme saiut Père, ce seroil 
Alléguer imperfection ; * 

Mais comme homme offenscroil. 

Ainsi qu'autre cheoir pourroit 

Par aulcune lempiacion. 

Le Pape doibt souvent penser 
Pour nous en vertus avancer ; 
il est Dieu souverain en terre ; 

De prier Dieu ne se doibt lasser. 

Tous Preslres en sainctcté passer, 

S'aulremenl fait, je dys qu'il erre. 

Tout en passant en revue les travers et les vices 
des différentes classes de la société d'alors, notre 
moine frondeur relate un certain nombre de faits 
historiques ; transcrivons ce qu’il dit de la suppres¬ 
sion de l'ordre des Templiers par le pape Clément V, 
en 1312 : 


Ou par droit, ou par voulenté 
Furent les Templiers conilampnez ; 

Pape Clément leur iist tel honte : 

Puis fust le Temple transporté 
A l'ospital, non pas donné : 

Ce Pape en eut d'argent grant monte. 

« 

Avant de quitter ce poëme, nous pouvons donner 


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POÈTES BOURDONNAIS. 331 

un spécimen de la prose de notre compatriote (1). 
Voici donc le commencement de la première partie 
qui nous fait connaître, de la façon la plus positive, 
l’année où elle fut commencée : 

c En l’an de l’Incarnation de Jésus-Christ mil trois 
cens quarante, que Pape Benedio qui fust de l’ordre 
deCisteaux, estoitPapede Romme ; (c'étoit Benoit XI 
que d’autres nomment Benoit XII) et Loys de Bavieres 
se disoit Empereur, et tenoit grant partie de l’Empire, 
oultre le vouloir du Pape ; et lors estoit Messire Phe- 

lippe de Valois, Roy d’Angleterre.Si entre- 

prins à compiler un livre révélé par manière de 
vision, par exemples de congnoistre le monde et les 
condicions des personnes qui par le temps d’ores 
habitent sur la terre, et amender la vie de ceulx qui 
verront et entendront. » 

Jean Dupin est en outre l’auteur, au dire de Claude 
Fauchet et de Lacroix du Maine, de l’Evangile des 
femmes, petit poème en vers alexandrins de douze 
syllabes, dont le manuscrit se trouve à la biblio¬ 
thèque impériale, ancien fonds, n° 7218, et qu’il 
ne faut pas confondre , d’après la bibliographie 
Michaud, avec le livre des Conoilles (quenouilles), 
connu aussi sous le titre d’Evangile des femmes , 
ouvrage très-rare, imprimé à Lyon en 1473 et dont 
l’auteur est inconnu. Selon Fauchet, Y Evangile des 
femmes dont il donne le premier vers : 


L'Evangile des femmes nous veüil ci recorder. 


II) Bibliothèque fra/içuise de l’abbé Goujctv t. IX, p. 98 et 99. 


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332 POÈTES BOURBONNAIS. 

est « assez bien fait et plaisant > et se termine ainsi : 


Ces vers Jehans du Paie, un moine de Vaucelles 
A fel moult foutilement, eic. (1) 


111 . 


Le XV e siècle nous a donné Henri Baude, « cet enfant 
« perdu du vieu Parnasse français, » qui naquit, à 
Moulins, environ vers 1430. A ce premier nom, il faut 
ajouter ceux de Pierre et de Jeannette de Nesson, 
ainsi que celui de Jean Robertet que, pour la pre¬ 
mière fois, nous introduisons dans un travail relatif 
au Bourbonnais, grâce à M. Ghazaud, archiviste du 
département de l’Ailier, auquel nous devons ces nou¬ 
velles indications. 


IV. 

PIERRE DE NESSON- 

Le plus ancien membre de la famille de Nesson que 
nous connaissions est un Jamet de Nesson (2), valet 
de chambre, gance des coffres ou trésorier de la cassette 
particulière de Charles VI. 


(1) Bibliothèque f rançaise de l'abbé Goujet, T. IX, p. 103 et 104. 

• 2) D’après Réihencourl, dans ses Noms féodaux , il y avait, en 
4506, un Charles de Nesson, écuyer maître de rhôiel, domaine et 
seigneurie de Courtanssouze, près Chantelle 


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POETES BOURBONNAIS. 


333 


Le poète Pierre Nesson ou de Nesson, attaché, dès 
sa jeunesse, à Jean I er , duc de Bourbon, appartient à 
la fin du XIV siècle et au commencement du siècle 
suivant. Il occupait, à la cour de ce prince, une charge 
d’officier de l’ordre civil ; il nous apprend du reste 
lui-même, dans son poème le lay de guerre, que la 
nature ne l’avait pas doué d’une âme belliqueuse. 
Ecoutons plutôt la Guerre, le principal personnage, 
qualifier notre poète de 


. garçon 

Qui moult noos hait, qu'on appelle Nesson 
Le poursuivant de Paix.... 

Ne ce Nesson, oncques qu'on l’aperccut ; 

Ne se trouva au lieu où il nous sceust 
Et maintes lois il a laissé son maislre 
Quand le failloit, au lieu où (eussions, estre. 

Tout naturellement, Nesson suivit la fortune de son 
maître dont Charles d’Orléans, qui savait agréable¬ 
ment plaisanter, nous a laissé cesingulier portrait (1). 

Hélas et qui ne l’aimeroit 
De Bourbon le droit héritier. 

Qui a l’estomac de papier. 

Et aura la goule de droit. 

Aussi, le 28 avril 1413, fut-il fait prisonnier par les 
Cabochiens qui avaient envahi l’hôtel de Guyenne où 
s’étaient réfugiés les Armagnacs auxquels s’était rallié 
le duc de Bourbon. D’un autre côté, connaissant son 
caractère plus que pacifique, nous n’étonnerons per¬ 
sonne en disant qu’il n’accompagna pas Jean I er , le 

(1) Bibliothèque française de l'abbé Goujet, T. IX, p. 254. 


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334 


POÈTES BOURBONNAIS. 


25 octobre 1415, sur le champ de bataille d’Azincourt, 
si funeste à toute la noblesse française. Malgré des 
prodiges de valeur, le duc de Bourbon, fait prisonnier 
par les Anglais, alla mourir sur la terre étrangère, 
après dix-neuf ans d’une dure et lointaine captivité. 

Resté auprès de la duchesse de Bourbon, « prin¬ 
cesse belle, dévote, noble et bonne, » de Nesson 
donna libre carrière à sa muse, pour exprimer, dans 
le poëme dont il vient d’ôtre question, les maux de la 
guerre et les regrets qu’il éprouvait de savoir son 
prince retenu en Angleterre, comme l’indiquent ces 
vers : 

El après ce que guerre ot foit son cry. 

Je relias ce que je peux, et l’escry. 

Pour l'envoyer au bon duc de Bourbon 
Chcvaleureux, afin qu’en sa prisou. 

Là où ne puis aullrcincnl luy aydcr. 

Je le peusse un peu desennuyer ; 

Pensant en moy qu'il en obliera 
De ses regrets, taudis qu'il en lira : 

Autrement la< ! ne le puis-je î-ervir, etc. 

Une dernière particularité que l’on peut, relever 
dans la vie de notre compatriote, c’est qu’après la 
mort du duc Jean, en 1416, il figure comme secré¬ 
taire parmi les officiers de cette maison qui reçurent 
une livrée de drap noir, à l’occasion des obsèques de 
ce duc. 

Pierre de Nesson composa trois poèmes: 1 °leLayde 
de guerre, 2° tes paraphrases de Job et 3° l’hommage à 
Notre-Dame. 

Le lay de guerre nous semble, dit la Biographie géné¬ 
rale de Oidot, le plus important des trois, au point de 
vue politique, moral ou historique. Ce n’est, selon 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


335 


toute apparence, qu’une imitation du Lay de paix 
qu’Alain Chartier composa, afin de tenter un accom¬ 
modement entre Charles VU et la maison de Bour¬ 
gogne. André Duchesne, dans son édition des œuvres 
d’Alain Chartier, Théodore Godefroy, à la suite de son 
Charles VI, l’abbé Goujet, dans sa Bibliothèque fran¬ 
çaise, ont reproduit quelques courts extraits de ce 
poème qui se trouve au complet, pages479 etsuivantes 
du manuscrit français n° 4727 de la bibliothèque 
impériale. 

On connaît quatre manuscrits des paraphrases de 
Job indiquées aussi sous les titres de leçons de Job et de 
Vigiles des morts, à sept psaumes et à neuf leçons et qui 
ont probablement servi de modèle aux Vigiles de 
Charles VII de Martial d'Auvergne. Deux de ces ma¬ 
nuscrits se trouvent à Rome et deux à Paris, à la bi¬ 
bliothèque impériale, sous les numéros 578 f 08 422 à 
429 et 4889. Nous pouvons même ajouter qu’on 
trouve des fragments de cette œuvre dans les Manus¬ 
crits français, etc. de M. P. Paris, T. V, p. 64, et dans 
le Romvart de M. Keller, p. 631. 

L'hommage à Notre-Dame ou Requeste, Oraison, Testa¬ 
ment, supplication de P. deNessonà Notre-Dâme serait, 
toujours d’après la Biographie Didot, le plus connu 
des trois. 11 en existe trois manuscrits à la biblio¬ 
thèque impériale : 4° manuscrit français n° 4642, f os 326 
à 329; 2° n°3939, f°* 26 v # et suivants ; 3° n° 4889, à la 
fin. Lacroix du Maine en aurait possédé, paraît-il, un 
manuscrit qui commençait par ces deux vers (1) : 


(l) Dibliothêipie française de l’abbé Goujet, t. IX, p. 179. 


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336 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Ma doulce nourrice pucelle 
Qui de votre tendre mamelle, etc. 

Disons encore, au sujet de cet ouvrage, que de 
Nesson nous a laissé sur sa famille, ces quelques vers 
qui terminent l’édition in-4°, sans lieu ni date : 

Et quand nous serons trespassez. 

Donnez-nous, Madame Marie, 

La doulce perpétuelle vie ; 

Laquelle doint par sa puissance 
La très-haute divine essence 
A tous les Nessons et Nessonnes! 

« La première édition des écrits imprimés de Nes¬ 
son paraît être celle de Robin Foucquet et Jehan Crcs, 
imprimeurs à Bréchant-Loudéac, en Bretagne, datée 
du 27 janvier 1484-1485, in-4° de 6 feuillets. Nous 
mentionnerons ensuite : Oraison de P. de Nesson à la 
Vierge Marie, à la fin du grand compost ou calendrier 
des Bergers, édition de Genève, 1497, petit in-fol. Une 
autre édition parut sous le titre de Supplication à 
Nostre-Dame, faite par Maistre Pierre de Nesson (sans 
lieu ni date, petit in-4° gothique, de 6 f. ; deux gra¬ 
vures sur bois.) Enfin, le Testament de M. Pierre de 
Nesson, avec une courte notice sur l’auteur, se trouve 
dans le recueil intitulé: La danse aux aveugles et 
autres poésies du quinzième siècle, extraites de la 
bibliothèque des ducs de Bourgogne, Amsterdam, 
1749, in-12, p, 170 et suivantes (1). » 

Nous avons trouvé, dans le T. IX de la Bibliothèque 
française de l’abbé Goujet, une phrase du libraire et 


(2) Biographie générale de Didot 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


337 


auteur Geoffroy Tory de Bourges qu’il importe de 
transcrire, pour donner une idée de la valeur des 
œuvres poétiques de Nesson. Cette phrase que nous 
sommes heureux de reproduire est empruntée au 
Champ fleury de ce critique de Bourges, publié en 
1529, et est ainsi conçue : < Qui pourrait finer les 
œuvres de Nesson, serait un grand plaisir pour user 
du doulx langage qui y est contenu. > 11 ajoute : < Je 
n’en ay veu qu’une oraison à la Vierge-Marie qui se 
trouve imprimée dans le Calendrier des Bergiers de 
la première impression. La dernière impression ne la 
contient pas, et ne scay pour quoy (1). » En un mot, 
il place cette illustration bourbonnaise parmi les au¬ 
teurs qu’on doit proposer comme classiques à la fiu 
du XV e siècle (2). 


V. 


JEANNETTE DE NESSON- 

Si nous sommes heureux de rencontrer, sous notre 
plume, un nom de femme, nous n’en regrettons que 

(1) Cette même citation se troave, avec quelques noies, dans 
l'introduction que M. F. Génin a placée en télé de VEclaircissement 
de la langue française par Jean Palsgrave, suivi de la grammaire de 
Gilles du Guey, publiés, pour la première fois, en France, en 
1852. 

(2) Quoique nous ayons déjà donné les numéros anciens sous 
lesquels se trouvent, à la Bibliothèque impériale, les différents 
ouvrages de Nesson, nous croyons devoir ajouter qu’ils sont main¬ 
tenant classés, dans le nouveau Catalogue, fonds français, ainsi 
qu’il suit : N°* 7689, 7847, 7886, 7374 (3.3), 7839, 8623, 8008 
(3.3.5) et 9636. 


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338 


POÈTES BOURBONNAIS. 


plus vivement l’absence de documents qui auraient 
pu nous aider h faire revivre cette personnalité 
poétique du XV* siècle. Quelques vers de Martin 
Franc et de Jean Bouchet, tels sont les vestiges bien 
fugitifs hélas! qui nous font connaître ce personnage. 
Que chanta cette fille ou cette nièce de Pierre de 
Nesson ? La guerre et ses misères, les malheurs de la 
patrie possédée par l’étranger, sa délivrance par la 
Pucelle ; oui, sans doute, car le cœur de la femme, 
comme celui de l'homme» sait s’enthousiasmer pour 
tout ce qui est grand, sacré, heureux et malheureux. 
Mais, nous aimons à croire, que les saintes émotions 
de la famille, ses joies et ses tristesses, surent ins¬ 
pirer la lyre de Jeannette de Nesson ; sans quoi, son 
génie aurait été incomplet, elle n’aurait connu qu’un 
côté de cette science divine qui devrait toujours se 
trouver au complet, chez la femme, pour qu’elle 
puisse remplir dignement le grand rôle que Dieu lui 
a assigné ici-bas. 

Puisque presque tout nous fait défaut, force est 
bien de nous contenter du peu que nous possédons; 
transcrivons donc les onze vers suivants. 

Donnons d’abord la parole à Jean Bouchet, auteur 
d’un grand nombre d’ouvrages singuliers en vers et 
en prose , qui sont encore recherchés des biblio¬ 
graphes. Dans son * jugement poëtic du sexe féminin, » 
il s’exprime ainsi : 

Je n'obliray la sublile Janette, 

Fille à Nesson, qui de rilhmc tant nccte 
Sceul bien user: 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


339 


Il la joint, ajoute l’abbé Goujet (1), à Christine 
Pisan, mère de Castel, à la femme de Jean, dit Cal- 
derin, docteur ès-droit, et à celle d’un autre Jean, dit 
André, qu’il qualifie aussi de docteur. 

Voici maintenant, pour terminer, les vers de Martin 
Franc, dans son « Champion des Dames: » 

Et m'esbahi que mol, ne son, 

N'a fait de belle Jeannette, 

Niepce de Pierre Nesson ; 

Elle vault qu'en ranc on la mette, 

Car rien n'est dont ne s'entremette ; 

El l'appelle on l’aultre Mynerve : 

Mais que peut faire une femmelle? 

Par Dieu, rien ; au moins qui trop serve. 


VI. 

HENRI BAUDE- 

M. Quicherat a publié, chez Aubry, en 1856, les 
vers de Maistre Henri Baude, avec les actes qui con¬ 
cernent sa vie, le tout précédé d’une notice des plus 
intéressantes. De son côté, M. Vallet de Viriville s’était 
déjà occupé de ce poète bourbonnais, dès avant 1853, 
puisqu’à cette époque, parurent les nouvelles re¬ 
cherches (2) sur Henri Baude, suivies du portrait et 
des regrets et complaintes de la mort du roi Charles 
VII. 


(1) bibliothèque française, t. IX, p. f80. 

(2) M. Quicherat avait déjà publié une étude, sur Baude, dans 
la Bibliothèque deVEcoledes Chartes , t. X, p. 93 et suivantes. 


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340 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Henri Baude, né à Moulins, vers l’an 1430, fut vite 
très-bien en cour ; ce qui lui permit d’obtenir de 
Charles Vil, dès 1458, une place d'élu des aides pour 
le bas Limousin, office qu’il occupa jusqu'à sa mort 
arrivée vers 1495, < laissant une certaine réputation, 
dit M. Quioherat, si l’on s’en rapporte à la personne 
qui nous a conservé ses vers, car elle ajoute à son 
nom la qualification de très-clair et renommé corn- 
poseur. » 

Au lieu de résider en Limousin, comme sa place 
semblait lui en faire un devoir, nous le voyons au 
contraire habiter presque toujours Paris, soit pour 
y suivre ses procès, soit pour y cultiver la poésie, au 
milieu de la société des beaux esprits du temps, 
exploitant son bénéfice au moyen de clercs et de 
greffiers qu’il aimait à prendre dans sa propre famille. 
Plusieurs mésaventures traversèrent cette existence 
qui aurait pu s’écouler calme et tranquille. D’un 
caractère libre et indépendant, il ne craignit pas de 
se mettre sur les bras quelques mauvaises affaires. 
Entre autres, celle que lui attira une satire ou mora¬ 
lité par personnages qu’il fit jouer à la table de mar¬ 
bre du palais, moralité qui plut assez à Charles VIH, 
représenté sous Ja figure d’une fontaine d’eau vive, 
« image de la pureté des intentions du jeune mo- 
« narque, » mais qui déplut fort à certains courti¬ 
sans qui crurent se reconnaître dans les < herbes, 
racines, roches, pierres, boues et gravois » qui trou¬ 
blaient la limpidité de cette source. Une autre fois, 
c’était pour avoir voulu exécuter, à son 'profit, un 
décret de justice, sur les biens du grand Batard de 
Bourgogne, qu’on le renfermait dans les oubliettes de 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


341 


Sainte Menehould. Grâce au parlement, au corps 
municipal de Paris et au sire de Bourbon, connétable 
de France, il put sortir, sans trop d’encombre, des 
nombreuses difficultés qui ne manquèrent pas de 
l’assaillir. (1) 

Le bagage littéraire de Baude n’est pas des plus 
volumineux, il ne se compose guère que de quelques 
morceaux relatifs à la politique ou aux mcèurs du 
temps, d’épigrammes, de rondeaux, de ballades, de 
devises en vers pour tapisseries et d’autres pièces de 
peu d’étendue, auxquelles il convient toutefoisd’ajou- 
ter un opuscule historique en prose (2) « très-ins¬ 
tructif et très-curieux » donné, comme anonyme, par 
l’historiographe Théodore Godefroy, en tête de ses 
historiens de Charles VII. Cet éloge ou portrait his¬ 
torique du roi Charles VII se divise en quatre cha¬ 
pitres dont voici les titres : Chap. I er de la vie, com- 
plexion et condicion dudit roy Charles; chap. II, de sa 
justice; chap. III, de sa guerre ; chap. IV, de ses finances. 

« Par le style et la contexture de ses œuvres, dit 
M. Vallet de Viriville, Baude appartient à la même 
catégorie que Villon, dont il fut le contemporain et 
l’émule. » A son tour, M. Quicherat ajoute : * Clé¬ 
ment Marot sut l’apprécier, car il le pilla; peut-être 


(1) Dans Tune de ses lettres adressées au duc de Bourbon, Baude 
« entonne l'éloge du Bourbonnais et décrit les productions ainsi 
que la prospérité de cette province. M. Quicherat. p. 64-74. 

(2) Le manuscrit de cet opuscule historique en prose se trouve, 
dit M. Vallet de Viriville, dans le manuscrit 6322 C, de la biblio¬ 
thèque nationale, au f° 35 — Le deuxième opuscule dont s'est 
occupé cet érudit et qu'il croit pouvoir attribuer à Baude est en vers 
et est intitulé : Regrets et complaintes de la mort de Charles VIL 


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342 


POÈTES BOURBONNAIS. 


est-ce à cause de cela qu’il ne se donna pas la peine 
de recueillir et de publier ses œuvres, ainsi qu’il fit 
pour François Villon. Villon et Baude sont de la 
même école. Tous deux ont préféré le sel gaulois à la 
magnificence amphigourique des poètes flamands. > 
Gomme spécimen, nous reproduirons le morceau 
intitulé : Bon dict de la nature d'une femme. 

Femme légiérc et do maulvaise affaire. 

Quant plus elle est contraincie et près tenue, 

Tant plus s’esforce à chose doffenduc 
Tost accomplir, à qui que doit desplaire. 

Le fier cheval contre son frain s’esforce, 

Qui trop le veult de la bouche contraindre : 

Mais s'on luv lasche ses resnes sans estraindre. 

Lors il s’arreste et modère sa force. 

Femme doibt en liberté honneste 
Contregardée sans trop la près lenir; 

Car qui la veult par rigueur maintenir. 

Plus tost faict mal, et moins au bien s’arresle. 


VII. 

JEAN ROBERTET- 

Un certain nombre de membres de la famille Ro- 
berlet, originaire du Forez, quoique revêtus des plus 
hautes charges et dignités, n’ont pas dédaigné d’em¬ 
ployer, les loisirs qu’elles leur laissaient, à cultiver la 
poésie. Les fonctions de secrétaire d’Etat et de tréso¬ 
rier des finances semblent s’être perpétuées parmi 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


343 


eux, sous les règnes de Charles VIII, de Louis XII, de 
François I er et de Henri II, c’est-à-dire pendant un 
siècle environ. 

L’un d’eux que M. Quicherat qualifie de lourd et 
qui remplissait les fonctions de Mécène auprès du 
duc de Bourbon, fut, nous dit-il, « le poète le mieux 
renté de France sous Charles VIII. » Jean Robertet, 
c’est ainsi que le nomme l’abbé Goujet, était, « en 
son vivant, notaire et secrétaire du roy nostre Sire, 
et de Monseigneur de Bourbon, greffier de l'ordre et 
du Parlement Delphinal (1). » A ce titre, ce Robertet 
appartient bien au Bourbonnais et doit par consé¬ 
quent être rangé au nombre des poètes de cette pro¬ 
vince. Il est plus que probable que notre Baude dut 
faire sa cour à cette puissance, afin de pouvoir obte¬ 
nir les faveurs du prince auquel il adressa les «lectres» 
dont nous avons déjà parlé. 

Jean Robertet, outre quelques élégies et com¬ 
plaintes que lui assigne Jean le Maire de Belges et des 
rondeaux manuscrits qu’on trouve dans le Balladié 
du Duc d'Orléans , avait traduit du latin en vers français 
des Ditz prophétiques des Sibilles, intercalés dans le 
troisième livre (Les Dits et Vaticinations des Sibilles) de 
la Nef des Dames vertueuses du docteur en médecine 
Symphorien Champier, volume in-4° imprimé à Lyon 
par Jacques Arnollet, en 1503. Lacroix du Maine 
rapporte qu’en 1531, il a été fait une édition des Dits 
des Sibilles de notre auteur. 


(1) Bibliothèque, française de l'abbé Goujet, t. X, p. 2(5. 

30 


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344 


POÈTES BOURBONNAIS. 


VIII. 

Il est un autre Robertet dont nous ne pouvons pas 
passer le nom sous silence, Jacques Robertet, le petit- 
fils du précédent ; car ce fut lui qui, par les cahiers de 
vers qu’il forma, sauva ainsi de l’oubli ceux du poète 
bourbonnais Henri Baude. Ces cahiers ou manuscrits 
se trouvent, à la bibliothèque impériale, sous les 
numéros 7685, 7686, 7687 du vieux fonds et 208 du 
supplément français. Telle est la source où a puisé 
M. Quicherat, pour nous donner son édition publiée 
chez Aubry en 1856. Ce Jacques Robertet doit être le 
même probablement que celui indiqué par Béthen- 
court, dans ses Noms féodaux, avec le petit nom de 
François et qui était auditeur des comptes de la 
Duchesse de Bourbonnais et possesseur de la terre et 
seigneurie de la Mothe Jolivet, acquise de Jacques 
Mynart, en 1516. C’était « un homme d'une grande 
instruction (1) ; * et, au dire de M. Vallet de Viriville, 
« un des littérateurs ou amateurs de littérature le 
plus autorisé de ce temps. » Clément Marot a fait 
l’éloge de son savoir dans la Déploration te la mort du 
ministre de François I er , Florimond Robertet (2) qui 
possédait une très-belle collection d’objets d’art, 
comme le prouve l’inventaire dressé par sa veuve, le 
4® jour d’août 1532 (3). 

(1) M. Quicherat, notice sur Henri Baude, p. 14. 

(2) Œuvres de Clément Marot. La Haye, 1731, t. III, p. 273 — 
293. 

(3) Voir à ce sujet, l’étude très-curieuse de M. Eugène Grésy, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 345 

Voici les vers extraits de la longue complainte de 
l’illustre poète de Gabors : 

Et un neveu, qui d'esprit, forme et art 
Semble Phébusâ la barbe dorée, 

De luy se sert dame France honorée 
En ses secrets: car le nom y consone : 

Si faict son sens, sa plume et sa personne. 


IX. 


Dans le XVI e siècle, nous trouvons, avec Claude 
Billard, deux des illustrations bourbonnaises qui 
eurent, assurément, le plus de vogue et de crédit, de 
leur vivant : le médecin astrologue Mizauld et l’infa¬ 
tigable traducteur Biaise de Vigenère. Sans entrer 
dans tous les détails que comporterait l’étude des 
œuvres de ces deux personnages, nous leur devons 
ici une place, comme poètes. 

X. 

ANTOINE MIZAULD- 

Antoine Mizauld naquit à Montluçon, vers 1510 (1) 
ou 1520 (2) et commença ses études à Bourges, pour 


membre résidant de la Société impériale des Antiquaires de France, 
dans le 30 e volume des mémoires de cette société. 

Dans le bulletin de la même Société, année 1869, M. Mabille 
fait paraître un travail sur cette famille, qui n'a pas encore été 
imprimé au moment où nous publions ces études 

(1) Biographie Didot. 

(2) Biographie Michaud. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


aller ensuite les continuer à Paris, sous la direction 
des maîtres les plus savants et les plus habiles de 
l’époque. Reçu jeune encore docteur en médecine, il 
se fit le disciple d’Oronce Finé, pour étudier l’astro¬ 
logie et toutes les sciences occultes. Devenu l’ami de 
ce célèbre professeur de mathématiques, Mizauld 
voulut écrire sa vie, comme témoignage d’amitié et 
de reconnaissance. C’est ainsi qu’adonné de plus en 
plus à ces nouvelles études, il abandonna complè¬ 
tement la médecine, pour pouvoir se livrer avec plus 
de facilité à là composition de ses nombreux et volu¬ 
mineux ouvrages qui tous dénotent les connaissances 
les plus vastes et les plus variées, noyées malheu¬ 
reusement au milieu d’élucubrations incroyables qui 
passaient alors pour les choses les plus sérieuses et 
les plus utiles. Que de progrès, grâce à Dieu, n’avons- 
nous pas faits ! 

Cultivant, et avec le plus grand succès, ces diffé¬ 
rentes branches des connaissances humaines, il n’est 
pas étonnant que notre médecin astrologue ait acquis 
une immense réputation. Nous ne serons donc pas 
étonnés d’apprendre, par la dédicace d’un de ses 
ouvrages poétiques : De mundi sphœra, qu’il avait ses 
entrées à la cour et que la priucesse Marguerite de 
Valois voulait bien l’admettre dans son intimité. 
Qualifié de divin, d'Esculape de la France, dans des 
vers faits en son honneur, vanté par de Thou lui- 
même qui ne craignit pas d’imprimer que « les écrits 
de Mizaud font paraître sa rare doctrine et son juge¬ 
ment exquis et qu'ils seront toujours estimés de ceux 
qui sont j uges compétents en ces sortes de matières, > 
on conçoit, sans peine, quelle devait être la situation 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


347 


brillante de notre compatriote dans le monde des 
lettres et des savants de ce grand et curieux XVI e 
siècle. Pour compléter ce portrait, ajoutons, avec 
Moreri, que Mizauld était extrêmement laborieux 
et qu’il joignait, à une érudition peu commune pour 
son siècle, un jugement droit et beaucoup de probité. 

Toutefois, cette position magnifique n’était pas à _ 
l’abri des mille misères inhérentes à la condition 
humaine. La jalousie, la haine et la méchanceté firent 
expier, plus d’une fois, à Mizauld, sa grande et légi¬ 
time réputation. Les médecins et les apothicaires 
entre autres, atteints eux aussi un peu plus tard par 
le génie de Molière, ne pouvaient pardonner à ce 
chercheur des causes des maladies dans la position 
des planètes entre elles ou à l’égard de la terre, l’active 
propagande qu’il ne cessait de faire en faveur des 
plantes médicinales qui, selon lui, devaient remplacer 
avantageusement les remèdes composés, c’est-à-dire 
toutes ces préparations pharmaceutiques plus ou 
moins scientifiques et rationnelles apprêtées dans 
les incroyables laboratoires du jour. 

La réputation de notre savant était assise sur des 
bases assez solides, pour pouvoir résister longtemps 
encore après sa mort arrivée, à Paris, en 1570 ou en 
1578. Nous voyons, en effet, dans le siècle suivant, à 
l’exemple de son confrère Frédéric Morel qui avait 
gagné beaucoup d’argent par la multitude des édi¬ 
tions qu’il fit de la plus grande partie des ouvrages de 
Mizauld, le libraire P. Ménard vouloir, à son tour, 
renouveler cette entreprise qu’arrêtèrent les obser¬ 
vations du bibliographe Naudé. 

Le catalogue des ouvrages de cette célébrité bour- 


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348 


POÈTES BOURBONNAIS. 


bonnaise, la plupart écrits en latin, ne renferme pas 
moins de cinquante-quatre numéros et se trouve très- 
détaillé dans le Dictionnaire de Moreri auquel nous 
renvoyons les personnes désireuses de connaître cette 
longue nomenclature. Quant à nous, nous nous bor¬ 
nerons à indiquer, avec le Miroir du temps, les Se¬ 
crets des jardins, les Secrets de la lune (1), la Nou¬ 
velle invention pour incontinent juger du naturel 
d’un chacun par la seule inspection du front et de ses 
linéaments, ses quatre ouvrages poétiques qui ont 
pour titres : 

1° De mundi sphœra, seu cosmographia, lib. 3, figuris 
demonstrationibus illustrati, à Paris, chez Cavellat, en 
4552, in-8°. 

Une autre édition de ce poème, dédiée à Marguerite 
de Valois, aurait paru en 1566 ou 4567. 

2° Zodiacus, sive duodecim signorum cœli hortulus, 
libris III concinnatus, à Paris, chez Gaillard, 1553. 

3° Planetœ, seu planetarum collegium, à Paris, chez 
Gaillard, 1553. 

4° Asterismi, sive stellarum cœli imaginum offictna, 
cum encomio doctri astronomi, à Paris, chez Gaillard, 
en 1553. 

Parmi les autres pièces de vers que Mizauld a en¬ 
core publiées, nous citerons celle qu’il fit pour dé¬ 
plorer le meurtre du président Antoine Minard, fils 
d’un trésorier général de notre province, tué d’un 


(t) M. Gustave Vallat, professeur au lycée de Moulins, a donné 
dans le Bulletin de la Société d'Émulation de l'Ailier, une étude 
sur les Secrets des jardins et une autre sur les Secrets de la lune de 
Mizauld. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


349 


coup de pistolet, en sortant du palais, pendant la 
nuit du 12 décembre 1559. Très-attaché à cette fa¬ 
mille, il dédia le second livre de ses Secrets de la 
nature à Antoine Minard, chanoine de l’église de 
Paris, et le troisième livre du même ouvrage à Pierre 
Minard, conseiller au parlement de Paris, tous les 
deux fils du président bien connu pour son zèle contre 
les protestants. 

Terminons par cette citation de Moreri qui, tout 
en reconnaissant qu’il aurait mieux valu, sans doute, 
pour la santé de notre compatriote, pour sa gloire 
et sa fortune, qu’il continuât la médecine, se plaît 
néanmoins à écrire: < Cependant comme l’astrologie 
et la recherche des secrets de la nature étaient du 
goût de son siècle, il obtint l’estime et l’amitié des 
savants ; et à Paris principalement, il fut recherché 
par les personnes les plus distinguées par leur rang 
et par leur science. Il eut l’honneur de compter entre 
ses protecteurs, Jean Olivier, fils du chancelier de ce 
nom, Pierre Séguier, président au parlement de 
Paris, Jacques Gougnon, doyen de l’église de Beauvais, 
et Jean le Charron, prévôt des marchands de Paris. 
Les marques d’affection et les bienfaits qu’il reçut de 
la famille des Minard l’attachèrent particulièrement 
à cette maison ; et il n’oublia rien pour en témoigner 
sa reconnaissance. > 

XI. 

BLAISE DE VIGENÈRE (1). 

Ce fut dans la petite ville de Saint-Pourçain, l'un 
(i) Ayant déjà fait paraître, dans le 8 e volume du Bulletin de la 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


des plus bénins endroits du Royaume (1), et non dans 
celle de Bourbon, comme le dit le P. Lelong, dans sa 
Bibliothèque sacrée, que naquit Biaise de Vigenère, le 
5 avril 1523, de Jean de Vigenère, écuyer du sieur 
de Saint-Pol en Bourbonnais, contrôleur ordinaire 
des guerres, et de Marguerite du Lyon, fille du sieur 
de Passât près de Montluçon. Jusqu’à l’âge de douze 
ans, Vigenère fit ses premières études dans la maison 
paternelle ; et pour les compléter, on l'envoya ensuite 
étudier, pendant quelques années, à Paris. A l’âge de 
dix-sept ans environ, il fut introduit à la cour, sous 
le patronage du premier secrétaire du roi, le général 
Bayard, qui possédait, non loin de Saint-Pourçain, la 
baronnie de la Font-Saint-Margeran ; il y resta pen¬ 
dant cinq ans, de 1540 à 1545. 

Si c’était toujours cette cour brillante et fastueuse 
de François I er dont les historiens du temps se sont 
plu à nous décrire les fêtes et les grandeurs, ce n’était 
plus, il faut bien le dire, en maître qu'y commandait 
le roi chevalier. Car, * cette royale figure qui sem¬ 
blait tout comprendre et hablaità merveille, était en 
réalité un splendide automate dans la main de sa 
mère, l’intrigante, violente et rusée Savoyarde ; et 
d’un homme d’affaires, Duprat, fin, vil et bas, qu'il 
prit pour chancelier. > (2) Aussi, quelles tristes 
ruines signalèrent les dernières années de ce règne 


Société d’Êmulation de l’Ailier, une étude biographique sur Biaise 
de Vigenère, nous en avons extrait les quelques pages que nous 
allons lui consacrer ici. 

(1) Préface de la traduction des trois dialogues de l’amitié. 

(2) Henaistancc par Michelet, p. 304. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


351 


commencé sous de si heureux auspices. L’impartiale 
histoire a, depuis longtemps, flétri les massacres de 
Mérindol et de Cabières, exécutés par le farouche 
d’Oppède et le vice-légat d’Avignon, Antonio Trivulzio. 
Alors, comme le raconte Sismondi, François I er sem¬ 
blait appartenir tout entier à la réaction catholique ; 
nos ambassadeurs servaient partout la politique de 
Charles-Quint et du Saint-Siège, et pressaient, avec 
menaces, àladiète de Worms, les Luthériens de recon¬ 
naître le Concile qui commençait à s’assembler à 
Trente. Biaise de Vigenère accompagna, à Worms, le 
comte de Grignan. Quelle part put-il prendre au triste 
rôle que joua dans cette assemblée l’ambassadeur de 
France ? C’est ce que l’histoire ne nous apprend pas ; 
ce silence est peut-être nécessaire à sa gloire. 

Après la rupture de la diète impériale, poussé par 
le désir de voir et de connaître, il voyagea en Alle¬ 
magne et dans les Pays-Bas. En 1547, il fut attaché au 
duc de Nevers ; et nous voyons, dans la préface de son 
traité des chiffres, qu’il resta toujours le serviteur de 
cette illustre maison. Toutefois, ce seigneur étant 
mort au mois de février 1562, et le comte d’Eu, son 
fils, ayant été tué à la bataille de Dreux, au mois de 
décembre suivant, il se retira de la cour, pour suivre 
les leçons de Turnèbe et de Dorât. Il se livrait sur¬ 
tout, avec ardeur, à l’étude du grec et de l’hébreu, 
lorsqu’une circonstance toute particulière vint lui 
permettre de se perfectionner encore dans cette der¬ 
nière langue. Envoyé en 1566 à Rome, comme secré¬ 
taire d’ambassade, Vigenère put consulter, dans 
cette ville, les plus célèbres rabbins de l’époque. 
Malheureusement, ébloui de leurs doctrines, il devint, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


il faut l’avouer, avec notre médecin astrologue Mi- 
zauld, l’un des plus grands et des plus célèbres par¬ 
tisans des rêveries cabalistiques. Aussi, partage-t-il, 
avec Jacques Gohori, Boissard, Adam Tanner, de 
Sponde, Caramuel et plusieurs autres, la gloire 
d’avoir défendu la mémoire du savant abbé de Spa- 
nheim, Jean de Trithème, accusé de magie et d’avoir 
commerce avec les démons (1). 

De retour en France, il se maria en 1570. Mais les 
soins domestiques ne ralentirent pas son ardeur 
pour l’étude, puisque ce ne fut qu’à l’âge de cin¬ 
quante ans qu’il se fit connaître par des traductions 
dont le succès dut l’étonner lui-même. Qui sait main¬ 
tenant qu’il fut égalé au traducteur de Plutarque et 
de Longus ? Bien plus, Duverdier va même jusqu’à 
le placer au-dessus d’Amyot et par anticipation au- 
dessus de tous les écrivains futurs. En effet, nous 
trouvons dans la Bibliothèque française que « Vigenère, 
entre tous les nourrissons des muses que la France 
ait enfantés, a si bien.dit, que l’on estime avoir clos 
la porte à tous ceux qui viendront par ci-après, soit 
en excellence de langage que de doctrine. > Dans la 
préface de la Vie d’Apollonius de Thyane , Artbus 
Thomas, l’un des continuateurs de Vigenère, « le 
nomme un excellent et rare esprit, un docte et élo¬ 
quent personnage auquel le public aura, à jamais,une 
perpétuelle obligation, pour l’utilité qu’il tire jour¬ 
nellement du fruit de ses labeurs ; un homme qu’au 
temps du paganisme on aurait pu nommer le grand 
démon du savoir, puisqu’il semble n’avoir rien ignoré. » 


(1) Dictionnaire historique de Moreri. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


353 


Enfin, Guillaume Sossius, dans sa vie latine du 
roi Henri IV, dit « qu’Amyot a été le premier qui ait 
enseigné à parler purement notre langue et qui ait 
su donner des nerfs au discours, mais que Vigenère 
y a ajouté du corps, de la charnure et des orne¬ 
ments. • 

Notre compatriote a donc joui, pendant sa vie, de 
tous les honneurs et de toutes les gloires réservés 
aux savants les plus heureux. Grâce à des succès 
aussi brillants et aussi extraordinaires, il fut nommé, 
en 1584, secrétaire de la chambre du roi Henri III, 
charge qu’il occupa jusqu’à sa mort dont la date est 
incertaine. Car les uns, comme le P. Lelong, Ghaudon 
et Delandine, le Dictionnaire biographique de Peignot, 
indiquent l’année 1596 ; De Coiffier Demoret donne 
la date de 1597 ; Duverdier, celle de 1593 ou 1594; 
d’autres, comme Baillet et l’inventaire de l’histoire 
journalière de Thomas Galiot, prêtre, assignent celle 
du 22 février 1599 ; enfin, la légende qui est sur son 
portrait, gravé par Thomas de Leu, marque qu’il 
mourut en 1595, à l’âge de soixante-treize ans. Pour 
nous, nous croyons devoir nous arrêter à la première 
date, celle de 1596, la trouvant en outre consignée 
dans le journal du règne de Henri IV de Pierre de 
l’Estoile dont le jugement sur notre compatriote peut 
se résumer en ces deux mots : « C’était un homme 
très-docte, mais vicieux. » Selon le P. Nicéron, les 
restes mortels de Biaise de Vigenère furent déposés, 
à Paris, au haut de la nef, côté gauche, de l’église 
Saint-Etienne-du-Mont. 

Les ouvrages en vers français laissés par notre 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


compatriote (1) ne sont tous que des traductions de 
différentes parties de la Bible : les psaumes de David 
qu’on retrouve dans un autre ouvrage de Yigenère, 
les Prières et Oraisons ; le livre de Job, les Proverbes de 
Salomon, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques et les 
Lamentations de Jérémie, le tout accompagné d’anno¬ 
tations tirées de la Cabale, du Zoar et du Talmud. 

La bibliothèque de la Société d’Èmulation de l’Ailier 


(1) Nous renvoyons, à uotre étude biographique sur Biaise de 
Vigenère, pour le catalogue détaillé des trente ouvrages environ 
qu'il a laissés, nous contentant d'indiquer simplement le titre de 
chacun des ouvrages que nous n'avons pas déjà cités : 1° Les Chro¬ 
niques et Annales de Pologne, jusqu'à Henri de Valois. — 2° Des¬ 
cription du Royaume de Pologne et païs adjacents, etc. — 
3° Entrée du roy Henri III à Mantoue. — 4° Les Commentaires 
de C. Jules César des guerres de la Gaule. — 5° Histoire de la 
décadence de l'Empire grec et établissement de celui des Turcs. 
— 6° Traité des Comètes, ou Étoiles chevelues. — 7° Trots dia¬ 
logues de l'amitié. — 8° Les cinq premiers livres de l'histoire 
romaine de Tite-Live. — 9° Les images ou tableaux de plate pein¬ 
ture de Philoslrate Lemnien. — 10° Les histoires de Tite-Live. — 
11° De la conquête de Constantinople par les barons françois asso¬ 
ciés aux Vénitiens. — 12° Le traité de Cicéron de la meilleure 
forme d'orateurs — 13° Traité des chiffres. — 14° De la péni¬ 
tence et de ses parties.— 15° Discours sur l'histoire de Charles VII. 
—16° La suite de Philostrate. — 17° La niérusalem de Torquato 
Tasso rendue françoise. — 18° L’art militaire d’Oncsander. — 
19° Philoslrate, de la vie d'Apollonius Thyannéen. — 20° Traité 
du feu et du sel. — 21° Le traité d’Agapet, diacre de la grande 
église de Constantinople, de l'office et des devoirs d'un bon 
prince. — 22° Les derniers propos de Madame la princesse de 
Condé, marquise d'Usyes.— 23° L’aiguillon de l’amour divin de 
Saint-Bonaventuremis en français. — 24° Un traité sur les lampes 
des anciens. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


355 


possède un assez grand nombre d’ouvrages de 
Vigenère, malheureusement elle n’a, dans le genre qui 
nous occupe, que les prières et oraisons qui renferment 
aussi la traduction, en vers français, des psaumes. Un 
autre volume de cette collection nous permettra 
même de dire quelques mots sur le psautier. 

C’est en l’an de salut 1587, et de son âge le 65 e , 
ainsi que cela se voit à la dernière page du Calen¬ 
drier romain, que Biaise de Vigenère * s’exerçoit à 
ceste version du psaultier. » M. Arthur Dinaux, 
membre correspondant de l’Académie des inscrip¬ 
tions et belles-lettres, avait noté, en 1858, < de son 
écriture finement menue, > (1) sur une garde spé¬ 
ciale d’un volume du calendrier romain faisant partie 
de sa précieuse bibliothèque, que cet opuscule avait 
été composé pour orner et précéder la traduction du 
psautier en vers libres, dont une édition parut 
en 1588. 

Sur les dernières années de sa vie (2) et par le 
Commandement du duc de Nevers, comme il nous l’ap¬ 
prend dans sapréface,Vigenère « rengea les pseaumes 
de David en prières, de ceste sorte de demy poésie 
dont j’avais quelques années auparavant tourné le 
Psaultier.... Et ce en coupplets égaux, et semblables 
les uns aux autres : mais de différentes cadences et 
mesures, les divisant en quatre ou cinq parties.... 

(1) Préface de M. Gustave Brunet placée en tète de la première 
partie du catalogue de la bibliothèque de feu M A. Dinaux, librairie 
Bachelin — Deflorenne, 1864. 

(2) D’après cette même préface ou épitre, cet ouvrage aurait été 
commencé, au mois de septembre 1593, au moment où le duc de 
Nevers se rendait à Rome. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


Et à tout nous avons premis des arguments, avec 
plusieurs discours concernans le faict d’icelles, la 
pluspart tirez du Zoar, du livre d’Abahir, ou de la 
splendeur; du Midras Tehilim, et aultres escrips peu 
vulgarisez et battus encore ;.... » 

Cet ouvrage divisé en plusieurs parties ou chapitres 
est dédié à très-illustre et catholique prince, monsei¬ 
gneur Lodoico Gonzaga, prince de Manthoüe et de 
Timeraye ; duc de Nivernois et de Rethelois, comte 
d’Auxerre, pair de France, etc. Dans l’un de ces cha¬ 
pitres, en quel langage on doit prier, et des prières 
mentales et verbales, on trouve une belle et simple 
définition de la prière qu’on nous permettra de repro¬ 
duire. * Quest-ce doncq que de la prière ? C’est une 
sorte de voix autre que celle que nos oreilles par- 
çoyvent; si qu’il n’est point de besoin quelesparolles 
de nos prières soyent entendues, ains qu’on prie en 
silence par ceste maniéré de voix qui n’est point per¬ 
ceptible à l’oyé : et est ceste voix tousjours très 
agréable à Dieu, etdeluy bien receue et conséquem- 
met exaucée, parce qu’elle ne cherche qu’à s’unir à luy. 
La voix donc tacite et muette, est la souveraine de 
toutes autres, qui luy sont comme subalternes (1). » 
Pour donner une idée de la manière dont notre 
poète a traduit les admirables chants du roi prophète, 
faisons une citation. Nous avons choisi le psaume I er 
dans lequel David, sous une comparaison sensible, 
oppose le bonheur de l’homme juste au malheur des 
méchants (2). 


(1) Des prières cl oraisons, p. 69. 

(2) id. p. 326. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


357 


Bien-heureux est qui ne se laisse 
Aller au conseil des meschans, 

Qui ne s'areste sur les voyes 
Des pécheurs, et ne veult hantee 
La pestifere mocquerie. 

Ains a remis tout son vouloir 
En la loy de Dieu, ou sans cesse. 

Il va méditant nuict et jour. 

Pour obéir à ses préceptes, 

Et garder ses commandemens. 

Car il sera comme un bel arbre 
Planté vers le courant des eaux 
Dont en sa saison oportune 
Le fruict vient à maturité, 

Sans qu’une seule feuille en tobe. 

Tous ses faicts iront prosperans 
De plus en plus, mais uns impies 
Serez semblables au poulsier 
Que le vent de dessus la terre 
Enleve. et chasse à son plaisir. 

Et pourtant tous ces détestables 
Ne se pourront au jugement 
Relever, ny parmy les justes 
Comparoir : car. Dieu cognoist bie 
Les voyes des uns et des autres. 

Sans doute, on ne peut égaler notre poète-traduc¬ 
teur au grand poète de la Réforme. Avec ses cantiques. 
Clément Marot veut passionnner et entraîner les 
masses pour les idées nouvelles ; Vigenère traduit 
simplement les psaumes de David, pour les âmes 
restées fidèles au vieux catholicisme, et on ne peut 
nier qu’il se soit servi avec assez de bonheur d’une 
langue à peine formée. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


XII. 

CLAUDE BILLARD. 

Claude Billard, né à Souvigny, en 1550, fut élevé, 
d’après l’épitre dédicatoire de sa tragédie de Saül, 
dans la maison de Madame la Duchesse de Retz, mère 
de l’évéque de Paris. Ce seigneur de Courgeney devint 
conseiller et secrétaire des commandements et fi¬ 
nances de la reine Marguerite, après s’étre distingué, 
si on l’en croit, par plusieurs actions de valeur, pen¬ 
dant le temps qu’il resta sous les drapeaux. 

« La poésie qu’il aima dès la première jeunesse, 
continue l’abbé Goujet (1), l’occupa jusque dans un 
âge avancé. Voici ce qu’il nous en dit lui-même en 
commençant son poème héroïque: » 

Sillé des vanités, de l’âge et de la cour, 

J’ai chanté deux beaux yeux, enchanté de l’amour : 

Ravi de la fureur des vierges hypocraines. 

J’ai immortalisé les plus grands capitaines, 

Et gravé valeureux le notn de la valeur, 

Sur les plus saincts Autels du Temple de l’honneur. 

Sous un mâle courage, et d’une voix hardie 
J’ay tonné dans mes vers, faict voir la Tragédie 
Brave sur le théâtre en son parler François, 

N’emprunter que le nom du Cothurne Grégeois. 

Tout cela vanité; le déclin de mon âge 
Cherche d’autres lauriers, élève mon courage 
D’une flâme plus vive, et tait luire à mon œil 
Autre amour, autres feux, autres rais de soleil. 


(1) Bibliothèque française, t. XIV, p. 501. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


359 


ClaudeBillard estl’auteurdes ouvrages suivants: (1) 
d° vers funèbres français et latins sur le vrai discours 
de la mort de M. le duc de Joyeuse ; —carminagræca 
et latina in obitum ducis Joyosiæ, Paris, 1587, in-4°. 
2° Catalogue de la biSliothèque Richelieu. 3° Poésies 
amoureuses. 4° Huit tragédies : Polyxène, Gaston de 
Foix, Mérovée, 1607 ; Panthée, Saül, 1608 ; Alboin, 
Genèvre, 1609 ; la mort de Henri IV, 1610.5° L’Eglise 
triomphante, poème héroïque. 

La bibliothèque publique de la ville de Moulins 
possède, sous le n° 1955 de son catalogue, le volume 
des tragédies du seigneur de Courgeney. Sans contre¬ 
dit, si le morceau de prose qu’il adresse au lecteur, 
en guise de préface, n’était pas si long, il serait vrai¬ 
ment curieux de le reproduire en entier; car il 
montre jusqu’à quel point on peutêtre infatué de soi- 
même, pour ne rien dire de plus, fatuité qui heureu¬ 
sement u’empêche pas notre compatriote de recon¬ 
naître « qu’il n’y a rien de parfait entre les auteurs.» 

Ce poète a une manière particulière pour se rendre 
les gens favorables, manière qui serait peu de mise 
aujourd'hui, si tant est qu’elle l’ait jamais été. A quoi 
bon, en effet, être si sévère, dit-il au lecteur ; puisque, 
« pour uoe seule prise que la fragilité humaine te 
semblera donner sur moi, j’en pourray avoir quelque 
jour cinquante sur tes œuvres, lorsqu’il te prendra 
envie de mettre les voiles au vent, possible avec 
moindre équipage, et plus mal munitioné que je ne 
suis. » Bien plus, il ne craint pas d’aller au-devant 


(1) Bibliothèque française de l’abbé Goujet, l. XIV, p. 392.— 
Nouvelle biographie générale de Didol, 1862-1866 

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360 


POÈTES BOURBONNAIS. 


des objections qu’on pourrait lui adresser. Aussi, tout 
en affirmant naïvement qu’il ne manque < ni de sura¬ 
bondance d’inventions, ni de mots, » il veut bieu 
avouer qu’il a parfois rendu ses monologues un peu 
longs; mais tout aussitôt il explique la nécessité de 
ces longueurs. 

Laissons là tous ces petits détails et arrivons, avec 
l’auteur lui-même, au point capital de la discussion 
qu’il vient d’engager: « Quant aux sujets de mes tra¬ 
gédies, tel les voudra dire peu tragiques, au moins 
quelques-uns, auquel je sçauray bien clorre la bouche, 
luy apprenant, s’il ne le sçait, qu’où il y a effusion de 
sang, mort, et marque de grandeur, c’est vraie ma¬ 
tière tragique: si l’on ne désiroit, pour l’avoir plus 
sanglante, exterminer toute une nation, comme fit 
cet insolent vainqueur Alexandre, expiant les Mânes 
de son Ephestion, non content d’avoir fait mourir bien 
à la légère un pauvre médecin, asses affligé, qui ne 
pouvoit mais de l’intempérance de son maistre, ny de 
la cholère du Roy. Pour mes rymes, je pense les avoir 
rendues assez riches, si ce n’est és-endroits où elles 
n’ont deu estre préférées à quelque belle sentence 
sans m’y rendre en ce cas autrement esclave, ny me 
violenter à contre temps. Fort esloigné de l’humeur 
noire et fascheuse, d’un tas de fous mélancholiques, 
plus ambitieux du nom de simples grammariens et de 
l imeurs, que de la sacrée fureur de poète. Aussi ne 
se trouvera-il habille comissaire qui les laisse jamais 
passer à la motredes Princesses du saint mont de 
Parnasse. » 

Le travail est long, la besogne est difficile, Billard 
voudrait qu’on l’encourageât, qu’on lui donnât du 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


361 


cœur à l’ouvrage ; voilà pourquoi il fait entendre, à 
la fin de sa préface, ces paroles : * Si ces essais (ses 
tragédies) te sont agréables, tu m’encourageras de 
mettre bien tost au jour mon Eglise triophaute, 
poëme héroïque de treize mille vers, qui pourront 
(si je ne me trompe) passer partout, sous le passe¬ 
port de ce grand Dieu, duquel j’ay esté inspiré en 
l’œconomie d’un si bel œuvre. » 

Quoi qu’il en soit de l’amour-propre exagéré de 
notre compatriote, il faut dire, pour être vrai, que 
ses tragédies méritent assurément d’être sauvées de 
l’oubli et que certains morceaux peuvent avantageu¬ 
sement être cités. C'est pour donner cette preuve, 
que nous voulons reproduire les deux ou trois fra¬ 
gments suivants. 

Ecoutez, par exemple, la princesse Polyxène, cette 
fille de Priam, parler, dès le début du deuxième acte 
de cette tragédie, des grandeurs humaines et de leurs 
fragiles soutiens: 


Misérables apuis des grandeurs incertaines, 

Grandeurs non, mais plustosl visions les plus vaines 
D'un fol melancholic, quand la brûlante humeur 
Fait penser estre vray ce qu'un cerveau peu-meur 
Lui va représentant, lorsque sa fantaisie 
Est du premier object d’heure en heure saisie. 

Les sceptres sont ainsi : le théâtre où les Roys 
Joüent leur personnage, on y change par fois 
De qualité, de rang, et n'y a si grand Prince, 

Qui ne puisse estre un jour le rien de sa province. 

Dans la tragédie de Saul, voilà comments’ exprime, à 
la fin du quatrième acte, un chœur desdames d’Israël, 


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362 


POÈTES BOURBONNAIS. 


déplorant les malheurs de la patrie « pressée des 
Philistins: » 


Ha filles de Sion ! vos beaus jours sont ternis: 

Vos oeillets les plus beaus de la chaleur fanis 
Pànchent le chef en terre : 

Pour avoir transgressé la loy du Dieu vangeur, 

11 moissonne Israël par la faim, par la guerre 
Sous la faux du vainqueur. 

Malheureux est le peuple ou régnent les pechez: 
Malheureux sont les Rois de vices entachez: 

L'erreur de la commune 

Se vangeaur le Prince: et les fautes des Rois, 

Font courir mesme risque, et non moindre fortune 
Ceux qui suivent leurs loix. 

Fuiez ees vaisseaux plains de pécheurs obstinez : 

Les innocens comme eux des flots environnez 
Courent mesme naufrage : 

Le vice, et la vertu pesle-mesle engagez, 

Le vice entrainne l’autre, et tous deux en l’orage 
Sont à coups submergez. 

La main du Dieu vangeur est pesante sur nous: 

Ce n’est peu l’irriter : dès qu’il est courrous, 

11 envoit sur nos testes 

La faim, la peur, la peste, et le sanglant effort, 

Inévitable coup de cent mille tempestes 
Qui nous donnent la mort. 

Mais mourir en sa grâce, et mourir l’adorant, 

Celui qui meurt ainsi vil toujours en mourant, 

Sa vie est immortelle : 

La mort n’est qu’un sommeil au favori des cieux, 

Mais ce somme est de fer à l’âme criminelle, 

Qui s’adonne aux faux dieux. 

Le dernier morceau que nous désirons transcrire 
est tiré de l'acte cinquième de la tragédie d’Atboin, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


363 


roi des Lombards, et exprime d'une façon très-heu¬ 
reuse, aussi bien sous le rapport des pensées que du 
style, le bonheur de deux cœurs bien unis, en voici le 
commencement : 

Heureux qu’une saincte moitié 
Unit de sa chaste amitié : 

Heureuse l'union fatale 
Des couples qu'une chaste amour 
Tient unis jusqu'au dernier jour 
Sous une chaîne conjugale. 

L'amour de son aile evenlant. 

Ce couple heureusement contant. 

Brave la fortune inconstante : 

Seme de roses, et de liz. 

Enchaîne d'œillets frais-cueillis 
L'audrogine qui les enchante. 

L'honneur père de chasteté 
Frère de la fidélité, 

Fait tout de mesme que l'Hermine 
Qui plustôt que souiller son blanc, 

Aime mieux sentir dans le flanc. 

Le fer, la mort, et la ruine 

Entre les geines et les fers, 

Au millieu mesme des enfers, 

Dans les prisons plus inhumaines 
Ces amants chastement unis 
Ne voient leurs beaux jours finis 
Bien qu'ils voient doubler leurs peines. 

La preuve promise faite et bien faite, pensons-nous, 
il nous sera maintenant permis de donner quelques 
autres détails sur le volume que nous étudions. 
Disons d’abord que si, dans leur ensemble, ces tragé¬ 
dies sont dédiées au bon roi Henri IV, elles le sont 
chacune, en particulier, à une puissance du jour. Ce 


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364 


POÈTES BOURBONNAIS. 


sera, par exemple, à Madame la princesse de Conty 
que sera dédiée la tragédie de Polyxène et M. le duc 
de Rohan, pair de France et prince de Lyon, recevra 
la dédicace de celle de Mérovée. C’est ainsi que, tour 
à tour, nous voyons apparaître les plus grands noms, 
comme le duc et la duchesse de Nevers, l’évéque de 
Paris, Mesdemoiselles de Rohan et le duc de Retz qui 
tous étaient bien à même de pouvoir servir l’ambi¬ 
tion de Billard, désireux de briller sur un plus vaste 
théâtre que celui de sa seigneurie de Courgeney. 
Nous n’en ferons aucun reproche à notre compa¬ 
triote. Le cœur de l’homme est toujours et par¬ 
tout le même ; le XIX e siècle ne le cède en rien 
sur ce point, comme sur tant d’autres du reste, au 
XVII e , ainsi qu’à ceux qui l’avaient précédé. Ce que 
Billard aurait voulu, nous pouvons bien ledire, puis¬ 
qu’il le réclame, dans sa dédicace en prose à Henri IV, 
c’est que Sa Majesté le « daignoil advoüer pour sien 
et l’honnorer des commandements d’engraverdans le 
sainct temple de Victoire la vie très-illustre, et les 
trophées, du plus grand, et victorieux Monarque de 
ce siècle, qui n’aura jamais autre. » Malheureuse¬ 
ment, les destins lui furent contraires ; il n’eut jamais 
cette place d’historiographe qu’il convoitait tant. Ce 
ne fut pas la faute, reconnaissons-le, de tous les 
autres poètes, ses émules, qui se plurent à lui adres¬ 
ser les éloges les plus flatteurs, trop flatteurs sans 
aucun doute ; on n’a qu’à lire, pour s’en convaincre, 
les vers de De-Sonan, de Claude Billard son fils, jeune 
écolier de quinze ans, de Motin, d’Habert qui se 
trouvent les uns et les autres en tète des tragédies. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 365 

En veut-on un échantillon? Qu’on lise ces deux vers 
d’Habert qui ose dire : 

A Sophocle, Euripide cl Seneque il fait honte. 

Jodele, La Peruse, et Garnier il surmonte. 

Nous ne quitterons pas les tragédies du seigneur 
de Courgeney, sans mentionner qu’on trouve, à la 
fin du volume, un « sonnet pour la brave et divine 
Marfise de Rohan, duchesse des Deux-Ponts, très- 
belle , très-sçavante et très-vertueuse Princesse, » 
ainsi que deux autres morceaux, à savoir : un dialo¬ 
gue et des larmes sur la tombe de cette chaste et ver¬ 
tueuse Marfise. Ces trois pièces sont peu de chose 
sans doute, si on les compare aux œuvres drama¬ 
tiques dont nous ne pensons pas. avoir trop longue¬ 
ment parlé; mais, nous avons cru que nous ne 
devions pas les passer sous silence, cherchant à ne 
rien omettre de ce qui peut appartenir aux différents 
personnages dont nous essayons de tracer le por¬ 
trait. 

Quoique ayant déjà dédié, comme nous venons de 
le voir, le recueil de ses sept premières tragédies 
à Henri IV, en 1610, Billard fut au nombre de ceux 
qui, après l’assassinat de ce prince, appelèrent, à 
leur aide, le grec, le latin, le français, l’italien et 
l’espagnol, pour déplorer ce crime et exprimer la 
douleur de la France. Guillaume du Peyrat, l’un des 
aumôniers du feu roi, réunit ces différents morceaux 
en un même volume qui parut en 46H (1). Nous 


(I) Bibliothèque française de l’abbé Goujct, l. XV, p. (il cl 65. 


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366 


POÈTES BOURBONNAIS. 


pouvons même ajouter que la mort de Henri IV, tra¬ 
gédie en cinq actes et en vers du poète bourbonnais, 
fut représentée devant la reine Marie de Médicis en 
1610 et qu’elle a été réimprimée, au commencement 
de ce siècle (1806), à Paris, chez Léopold Collin, au 
moment où apparaissait sur le théâtre celle de 
Legouvé. 

Malgré les assertions de M. de Beauchamps et des 
autres auteurs de l’histoire du théâtre français, l’abbé 
Goujet affirme que le poème héroïque, l’Eglise triom¬ 
phante, ne renfermant pas moins de treize mille vers, 
a été imprimé à Lyon, dans le format in-8°, en 1618, 
avec deux dédicaces , l’une à la Sainte Vierge, 
l’autre à Marie de Médicis, mère de Louis XIII. 
Laissons donc encore la parole au même biographe, 
puisque c est le seul moyen que nous ayons de pou¬ 
voir donner quelque idée de ce curieux et singulier 
ouvrage qui renfermerait, t sans compter beaucoup 
de digressions hors d’œuvre, plusieurs réflexions fort 
déplacées. » 

« Ce poème est divisé en treize livres, dont cha¬ 
cun contient sept ou huit cens vers, et quelquefois 
plus. La révolte des mauvais Anges, leur punition 
et la chute de 1 homme, sont le sujet du premier 
livre. Dans le deuxième, le poète nous transporte 
tout-à-coup au tems de Moyse, et décrit la déli¬ 
vrance du peuple d'Israël de la servitude d’Egypte, 
le passage de la Mer Rouge, les suites de cet événe¬ 
ment, les quarante années du désert, et ce qui est 
arrivé durant ce tems de plus remarquable. La des¬ 
cription de la Terre promise commence le troisième 
livre, qui continue par le récit des victoires de Josüé, 


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POÈTES BOURBONNAIS- 


367 


de celles des Philistins, et de l’histoire de Samson. 
On lit dans le quatrième et dans le cinquième les 
événements les plus considérables décrits dans les 
livres historiques de l’Ecriture-Sainte. La vie de J.-C., 
ses miracles, sa mort, sa résurrection, son ascension 
au Ciel, la descente du saint Esprit, la prédication 
des Apôtres, le zèle des Martyrs, font le sujet du 
sixième livre et des deux suivans. La naissance et 
les progrès des hérésies, en particulier de celles de 
Luther et de Calvin, sont l’objet du neuvième livre. 
Dans le dixième, il fait le parallèle de la conversion 
de Constantin avec celle d’Henri IV. L’onzième con¬ 
tient un abrégé de l’Histoire des Sarrasins, et de leur 
défaite par Charles Martel. Le douzième est sur l’Ante- 
Christ, les persécutions qu’il doit faire souffrir à 
l’Église de Jésus-Christ, la mort d’Elie et d’Hénoch, 
et le renversement du règne de l’Antéchrist même. 
Enfin, dans le treizième, le poète parle du dernier 
avènement du Sauveur, du Jugement dernier, et du 
sort des élus et des réprouvés. » 

Claude Billard « tout rebuté de la fortune adverse, 
et de ce siècle ingrat, » mourut, vers 1618, dans son 
pays natal, à son 


. . . ..Lynterne de CourgcneL : 

Plus riche de lauriers, d'honneur cl de mérites, 
Que de bienlails des Rois, que mes braves Cariles 
Ont immortalisés. 


Chargé de neuf enfans, sans pension aucune, 
Office, ny bienfait (1). 


(1) Ces quelques vers détruisent le fait relaté par VAncien bout- 


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368 


POETES BOl'KBON.NAIS. 


XIII. 


Avec le XVII e siècle, les noms abondent ; nous pou¬ 
vons en effet citer, avec Jean de Lingendes, Henri 
Aubery, Estienne Bournier, Chouvigny de Blot, Saint- 
Aubin, Gilbert Gaulmin et Pierre Bizot. 


XIV. 

HENRI AUBERY- 

Les deux dates données, par les ouvrages sur le 
Bourbonnais de MM. de Coiffier Demoret et Achille 
Allier, relativement à la naissance d’Aubery, ne sont 
pas exactes, si l’on s’en rapporte au dictionnaire de 
Moreri qui indique que ce ne fut qu’à l’àge de trente 
ans et en 1601 que ce membre de la noblesse entra, 
à Toulouse, dans l’ordre des Jésuites. Cette indication 
ferait, en effet, remonter la naissance de cet enfant 
de Bourbon-l’Archambault, à l’année 1571 et non aux 
années 1569 ou 1559. 

Doué d’une belle intelligence et d’un vaste savoir, 
Jean Henri Aubery enseigna, avec beaucoup de répu¬ 
tation, les belles-lettres, dans plusieurs villes où son 
ordre l’envoya successivement, pendant une période 
d’une vingtaine d’années. Malgré ses nombreuses 


bonnais, à savoir que Claude Billard serait mort, en 1618, gou¬ 
verneur du château de Moulins. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


369 


occupations, comme professeur, notre compatriote, 
ami de l’étude et du travail, trouvait encore le moyen 
de composer une assez grande quantité d’ouvrages 
poétiques, pièces ou morceaux de circonstance que 
le dictionnaire refondu de Moreri a enregistrés (1), 


(I) Voici la liste des ouvrage» de J. H. Aubery telle qu’on la 
trouve dans Moreri. 

1° Elegiarum biga: à Toulouse, 1616, in*8°. — La première de 
ces élégies est sur la mort de Henri IV, la deuxième traite de la 
captivité des Juifs. 

2° Missas pœticus, sive varia carmina, elegiæ, pœmata epica, 
lyrica: à Toulouse, 1617, in-4°. 

3° Cyrus, tragœdia carminé hcroïco : accessit psalmi 127 para¬ 
phais elegiaca : à Toulouse, 1619, in-4°. 

4° Vota pro salule regis: à Toulouse, 1620, in-4°. 

5° Votum pro rege christianissimo Ludovico XIII : à Toulouse, 
16*1, in-4°. 

6° Thomæ Bonsii Bilerrarum anlislilis profeclio : à Beziers, 1625 
in-4°. 

7° Henrici Borbonii primi Franciæ principis in Galliam Narbo- 
nensem et Aquitaniam iter; à Paris, 1629, in-4°. — (La biblio¬ 
thèque publique de la ville de Moulins possède cet ouvrage sous le 
n" 1719 de son catalogue.) 

8° Henrici Borbonii principis e Galliâ Narbonensi in Ccllicam 
reditus : à Paris, in-4°. 

9° Theogonia seu de diis gentium hendecasyllabon libri duo : à 
Toulouse, 1637, in-8°. 

10° Leucata triumphans : Carmen in Leucatam obsidionc libéra- 
tam : à Toulouse, 1638, in *4°, et dans le Parnassus socictatis Jesu , 
class. 1, partie 2, p. 410, à Francfort, 1654. 

Il 0 Delphini genethliacon ; à Toulouse, 1638, in-8°, et à Paris, 
1639, in-4°. 0 

12° Thomæum, sive sancti Thomæ Aquinalis gloriosum scpul- 
crumTolosæ: à Toulouse, 1651, in-4°, et dans le Parnasse cité, 
partie 2, p. 538. 


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370 


POÈTE BOURBONNAIS. 


d’après des mémoires manuscrits laissés par le P. Du- 
din qui est surtout connu par ses travaux pour la 
bibliothèque latine des écrivains de la Société de 
Jésus. 

Ces différentes productions ont été imprimées les 
unes à Toulouse, une seule à Béziers, d’autres à Paris, 
à Auch, voir même une à Francfort. 

L'Ancien Bourbonnais caractérise ainsi ce genre de 
poésie : « En général cette poésie sent beaucoup plus 
le rhéteur que l’homme inspiré, elle abonde en mé¬ 
taphores et en comparaisons empruntées à la mytho¬ 
logie païenne. C’était le goût du temps, aussi notre 
poète jouissait-il d’une grande réputation en pro¬ 
vince, » comme le prouve suffisamment le morceau 
placé en tête de l’un de ses ouvrages : 

Illustre habitant du Parnasse. .. 


Tes œuvres qui donnent la vie 
Et remplissent le souvenir 
Pour tous les siècles à venir, 

Vont au delà du temps et des lois de l'envie : 


15° Virgo Burgueriana, sive divagratiæ conciliatrix: à Toulouse, 
1641, in-4°, ei dans le Parnasse cité, partie 2, p. 547. 

14° Ob expugnalum Curtracum a duce Aurelianensi, e gallico 
Guillelmii colletteti tetradecasticon : à Paris, 1646, in-4°. 

15° Diva virgo Guarazonia : à Auch, 1650, in-4°. 

16° Diva virgo Rocavillæa : 17° Diva virgo Berelana : 18° Augustæ 
Auscorum carmen : à Auch. — (Nous pouvons ajouter, d’après 
Y Ancien bourbonnais , que, dans ce dernier poème latin, Aubery 
loue surtout la ville d'Auch, d'a\pir la première cultivé la poire 
de Bon-Chrétien importée en Gaule par Pompée et pour laquelle, 
dit notro poète, les dieux de l'Olympe auraient abandonné le 
nectar et l'ambroisie, si ce fruit avait alors été connu.) 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


371 


Elles ne peuvent point périr. 

Puisque pour se faire chérir 
Leurs beautés n'ont point de pareilles. 

Les Cieux en sont ravis en voyant tanl d'appas, 

Les mettent au rang des merveilles 
Qui ne souffrent jamais les rigueurs du trépas 

Aubery (1) mourut, à Auch, à l’âge de quatre- 
vingts ou quatre-vingt-un ans. Moreri, de Coiffier et 
l’Ancien Bourbonnais s’accordent, cette fois, pour 
assigner à cette mort la même date, celle de 1652 (2). 

XV. 

ESTIENNE ROURNIER- 

M. Ripoud, ce type du bibliophile studieux et mo¬ 
deste que nous avons tous connu, nous a révélé 
Estienne Bournier (3), grâce à un hasard heureux 
qui lui avait fait découvrir dans la bibliothèque pu¬ 
blique de la ville de Moulins, son jardin d’Apollon et de 
Clémence, imprimé, en 1606, à Moulins, chez Pierre 
Vernoy, marchand libraire (4). 

( I ) Nommons deux autres membres de cette famille : Jean Au¬ 
bery qui devint médecin du duc de Monlpensier et qui, entre 
autres ouvrages, a composé l'Antidote de l’amour, publié en 11*59 
et réimprimé, à Delft, en 1663; Antoine Aubery avocat à Paris et 
compilateur laborieux. 

(2) Selon Moreri, J. H. Aubery serait mort le 27 novembre 1652. 

(3} Bulletin de la Société d’Emulation de l’Ailier, t. III, p. 52 et 
suivantes. 

(A) On trouve aussi, à la fin de la première partie, l’indication 
suivante: Parisiis, excndebat Petrus Chevalier, in monte Divi Hi- 
larii. * 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


Ce recueil, dédié à haut et puissant Seigneur, Monsei¬ 
gneur de Chaseron, chevallier des ordres du Roy, Conseiller 
en ses conseils d’Eslat et privé, Capitaine de cinquante 
hommes d’armes, Baron de Punsat, Fourchaut, Rochedra- 
gont, Montfaucon, Mareschale et Sénéchal de Bourbonnais, 
se divise en deux parties qui ne sont, pour ainsi dire, 
que la reproduction l’une de l'autre, puisqu’elles 
renferment les mêmes sujets rendus d’abord en vers 
latins, traduits ensuite en vers français. Les mor¬ 
ceaux français qui ont surtout attiré notre attention 
sont, dans « l’imitation » du premier livre: n° 11 ô 
clementia flora, n° 33 Lenis dum Philomela, n° 40 
Aliger in viridi, n° 58 Non bona credo equidem. Dans 
« l’imitation » du second livre du jardin d’Apollon 
et de Clémence, nous indiquerons: n° 12 Prostrenis 
quid ego.. n° 19 Cum genitor mea vota, à Calliope 
pour célébrer Delingendes. Parmi les sonnets et 
poèmes particuliers, on peut citer les pièces que 
voici : à Monsieur Billard de Corgenay, à Monsieur 
Housseil advocat sur la maladie de Gabrielle. Enfin, 
au nombre des stances : La retraicte des muses, l’au¬ 
teur à sa muse et l’auteur à ses livres de droit. 

Le morceau suivant pourra nous donner une idée 
de la poésie d’Estienne Bournier, né à Moulins, en 
1580, avocat poète qui avait la réputation d'être 
« plus occupé de chercher à plaire aux belles et à 
leur envoyer des sonnets et des madrigaux, .que de 
consulter ses ouvrages de droit, et de se livrer aux 
affaires du barreau..» 

Quand de nuit Phylomclc entonne un doux ramage, 
l.e reste des oyseaux aussi tost éveillé 
Attentif aux accords s’cslève émerveillé 
Des mélodieux tous, et luy va faire hommage. 


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POETES BOURBONNAIS. 


373 


Quand j’oy chanlei ma belle, et voy de son visage 
Les roses et les lys dont il est esmaillé 
Et mire la blancheur de son beau sein caillé 
En extase ravy j’en adore l'image: 

/ 

Nature luy donna de Vénus la beauté, 

Minerve sa parole, Amour sa loyauté 

Ses tresses Apollon ses belles mains l’Aurore. 

Enfin tous les artraitz d’une rare Cypris* 

En elle ont mis les dieux : qui ne seroit espris 
De Marguerite autant que d’une autre Pandore? 

Malgré son talent poétique, Estienne Bournier, 
comme cela ne se voit malheureusement que trop 
souvent, n’était pas très en faveur dans son pays 
natal. Ces vers, que le poète adresse à sa muse, 
prouvent, de la façon la plus péremptoire, ce triste 
fait: 

Veux-tu sçavoir pourquoi 
Molins ne faict compte de moy. 

Ni de mon jardin de Clémence? 

C’est un dire bien appreuvé 
Qu’un sainct n’est jamais relevé 
Au lieu où il a prinsnaiscence. 


XVI. 


CHOUVKî.NY DE BL0T- 

Nous trouvons, à peu près à la même époque, l’un 
des descendants de l’une des plus anciennes familles 
du Bourbonnais (1), le baron de Chouvigny de Blot, 

(1) D’après l’annuaire de l’Ailier dei808, « on voit, en 1466, un 
Hugues de Cliauvigny (ou Cliouviguv), seigneur de Blot, figurer 


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374 


POÈTES BOURBONNAIS. 


gentilhomme de Gaston duc d’Orléans, frère de 
Louis XIII, que Madame de Sévigné, dans une lettre à 
sa fille, Madame de Grignan, datée du 1 er mai 4671, 
avait surnommé Blot l’Esprit, en disant de quelques- 
uns de ses couplets « qu’ils avaient le diable au 
corps, » expression assurément beaucoup trop adou¬ 
cie pour quiconque a pu lire quelques productions 
de notre compatriote. 

Ce poète, « excessivement libre, » afait, surlesévé¬ 
nements de son temps, un certain nombre de couplets 
satiriques qui ont été très-recherchés des contem¬ 
porains, si l’on en juge par le grand nombre de copies 
manuscrites qui en existent (1). On va même jusqu’à 
dire, qu’ils ont eu, en outre, le mérite d’éclaircir quel¬ 
ques faits. Parmi les personnes qui prenaient plaisir 
à recueillir ces productions, nous pouvons citer le 
poète Segrais don t le charme de la conversation faisait, 
comme chacun sait, les délices de la haute société. 
Autre détail bon à consigner, ce fut ce même membre 
de l’Académie française qui les mit, un jour, sous les 
yeux de la châtelaine des Rochers, ainsi que l’indique 
la lettre précitée ; nous aimons à croire qu’on avait 
fait plus d’une coupure. 

parmi les personnages les pins considérables de France, et rem¬ 
placer Claude de Melun dans le gouvernement de la Bastille » com¬ 
mencée en 1369 par Àubriot, prévôt de Paris, qui y fut enfermé le 
premier. — Blot lui-méme, dans une de ses chansons s'exprimait 
ainsi sur lui-méme : « je suis homme (ou bougre) de vieille 
roche. » 

(1) Note placée au bas de la page 199 du t. 11 des Lettres de 
M"" de Sévigné, dans l'édition des grands écrivains de la France 
publiée sous la direction deM. Ad. Regnier, membre de l'Institut. 
Paris, Hachette. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


375 


Le baron de Chouvigny de Biot avait pour amis 
Balzac, Voiture, Marigny, Chapelle et Bachaumonl 
qui fréquentaient avec lui les salons de l’hôtel de 
Rambouillet où se réunissaient tant de personnes 
choisies, distinguées par la naissance, la vertu ou 
l’esprit. Celte réunion qui rendit d’incontestables 
services aux mœurs et aux lettresfat, en même temps, 
un des foyers de la Fronde dont notre compatriote 
était l’un des plus zélés partisans. Qui Sait, si ce ne 
fut pas, au milieu de cette société brillante, que de 
Blot conçut, avec son ami Marigny, auquel on attri¬ 
bue le fameux traité : Tuer un tyran n'est pas un crime, 
cette singulière plaisanterie de se partager les cent 
cinquante mille francs promis, en 1651, parle par¬ 
lement, pour prix de la tête du cardinal Mazarin, tant 
devant être pour le nez, tant pour un œil, tant pour 
une oreille, etc. Ce qui fit dire à Voltaire que ce ridi¬ 
cule fut tout l’effet de la proscription contre le mi¬ 
nistre. 

Nous devons avouer que le baron de Chouvigny, 
qui mourut à Blois, le 13 mars 1655, était * très-bel 
esprit, très-übertin, et très-satirique. Les curieux 
conservent de lui quelques chansons, qui sont très- 
ingénieuses et très-bien faites, mais dont il y en a peu 
que l’on puisse donner au public (1). » C’était ainsi 
que s’exprimait, à son égard, l’abbé Goujet qui 
ajoute : < Le cardinal Mazarin, fatigué de ses chan¬ 
sons, l’avait attiré à son parti, ce qui le fit renvoyer 
par Gaston de France qu’il chansonnaà son tour dans 

(t) Noie placée au bas des pages 8 el 9 du voyage de Chapelle 
et de Bachaumonl publié en 1826, chez Constant Letellier fils, avec 
une préface de Saint-Marc. 

32 


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376 


POÈTES BOURBONNAIS. 


des termes indécens; mais n’étant pas payé de la 
pension dont le Cardinal lui avait donné le brevet, il 
recommença à lancer contre lui ses chansons sati¬ 
riques, et rentra dans les bonnes grâces de Mon¬ 
sieur (1). » 

En regard de ce portrait, apportons maintenant le 
témoignage de Chapelle et de Bachaumont ainsi que 
celui du gazetier Loret. 

Arrivés à Blois, Chapelle et Bachaumont n’eurent 
rien de plus pressé que de chercher leur ami com¬ 
mun, M. Colomb, qui était fort occupé à faire les 
honneurs de la ville au président Le Bailleul. Ce ne 
fut que le lendemain de leur arrivée qu’ils purent, à 
leur aise, renouveler « une amitié que par le peu de 
commerce que nous avions eu depuis trois années, 
sembloit avoir été interrompue. » Nous eûmes alors, 
ajoutent-ils, quoique avec un extrême regret, curio¬ 
sité d’apprendre de lui, comme de la personne la 
plus instruite, et que nous savons avoir été le seul 
témoin de tout le particulier. 

Ce que fit en mourant notre pauvre ami Biol. 

Et ses moindres discours et sa moindre pensée 

La douleur nous défend d'en dire plus d'un mot ; 

Il fil tout ce qu’il fit d'une Ame bien sensée (2). 

Dans la lettre 11 du livre 6 de sa Gazette ou Muse 
historique, Loret a consacré à notre compatriote, 
ces quelques vers : 


(IJ Bibliothèque française de l’abbé Goujet, t. XV1I1, p. 218. 
(2) Voyage de Chapelle et de Bachaumont, p. 8. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


377 


Blot, serviteur dudit Gaston, 

A senti l’effort de Cloton, 

Qui par un procédé barbare 
N’épargne non plus l'homme rare. 

Que le moindre lourdaut, qui n’est. 

Le plus souvent, qu’un gros benêt. 

Je ne sçais s'il est dans la gloire. 

Dans les Limbes ou dans le Purgatoire, 

(11 vaut mieux juger bien que mal] : 

Mais si pour être jovial, 

D’un cœur généreux, ferme et brave, 

D’une humeur libre et non esclave 
De bon sens et d’esprit pointu. 

El faire des vers impromptu , 

On acquiert un rang honorable ; 

Dans le Royaume perdurable ; 

Je vois bien des gens aujourd’hui. 

Qui seraient audessous de lui. 

Parmi les quelques fragments que Ton peut citer de 
Chouvigny de Blot, nous offrirons les suivants. Ce 
sera d’abord l’impromptu qu’il adressa à Voiture, 
avec lequel il était très-lié, et que reproduit la Bio¬ 
graphie Mi chaud. 

Quoi Voilure, tu dégénère 
Hors d’ici, maugrebi de toi ; 

Tu ne vaudras jamais ton père, 

Tu ne vends de vin. ni n’en bois. 

Le môme morceau se trouve, avec certaines va¬ 
riantes, dans le manuscrit 12726 de la bibliothèque 
impériale: 

Ah Voiture tu dégénères 
Retire-toi si tu m’en croy (1). 


(1) Et encore; Maugre bien j’en rougis pour toi. 


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g-g POÈTE» BOURBONNAIS. 

Voici maintenant un échantillon des gracieusetés 
que le poète ne craint pas de débiter sur sou maître 

et sur lui-mèine: 

Si monsieur ne veul plus me voir. 

Si ma présence l'importune. 

Je n’en suis point au désespoir 
Je n’y fais pas si grand fortune 
Ah le voilà! Ah le voicvl 
Celui qui en esl sans soucy. 

Je ne suis point hardy menteur 
Je ne suis ny fourbe ny traitre, 

S’il perd un fichu serviteur 
Je perds aussy un fichu maîlre! 


Et ailleurs: 

De tous les princes de la terre 
Gaston est le plus malheureux : 

Ses armes ne sont que de verre, 

Ses coups ne sont point dangereux, 

11 est vaillant comme fidèle ; 

N’est-ce pas un fort beau modèle ? 

Enfin, pour terminer, nous donnerons l’épilaplie 
que fit, sur de Blot, le poète Sanguin de St-Pavinque 
Boileau désigne, dans une de ses épigrarames. sous le 

nom *YAlidor: 

Cy Gist un docteur non commun 
Qui peu savant mais fort habile 
Prescba souvent, jamais à jeun. 

Et comprit tout, hors l'évangile. 

Eii homme sage et bien sensé 
Du présent il a dit merveille, 

Du futur ce qu’il a pensé 
Ne s’est révélé qu’à l’oreille, 

Mais chacun tient pour vérité 
Que jamais il n’en a douté. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


379 


XVII. 


SAINT-AUBIN 

Jean de Saint-Aubin appartient à une noble et an¬ 
cienne famille qui a eu l’honneur de compter, dans 
son sein, un certain nombre de comtes de Lyon. Né à 
Moulins en 1587, d’après la biographie Didot, ou eu 
1588, d’après l'Ancien Bourbonnais, il fut admis de 
bonne heure, dès 1606, n’ayant encore que dix-neul 
ans, dans la compagnie de Jésus dont il devint une 
des illustrations. Pendant cinquante-quatre ans qu’il 
habita Lyon, Jean de Saint-Aubin se 6t remarquer 
comme orateur sacré , comme professeur (1) et 
comme directeur de la maison du noviciat que son 
ordre possédait dans cette ville. A tous ces litres, 
n’oublions pas d’ajouter, selon nous, son plus 
beau , en proclamant le zèle et le dévouement 
admirables qu’il déploya , pour soigner les pau¬ 
vres malades, pendant l’horrible peste de 1623 qui 
ravagea Lyon. L’élévation et la grandeur de l’es¬ 
prit, la variété des connaissances sont, sans aucun 
doute, bien propres à distinguer et à illustrer un 
homme; mais que dire, quand, à ces nobles qualités, 
employées à instruire la jeunesse, se joignent l’a¬ 
mour et le dévouement pour ses semblables. Alors, 


(I) L’Ancien Bourbonnais indique qu'il aurait professé la i h do¬ 
rique à Bourges. M. du Coiflier avance aussi ce fait et ajoute môme 
a et daus plusieurs autres villes. » 


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380 


POÈTES BOURBONNAIS. 


on peut prétendre, à juste litre, au suprême degré de 
l’honneur et de la gloire ; c’est aussi ce que nous 
revendiquons hautement pour notre compatriote. 
Une vie peut-elle être mieux remplie ! 

Outre quelques vers latins et une paraphrase en 
vers français du livre de Job et de l’Ecclésiasle qui 
nous l’ont fait placer dans cette galerie des poètes du 
Bourbonnais, Saint-Aubin a encore composé : 1° une 
histoire de la ville de Lyon, ancienne et moderne, 
avec les figures de toutes ses vues par Israël Silvestre; 
2° une histoire ecclésiastique de la même ville. Ces 
deux ouvrages, qui ne forment qu’un seul et même 
volume, ont été publiés à Lyon, dans le format in-P, 
chez Benoist Goral, par les soins du P. Menestrier, 
en 1666, six ans par conséquent après la mort de 
l’auteur (1). 

Quoiqu’il n’entre pas dans notre plan d’étudier 
l’histoire de Lyon, puisque nous ne nous occupons, 
en ce moment, que des productions poétiques, nous 
pouvons cependant faire connaître cette phrase du 
médecin et antiquaire Jacques Spon : « Cette histoire 
(celle de Lyon) semble un sermon ou un panégyrique 
perpétuel, tant l’auteur a eu soin d’accabler le lecteur 
de fleurs de rhétorique. » Nous aimons à constater 
que, quoique protestant, ce critique n’en a pas moins 
jugé sainement cette œuvre due à la plume d’un 
catholique et d’un jésuite, puisque le P. Menestrier, 
son confrère, porte le même jugement dans la pré¬ 
face placée en tète du premier ouvrage : « Ceux qui 
se sont laissé prévenir à lapensée qu’il (Saint-Aubin) 


(1) Saint-Aubin est mort & Lyon, le 18 octobre 1660. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


381 


ne travailloit que pour l’Eglise de Lyon, parce qu’il y 
avoil un Frère qui eu estoit comte et Précenteur, n’ont 
pas pris la peine de lire cet ouvrage, où ils auraient 
pu remarquer, que jamais Autheur n’a écrit avec un 
esprit plus des-intéressé, et plus libre à exprimer ses 

sentimens. Il est vray qu’il nous y a fait en 

mesme temps le caractère de son naturel, qui estant 
doux et facile, a rendu cet ouvrage plus aisé, qu’il 
n’est fort et solide en quelques endroits. Il a mesme 
tenu une méthode, qui n’est guère propre à l’Histoire, 
et qui tient plus du Panégyrique, que d’une Narration 
simple et suivie. La distinction des Livres et des Cha¬ 
pitres montre qu’il a plùtot travaillé à des éloges, 
qu’à la suite des temps, et qu’il a plùtot choisi ce que 
Lyon a eu de plus illustre, que des matières di¬ 
gérées. » 

Les vers latins de St-Aubin, ses paraphrases du 
livre de Job et de l’Ecclésiaste ont été imprimés de 
son vivant, à Lyon, en 1658, format in-12. Le seul 
fragment que nous puissions offrir appartient au der¬ 
nier de ces livres, il va nous donner une idée de la 
facilité poétique dont était doué ce jésuite. 

Sous la voûte des cieux il n'est rien de nouveau; 

Ce qui plut autrefois est encor trouvé beau. 

L’asire qui fait les jours, les mois et les années. 

Voit renaître aujourd'hui les choses déjà nées ; 

Témoin du temps passé, témoin de l'avenir, 

Il voit recommencer tout ce qu'il voit finir. 

Ce qui frappe nos yeux, ce qui bat nos oreilles, 

Avait jadis aussi des rencontres pareilles. 

Pour se renouveler la rose fleurira, 

Le monde a déjà vu ce qu'un jour il saura. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


XVIII. 

GILBERT GAULMIN- 

Comme le baron Chouvigny de Blot, Gilbert Gaul- 
min exerça sa verve poétique, pendant les troubles 
de la Fronde. Seulement, le premier avait recours à 
la langue nationale, pour lancer ses épigrammes ; 
tandis que le second empruntait la langue de Virgile, 
pour décocher les traits des siennes. 

Né à Moulins, dans les dernières années du XVI e 
siècle, en 1587, d’une famille de robe très-considérée, 
Gaulmin, seigneur de Mont-Georges, Ghàtignoux, 
Sauzay, la Guyonnière et Chezelles, occupa, tout 
d'abord, la charge de lieutenant-criminel au présidial 
de Moulins. Un procès de magie, l’affaire Michel 
Morin (1), lui ayant permis de se mettre en évidence 
de façon à attirer l’attention de Richelieu, c’en fut 
assez pour le lancer sur la voie de la fortune et des 
honneurs qui ne lui firent pas défaut, comme nous 
allons le voir. Une place de maître des requêtes vint 
aussitôt récompenser l’habileté qu’il avait déployée 
dans la conduite de celle singulière affaire. Mazarin 
eut, à son tour, occasion d’apprécier et d’élever en 
dignités ce personnage qui commença à se faire 
counailre du nouveau Ministre, par un discours qu’il 
avait été chargé, pendant les troubles de la Fronde, 
de prononcer, à la tête des maîtres des requêtes. En 


(Il Histoire du Bouibonnais et des Bourbons par de Coiffier Demo- 
rei, I. Il p. 326. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


383 


1649, nous le trouvons intendant de la généralité de 
Moulins, instituée par Henri III, depuis 1387, et qui 
se composait des sept élections de Moulins, de Mont- 
iuçon, de Gannat, de Nevers, de Chàteau-Chinon, de 
Guéret etd’Evau. Nous savons encore qu’il fut avocat- 
général au grand conseil, qu’il mourut à Paris, le 
8 décembre 1667, doyen des maîtres des requêtes, et 
que son corps fut enterré dans l’église de Sainl-Eus- 
tache. 

Les nombreuses et importantes fonctions adminis¬ 
tratives qui furent successivement confiées à Gilbert 
Gaulmin « ne l’empêchèrent pas d’être un des pre¬ 
miers érudits du dix-septième siècle, et son immense 
savoir ne fit aucun tort à la vivacité de son esprit (1). » 
Cette appréciation toute moderne est loin d’être nou¬ 
velle, car elle s’appuie sur les témoignages les plus 
imposants de tous les savants du temps qui * parlent 
de lui sur le ton de la plus haute estime. » Les preuves 
surabondent; donnons-en quelques-unes, elles suffi¬ 
ront grandement à nous édifier. 

Ecoutons d’abord Adrien Baillet: « On dit qu’il y a 
peu de connaissances dans lesquelles M. Gaumin 
(Gaulmin) n’ait excellé. — Il était un excellent poète 
latin, quoiqu’il ait donné à ses vers un tour différent 
de celui de Virgile (2). » 

A Moreri, nons emprunterons ces lignes : « Ses 
pièces de poésie sont en latin et lui ont fait beaucoup 
d’honneur. — Gaulmin avait la réputation d’un des 


(t) Nouvelle biographie générale de üidot, t. XIX. 

(2) Jugement des savants sur les principaux ouvrages des auteurs, 
édition de 1722, t. V. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


plus excellents critiques de son siècle et il a reçu des 
éloges magnifiques de tous les savans de son temps. 
On en peut voir un recueil assez ample dans la France 
orientale de Colomiez. 11 passait pour un homme fort 
sur dans ses corrections, et heureux dans ses con¬ 
jectures. » 

D’après Costar, « il possédait toutes les langues 
que la confusion de la tour de Babel a introduites sur 
la terre; mais il excellait particulièrement dans la 
connaissance de la grecque, de l’hébraïque, de l’arabe, 
de la turque, et de la persane .... Il avait le génie 
élevé, grand et vaste; il était plein de feu et de 
vigueur, et il avait même une vivacité qui a subsisté 
assez long-temps avec ses cheveux blancs. Ses expres¬ 
sions sont nobles, lacadencedeses vers est fort nom¬ 
breuse, et la diction en est assez pure. » 

Quelques-uns des biographes et des critiques qui 
ont parlé de Gaulmin ont sauvé de l’oubli un certain 
nombre de faits ou d’anecdotes qu’il est bon de ne 
pas passer sous silence, si nous tenons à nous faire 
une idée aussi exacte que possible de cette physio¬ 
nomie vraiment curieuse et importante tout à la 
fois. 

D’un caractère enjoué et vaniteux, d’un esprit facile 
et léger, il n’est pas étonnant que notre compatriote 
se soit senti attiré par le charme de la conversation 
et par les mille riens qu’elle amène le plus souvent 
avec elle, mais qu’il savait si bien assaisonner de 
remarques plaisantes et spirituelles. Il était connu 
de toutes les personnes qui fréquentaient alors le 
Luxembourg; aussi, dès qu’on l’apercevait, était-il 
entouré d’une foule avide de lui entendre raconter les 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


385 


nouvelles de la ville et de la cour qu’il aimait tant à 
répéter et qu’il répétait si agréablement. Un bel esprit, 
Ménage, que Molière a immolé, sous le nom de Vadius, 
dans les Femmes savantes, raconte qu’un jour un la¬ 
quais s’étant permis de se mêler à ses auditeurs, 
Gaulmin voulut l’envoyer plus loin, en l’apostrophant 
de cette singulière façon : « Quand je parle,-ce n’est 
point pour être écouté par des maroufles comme toi. • 
Au lieu de se retirer, notre homme garda sa place et 
répondit, sans se déconcerter : « Monsieur, je tiens 
place ici pour mon maître ; > réponse qui certes valait 
mieux que l’interpellation. 

Une autre fois, se trouvant en compagnie de deux 
savants, l’un d’eux , le célèbre Saumaise dont la 
vertu dominante était loin d’être la modestie, se 
permit de dire « qu’à eux trois, ils tiendraient bien 
tête à tous les savants du monde. » On aurait pu 
croire qu’il eut été difficile de renchérir sur une pa¬ 
reille prétention; il n’en fut rien néanmoins, écoutez 
plutôt Gaulmin affirmer, sincèrement, la foi invincible 
qu’il avait en lui-même, en ripostant par ces cinq 
mots: « et moi à vous deux. * Amis avant cette en¬ 
trevue, on se retira brouillés; nouvel exemple de la 
fragilité des amitiés humaines. Malheureusement, ce 
ne fut pas tout, Saumaise, montrant en cela un bien 
petit esprit, s’il était un grand esprit, se veDgea de 
cette sotte prétention de son confrère, en se plaisanté 
rabaisser son mérite, toutes les fois que les circons¬ 
tances le lui permettaient. 

Quoique Gaulmin eût contracté deux mariages en 
bonne et due forme, et qu’il eût eu du premier, avec 
Françoise Caillé, morte avant 1629, plusieurs enfants 


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386 


POÈTES BOURBONNAIS. 


entre autres Pierre Gaulmin (1), comte de Norat qui 
mourut président à mortier, en 1664, et Grégoire 
Gaulmin tué, en 1675, sur le champ de bataille d’Ar- 
nheim, avec le grade de brigadier des armées du roi, 
alors sous les ordres du maréchal de Turenne, le fait 
suivant n’en est pas moins passé à la postérité, sans 
qu’on puisse savoir, au juste, s’il est vrai ou faux. 
Sur le refus de son curé de procéder à un troisième 
mariage, car c’est à ce chiffre-là qu’il faut forcément 
arriver, il lui aurait cependant déclaré qu’il n’en pre¬ 
nait pas moins pour femme la personne qu’il lui pré¬ 
sentait , se regardant comme suffisamment marié. 
Paroles qui auraient été suivies de la réalité. Ce genre 
de mariage fit, comme bien on pense, beaucoup de 
bruit et prit le nom de mariage à la Gaulmine, sans 
avoir jamais été, bien entendu, reconnu parla loi. 

La guerre civile qui. désola la France, pendant la 
minorité de Louis XIV, de 1648 à 1653, entre le parti 
de la cour et celui de la noblesse et du parlement et 
que l’histoire désigne sous le nom de Troubles de la 
Fronde, permit à notre poète latin, grand ami de 
Mazarin, de faire briller toutes les ressources d’un 
esprit léger, entreprenant et satirique, par les épi- 
grammes qu’il ne craignait pas de lancer contre les 
frondeurs, soit pour les attaquer, soit pour se défen¬ 
dre, soit pour soutenir la cause qu’il avait embrassée 
avec ardeur et qu’il soutenait avec vigueur. Plus 


(li Pierre Gaulmin cul, à son tour un fils, du prénom de Gilbert, 
qui servit avec distinction sous les ordres des maréchaux de Villeroy 
et de Berwick. Gouverneur de Nice, de 1707 à '*710, il mourut, sans 
postérité, en 1735, avec le litre de maréchal de camp et de cordon 
rouge. (Ancien Bourbonnais.) 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


387 


d’une fois, il dut se mesurer avec Bacliaumont et 
notre autre compatriote le baron de Chouvigny de 
Blot, qui jouèrent un rôle assez important dans le 
parti des frondeurs, et certes il devait être de force à 
leur riposter, puisqu’il a fait, au dire de Baillet, «des 
épigrammes de feu et de sang. » Guy Patin nous a 
heureusement conservé deux de ces épigrammes, 
dans ses lettres qui renferment tant de détails cu¬ 
rieux et intéressants sur les personnes et les événe¬ 
ments depuis 1645 jusqu’en 1672. L’une se trouve 
dans une lettre datée de Paris du 5 mars 1652 et 
l’autre dans une lettre datée de la même ville du 
25 octobre 1658 (1). 

Non-seulement, nous croyons devoir citer ces deux 
épigrammes, au double point de vue de l’histoire et 
du style, mais nous voulons même les faire précéder 
de l’espèce de commentaire qui les accompagne et 
qui précise la situation, tout en donnant, sur la vie 
du poète, quelques petits détails qui ne sont pas in¬ 
différents. 

« On continue toujours de vendre la bibliothèque 
Mazarine, où l’on dit qu’il y avait 40 mille volumes. 
M. Naudé qui est fort en colère contre le Parlement 
de voir vendre et dissiper une si belle bibliothèque, 
a pris tous les livres de Médecine pour 3,500 livres. 
Il y a un Maître de Requêtes, nommé M. Caumin(Gaul- 
min), sçavant homme, mais ennemi du Parlement, 
grand Mazarin et fort incommodé en ses affaires, qui 
pensant flatter le Cardinal, qu’il voit revenu à la 


(1) Lettres choisies de Guy Patin, Rotterdam, 172”> t vol. in-12, 
l I, p. 196 et 321. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


Cour, a fait des vers sur les débris de cette biblio¬ 
thèque, dont voici la copie que je vous envoyé, afin 
que vous en puissiez juger. » 

Juliades tololibros dum colligit orbe. 

Et vocal Aonias ad sua tecta Deas, 

Tecta, Deas, libros infami curia lege 

Vendidit, in medio : prostituitque foro. 

Hoc sceleris pretium, sævi commercial pacii, 

Di raque promissas auctio monslrat opes. 

Nec mirere nefas, emptus probat empta Senatus, 
Vendidit hic libros, venderejura solet. 

« Monsieur Gaumin maître des Requêtes, irrité 
contre l'Arrêt du Parlement, qui fit enlever du Fort- 
l'Evêque un prisonnier auquel lesMaîtresdesRequêtes 
prétendoient faire le procès pour des faux seaux, fit, il 
y a quelques jours, les quatre vers suivans : 

Curia consilium pellit, Regem expulil olim, 

Prœsulibus puîsis pellit ab urbe Deum. 

0 sine consilio, sine Rege Deoque Senatum ï 
0 sine lege viros, ô sine mente senes ! 

* M. de Broussel, conseiller de la première des En¬ 
quêtes, fils de celui pour qui on fit les barricades Tan 
1648, y a répondu pour la défense du Parlement, de 
la manière qui suit : > 

Curia consilium frœnat, Regemque reduxit, 

Prœsulibus missis plaçât ubique Deum. 

Dum sine consilio haac, sine Rege Deoque notasti, 

Tu sine fronte vires, tu sine mente senex. 

Bien que la liste des productions de Gaulmin soit 
encore assez volumineuse, elle ne répond pas cepen¬ 
dant à tout ce qu'on était en droit d’attendre d'un 
homme de son intelligence et de son savoir qui avait 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


389 


toujours annoncé un certain nombre d’ouvrages qu’on 
n’a jamais trouvés. Nous emprunterons, à la biogra¬ 
phie Michaud, la nomenclature que nous allons en 
donner, car elle est de beaucoup la plus complète de 
celles publiées par les différents biographes que nous 
avons pu consulter. S’il n’a guère produit que quel¬ 
ques morceaux en vers (1) , épigrammes, odes, 
hymnes, une tragédie, des traductions latines et des 
éditions de différents ouvrages qu’il enrichissait de 
notes nombreuses et instructives ; en revanche, il a 
laissé « une bibliothèque très-riche, sur-tout en lan¬ 
gues savantes, » qui a été achetée pour la bibliothèque 
du roi (2). 

On connaît de Gaulmin: 

1° Des épigrammes, des élégies, des odes, des 
hymnes en latin ; des vers sur la prise d’Arras (insé¬ 
rés dans le Ménagiana, 1.1, p. 217), que Ménage trou¬ 
vait admirables, mais que La Monnoye, critique plus 
judicieux, juge inférieurs à ceux de Lucain. Ménage 
aurait désiré que l’on publiât un recueil des poésies 
de Gaulmin : ce vœu n’a pas été accompli. 

2° Des traductions latines des romans de Rhodante 
et Dosiclès, par Théodore Prodromus, Paris, 1625, 
in-8°, et d’Ismène et Isménie, d’Eumathe, Paris, 1618, 
in-8°. — La biographie Didot ajoute que ce fut Gaul¬ 
min qui donna la première édition du second ouvrage 


(1) Ces poésies n'ont point été recueillies, dit la biographie Didot, 
et quelques-unes, entre autres VIphigénie, n'ont jamais été impri¬ 
mées, mais on les trouve en manuscrit à la bibliothèque impériale. 
Iphigénie était écrite en grec, et l'auteur en a cité six vers dans ses 
noies sur le roman d’Eustathe, p. 14 

(2) De Coifiier Demorel, t II, p 328. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


et que sa traduction du romau de Prodromus est la 
seule qui existe jusqu’ici. 

3° In Hamedallæ Gasbinensis Persæ sapienliam uni- 
versi, epistola dedicatoria, Paris. 1641, in-8®. 

4° Des Notes sur le traité de Psellus : De operaliooe 
Doemonum, dont il publia, le premier, le texte grec 
avec la traduction latine de Pierre Morel, Paris, 1615, 
in-8°. 

5° De vitâ et morte Mosis libri très, hebr. et lat. 
cum notis, Paris, 1629, in-8°. Cet ouvrage est d’un 
rabbin ; Gaulmin le publia avec une version et des 
notes; J.-A. Fabricius en donna une nouvelle édition, 
Hambourg, 1714, in-8°. 

6° Des remarques sur le faux Callisthènes. 

7° Livre des lumières en la conduite des rois, com¬ 
posé par le sage Pilpay, Paris, 1644, in-8°. Prosper 
Marchand attribue à Gaulmin cette traduction, que le 
frontispice donne à David Sahid, d’ispaban. Enfin, il 
a laissé en manuscrit plusieurs pièces de vers, une 
tragédie d’Iphigénie, que Golomiès dit être dans la 
manière d’Escbyle ; des Notes sur le Commentaire de 
David Kimchi, sur les psaumes ; d’autres sur les ques¬ 
tions hébraïques de J. Drusius, qui sont conservées à 
la bibliothèque du Roi. 

En présence d’une si belle intelligence et du résul¬ 
tat obtenu, on voudrait, avecMoreri, « qu’un si habile 
homme eût fait un emploi plus sérieux, et plus solide 
des grands talens qu’il avait reçus de Dieu. » N’est-il 
pas regrettable en effet que cet esprit supérieur et 
ami de l’étude n’ait pas résolu d’employer toute son 
activité, à l’examen de quelques-uns des grands pro¬ 
blèmes qui ont ordinairement le privilège d’attirer les 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


391 


hommes supérieurs. Eu agissant ainsi, Gilbert Gaul- 
miu aurait assurément laissé une traee plus profonde 
et plus durable. Initiateur ou propagateur de quel¬ 
ques idées ou de quelques grandes découvertes utiles 
et profitables à l’humanité, son nom serait devenu 
populaire, tandis qu’il n’est guère maintenant connu 
que des érudits; sans doute, c’est bien déjà quelque 
chose, mais pour lui ce n’était pas assez. Gulliver son 
esprit, pour le simple plaisir de le cultiver, tel ne 
peut pas, tel ne doit pas être le but qu’on doit se pro¬ 
poser. Il faut à l’homme, créature intelligente et libre, 
créée avec des devoirs et des droits, une occupation 
plus rationnelle, plus noble et plus conforme à son 
origine et à sa fin. 


XIX. 


PIERRE BIZOT- 

Il ne reste plus que deux noms à mentionner, avant 
d’arriver à Jean de Lingendes, ce sont ceux de Pierre 
Bizot qui va maintenant nous occuper et de Marie 
Brame, née aussi en Bourbonnais, femme alors cé¬ 
lèbre etaujourd’hui tout à fait inconnue, puisqu’on ne 
possède ni documents sur sa vie, ni productions qui 
puissent lui être attribuées. Faut-il souhaiter, pour 
sa réputation, qu’un hasard heureux fasse découvrir 
ses vers; nous ne savons, caria réalité seule pourrait 
nous édifier à ce sujet. 

Nous ne connaissons que bien peu de choses sur le 
chanoine de Saint-Sauveur d’Hérisson, Pierre Bizot, 

33 


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392 


POÈTES BOURBONNAIS. 


qui naquit vers i630 (1) et mourut, chanoine d’hon¬ 
neur de Moulins (2), après 1726, si l’on en croit M. de 
Coiffier et en 1696 seulement d’après le nouveau 
dictionnaire historique de Chaudon et Delandine. 

Une traduction en vers latins des chants I et V du 
Lutrin de Boileau, voilà tout le bagage poétique de 
Bizot. Cette traduction a été insérée, rapporte la bio¬ 
graphie Didot, dans une nouvelle traduction latine du 
Lutrin, parue en 1768, in-8°. 

Le chanoine d’Hérisson n’a donc cultivé les muses 
que comme délassement, si l’on en juge par ce qu’il 
nous a laissé. Son ouvrage le plus important, sans 
contredit, est en prose et a pour titre : Histoire métal¬ 
lique de la République de Hollande que Moreri et d’autres 
biographes traitent de « curieuse et d’intéressante. » 
Elle a été imprimée à Paris, en 1687 in-f“, chez Hor- 
temels et réimprimée à Amsterdam par les soins de 
P. Mortier. Les deux premiers volumes de cette nou¬ 
velle édition ont paru en 1688 et le troisième en 1690. 
Baucoup plus complète, l’Histoire métallique des dix- 
sept Provinces-Unies de Gérard Van Léon (1732), dont 
Van Effen a donné une traduction française, est venue 
enlever de l’importance et de la valeur à celle de Pierre 
Bizot qui serait encore, d’après Moreri, l’auteur de 
mémoires touchant l’histoire des rois de France par 
les médailles et que Baluze aurait possédés en manus¬ 
crits. 

(1) Ancien Bourbonnais. 

(2) Le chapitre de Notre-Dame de Moulins date du XIV* siècle, 
son installation ayant ilé faite, le 6 décembre 1386, par l'évéque 
de Nevers, Maurice, sous le pontificat de Clément VII, et à la de¬ 
mande du bon duc Louis II. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


393 


Avant de terminer celte courte notice, il faut que 
nous rapportions un fait assez bizarre reproché à notre 
historien poète et numismate et que la biographie 
Michaud relate ainsi : « Les deux pointes d’un bandeau 
que des personnes avaient sur les yeux lui ont paru 
des oreilles d'âne, et il ne manque pas de les faire 
graver comme telles. » Singulière bévue en effet et qui 
montre, une fois de plus, combien l’historien et l'an¬ 
tiquaire doivent être prudents, non-seulement dans 
l’indication des faits par eux avancés, mais encore 
dans les conclusions qu’ils en tirent. Hâtons-nous tou¬ 
tefois d’affirmer que ce fait isolé n’infirme en rien l’au¬ 
torité dont, pendant assez longtemps , a joui son his¬ 
toire métallique. 


XX. 


JEAN DE LINGENDES 


ET 

LES CHANGEMENTS DE LA BERGÈRE IRIS. 

Jean de Lingendes naquit à Moulins en l’année 
1580, cinq ans par conséquent avant la mort de Ron¬ 
sard qui, comme dit Boileau, dans le premier chant 
de son art poétique : 

Réglant tout, brouillant tout, fil un art à sa mode, 

Et toutefois long-temps eut un heureux destin. 

A cette même époque, brillait entre tous Malherbe, 
le premier modèle du style noble et le créateur de la 
poésie lyrique, selon l’opinion de Laharpe. 


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394 


POÈTES BOURBONNAIS. 


C’est alors qu’apparait, dans le monde des lettres, 
notre Jean de Lingendes qui doit avoir sa place et une 
des meilleures parmi les poètes des premières années 
du XVII* siècle, comme le prouvent surabondamment 
les auteurs qui ont soustrait le nom de notre compa¬ 
triote à l’implacable oubli du temps et que nous in¬ 
terrogerons successivement dans le cours de cette 
étude. 


XXI. 

Ecoutons d’abord les appréciations de l’abbé Saba¬ 
tier et de l’abbé Goujet. 

Dans ses Trois siècles de la littérature française, 
voici comment parle de notre poète, le premier de ces 
deux biographes : * Dans un temps où l’on ne con¬ 
naissait pas encore le bon goût, il (J. de Lingendes) 
cultiva la poésie avec réputation, et quoique ses vers 
soient bien éloignés de la perfection à laquelle la 
poésie est parvenue depuis, ils sont encore estimés 
des gens de goût. » Quels sont les poètes qui attei¬ 
gnirent alors la perfection ; et de combien peut-on 
dire que leurs vers sont encore estimés des gens de 
goût ? 

Nous nous bornerons, pour le moment, à citer les 
lignes suivantes de la Bibliothèque française de l’abbé 
Goujet : « Jean de Lingendes a beaucoup mieux réussi 
dans les stances qu’Annibal de Lortigue. Il affectionna 
ce genre de poésie, et il n’en a guère employé d’au¬ 
tres. On trouve dans ses stances beaucoup defacilité et 
de douceur. Mais c’est sans raison que dans le Diction¬ 
naire de Trévoux, même dans la dernière édition de 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


395 


1743 on lui fait l'honneur d’être le premier de nos 
poètes qui ait fait des stances, et qu’on assure que 
celles-ci n’ont été introduites dans notre poésie que 
sous le règne d’Henri III en 1580. • Que ressort-il de 
cette citation, sinon que J. de Lingendes ne serajt pas 
le premier qui ail fait des stances; mais, qu’on 
« trouve dans ses stances beaucoup de facilité et de 
douceur. » N’est-ce pas déjà quelque chose ; et c’est 
tout ce que nous voulons maintenant établir. 

XXII. 

Notre compatriote dut quitter, de bonne heure, sa 
ville natale, pour aller à Paris, « où le titre de gen¬ 
tilhomme, sa bonne mine, des manières accomplies, 
lui préparèrent un bon accueil parmi les Sociétés lit¬ 
téraires du temps (1). Ce ne fut guère qu’à l’âge de 
vingt-sept ans environ, qu’il commença à se faire 
connaître ou du moins à acquérir quelque célébrité, 
puisque l’abbé de Marolles dit, dans son dénombre¬ 
ment des auteurs, t qu’il écrivait avec réputation 
dans les années 1607 et 1610. * Avant d’aller plus 
loin, il serait peut-être bon de constater que, parmi 
les écrivains dont les ouvrages purent exercer une 
certaine influence, sur ce jeune poète qui < avait reçu 
une excellente éducation, fortifiée par la lecture des 
savants écrivains des XV e et XVI e siècles » (2), nous 
n’en pouvons citer que deux : le poète espagnol Geor¬ 
ges de Montemayor et le professeur italien Ange Po- 
litien. 

(I el 2 ) Biographie générale de Didol. 


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396 


POÈTES BOURBONNAIS. 


XXIII. 


Les amitiés les plus illustres ne firent pas défaut à 
de Lingendes. En effet, il fut protégé de la mère de 
Louis XIII, Marie de Médicis et de la princesse de 
Conti, auxquelles il dédia du reste la plupart de ses 
poésies. Entre les poètes, ses contemporains, nous 
indiquerons, comme ayant été ses amis, Jean Bertaut, 
Davy Duperron, Renouards, Colletet dont le nom est 
passé, à la postérité, escorté de ces deux vers de 
Boileau : 

Et libre du souci qui trouble Colletet, 

N’attend pas pour dîner, le succès d’un sonnet. 

Enfin, nous n’oublierons pas, avec la biographie 
Michaud, le célèbre romancier Honoré d’Urfé, d’une 
illustre et ancienne famille du Forez, auteur de plu* 
sieurs pièces de poésie et du célèbre roman pastoral 
de l’Astrée (1610) où il peignit le bonheur des ber¬ 
gers de Lignon. 


XXIV. 


Le deuxième livre des Délices de la poésie fran¬ 
çaise ou recueil des plus beaux vers de ce temps, im¬ 
primé en 1630, à Paris, chez Toussaint du Bray, rue 
Saint-Jacques, t aux espies meurs, » et en sa bouti¬ 
que du Palais, en la galerie des prisonniers, renferme, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 397 

de la page 652 à la page 721, les morceaux suivants 
de notre poète bourbonnais : 

1. Stances : D’ou vient que sans effort j’ay rompu 
tous mes fers, etc. 

2. Stances : Pour la naissance de M. le duc de Rete- 
lois, trente strophes de quatre vers. 

3. Tirsis, vingt-neuf strophes de quatre vers. 

4. Elégie pour Ovide que Colletet trouve supérieure 
à celle de Politien. 

5. Stances : Cognoissant votre humeur, je veux 
bien ma Sylvie. 

6. Stances : O dieux ! qui yit jamais d’amant si dé¬ 
plorable, neuf strophes de quatre vers. 

7. Sonnet pour Mlle du Mayne : Toy qui lis dans le 
cœur des hommes et des dieux, quartorze vers. 

8. Pour un bracelet d’ambre et de perles envoyé à 
Mlle du Mayne, trois strophes de six vers. 

9. Pour Gloris : Vous qui pour le prix d’une pomme, 
cinq strophes de six vers. 

Les changements de la bergère Iris, poème pasto¬ 
ral en cinq chants, l’épigramme : Philis, au près de cet 
ormeau, etc., et l'ode à la reine Marie de Médicis, 
mère de Louis XIII, (33 strophes) complètent proba¬ 
blement, avec la complainte de Léandre, le bagage 
poétique de de Lingendes. 

Nous n'aurons garde d’oublier une traduction en 
prose des vingt et une épitres d’Ovide, qu'il publia 
en 1615, in-8°. Cette traduction eut les honneurs de 
trois éditions, puisqu’elle fut réimprimée en 1618 ' 
et pour la troisième fois en 1621. — Cette traduc¬ 
tion avait été faite, dit-il quelque part, « pour le con¬ 
tentement de deux princesses à qui il lui eût été 


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398 


POÈTES BOURBONNAIS. 


bien difficile de les pouvoir refuser. Cependant ce 
recueil n’en contient que treize de sa façon. 41 se 
contenta sans doute de faire un choix de celles 
qu’il avait travaillées avec plus de soin ; et pour le 
reste il aima mieux faire honneur au travail d’autrui 
que de publier le sien. 11 a donné quelquefois plu¬ 
sieurs traductions de la même Épilre par différents 
auteurs, tant afin que l’on puisse comparer les divers 
stiles, que pour faire plaisir au public en lui présen¬ 
tant toutes ces traductions. » Ces traductions d’Ovide 
en prose et en vers, dit l’abbé Goujet, à la page 428 
du tome V de la nouvelle édition de sa Bibliothèque 
française, sont celles du cardinal du Perron, de M. de 
la Brosse, ecclésiastique attaché à ce cardinal, de 
M.Hadeliopère deM. l’abbé d’Àubignac, de des Portes 
abbé de Thiron et Ole Guillaume Colletel. Elles furent 
dédiées à la reine mère du Roi, Marie de Médiois. 

Nous ajouterons même, en terminantceltc nomen¬ 
clature, que Titon du Tillet indique, à la page 210 de 
son Parnasse français, qu’on trouve plusieurs des 
pièces de vers de de Lingendes, dans un gros recueil 
in-8°, imprimé à Paris, en 1627, chez Toussaint du 
Bray, avee des vers de Malherbe, de Racan, de May- 
nard, de Touvant, de Nicolas Garnier, et d’autres 
poètes qu'on peut regarder comme des élèves de 
Malherbe qui commença à épurer notre langue et 
notre poésie. 

Rien qu’en lisant celle simple liste, peut-être bien 
incomplète, malgré tous les renseignements dont 
nous nous sommes entouré, on voit quelle aurait été 
la richesse de cette mine poétique, si la mort n’avait 
pas enlevé si 'file ce « poète préféré des femmes ; » 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


399 


car, il mourut, comme le disent Désessart, Chaudon 
et Delandine, n’ayant encore fait qu’essayer ou qu’é¬ 
voquer son génie, c’est-à-dire en 4616, à l’àge de 36 
ans, un an après ou la même année que Shakespeare. 


XXV. 


Les productions de de Lingendes étant disséminées 
dans les recueils de poésie française publiés au com¬ 
mencement du XVII' siècle (4), recueils devenus 
extrêmement rares, nous espérons que les personnes 
curieuses de notre histoire littéraire nous sauront 
gré de reproduire un certain nombre de morceaux et 
de fragments de ce poète bourbonnais. Nous aimons, 
en même temps, à constater que nous devons celte 
bonne fortune à notre ami, M. Alfred Avisard, qui, 
tout en recueillant, avec une patience de bénédictin, 
l’œuvre complète de de Lingendes, s’est plu encore à 
l’accompagner de notes curieuses et variées que nous 
avons été heureux de mettre souvent à contribution. 


XXVI. 


La traduction de l’élégie pour Ovide renferme 
soixante strophes de quatre vers chacune, ce qui fait 


(I) C'est donc à tort qne ( oiffier Demoret prétend qne les poé¬ 
sies de J. de Lingendes ont été recueillies en cinq volumes in-12 ; 
Histoire du Bourbonnais et des Bourbons, l II, p. 334. 


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400 


POÈTES BOURBONNAIS. 


une pièce d’assez longue haleine. Colletet, l’ami et le 
rivai de de Lingendes en poésie, trouvait cette élégie 
supérieure à celle d’Ange Politien quoiqu’elle ne fut 
toutefois, il faut l’avouer, qu’une espèce d’imitation 
ou de paraphrase de l’élégie latine sur l’exil d’Ovide 
de ce professeur et poète italien du XV e siècle qui, 
comme on le sait, a beaucoup contribué à répandre 
la connaissance et le goût de la littérature grecque et 
latine. 11 allait jusqu’à dire qu’à force de lire assidû¬ 
ment et d’imiter Politien qu’il aimait beaucoup, il 
arriva, dans quelques-unes de ses pièces, à se rendre 
plus poli que Politien lui-mème.. 

Cet excellent morceau se trouve, d’après Moreri, 
dans le troisième volume du Recueil des pièces choi¬ 
sies imprimées à Paris, chez Barbin, en 1692, ainsi 
qu’au tome troisième des Poésies diverses recueillies 
par M. de Loménie de Brienne et dédiées par M. de la 
Fontaine à M. le prince de Conti. Il a été aussi impri¬ 
mé en tête de la traduction des métamorphoses d’O¬ 
vide par Nicolas Renouard. L’abbé Goujet dit même, 
dans sa Bibliothèque française, ce qui est vrai, que, 
dans sa belle élégie pour Ovide, Lingendes loue beau¬ 
coup la traduction du poète latin de Nicolas Renouard 
qui fut imprimée en 1619 (1). Tous les biographes 
sont unanimes pour admirer et pour louer cette pro¬ 
duction de Jean de Lingendes. 

Des deux cent quarante vers que renferme cette 


(<) Cette date de 1619 prouverait ou que de Lingendes ne serait 
pas mort en 1616, comme nous l'avons indiqué, ou que cette tra¬ 
duction de Renouard n'aurait été imprimée que plusieurs années 
après qu’elle aurait été faite ou au moius commencée. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


401 


élégie, nous ne craignons pas d’en citer un peu plus 
de la moitié. Ces extraits de l’une des pièces les plus 
importantes de notre poète seront lus avec intérêt par 
tous ceux qui aiment les belles pensées et les grands 
sentiments exprimés dans un style élevé et gracieux 
tout à la fois. 

Ovide, c’est à torl que tu veux mettre Auguste 
Au rang des Immortels, 

Ton exil nous apprend qu'il estoit trop injuste 
Pour avoir des Autels. 

Aussi t’ayant banny sans cause légitime 
il t'a des-avoüé, 

Et les dieux l'ont souffert pour te punir du crime 
De l’avoir trop loué. 

Et vrayement il faloit que ce fut un Barbare 
De raison dépourveu, 

Pour priver son païs de l’Esprit le plus rare 
Que Rome ait jamais veu. 

Et bien que la rondeur de la terre et de l’onde, 

Obeïst à sa loy, 

Si devoit-il juger qu’il n’avoit rien au monde 
Qui fut si grand que toy. 

Mais ny ton nom fameux jusqu'aux bords d’où l'Aurore 
Se leve pour nous voir, 

Ny tes justes regrets, ny tes beaux Vers encore 
Ne peurent l’émouvoir. 

O combien s’affligea la Déesse d'Erice 
Des plaintes que tu fis. 

El de voir un Tyran faire tant d’injustice 
Au maistre de son fils ! 

On lient qu'à ton départ les filles de Mémoire 
Se vestirent de deuil, 

Croyant que ce malheur alloil mettre leur gloire 
Dans le fond d’un cercueil. 


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m 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Le Tibre de regret quittant sa robe verte, 

Publia sur ses bords, 

Qu'il n'avoit jamais fait une si grande perle 
Qu'il en faisoit alors. 

El qu'il eut moins d'ennuy, lorsqu'on la Thessalie 
La fureur des Romains, 

Versa le meilleur sang de toule l'Italie 
Avec ses propres mains. 

Ses nymphes qui souloient s'assembler à la Lune 
Pour chanter tes beaux Vers 

Le laissèrent tout seul, pour suivre la fortune 
Au bout de l'Univers. 

El je croy qu’aussi-tost qu'en laissant ton rivage 
Tu te mis dessus l'eau, 

Toy-mesme tu les vis durant tout ce voyage 
Autour de ton vaisseau. 

Tu ne les vis pas seul, les 6cythes qui les virent 
En furent esbahis, 

Us nous ont témoigné comme elles te suivirent 
Jusque dans leurs païs. 

Eux qui n'ont rien d'humain que la forme de l'homme 
Les voyant en ces lieux, 

< royoient avec raison qu'on eust banny de Rome 
Les hommes et les dieux. 

Ce lut lorsque leur Ame autrefois impassible 
Et sans nulle amitié, 

Apri; en leur escholeà devenir sensible 
Aux trai.s de la pi lié. 

Et que leurs yeux nourris de sang et de carnage, 

En se rendant plus doux, 

Se sentirent mouillez, et trouvèrent l'usage, 

De pleurer comme nous 

Continuant à peindre l’heureuse métamorphose 
opérée dans les habitudes des Scythes, par la pré- 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


403 


sence d'Ovide dans leur pays, de Lingendes oppose, 
comme contraste, la dureté et la cruauté d'Auguste 
qui seul, au milieu de l’adoucissement général des 
mœurs, prit un cœur de « rocher. » Apparaît ensuite 
l'Amour qui a quitté les bords du Tibre et de la Seine 
pour apporter excuses et message au poète. Mais, si 
grands avaient été les malheurs d'Ovide, combien 
grands aussi furent les chagrins et les tourments de 
ce petit dieu. Entendez-le s'écrier : 

Mais las ! si sans courroux tu vois dans mon visage 
Combien je suis changé. 

Quel tourment me peus-tu désirer davantage 
Pour estre mieux vangé ? 

Ne le suffit-il pas de scavoir que ma gloire 
Mourant de jour en jour, 

Est reduitte à tel poinct, que je n'ose plus croire 
D’estre encore PAmour ? 

Et qu'ayant négligé durant ta longue abscence 
Les traits que je portois, 

Voyant ce que je suis, je perds la souvenance 
D'estre ce que j'estois ? 

La fin de cette élégie est consacrée à chanter l'a¬ 
mour et les beautés de la terre de France et, tout 
particulièrement, les charmes et les grâces du bel 
Astre Lorrain. Il ne faut plus songerai à Rome, ni au 
fleuve latin ; il faut partir pour la France, telle est la 
voix du destin. 

Fay donc ce qu’il ordonne, et puisque c'est la France 
Qu'il t'a voulu choisir, 

Permets que la raison t'oste la souvenance 
De ton premier dé9ir. 


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404 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Et de fait aujourd'huy la France est embellie 
De tant de doux Esprits, 

Que selon son mérité elle rend l’Italie 
Digne de ton mespris. 

C’est là que le soleil ne voit point naistre d’homme, 
Que l’on puisse blasmer 

D’ignorer ce bel Art que tu montrois à Rome 
Pour sçavoir bien aimer. 

Leur cœur est si sensible, et leur ame si prompte 
A recevoir ma loy, 

Qu’ils me font dédaigner les Autels qu’Amatonte 
A veu faire pour moy. 

Les Dames d’autre part y sont si bien pourveuës 
De grâces, et d’appas, 

Que mesme allant au Ciel après les avoir veuës 
Le Ciel ne me plaist pas. 

Mais entre les Beautez tu verras apparoistre 
Ce bel Astre Lorrain 

Que la France adora quand elle le vit naistre 
Sur les rives du Clain. 

Toy-mesme en regardant cette belle Renée 
Qui n’a rien de mortel. 

Tu pourras avoüer que la ville d’Œnéc 
N’eut jamais rien de tel. 

Telle estoit ta Daphné quand tu la fis si belle 
Que son œil me ravit, 

Et força le soleil de courir après elle 
Aussi-tost qu’il la vit. 

Aussi quand je la voy son bel œil me consume 
Et me semble si beau, 

Que pour le voir tousiours j’ay perdu la coustume, 
De porter mon bandeau. 

Mais la rare Beauté dont elle est si vantée 
Par tout cet Univers, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


405 


Ne se verra jamais bien dignement chantée 
Si ce n'est par tes vers. 

Quitte donc tes Romains que ton Ame charmée 
Ne fait que soupirer, 

Pour voir cette Princesse à qui ta renommée 
Te fait tant désirer. 

Va trouver les François, où le Destin t'appelle 
Pour finir ton malheur, 

Et quitte de bon cœur ta langue maternelle 
Pour apprendre la leur. 

Cependant Renouard t'offrant une retraitte 
En ce lieu bien-heureux, 

Te promet sa faveur, et d'estre l'interprete 
De tes Vers amoureux. 

C'est celuy dont la plume aujourd'huy me fait croire 
Qu'il eut eu soin de moy, 

Si le Ciel qui t'avoit réservé cette gloire 
L'eut fait naistre avant loy. 

Et que pourras-tu craindre ayant la connoissance 
D’un Esprit si parfait, 

Et pour qui les neuf Sœurs se plaisent plus en France 
Qu'elles n’ont jamais fait? 

Ainsi disoit l'Amour, quand tu luy fis response 
Que n'ayant plus de chois. 

Tu suivoisle Destin, et la douce semonce 
D’un peuple si courtois 

Vi>jn donc heureusement acquitter ta promesse 
Où la France t'attend, 

Et ne diffère plus de voir une Princesse 
Qu’Amour te loua tant. 

Vien voir tant de beautez, dont le Ciel qui l'adore 
A voulu la doüer. 

Pour les loüer toy-mesme et pour m'apprendre encore 
Comme il les faut loüer. 


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406 


POÈTES BOURBONNAIS. 


XXVII. 

Jean de Lingendes a chanté plusieurs maîtresses, 
comme en font foi un certain nombre de pièces de 
poésies que nous possédons. Sylvie, Philis, Iris, Lisis, 
Gilize : tels sont les noms que sa muse galante leur a 
donnés. Ces beautés existèrent-elles réellement, ou 
bien ne durent-elles leur existence qu’au génie poé¬ 
tique de notre compatriote? Telle est la question qui 
vient tout naturellement à l’esprit en semblable ma¬ 
tière. Malheureusement, il est difficile, pour ne pas 
dire impossible, de répondre d’une manière catégo¬ 
rique, soit daus un sens, soit dans un autre ; car, les 
documents nous font absolument défaut pour résou¬ 
dre ce curieux problème. Résignons-nous donc au si¬ 
lence, jusqu’à ce que plus heureux, nous puissions 
lever ce voile obscur, comme M. Prosper Blanchemain 
a pu le faire pour un grand nombre des dames chan¬ 
tées par les poètes français du XVI* siècle. On sait en 
effet, maintenant, qu’entre autres, l’Olive de Du Bel¬ 
lay était une Angevine, nommée Viole; que la beauté, 
que chantait la Péruse, se nommait Catherine CoteI ; 
que les sonnets d'Etienne de la Boëtie ont été faits 
pour celle qu’il épousa, Marguerite de Carie ; que le 
Dijonnais Claude Turrin aimait Chrestienne de Baissey, 
demoiselle de Saillant ; etc., etc. (1) 

En attendant la solution de celte énigme et pour 
prendre patience, contentons-nous, avant d’aborder 


(1) Bulletin du Bouquiniste, 1$ juin 4868. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


407 


l’étude du poème des Changements de la bergère Iris, de 
faire lire, aux cœurs tendres et passionnés, comme à 
ceux que la triste réalité a désabusés des illusions des 
sens, ces curieux spécimens d'un genre de poésie qui 
était toujours en honneur dans les premières années 
du grand siècle et dont l’auteur se vantait, on le 
croira sans peine, d’être le plus tendre et le plus 
amoureux de tous les poètes. 


XXVIII. 

Quelle grâce, quelle fraîcheur exhale ce premier 
morceau ; comme tout y est naturel. Pourquoi faut-il 
que, dans l’amour comme dans la nature, aux beau¬ 
tés et aux charmes du printemps, succèdent les tris¬ 
tesses et les rigueurs de l’hiver? Quel sujet de tableau; 
ou, pour mieux dire, quel charmant tableau f Des¬ 
cription poétique des lieux, observation fidèle du 
cœur humain, voilà i’épigramme imitée, par Jean de 
Lingendes, de la Diana du poète portugais Georges de 
Monlemayor, mort à Lisbonne, en 1562. 

Philis, auprès de cet ormeau, 

Où paissoit son petit troupeau, 

Eianl loute triste et pensive, 

De son doigt écrivoil un jour. 

Sur le sablon de cette rive : 

Aleidon est mon seul amour. 

Je ne devois point m'assurer 
De voir sa promesse durer ; 

Parce qu’en chose plus légère, 

Et plus ressemblante à sa foi, 

L’ingrate et parjure bergère 
Ne pouvoit se promettre à moi. 

34 


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408 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Un petit vent qui s’élevoil. 

En mdme instant qu’elle écrivoit 
Celte preuve si peu durable. 
Effaça sans plus de longueur 
Sa promesse dessus le sable, 

Et sou amour dedans son cœ'ur. 


XXIX. 

Avecjles stances que nous reproduisons, nous arri¬ 
vons au genre de poésie dans lequel Jean de Lingen- 
des réussit mieux que la plupart de ses contempo¬ 
rains et « où l'on est touché, dit l’abbé Sabatier, d'un 
ton de sentiment et de délicatesse qui aurait pu, cin¬ 
quante ans plus tard, en faire un excellent poète. » 
S’il faut en croire l’abbé Goujet, « les stances furent 
introduites dans notre poésie, au plus tard vers le 
milieu du XVI e siècle. Fournier, loué par Charles 
Fontaine dans ses Ruisseaux, en avait fait avant 4555. 
Maclou de la Haye en avait composé en 4553, comme 
on le voit dans la Bibliothèque française de La Croix 
du Maine. » 

Dans les stances à Sylvie, c’est la passion, la pas¬ 
sion des sens poussée, pour ainsi dire, à son dernier 
degré ; matérialité qui ne perce même que trop dans 
les expressions du poète. Et puis, quelle réserve n’y 
a-t-il pas à faire, au nom de la morale, pour les sen¬ 
timents qui y sont préconisés. Malgré le charme des 
beaux vers, malgré la passion brûlante qui peut dé¬ 
vorer un amant, jamais le poète n’aura le droit de 
mettre le vice et le désordre sur le même pied que 
l’innocence et la vertu et de dire ou d’écrire par con¬ 
séquent : 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


409 


Celle qui fait du mal se peut dire innocente 
En le tenant caché. 

Quoique de la même famille que Claude de Lingen- 
des, assurément, en ce point, Técole est différente, et 
le poète vient donner raison au moraliste. Cette ob¬ 
servation de principe une fois faite, nous admirons, 
tout le premier, la facilité, la grâce, le naturel et la 
puissance d’imagination de Jean de Lingendes. 


Connoissanl votre humeur, je veux bien ma Silvie 
Que passant votre temps 

Avec tous les amans dont vous estes suivie, 

Vous les rendiez contens. 

La mode de la Cour m'estant si bien connuë, 
Pourrais-je avoir douté 

Qu’on pût vivre en ce temps plus chaste et retenue 4 
Avec tant de beauté ? 

J’approuve vos plaisirs et qu’il vous soit loisible 
D’en jouir bien à point, 

Car donnant tant d’amour, il seroit impossible 
Que vous n’en eussiez point. 

Mais puisque le péché point de blasme n’apporte 
Quand on le cache bien. 

Je voudrois seulement que vous fissiez en sorte 
Que je n’en sceusse rien. 

Celle qui fait du mal se peut dire innocente 
En le tenant caché, 

Mais quand on fait du mal, et qu’après on s’en vante, 
On fait double péché. 

Ne vous vantez donc plus de ce qu’il faudroit taire, 
De peur d'un mauvais bruit ; 

Découvrant en plein jour ce que vous n’osez faire 
Sinon en pleine nuit. 


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440 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Faites qu'en vos discours on puisse reconnoistre 
Un plus chaste entretien. 

L'apparence y suffit ; il faut feindre de l’estre. 

Et puis n'en faites rien ;* 

Recevez tous les jours ce plaisir ordinaire 
De quelque amant discret. 

Et cessant de le dire, et non pas de le faire. 

Tenez le plus secret. 

A tons sales discours, que vos lèvres soient closes, 

Et par un geste feint, 

S'il faut en écouter, faites changer en Roses 
Les Lys de vôtre teint. 

Pourvu qu'on ne le sçache, et que la renommée 
Ne vous aille blasm&nt. 

Soyez si vous voulez tout le jour enfermée 
Seule avec vôtre Amant : 

Mais feignez d'estre sage, et ne faites pas gloire 
De me sçavoir trahir, 

Me decelant un mal que je ne veux pas croire. 

De peur de vous haïr ; 

Car j'enrage de voir qu’un Page vous apporte 
Si souvent le bonjour. 

Pendant qu'un autre encore attend à vôtre porte 
De vous voir à son tour. 

D'un dépit bien ardent il faut que je l'avoué 
Je me sens embraser, 

Voyant tous les matins encor sur vôtre jouë 
L'empreinte d'un baiser. 

Lors voyant loin de vous la honte estre bannie, 

Je deviens si jaloux. 

Que je voudrais mourir ; mais pour vous voir punie 
Ne mourir qu'avec vous. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


411 


XXX. 


Dans les stances suivantes, notre compatriote re¬ 
connaît qu’il a été le triste jouet des illusions, que 
l’amour l’a trompé, en lui donnant pour amante, cette 
Philis qu’il tenait pour < l’astre de la cour ; » tandis 
que la réalité lui fait voir, maintenant, que les beau¬ 
tés qu’il admirait en elle • sont autant de défauts. » 
Désabusé de l’amour, il veut, « assis sur le rivage, > 
contempler les héritiers de sa chaîne, « mourir au 
servage dont il est échappé. » Outre que cette conclu¬ 
sion est peu charitable, elle ne nous montre que trop, 
comme nous avons eu déjà occasion de le remarquer, 
que de Lingendes n’avait en vue, au moins dans ses 
compositions poétiques, que le côté matériel de l’a¬ 
mour; les sens satisfaits, tout lui semble terminé, 
tout est pour le mieux. Telle, assurément, n’aurait 
pas été sa manière de voir, s’il avait chanté l’amour 
vrai, l’amour du cœur qui seul, en effet, peut défier 
lp temps et les orages de la vie, en nous donnant bon¬ 
heur et réconfort. 

D’ou vient que sans effort j'ai rompu tous mes fers, 

Et que le souvenir des maux que j'ai soufferts, 

Me paroit un mensonge ? 

Je ne liens plus Philis pour l'astre de la Cour ; 

Et ses perfections ne me semblent qu'un songe. 

Non plus que mon amour. 

Maintenant j'en ai honte, en ne la voyant pas 

Avec cette douceur, et ces divins appas 
Qui la rendaient si belle 


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442 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Au contraire, je vois que ces charmes sont faux. 

Et que tant de beautés que j'admirais en elle, 

Sont autant de défauts. 

Le soleil ni l'amour ne sont plus dans ses yeux ; 
Elle n'a plus d'attraits, dont j'ai cru que les Dieux 
L'avaient si bien pourvue : 

Aussi, tout étonné, je sors de ma prison. 

Et confesse qu'amour m'avoit ôté la vue, 

Pour m'ôter la raison. 

Je me veux mal pourtant des pleurs que j'ai perdus, 
El de tant de soupirs làchemeut dépendus 
Pour si peu d'importance ; 

Et veux dès maintenant, en horreur d'un tel jour, 
Qu'on m'envoie à jamais pleurer de repentance 
D'avoir pleuré d'amour. 

Car sitôt que mes yeux ont été découverts. 

Mes fers en même instant se sont entr'ouverls 
Sans faire résistance : 

J'ai foulé par dédain les laqs où j'étais pris ; 

Et ce qu'un autre amant eût fait par inconstance, 

Je l'ai fait par mépris. 

Adieu donc, ô Philis ! C'est le vouloir des dieux 
Qui m'ôtent ce bandeau qui me couvroit les yeux, 
Que je vous abandonne : 

Recevez cet adieu que je trouve si doux, 

Et prenez ce congé, puisque je vous le donne, 

En le prenant de vous. 

Quant à moi maintenant, sans peur de m'abîmer 
Je me rirai des vents et des flots de la mer, 

Assis sur le rivage, 

Et verrai de bon cœur quelque esclave trompé, 
Héritier de ma chaîne, et mourir au servage 
Dont je suis échappé. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


413 


XXXI. 

« 

Les annales poétiques, depuis l’origiue de la poésie 
française jusqu’en 1780, renferment le premier cou¬ 
plet ou le refrain d’une chanson fameuse que seuls les 
éditeurs ont pu retrouver et que seul par conséquent 
nous allons reproduire : 

Si c’est un crime de l’aimer 
On n’en doit justement blâmer 
Que les beautés qui sont en elle ; 

La faute en est aux dieux, • 

Qui la firent si belle, 

El non pas à mes yeux. 

Ce morceau « plut si fort à Monsieur le cardinal de 
Retz, qu’il le fît répéter plusieurs fois à Lambert qui 
le chantait devant lui, (I) » et on sait que Michel 
Lambert était un célèbre musicien qui jouissait, sous 
Louis XIV, d’une haute réputation et qui ne fut 
éclipsé dans sa vieillesse que par Lully, son gendre. 


XXXII. 

LES CHANGEMENTS DE LA BERGÈRE IRIS- 

En composant son poème pastoral des changements 
de la bergère Iris (2), notre compatriote n’avait fait 


(1) Recueil de Barbin. 

(2) Les changements de la bergère Iris, revus, corrigés et aug¬ 
mentés par l'auteur. Paris, Toussaint du Bray, 1611, aussi 1618, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


que suivre une impulsion bien accentuée. Àu XVI e 
siècle, en effet, ce genre de poésie avait été comme 
renouvelé en Italie, en Portugal, en Espagne, en An¬ 
gleterre et en France, par Sannazar, Montemayor, 
Gervantès, Sidney et d’Urfé qui eux-mêmes n’avaient 
été que les continuateurs d’un mouvement poétique 
dont l’origine se perd probablement dans la nuit des 
temps. La Bible, avec le livre de Ruth et le Cantique 
des Cantiques, nous offre les premiers monuments 
connus du genre pastoral dont l’histoire littéraire 
suit les développements successifs chez les différents 
peuples,, Théocrite, Bion et Moschus, en Grèce ; chez 
les Romains, Virgile, Némésien et Calpurnius ; au 
V e siècle, Longus avec son roman pastoral de Daph- 
nis et Chloë ; et, dix siècles plus tard, Politien, Tan- 
sillo Beccari et le Tasse, le père du célèbre poète ita¬ 
lien, sont les principaux auteurs que l’on peut citer 
en ce genre, pour arriver à la révolution littéraire du 
XVI e siècle que nous venons de signaler. Si nous vou¬ 
lions continuer ce rapide tableau, nous mentionne- 


in-12. Poème pastoral en cinq chants, et en 463 strophes de six 
vers ; il est écrit avec facilité. Le catalogue de M. Viollet le Duc en 
décrit une édition de Paris, Toussaint Du Bray, 1646, in-12. avec 
un privilège du 45 octobre ; cette date est remarquable, car l’au¬ 
teur n'aurait eu alors que 49 ans si, comme le marque M. le Duc, 
il était né en 1586. L’édition de Lyon, sur la copie de Rouen, 1618, 
in- 12, est augmentée de la Complainte de Léandre et d'une élégie 
sur l'exil d'Ovide , par le même de Lingendes. Cela se trouve éga¬ 
lement dans Tédition de Tournon, Cl. Michel, 1648, in-24. — Di¬ 
verses poésies du même auteur sont imprimées dans les recueils de 
poésie française publiés au commencement du XVII e siècle. (Ma¬ 
nuel du libraire et de l’amateur de livres par Jacques, Charles 
Brunet, t III, 5 e édition.) 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


m 


rions les noms de Racan, de Segrais, de Gessner, de 
Florian, de Voss, de Goethe; et, de nos jours, ceux 
de Ch. Reynaud et de Mme Sand (1). 

Le poëme des Changements de la bergère Iris, « ce 
petit livre, » comme l’appelle le poète lui-même dans 
sa dédicace, est dédié à une femme célèbre, par son 
esprit et sa beauté, de la maison de Bourbon-Condé, 
à très-haute et puissante Madame Louise de Lorraine, 
princesse de Conty, qui pourrait bien avoir inspiré 
ces vers langoureux et tendres, expression réelle d’un 
amour profond et malheureux, mélangée toutefois 
des langueurs et des préciosités de l’époque. Nous ne 
verrions là, rien de bien extraordinaire, sachant que 
notre compatriote, alors dans toute la force de la 
beauté et de la jeunesse, était bien en cour, puisque 
ses biographes nous apprennent qu’il fut protégé de 
la mère de Louis XIII, et de cette môme princesse de 
Conti qui aima Henri IV, 

Princesse que du ciel les Dieux ont fait descendre 

Pour monstrer ce qu’ils font et se faire honorer (2) 

Cette étude nous montrera, nous l’espérons du moins, 
d’une façon sensible que si rien dans ces vers ne 
peut nous mettre sur la voie de la personne aimée, 
tout fait supposer qu’il n’est pas là question d’une 
œuvre de pure imagination, d’un curieux exercice 
poétique et littéraire, mais bien d’une douce et triste 


(1) Dictionnaire des sciences , des lettres et des arts de Bouillet, au 
mot pastoral. 

(2 y Sonnet de J. de Lingendes placé en tête des changements de 
la bergère Iris. 


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416 


POETES BOURBONNAIS. 


réalité dont s’est emparée la fiction, pour l’embellir 
et donner le change à la postérité. 

Les poètes du temps se sont empressés de louer 
J. de Lingendes. Nous ne verrons dans ce fait rien de 
bien extraordinaire, puisque nous savons déjà qu’ils 
étaient presque tous les amis de notre compatriote. 
Citons néanmoins les noms de ceux dont les vers se 
trouvent en tète du volume des Changements de la 
bergère Iris, Honoré d’Urfé, Berthelot, de Corlieu, 
Davity et P. Denancei qui s’adressant au berger Phi- 
lene, le héros de notre poème pastoral, lui promet, 

en ces termes, la gloire et l’immortalité : 

% 

Philene tu te plains à ton de ta Maistresse, 

Me scs traicts, de ses feux, de ses cruels dédains. 

Et ne t’advises pas outré de ta détresse, 

Que lu te dois louer de ce que tu le plains. 

Car où seraient ces vers de ta Muse divine, 

Qui naissans des plus vieux vont la gloire estouffant, 

Si tu ne ressemblois la mère en sa gésine. 

Qui pleure de son mal et rit de son enfant. 

Les Changements de la bergère Iris, composés dans 
la manière du Sireine d’H. d’Urfé et du Philandre de 
Maynard (1), sont divisés en cinq chants et en quatre 
cent soixante strophes, renfermant deux mille cinq 
cent soixante dix-huit vers. A quels développements 
la muse légère de l’amant d’iris n’a-t-elle pas dû avoir 
recours, pour pouvoir fournir une si longue carrière, 
non exempte sans doute de longueurs et de répéti¬ 
tions, au milieu desquelles on se plaît à lire de belles 


(I) Note sur le président François de Maynard, poète Toulousain, 
par M. P. Blancliemain. (Bulletin du Bouquiniste du 15 mai 1867.) 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


417 


descriptions de la nature, des scènes pathétiques d’a¬ 
mour et d’amitié, exprimées en vers élégants et naïfs, 
et aussi, il faut bien le dire, certains développements 
sensuels un peu trop dans le goût de l’époque. 


XXXIII. 

Avant d’arriver à l’histoire des amours de Philene 
et d’iris, nous devons transcrire quelques-unes des 
premières strophes du poème qui nous font connaî¬ 
tre et ce que le poète a voulu faire et ce qu’il attend 
du lecteur bienveillant qui le lira. 

Beaux esprits qui dedans ces vers 
Lirez de mes malheurs divers 
La vraye et lamentable histoire, 

Je vous en trace le discours 
Pour estre plaint en mes Amours, 

Non pour en tirer de la gloire. 

Le vert laurier qui sert de pris 
Au travail des meilleurs Esprits 
N'est pas le pris que je souhaitte, 

Je désire ici seulement 
Le tiltre de fidelle Amant 
Et non celui de bon Poète. 

Car aussi vous tromperiez-vous 
D'altandre un ouvrage bien doux 
D'un pauvre Amant que la Nature 
Produisit pour le martirer, 

Qui ne sçait que bien endurer 
Non bien dire ce qu'il endure. 

0 toi liran de mes désirs 
Autheur de tant de desplaisirs 


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418 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Dont mourant je sens les attaintes 
Amour, mon immortel vainqueur, 
Puis-que tu fais mourir mon cœur, 
Au moins fais-en vivre les plaintes. 


Et loi qui me vas consumant, 

Belle cause (le mon tourment, 

Reçoi cet ouvrage en mémoire 
De mon amour, et permets moi 
De chanter la gloire et ma foi, 

Et ma foi pour ta seule gloire. 

Que si les vers que j’ai chantez 
Ne monstrenl toutes les Beaulez 
Ne croi point que ce soit par haine. 
Pourquoi t’en offenccrois-tu 
Voiant que de mesme j’ai teu 
Plus de la moitié de ma peine. 

Cependant, Iris, s'il te plaist 
Tu recevras telle qu’elle est 
Geste histoire de mon martirc, 

Et tu me lairras espérer 
Que l’ayant fait endurer 
Tu prendras plaisir de le lire 


XXXIV. 

Voici maintenant, en quelques mots, quelle est la 
simple donnée du poème. J. de Lingendes, sous le 
nom de Philene, et Iris, notre belle inconnue, sont les 
deux principaux personnages. Mais, comme dans la 
tragédie antique, il faut à ce drame tout moderne, 
des confidents ; ce seront les deux bergers Crétois 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


419 


Daphnis et Danois. Poussé par le désespoir, Philene 
▼eut finir ses jours, en se précipitant dans la mer qui 
refuse sa proie et la rejette sur la rive ou les deux 
bergèrs trouvent l’infortuné, le soignent et le font 
revenir à la vie, malgré ses plaintes et ses protesta¬ 
tions. 

Pour soulager son cœur, pour remercier ses libé¬ 
rateurs de leur peine et de leurs soins et pour satis¬ 
faire, en même temps, leur juste curiosité, notre 
amant n’a rien de plus pressé que de leur raconter 
ses malheurs et se6 chagrins. Les faits que le poète 
va dérouler devant nos yeux se passeront en Crète. 
Quoique loin du beau pays de France, comme on di¬ 
sait alors, nous allons bien aisément nous reconnaî¬ 
tre dans la description et les progrès de la flamme 
amoureuse de Philene ; car, outre que nous sommes, 
en partie du moins, dans le domaine de la fiction, 
l’amour est le même partout et toujours et surtout 
l’amour sensuel dont il est ici question. 

C’est en conduisant, un jour de printemps, paître 
leurs troupeaux, sous « le doux ombrage vert, » que 
les deux bergers Crétois, t de chaut halletans, » ren¬ 
contrèrent Philene, dans la triste situation que nous 
connaissons. Comme on aimerait à parcourir ce che¬ 
min riant et frais, si poétiquement décrit par le 
poète : 

Us suivoient un petit ruisseau 
Qui courtois baignoit de son eau 
Les racines de ce bocage, 

Bocage qui pour empescher 
Que le chaut ne le fit sécher 
Le lenoit frais sous son ombrage. 


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420 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Le bocage est atteint, « dessus l’herbe ils s’alloient 
estandre, » quand ils entendirent et aperçurent : 

.un vivanl Idole 

Telle qu'on dépindroilla Pitié, 

Couché sur le sable à moitié 
Et moitié sur la mousse molle. 


Les zephirs pour ne l’esveiller, 

Pensants qu'il voulut sommeiller 
Craintifs retenoienl leur halaine, 

Ou touchez de ses desplaisirs 
Ils se changeoient en ses soupirs 
Pour l'aider à plaindre sa peine 

Assisté et soigné par les deux bergers, Philene re¬ 
vient à lui et, en leur adressant la parole, les yeux 
« moüillez d’une pluye éternelle, » se plaint amère¬ 
ment qu’ils l’aient rendu aux tristes réalités de l’exis¬ 
tence, vu son malheur, son mal et son ennui. 

M’empescher ainsi de mourir. 

Las ! ce n’est pas me secourir 
C’est me faire un mauvais office 


Je fuis les cœurs plains de pitié 
Ayant mis une inimitié, 

Entre le remède et ma peine. 

Ces plaintes exhalées, Daphnis et Damis essaient 
tour à tour, tout en offrant l’hospitalité à Philene, de 
lui faire entendre la voix de la raison qui commande 
impérieusement de surmonter et de vaincre sa dou- 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


421 


leur, comme de résister, de toutes ses forces, aux en¬ 
traînements du désespoir et de la passion, réagissant 
ainsi fort à propos contre les idées de destin et de 
fatalité que les développements du poëme semble¬ 
raient faire naître et que le christianisme avait ren¬ 
versées, pour inaugurer le règne de la liberté et du 
devoir. La conversation se prolonge, des observa¬ 
tions et des raisonnements sont échangés de part et 
d’autre. C’est alors que Damis fait entendre ces belles 
paroles, à l’adresse de tous les malheureux qui se 
complaisent dans leur douleur, repoussant secours 
et consolations quels qu’ils soient et de quelque côté 
qu’ils viennent : 

Cesse (luy dit-il) de deslruire 
Le repos qui peut t'assister, 

La douleur ne peut profiter 
Elle qui ne sçail rien que nuire. 


XXXV. 


Le préambule terminé, Philene, « ce berger d’a¬ 
mour consommé, » commence le récit des tristes 
vicissitudes de son existence pleine d’espérance, d’in¬ 
certitude, de douces illusions et de tristes réalités. 

Les trois vers suivants vont nous révéler le nom de 
sa patrie : 


Je suis d'Arcadie, et les flos 
Du clair Ladon tiennent enclos 
Les prez où mon père demeure. 


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m 


POÈTES BOURBONNAIS. 


A seize ans, il est envoyé en Italie, prèsdePise, 
pour apprendre, de 

Darain, qu’une nymphe des bois 
Du Dieu Pan conceut en cachette, 

à chanter et à cultiver l’instrument champêtre que 
nous connaissons encore sous le nom de musette. 

Durant un séjour de trois ans qu’il fit en ces lieux, 
grâce à sa témérité et à son inconstance, il est assez 
heureux, pour remplir « de doux désirs, » 

Le cœur des plus froides bergères. 

Toutefois, Lysis est le seul nom qu’il daigne rappe¬ 
ler, 


.... Lysis, qui seule en ce lieu 
Enfin m'eût peu rendre fiilelle. 

Ce n’est qu’à regret, et on le croit sans peine, 
« qu’heureux en amours si plaisans, » Philene se dé¬ 
cida, pour obéir à son père, à quitter cette riante 
contrée. 

De retour dans ses bois, volage dans ses amours, 
il a bientôt allumé de nouveaux feux. C’est d’abord 

Cilise Nymphe en qui l’Amour 
Estoit un vainqueur redoutable 

Eli attendant le portrait d’iris, admirons celui de 
Cilise; l’un et l’autre sont de nature à nous faire ap¬ 
précier le bon goût du trop amoureux berger. 

Ses cheveux cendrés et bien longs 
Ondoyoient jusque à ses talons, 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


423 

Beaux cheveux qui cachoiei la cendre, 

Dont ses yeux recelloient les feux, 

Beau poil qu’il moslroit das quels neus 
Amour peut les âmes surprendre. 

Son teint en quelque lieu vermeil 
Estoit ailleurs aux lis pareil 
Qui me la firent voir si belle. 

Pendant qu’il se plaisait à ces nouvelles amours 
voilà qu’une autre bergère, Iris, résolut sou « serva¬ 
ge. » Il se laissa faire ; comment, en effet, aurait-il 
pu résister aux charmes et aux avances d'une telle 
beauté. Ecoutez plutôt l’amant enthousiasmé : 

Son port, son geste, et son discours 
Tous mignards avoienl mille amours, 

Sa face estoit mignonne, et telle 
Que Favoit, ou devoit avoir 
La Nymphe qui peut émouvoir 
Phœbus de courir après elle. 

Sur son teint blanc et vermeillet 
Naissoit le lia blanc et l'œillet. 

Sa bouche de Cinabre peinte 
Estoit telle, qu'en sa saison 
Une roze en comparaison 
Sembloit toute pasle et déteinte. 

Ses cheveux en cordons noüez 
Ou libres en l’air en-joüez 
Des âmes les chesnons aimables. 

Comme si Midas autresfois 
Les eut etrains entre ses doits 
A du fil d’or estoient semblables. 

Dans les prez elle se plaisoit 
Et fort peu souvent conduisoit 
Des troupeaux hors de son vilage. 

Non que ses jours fussent oisifs, 

Car tousjours ses dois inventifs 
Faisoiem quelque gentil ouvrage. 


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424 


POÈTE BOURBONNAIS. 


% 

XXXVI. 

Avec le second chant, c’est-à-dire après qu’il eut 
repris ses esprits toujours tourmentés par de vifs et 
déchirants souvenirs, Philene continue la longue his¬ 
toire de ses malheurs. Gomment aurais-je pu, s'écrie- 
t-il, ne pas succomber à une pareille tentation ; com¬ 
ment la voir, sans l’aimer, cette Iris, les délices de 
l’empire de l'amour et « mon doux plaisir ! » Et alors, 
avec complaisance, il revient sur les charmes de son 
amante qui lui ont fait oublier toutes les nymphes 
qui, autrefois, l’ont enflammé. II se rappelle tou¬ 
jours : 

• 

.Sa bouche ou les œillets 

Semez sur les bords vermeillets 
Y semblent fleurir pour sou-rire 

fris voulut bien m’aimer. Mon pasteur, me dit- 
elle : 

Je ne suis pas si mal aprise ' 

De vous dénier d’estre mien : 

Oüy Philene, je le veus bien, 

Si de moy vostre ame est esprise. 

Un baiser de sa bouche, 

4 

Un doux baiser, le plus doux vrayment 
Que jamais rœcut un amant, 

fut le gage sensible de leurs premières amours et le 
prélude d’une félicité qui, malheureusement, ne de¬ 
vait pas être d’une bien longue durée. Nos deux 
amants ne peuvent plus se quitter, ni supporter la 
moindre absence, leurs deux existences n’en font 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


425 


plus qu’une; situation charmante qu’expriment si 
bien ces deux vers que le poète a placés sur les 
lèvres de Philene : 

Ayant dans sa bouche perdu 
Mon ame en ces douceurs charmée. 

Au milieu de leur joie et de leur bonheur, 

L’Envie au visage blesmy 
Dont l'œil n'est jamais endormy, 

essaie, mais en vain, de les désunir ; car, < Amour 
seul estoit leur vie. » Ce n’est pas tout, nouveau 
malheur, la mère d’iris, < trop bonne parente, » 

Voulut aller voir ses Parents, 

Qui pour lors estoient demeurants 
Sur les derniers bords d’Erimante. 

Rien ne pouvant retenir Iris et redoutant, avec juste 
raison, les conséquences d’une absence plus ou moins 
prolongée, Philene, • le cœur percé de part en part, t 
va pour lui faire ses adieux, 

La trouver en ce mesme lieu, 

Qu'encor'mon Paradis j'appelle, 

Et pour la suivre avec ma foy. 

Je pris avant conge de moy 
Pour ne prendre point congé d'elle. 

Malgré ses bonnes résolutions, cherchant à l’atten¬ 
drir, son cœur déborde et sa flamme fait entendre ce 
langoureux et brûlant langage : 

Mon cœur (luy dis-je) mon soucv, 

Iris, je viens esprès icy, 

Afin de mourir à ceste heure, 

Et si tu me veus contenter, 

Au moins avant que me quitter 
Permets qu'en ton giron je meure. 


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426 


POÈTES BOURBONNAIS. 


El que regardant ton bel œil. 

Qui comme un rayonneux Soleil 
A mis dans mon cœur tant de flame, 

Je finisse en le regardant, 

Et par mes regards luy rendant 
Ses doux feux qui font ma seule ame. 

Et quoy, tu t'en vas doncq, mon cœur ! 

(Dis-je tout pasme de langueur) 

As-tu de ma mort tant d'envie, 

Qu ainsi tu veuilles l'absenter. 

Car c'est mourir que te quitter, 

Si mourir c'est quitter la vie. 

Je me teu, puis recommençant 
Je luy dis, tu vas doncq laissant 
Ce qui laissé ne pourra vivre, 

Ou si je vis en cet esmoy. 

Mon cœur vivra tout seul de moy 
Vivant du boii-heur de le suivre. 

Iris n’a pas la force de répondre à son amant, abimée 
qu’elle est, elle aussi, dans ses chagrins, 

Monstrant qu'en ne pouvant parler, 

Sa douleur ne se pouvoit taire. 

Impuissant à empêcher ce départ, Philene va accom¬ 
pagner son amante jusqu’au vaisseau qui doit l’em¬ 
porter loin de lui. Cette cruelle séparation accomplie, 
il revient seul, faible et triste ; et alors s’emparent de 
son esprit tous les tourments que l’oubli apporte avec 
lui. Car, * l’absence est un grand tourment, » 

L’oubly c’esl le soupçon premier. 

Mais, finissant par s’apercevoir lui-même de la 
longue digression qu’il vient de faire sur les mal¬ 
heurs qu’entraine ordinairement l’absence, il s’en 
excuse auprès des deux bergers. Pendant qu’il dis- 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


427 


courait ainsi, la nuit arrive et force ce malheureux à 
suspendre le cours de son récit, pour le reprendre la 
première fois qu’il retrouvera ses deux confidents. 
En effet, 

Ja les Grillons sont entendus 
Par les fentes des prez tondus, 

Et le Soleil las de reluire 
Sur ce mont encore arresté, 

Conserve ce peu de clarté 
Tout exprès pour vous reconduire. 

Sur l'invitation des Crétois, il les accompagne à leur 
demeure, pour prendre quelque nourriture et quel¬ 
que repos. Le long du chemin, Damis, songeant 

Au triste estai de ce berger 
Que tousjours il entendoit plaindre, 

s'empresse de lui apprendre que, près d’eux, un ber¬ 
ger de leur connaissance, nommé Arance, a été guéri 
d’un mal semblable, < d’un tel souci, » par les soins 
d’un vieux Coribante et lui conseille d’essayer les re¬ 
mèdes qu’il se fait un plaisir de lui indiquer, c’est-à- 
dire l’oubli, l’absence, le souvenir des défauts de la 
personne aimée. Malheureusement, Philene ne veut 
rien entendre ; rien, selon lui, ne pouvant soulager 

Une ame que l'Amour possède. 

Ces remedes sont des erreurs, 

Car l'amour est de ces fureurs 
Qui s'empirent par le remede. 

Donc, si « Arance aveu sa flame esteinte, » c’est qu’il 
n’avait été que bien légèrement atteint par l’amour. 
Et ainsi, tout en marchant et en causant, ils arrivè¬ 
rent à leur cabane, 

Et puis après avoir soupé 
Jus-qu’au malin ils se couchèrent. 


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POETES BOURBONNAIS. 


423 


XXXVII. 

Le troisième chant commence avec l’aurore d’une 
nouvelle journée. C’est en vain que Philene a de¬ 
mandé au sommeil, la réparation de ses forces et 
l’oubli de ses malheurs. Il se lève et, en compagnie 
de Duphnis et de Damis qui ont rempli • leur panne- 
liere, > il se prépare à gagner 

.un lieu près 

Pour y pouvoir prandre le frais 
Ei passer la journée entière. 

Ils sortirent ainsi tous trois 
Nenans leurs troupeaux dans les bois 
Qui pas-à-pas par leurs clochettes, 

Esveilloyenl les oiseaux cachez 
Dans leurs petits lits attachez 
Dessus les branches plus sccrettes. 

Arrivés à une grotte, creusée dans le rocher, qui ' 
vit jadis les amours d’Europe et de Jupiter, ils s’assi¬ 
rent 

Sur des vieus caillous adoucis 
De tréfilés, et de mousse molle 
Les plus nets qu'ils avoient trié. 

Et Philene, sans se faire prier, continua son histoire. 

Laissant de côté tout l’ennui qu’il ressentit, pen¬ 
dant l’absence intolérable d’iris, il entretient longue¬ 
ment les bergers du retour de son amante, racontant 
ainsi de nouveau ses douleurs et ses tourments, avec 
des mots et des développements différents, procédé 
qui permet.au poète de pouvoir composer ses cinq 
chants. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


429 


0 jour longuement attendu. 

Ainsi je fus voir mon Iris 
. Qui dans ses deux bras si chéris 
M'estraignit d’une douce envie. 

iris ne reste pas en arrière de si beaux sentiments, 
elle exprime les siens d’une façon tout aussi brûlante, 
laissant entendre que « toute cette liesse est sienne. > 
Malheureusement, sur ces entrefaites, une compa¬ 
gne d’iris, la bergère Glorille cherche à persuader à 
Philene que son amante le trompe pour Gbaris, nou¬ 
veau berger à peine arrivé dans le pays. Atterré par 
cette affreuse nouvelle, c’est en vain que Glorille cher¬ 
che à le rassurer, en lui avouant naïvement que ce 
n’est là qu’un stratagème pour éprouver son amour. 
Tourmenté par la jalousie, cet infortuné 

Demi-mourant tout estonné, 

Tout transi, tremblant et débile. 

Sans couleur, pensif et chagrin, 

n’y lient plus et va trouver Iris, pour lui adresser 
des reproches, reproches qu’elle repousse, qu’elle ne 
veut pas accepter ; car, tout cela n’est que l’oeuvre de 
la t causeuse » Glorille, vu qu’elle ne tient les paroles 
du berger Gharis que pour des contes frivoles. « Tu 
t’affliges donc trop à crédit, » lui dit-elle. Rassuré 
par ces bonnes paroles, il renaissait à la joie et à l’es¬ 
pérance, malgré les avertissements de plusieurs de 
ses amis qui ne venaient que trop confirmer les pa¬ 
roles de Glorille ; quand, spectacle affreux, il vit, un 
jour, de ses propres yeux, Iris et Gharis. 

.tous deux dans un pré 

De mille fleurons diapré 


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430 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Fleurons qui m’esloicnt des orties, 

Toutes les fleurs de mon espoir 
Voyant ce que je n'osai voir 
Furent en soucis converties. 

A cette vue, sa douleur et son ressentiment sont à 
leur comble ; aussi, Iris, le voyant approcher, 

Ne peut sa honte retenir. 

Mais, chose curieuse et vraiment bien extraordinaire, 
Philene s’avance vers eux et alors le poète lui fait 
tenir ce singulier langage : 

El sans mooslrer plus triste face 
Leur ayant donué le bon soir, 

Enx m'ayant prié de m'assoir 
Dessus l'herbe entr'eux, je pris place. 

Dans cette situation on ne peut plus critique, on 
reste jusqu’au soir, sans se donner mutuellement 
aucune explication. Enfin, notre amoureux ne trouve 
rien déplus naturel que d’accompagner Iris che2 elle, 
en compagnie de Charis. N’y pouvant plus tenir, et 
pourtant quelle patience jusque-là, il leur dit adieu 
et va se perdre dans les bois, pour pouvoir être tout 
entier à sa douleur. 

Changement subit et bien inattendu, Iris, l’infidèle 
amante, à son tour, est « éprise d’une ardeur nou¬ 
velle » et désire revoir son berger qui soupirait lui- 
môme après cette entrevue.il saisit donc, avec em¬ 
pressement, la proposition de Gorille, « à tous deux 
fidelle, » de leur ménager une rencontre. 

Introduit dans la maison d’iris, Philene trouve son 
amante couchée ; à son approche, « se relevant sur 
son lict, » elle l’accueille par ces paroles : 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


431 


Vis heureux (dit-elle) Philene. 

Mon heur ne dépend que de coi 
(Lui répondisse) et non de moi. 

L’entrevue eût peut-être tout arrangé, si l’amant, 
trop curieux sans doute, n’eut voulu parler, à sa belle, 
de la cause de son martyre. 

Touchant les amours de Cbaris, 

Me respondanl d'un seul souris 
Elle ne m'en voulut rien dire. 

La réponse, comme on le voit, était loin d'être satis¬ 
faisante. 


XXXVUI. 

Sans autre introduction, Philene reprend, avec le 
quatrième chant, le récit de ses malheurs et de ses 
chagrins qu’il se plaît à développer sans fin. Alors, 
un autre personnage, du nom de Celize, entre en 
scène et apprend, « en trois mots, » que Charis avait 
« acquis » Iris, depuis trois jours. Malgré ce témoi¬ 
gnage assez péremptoire, Philene ne sait, ce sont ses 
phopres expressions, « qu’en penser, » tourmenté 
qu’il est toujours par la cruelle incertitude de son 
esprit. Toutefois, voulant s’assurer du fait par lui- 
même, il retourne rendre visite à son inhumaine dont 
« le bel oeil languissoit d’ennui. » Cette bergère avait, 
disons-le en passant; l’esprit assez cultivé, puisque, 
dans un pareil moment, elle était occupée à lire 

Les regrets que Didon faisoit 
De son amant abandonnée. 

Quoi qu’il en soit, en réponse aux récriminations de 


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432 


POÈTES BOURBONNAIS. 


son amant, elle rejette son inconstance sur sa mère 
qui a fait choix de Gharis ; et, une fille n’est-elle pas 
obligée, dit-elle, d’obéir à sa mère. Tout ce raisonne¬ 
ment, selon l'amant éconduit, n’est que feinte et du¬ 
plicité. Cesse, s’écrie-t-il, cesse de vanter mes per¬ 
fections, puisque tu en préfères un autre ; car, tu ne 
sais que trop que, si ta mère peut agir sur toi, c’est 
que ton amour est loin d’être parfait. Tu mérites 
qu’on t’oublie ; que ne puis-je le faire. Pourquoi, 
cruelle, m’avoir enflammé de la sorte, puisque tu ne 
devais que faire semblant de m’aimer ; ton incon¬ 
stance me fera mourir. Après avoir ainsi, pendant 
assez longtemps, adressé des reproches, il finit par 
où vraiment il aurait peut-être dû commencer, il se 
traite de sot, se déclarant la cause de ses ennuis et 
formule, dans la strophe suivante, un conseil salu¬ 
taire qu’il ne faut pas négliger de reproduire : 

Tu crois donc que c'esl bien aimer 
Que de se pouvoir enflamer 
Ou premier qui se passionne 
De ion œil qui parois si doux. 

Mais aianl de l'amour pour tous, 

Tu n'en peux avoir pour personne. 

Sachant tout ce qu’il sait, Philene ne veut pas se 
rendre maître de sa passion ; il a toujours le cœur 
trop épris, pour se rendre à l’évidence et pour tra¬ 
vailler à rompre ces liens tyranniques. Si les appa¬ 
rences lui sont contraires, il cherche à se persuader 
que l’âme d’iris lui est au moins restée fidèle, ce qui 
le fait s’exprimer ainsi : 

Or mon Iris puis qu’il le plaisl 
Que mon deslin soit tel qu’il esl 


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POETES BOURBONNAIS. 


433 


El que mon mal-heur ne te touche, 

C'est à la mort de me guarir, 

Mais permetez qu'avant que mourir 
Je prenne un baiser de ta bouche, 

Sur ces motz m'estant advancé. 

D'un long baiser je la pressai 
Succeant une nouvelle flame, 

Et lors son baiser m'inspira 
Un doux soupir qui m'assura 
Qu'elle m'aimoit encor'en l'âme. 

En ce baiser par l’amour deu, 

Par moi pris par elle randu, 

Nos âmes mesmes se baizerent. 

El nos yeux aussi se touchants 
Nos larmes ensemble épanchants 
Nos larmes ensemble meslerent. 

Et derechef en m’embrassant 
Et de cent baizers me pressant 
Las ! (me dit-elle,) hé quel remède ! 

Puis demi-morte entre mes bras 
Las (me dit-elle) ne meure pas 
Mon espoir me promet de l'aide. 

Vous le croyez sans doute content, plein d’espé¬ 
rance ; il n’en est rien et il va de nouveau recommen¬ 
cer ses plaintes, s’indignant, et en cela il avait bien 
raison, contre sa « misérable inclination, » contre 

.Ce sexe foible et muable 

Qui ne scait que c'est d’en avoir, 

Ktqui ne le peut passcavoir 
Tant le Ciel l’eu lit incapable. 

Inconstance, faiblesse d’entendement et autres amé¬ 
nités de ce genre, tel est le langage que Philene se 


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POÈTES BOURBONNAIS. 

plaît à répéter sur tous les tons ; et, nous tenons à 
constater, que c’est bien lui qui parle ainsi. 

On pourrait croire, après ces singulières apostro¬ 
phes, que nous sommes arrivés à la fin du poëme; 
pas le moins du monde, Philene ou plutôt J. de Lin- 
gendes a assez de ressources, dans sa verve poétique, 
pour trouver matière à un cinquième et dernier 
chant. 


XXXIX. 

Ayant pris un instant de repos et réparé leurs for¬ 
ces, près d un ruisseau qn’abritait un ormeau, Phi¬ 
lene, Daphnis et Damis gagnent * un bois d’à l’an- 
tour, » pour se préserver 

Des rais du soleil enflamé, 

afin d écouter, plus à 1 aise, quelques variations nou¬ 
velles sur le thème amoureux qui nous occupe. 

A peine arrivé en ces lieux, il remarque aus¬ 
sitôt un if, sur « l’écorce tendre » duquel, le berger 
Daphnis avait gravé, à l’adresse de sa nTaîtresse, sa 
chère Ozilis, quelques vers qui lui firent voir que lui 
seul n’était pas la victime de l’amour. Alors, sans trop 
se faire prier, notre trop crédule amant reprend la 
suite de son discours sur « le mal qui le va consu¬ 
mant. » 

M’estant donc ainsi retiré 
Si triste et si desesperé 
Du logis de cette volage, 

Quittant l’espoir et la raison 
Vains reinedes pour la saison 
Je me perdis de mon vilage. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


435 


Ja l’ennui me persécutant 
De tous les hommes m’absantant 
Je fuioys toute compagnie, 

Heureux si les pouvant quiter 
J’eusse peu de moi m’absanter 
Moi mesme étant ma lirannie. 

Il est tellement tourmenté, qu’iï y a comme un com¬ 
bat en lui-même, entre deux personnes, entre deux 
éléments divers ; le poète a été bien inspiré, en expri¬ 
mant cet état de Fâme humaine : 

Craintif et tremblant je me fuis 
Tout animé je me poursuis 
Tant de moi mon malheur se joüe, 

Fuiant je ne puis m’eschaper 
Suivant je ne puis m’atraper 
Comme un Ixion sur la roue. 

L’incertitude est et sera toujours l’état dominant 
de l’esprit de Philene ; il ne sait, malgré tout ce qu’il 
a vu, s’il doit encore espérer ou s’il n'a plus qu’à 
abandonner complètement une idée qui le torture 
depuis trop long-temps déjà. Voilà encore une belle 
strophe dans laquelle il compare, les pensées qui s'a¬ 
gitent en lui, à des oiseaux passagers : 

Comme des oyseaux passagers 
Ces doux plaisirs, mais Irop légers, 

Me promettoient par leur venue 
Mon printemps devoir arriver, 

Mais helas c’estoil un Hiver 
Leur tromperie estant cognue. 

Quelle meilleure preuve de cette incertitude, que 
ce retour près d’iris qu’expriment ces vers : 

Mais à la lin je retournai 
Quelque espoir m’ayant ramené. 


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436 POÈTES BOURBONNAIS. 

Ayant sceu que ce mariage 
Ne plaieoit point à mon Iris, 

El que les parans de Charis 
Ne l’en pressoyenl pas davantage. 

Après que le hasard l’eût fait trouver, plusieurs 
fois, en sa présence, il est assez heureux pour la ren¬ 
contrer dans un bal auquel la convia cette Clorille 
que nous connaissons. Tremblant et craintif, il rie 
sait d’abord comment l’aborder : enfin, les choses 
s’arrangent pour le mieux. 

Je dis alors à mes désirs 

Allez tous avec mes souspirs 

Faire un humble homage à ma Dame, 

S’il lui plaist de vous recevoir 
Pour mieux me le faire scavoir 
Vous logerez dedans son ame. 

Ces désirs et ces soupirs furent « les biens venus, * 
puisqu’Iris vient-elle môme engager Philene à danser, 
ce qu’il n’aurait osé « entreprendre. » La danse finie, 
il va s’asseoir près d’elle et, à ces nouvelles plaintes, 
la bergère répond qu’elle l’aime toujours et que son 
mariage avec Charis n’aura pas lieu. Il croit, de nou¬ 
veau, facilement à la parole de celte traîtresse, quoi¬ 
qu’elle l’ait trompé souvent par de semblables pro¬ 
messes. 

Habitués aux métamorphoses, nous ne nous éton¬ 
nerons donc pas de cet autre changement qui ne sera 
pas du reste le dernier : 

Dans trois jours Charis de retour 
Mit à l’envers tout cet amour, 

Liant si bien son mariage 
Qu’enfin je cognu clairement 
Qu’il failloit mourir seulement 
Et non esperer davantage. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


437 


Le chagrin de Philene tout naturellement recom¬ 
mence. Mais, quelle complication affreuse ; accablé 
de douleur, il entend, de son lit, les instruments 

Avec qui ces heureux Amanls 
Au temple se faisoienl conduire. 

Son désespoir augmente à tel point, que si sa mère 
n’était accourue à ses cris, il eût attenté à ses jours. 
Et ce fut, selon ses propres expressions, sa douleur 
extrême qui seule l’empêcha de mourir. Qui le croi¬ 
rait, il veut guérir, 

Pour revoir avant que mourir 
L'Ingrate qui m’ostoitla vie. 


Chose extraordinaire, il peut se traîner à peine, et 
il trouve néanmoins assez de force, et disons-le 
aussi, assez d’audace, pour pénétrer dans la chambre 
nuptiale d’iris et de Charis et assister à leurs ébats 
amoureux que de Lingendes se plaît à décrire avec 
un pinceau beaucoup trop réaliste. Sans prendre 
parti pour un tel genre de poésie, on peut dire que 
ces vers sont caractéristiques et font voir la licence 
qu’un c homme de beaucoup de vertu » pouvait alors 
se permettre. On respire, en les lisant, le souffle de 
la passion la plus exaltée ; tous les voiles sont dé¬ 
chirés, c’est comme l’apothéose des sens. Et cepen¬ 
dant la courte note, qui se trouve dans le recueil de 
Barbin, ajoute même que notre poète était le « digne 
parent de M. de Lingendes, évêque de Mâcon, et du 
Père de Lingendes,prédicateur de la Compagnie de Jé¬ 
sus.» Voilà unjugementquicertespourra surprendre 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


438 

bien des gens. Que nous sommes loin de ce temps ! 
Valons-nous mieux que nos pères, parce qu’un mot 
risqué, une peinture légère, une description plus 
naturelle qu’il ne faut, à force d’être vraie, font 
naître en nous des scrupules parfois extraordinaires 
et auxquels la réalité la plus vulgaire se charge, 
tous les jours, de donner les plus terribles démentis; 
oubliant trop que seul l’amour de Dieu et des hommes 
peut donner à la vie quelque grandeur et quelque 
dignité. Laissons là ces réflexions et terminons l’a¬ 
nalyse des changements de la bergère Iris. 

Philene ne voulant pas plus longtemps, 

.d’on œil envieux 

Profaner un si doux mislère. 


s’éloigne, tout en apostrophant son cœur et surtout 
ses yeux qui lui ont permis de contempler un tel 
spectacle qu’il décrit de nouveau avec un soin et un 
plaisir que devraient envier les auteurs les plus 
épris de leur sujet, au point de chercher à en déve¬ 
lopper les moindres détails et les plus minimes ac¬ 
cessoires. Si parfois ce procédé peut avoir ses avan¬ 
tages, en permettant au poète de faire usage de toutes 
les ressources de son génie poétique, on ne peut dis¬ 
convenir que souvent aussi il l’expose à des répéti¬ 
tions et à des développements plutôt nuisibles qu’u¬ 
tiles. 

Philene voudraits’ éloigner deces lieux,pour oublier 
celle qui l’a si indignement trahi ; et il ne peut même 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


439 


pas bannir l'idée d'iris de son esprit, de son • penser, t 
comme il dit. 

Car ie ne m'en puis desaisir 
Et i'en veux garder le désir 
En ayant perdu l'Esperance. 


Quittons donc de bon cœur ce lieu, 

Adieu parjure Iris, Adieu 
Ingrate adieu ie t'abandonne, 

Ainsi ie m'escriai soudain 
Et sans prendre d'autre dessein 
le dressai mes pas vers Modonne. 

Faible et haletant, n'en pouvant plus, il arrive en¬ 
fin au bord de la mer et s'arrête un instant sur cette 
plage, pour faire entendre de nouvelles plaintes. C'est 
en vain qu'il demande au sommeil de réparer ses for¬ 
ces et de lui faire oublier ses malheurs, il sent que 
la mort seule peut mettre un terme à ses maux. Mais, 
avant de mourir, comme dernière consolation, il veut 
avec la pointe de son couteau, graver « dans le roc, » 
quelques motsqu'Iris, un jour, pourra lire. 

Ces vers escris, pour m'abismer 
D’un sault ie me iette en la mer, 

Qui rentr'ouvrant par intervalle 
Son sein crevé d'un si grand pois 
Me reiette en haut par trois fois 
Et trois fois dans son fons m'avalle. 

Sauvé par des c marchans de ce pais, » Philene 
aborda dans File qu’habitaient les deux bergers 
Daphnis et Damis. Et c’est ainsi, on peut le répé¬ 
ter avec lui, sans crainte de se tromper, qu’ 

36 


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440 


POÈTES BOURBONNAIS. 


Accablé de tant de douleurs 
Il finit ainsi tout en pleurs 
Le long discours de son roartire. 


XL. 


Comme nous le disions, en commençant l’étude du 
poëme pastoral des changements de la bergère Iris, 
nous avons bien, sous les yeux, la description, l’ana¬ 
lyse d’une passion véritable, quoique recouverte du 
voile de la fiction. Cela se sent suffisamment, sans 
qu’il soit besoin d’avoir recours aux autres produc¬ 
tions du même genre ou d’un genre analogue dans 
lesquelles l&critique est parvenue à découvrir le nom 
de la personne aimée. Il faut avoir souffert et souffert 
réellement pour parler ainsi. Les redites elles-mêmes, 
qu’on rencontre à chaque pas, prouvent, jusqu’à un 
certain point, ce que nous avançons; car, qui ne sait 
qu’un être passionné et malheureux se complaît dans 
la passion et la douleur qui le dominent, aimant à en 
parler et à en parler souvent, malgré tous les repro¬ 
ches qu’il ne cesse, d’un autre côté, de s’adresser à 
ce sujet. Seulement, ce qui reste toujours impéné¬ 
trable pour nous, c’est l’objet lui-même de cette pas¬ 
sion, c’est la femme cachée sous le nom poétique d’i¬ 
ris. Quoi qu’il en soit, on peut affirmer que c’est là 
une œuvre d’un véritable mérite que l’indifférence 
coupable des compatriotes de de Lingendes a trop 
longtemps laissée dans l’oubli. 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


441 


XLI. 


Arrivé à la fin de cette étude, nous devons consta¬ 
ter que si le poète, dont nous venons d’essayer de 
faire revivre le souvenir, n’a pas été l’une des pre¬ 
mières gloires poétiques de la France, il a eu toutefois 
une popularité incontestée et justement méritée ; les 
éloges des critiques en sont une preuve irrécusable. 
Aux citations déjà faites, ne craignons pas d’ajouter 
les suivantes qui ne feront que compléter et affirmer, 
une fois de plus, les jugements que nous connais¬ 
sons. 

Si nous ouvrons le Dictionnaire de la conversation 
et de la lecture, publié sous la direction de M. W. Du- 
ckett, ouvrage tout à fait moderne, nous voyons que 
c Jean de Lingendes se fit un nom par ses composi¬ 
tions poétiques dont le premier mérite consiste dans 
la douceur et la facilité. C’est le premier de nos poè¬ 
tes à qui le véritable tour du sentiment et l’expression 
de la tendresse aient été connus. » 

Titon du Tillet, dans son Parnasse français, ajoute 
que notre poète, * digne parent de M. de Lingendes, 
évêque de Mâcon, et du Père de Lingendes, célèbre pré¬ 
dicateur de la Compagnie de Jésus, était un homme 
d’esprit et de vertu et qu’il se fit un nom par ses 
poésies. » 

Nous ne craindrons même pas de reproduire, main¬ 
tenant que nous connaissons et que nous pouvons ap¬ 
précier notre poète, les lignes que lui consacre Adrien 
Baillet, dans ses jugements des savants sur les poètes 


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POÈTES BOURBONNAIS. 


m 

modernes : « Si on ne lui fait plus l’honneur de le dé¬ 
clarer bon poète, on doit dire cependant qu’il a eu 
quelques bonnes qualités qui lui ont attiré l’estime 
de la plupart des habiles gens de son siècle. » Déses- 
sârt, dans ses Siècles littéraires, tient à peu près le 
même langage. 

Enfin, nous ne saurions mieux terminer cette no¬ 
tice biographique, qu’en rappelant l’estime que fai¬ 
sait de lean de Lingendes l’un des ornements de l'hô¬ 
tel de Rambouillet, Mlle de Scudéri. Nous lisons, en 
effet, au deuxième livre du tome VIII de son histoire 
romaine, connue sous le nom de délie, en raoontant 
l'histoire d’Hésiode, que de Lingendes < a dans ses 
vers un air amoureux et passionné qui plaira à tous 
ceux qui auront le coeur tendre. » 


E. BOUCHARD. 



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FIANÇAILLES 

MARIAGE ET APANAGE 

DE PIERRE, SIRE DE BEAUJEU 

( 1461 - 1470 .) 


Le quatrième fils de Charles I er , duc de Bourbon¬ 
nais, et d’Agnès de Bourgogne, naquit, non pas eh 
novembre 4439, comme le répètent d’après les frères 
de Sainte-Marthe, la plupart des historiens de la 
maison de Bourbon, ni le 4* r décembre 4438, comme 
le croit M. de Chantelauee (4), mais bien le 27 no¬ 
vembre 4438, si l’on veut s’en rapporter à l’auteur 
de la * Pompe funèbre de Pierre II, duc de Bourbon- 
nois,»JaoquesdeBigue (Biblioth. impériale.Mss. flramj. 
n # 40367), qui atteste que Pierre avait le 6 octobre 
4603, date de son testament, 64 ans 40 mois et 
9 jours. Le titre de sire de Beaujeu ne lui fut donné 
qu 'après la mort de Philippe, son frère, second fils 
du duc Charles, mort'avant l’âge de 44 ans, peu 
après 4446. Il était loin alors de songer è jamais de¬ 
venir le chef de sa puissante famille, et vivait dans 

(1) Bist. des dues de Bourbon, etc., par de la Mare, tome U, 
p. 411, note 2, cal. 1 et 2. cf. ibid. t. 111 p 222. lignes 16-17. 


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444 FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 

une étroite dépendance de son frère ainé, Jean II, 
qui, du reste, lui témoignait la plus grande bien¬ 
veillance. A l’avénement de Louis XI, les princes, 
qui se sentaient menacés par les sourdes menées du 
nouveau roi, songèrent à resserrer par de nouvelles 
alliances les liens d'affection de parenté et d’intérêt 
qui les unissaient entre eux ; Jean profita de l’occa¬ 
sion pour assurer à son jeune frère une position 
digne de sa naissance, en recherchant et obtenant 
pour lui la main de Marie, fille unique, jusque-là, 
de Charles d’Orléans, le duc-poëte, et de Marie de 
Clèves ; la dot de la jeune princesse comprenait tous 
les fiefs appartenant au duc et à la duchesse d'Or¬ 
léans, à l’exception du duché de Milan, du comté de 
Pavie, et de ce que le duc tenait du roi en apanage 
comme prince du sang. Pierre, de son côté, devait 
recevoir de son frère, en apanage, le comté de Cler¬ 
mont en Beauvoisis, évalué 4,000 livres tournois de 
rente, avec engagement de la part de Jean, de 
compléter cette somme si le comté ne la valait pas, 
et de la part de Pierre, de ne jamais rien demander 
de plus au duc de Bourbon ni à ses hoirs (30 sept. 
1461) [1]. Ce traité ratifié à Blois en juillet 1462 
par Jean II et Agnès de Bourgogne, duchesse douai¬ 
rière de Bourbonnais, fut enregistré à Moulins le 
25 août suivant. Dans l’intervalle (27 juin 1462) il 
était né au duc-poëte un fils, qui fut Louis XII ; cela 
n’altéra en rien la bonne volonté des deux époux pour 
leur futur gendre, ils ratifièrent eux aussi le con¬ 
trat du 30 septembre 1461, et le jeudi 22 mars 1464 


(1) Arch. de l’emp. P. 1365 (1), cote 1393 el K. 554, n* 10. 


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DE PIERRE, SIRE DE BEAUJEU. 445 

(nouveau style), pour bien prouver qu’ils n’avaient 
changé d’avis ni les uns ni les autres, la cérémonie 
des fiançailles fut célébrée en grande pompe en l’é¬ 
glise collégiale de Saint-Sauveur, au château de 
Blois, par vénérable père en Dieu, messire Jean 
Prunèle, abbé de Saint-Laumer de Blois, et vicaire 
général du célèbre Mile, évêque de Chartres. Le 
procès-verbal dressé par Guillaume Gayot, notaire 
du Châtelet d’Orléans, retrace minutieusement jus¬ 
qu’au moindre détail : nous en donnons plus loin le 
texte pris sur l’original encore existant. (N° I.) 

La position du jeune sire de Beaujeu ainsi accrue 
et garantie pouvait paraître définitivement assise sur 
des bases inébranlables; rien pourtant de moins 
exact : les choses allaient prendre, avec le temps, une 
tournure bien différente: la guerre du bien public 
qui aurait dû, ce semble, resserrer entre les princes 
les liens de famille, d’amitié et d’intérêt, allait au 
contraire servir de point de départ aux sourdes in¬ 
trigues etaux ténébreuses menées, grâces auxquelles 
Louis XI, pris d’abord au dépourvu et contraint de 
plier un instant devant la coalition des grands, allait 
reprendre peu à peu tous ses avantages, et rallier à 
ses desseins ou dépouiller ruiner et détruire, de gré, 
à force ouverte, ou par ruse, chacun de ceux qui 
avaient pris les armes contre lui, en 1465, avec le duc 
de Bourbon et le comte de Charolais. 

Le jeune sire de Beaujeu fut un de ceux que 
Louis XI s’attacha et réussit à gagner le plus complè¬ 
tement. La guerre du bien public à peine terminée, 
Pierre reçut du roi une pension de 6,000 livres (1465- 
1466); puis la terre et châtellenie de Roqueval (octo- 


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446 FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 

bre 1467), confisquée sur Jean d’ArmagDac (1). Dès 
lors le sire de Beaujeu et le duc de Bourbon font 
cause commune avec Louis XI, le servent en Nor¬ 
mandie contre son frère, et partout contre le comte 
de Charolais et le duc de Bretagae ; la faveur de 
Pierre s’accroît incessamment, jusqu’à ce qu’enfin 
Louis XI, à la nouvelle de la mort du duc de Guyenne 
confie au sire de Beaujeu le gouvernement de cette 
province, en lui promettant en outre, et définitive¬ 
ment cette fois, la main de sa fille. Peu de temps 
après il ajoutait à ses dons la terre de Nogaré, confis¬ 
quée sur le comte d’Armagnac et mettait son futur 
gendre à la tête de ses troupes chargées d’exécuter la 
sentence. On sait comment Pierre de Beaujeu se laissa 
jouer par le rusé Gascon, qui réussit à le faire pri¬ 
sonnier par trahison, avec les commissaires royauxqu i 
l’avaient accompagné à Lectoure. Louis XI, qui ne se 
piquait guère de tenir une promesse quand.il se croyait 
intéressé à la violer, se vengea, parla trahison la plus 
odieuse, des craintes que lui avait pu faire concevoir 
la mauvaise foi du comte d’Armagnac. Le comte et 
sa femme furent assassinés au mépris de la foi jurée, 
les habitants de Lectoure massacrés à l’exception de 
six ou sept, la ville elle-même rasée de fond en 
comble et brûlée, enfin les complices de l’arresta¬ 
tion déloyale du sire de Beaujeu décapités ou écar¬ 
telés, après jugements sommaires par commissions 
créées exprès (mars-avril 1473). Au mois de novembre 
suivant (2) fut enfin signé le traité du mariage de 

(1| Arch. de l'emp. P. 1375; cote 2546. 

(2) Ane. Bourb. loin. 11, p. 493. 


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DE (HERBE, SIRE DE BEAUJEU. 447 

Pierre de Beaujeu avec Anne de France : les fian¬ 
çailles, dont nous n’avons pas retrouvé le procès- 
verbal, avaient eu lieu au mois de juin précédent. 
Pierre de Beaujeu vécut dès-lors dans la plus entière 
dépendance à l’égard du roi, qui ne cessa de lui pro¬ 
diguer des marques effectives de la plus grande fa¬ 
veur, leurs intérêts étant désormais identiques. 
Anne reçut de son père cent mille écus d’or en dot, 
payables par tiers, dans les trois années qui suivraient 
la célébration du mariage : sur cette somme, un tiers 
devait appartenir en toute propriété au futur qui, 
de son côté, s’engageait à constituer à sa veuve un 
douaire de 6,000 livres de rente ; enfin les deux 
époux consentaient au retour à la couronne < de 
toutes lesduchez, comtez, terres et seigneuries de la 
maison de Bourbon, » qui leur viendraient à écheoir, 
en cas de mort du duc Jean II, sans enfants mâles, 
« au cas où eux-mêmes iroient de vie à trespas sans 
hoirs masles en droite lignée et en loyal mariage.» 

Une fois le mariage célébré et consommé ( à Tours 
dans les premiers mois de 1474), Louis XI s’occupa 
sans retard des moyens d’accroître le patrimoine de 
son gendre, et le duc Jean ne tarda pas à comprendre 
que si le mariage de son frère s’était fait contre son 
gré, ce n’en devait pas moins être lui qui aurait à en 
payer les violons. Pierre, jusqu’au jour de son ma¬ 
riage, n’avait eu que le titre et les revenus de sire de 
Beaujeu, sans aucun pouvoir réel sur cette baronie 
dont son frère lui permettait de porter le nom : le 
duc fut bientôt activement sollicité, au nom du roi, 
de régler définitivement, une fois pour toutes, l’a¬ 
panage dont son frère prétendait être mis en pos- 


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448 FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 

session réelle et complète. Or, le duc de Bourbon te¬ 
nait fort, et cela se comprend de reste, à conserver 
le Beaujolais qui lui permettait de communiquer di¬ 
rectement, sans intermédiaire indiscret, d’une part 
avec le duc de Bourgogne, etde l'autreavec l'étranger 
d’Allemagne et d’Italie, par ce qu’on appelait encore 
« le Beaujolais à la part de l’empire.» Le roi, de son 
côté, ne tenait pas moins à le lui enlever, sachant 
bien qu’il disposerait en maître de ce qui serait re¬ 
connu officiellement appartenir à son gendre. La 
lutte fut vive, et si le roi l’emporta, ce ne fut pas 
sans prendre toutes ses précautions que le duc de 
Bourbon, à bout d’expédients dilatoires, se résigna à 
obéir. Leroi était venu en Bourbonnais, et sans doute 
avait parlé ferme ; Jean II, faisant, comme on dit, 
contre fortune bon cœur, abandonna à son * très- 
chier ettrès-amé frère, par provision d’apanage tant 
seulement, le comté de Clermont en Beauvoisis, 
1,000 livres tournois de rente, et la baronie de Beau- 
jeuloiz » à la part du royaume. Quant « au Beaujolais 
à la part de l’empire, le duc en conservait la posses¬ 
sion avec promesse, « au cas où il auroil des hoirs 
masles descendans de son corps en loyal mariage » de 
laisser cette province à son frère, lors de son décès, 
à charge par lui de restituer aux héritiers du duc 
Jean le comté de Clermont et les 1000 livres de rente. 
Les héritiers auraient, du reste, le droit de garder 
pour eux le Beaujolais, à la part de l’empire, à 
charge d’asseoir ailleurs à Pierre de Beaujeu, un 
revenu égal. Cette convention en date du 3 avril 1475 
(N° III), avant pâques (c’est-à-dire en 1476), fut 
acceptée par lettres patentes de Pierre de Beaujeu, 


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DK PIERRE, SIRE DE BEAUJEU. 449 

datées de Lyon, le 19 du même mois (1476 après 
pâques) (N°IV). Si fortement motivée qu’elle soit, 
elle h’en était pas moins au fond odieuse à son au¬ 
teur, comme tout ce qui est imposé par la force. Dès 
le 11 mars précédent (1476) le duc, dans la prévision 
de ce qu’il allait être forcé d’accorder, avait déposé 
entre les mains de deux notaires royaux, tous deux 
du nom de Papon, une protestation qui ne permet 
de conserver aucun doute sur ses véritables senti¬ 
ments (N° H). Il rappelle avec amertume qu’il a offert 
à son frère de Beaujeu • provision souffisante et rai¬ 
sonnable, et dont il se devroit bien contenter,» mais 
que celui-ci n’en a voulu tenir compte, et a fait de¬ 
mander par ses gens, pour apanage, les pays de 
« Beaujeulois et Dombes, tant deçà que par delà la 
rivière de Saonne, ou récompance à value de ce que 
en retiendrons » et atteste que plusieurs de ses ser¬ 
viteurs et amis l'ont averti dûment que le roi se pro¬ 
posait de recourir vis-à-vis de lui « en faveur de 
Madame Anne, sa fille, femme de nostre dit frère » 
à des prières et requestes « que tenons quant à nous 
pour étroit commandement et contrainte. «Dans cette 
extrémité, craignant de plus d’encourir l’indignation 
du roi «et que autrement il nous contraigne,» le 
pauvre duc prend avec son frère l’engagement « eu 
parole de prince > de lui accorder sa demande, mais 
auparavant, pour se ménager une porte de sortie 
dans le cas où la crainte du roi cesserait de peser sur 
ses décisions, il proteste que toutes ses concessions 
sont imposées « par la crainte, révérance et dou- 
btances dessus dictes » et qu’il entend se réserver 
tous ses droits sur les objets cédés, « pour lui valoir 


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480 FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 

et profiter en temps et lieu.» Les notaires attestent, 
en présence de témoins choisis parmi les familiers du 
duc, entre autres l’un de ses maîtres d’hôtel et l’un 
de ses secrétaires, que ladite lettre et carteau leur a 
été remise par le duc, close et scellée de son scel de 
secret. 

Il paraîtra peut-être peu digne d’un prince qui ré¬ 
gnait sur une notable partie de la France actuelle, de 
se ménager ainsi des moyens plus ou moins légaux 
de manquer à volonté à des engagement solennelle¬ 
ment contractés « en parole de prince, » mais il faut se 
souvenir aussi qu’après tout il ne serait pas juste 
d’exiger d’un contemporain et d’un sujet de Louis XI 
une loyauté et une droiture, dont il est bien certain 
que le pauvre duc, généreux malgré lui, ne devait 
guère trouver l’exemple et le modèle dans la conduite 
de son très-redouté et souverain seigneur, le com¬ 
père et l’ami d’Olivier le Daim et de Tristan l’Her- 
mite. En fait, la protestation resta lettre morte : 
Jean mourut sans enfants mâles, et, par conséquent, 
sans avoir eu intérêt à prendre des mesures contre le 
sire de Beaujeu, son héritier légitime. Il semblerait 
même qu’ils finirent par se réconcilier ; au moins 
trouvons-nous (N° V) en 1482 un acte dont le contenu 
parait de nature à le faire croire. C’est le mandement 
par lequel le duc Jean met son frère de Beaujeu en 
possession du Beaujolais à la part de l’empire, volon¬ 
tairement cette fois, et sans qu’il y ait trace nulle 
part de protestations contre cet acte de munifioenoe 
que rien n’empêche de présumer tout à fait spon¬ 
tané. Pierre était en effet, à défaut d’enfants mâles 
légitimes qui n’existaient pas, le seul véritable hé- 


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DE PIERRE, SIRE DE BEAUJEl'. 451 

ritier présomptif de Jean, son frère, le cardinal-ar¬ 
chevêque de Lyon ne pouvant songer à revendiquer 
sérieusement le titre de duc. La réconciliation entre 
les deux frères est donc d’autant plus probable, que 
le duc, attaqué sous main par Doyat et d’autres, pour 
qui c’était un excellent moyen de plaire au maître, 
avait besoin d’un appui solide à la cour, et que 
Pierre, gendre du roi et tuteur désigné de son jeune 
beau-frère, qui bientôt allait être Charles VIII, se 
trouvait par là même tout naturellement en passe 
de rendre plus d’un bon office à son bon frère le 
duc de Bourbonnais. 

A.-M. Chazaud. 


I. 

Procès-verbal des fiançailles de Pierre de Beaujeu avec 
Marie d’Orléans (22 mars 1464) [1]. 

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jehan 
Framberge licencié en.lois, garde de la prévosté d’Orléans, sa¬ 
lut. Savoir faisons quel'an de nostre seigneur mil quatre cens 
sexante et trois, le jeudy, vingt deuxiesme jour de mars, 
à l’eure de trois heures après midy, ou environ, furent pré • 
sens et personnellement establiz en l’église collégiale de 
Saint-Sauveur ou chastel de Blois, par devant Guillaume 
Guyot, clerc, notaire juré de Chastellet d’Orléans, appelé et 
requis audit lieu, pour faire et passer lettres d’instrument 
soubz le scel de la ditte prévosté d’Orléans, des choses qui 
cy après s’ensuivent v très-excellens et puissans princes 

(1) Archives de l’empire, P. 1385 (i), cote 1396 (3) original sur 
parchemin, signé, jadis scellé. 


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452 FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 

messeigneurs Charles, duc d’Orléans, de Milan, etc., et 
Jehan, duc de Bourbonnois et d’Auvergne, etc., et aussi 
très-excellante et puissante dame madame Marie deClèves, 
duchesse d’Orléans, messire Pierre de Bourbon, chevalier, 
seigneur de Beaujeu, et mademoiselle Marie d’Orléans, fille 
naturelle et légitime de mes diz seigneur et dame d’Orléans, 
lequel monseigneur de Bourbonnois, en la présence des des¬ 
sus diz et dudit notaire, et aussi de plusieurs autres, che¬ 
valiers, escuiers, gens d’église, bourgeois, et gens de divers 
estaz, dist en parlant à mondit seigneur d’Orléans, les pa- 
rolles qui s’ensuivent : « Monseigneur, n’est-ce pas vostre 
plaisir que ma cousine, vostre fille, soit fiancée à mon 
frère qui cy est, ainsi comme nous avons accordé ensem¬ 
ble? i Auquel mondit seigneur d'Orléans respondy : « nous 
avons pieça accordé ensembléement le mariage d’eulx 
deux, et pour ce, je m’y conscens et accorde.» Et oultre dist 
monditseigneur de Bourbon : « vousy conscentez doncques, 
monseigneur, et à ce l’autorisez? » A quoy mondit sei¬ 
gneur d’Orléans dist : « il est vray, je m’y conscens et luy 
donne auttorité. » Après lesquelles parolles, ainsi que des¬ 
sus est dit, proférées, fut yllec présent et assista vénérable 
père en Dieu, messire Jehan Prunèle, abbé du monastaire 
de Saint- Lomer de Blois, de l’ordre de Saint-Benoist, au 
diocèse de Chartres, vicaire général de révérend père en 
Dieu, monsieur Mile, évesque de Chartres, qui, en la pré¬ 
sence de mesdisseigueurs et dame, et de grant multitude 
desdiz gens d’église, nobles, bourgeois, et autres, sollemp- 
nellement cellébra et sollempniza fiansailles, par parolles 
de futur, entre ledit messire Pierre de Bourbon, et madicte 
damoiselle Marie d’Orléans, et iceulx assembléement fiança 
en proférant les parolles qui s’ensuivent : < Pierre, vous pro¬ 
mettez à prendre Marie, qui cy est, à femme et espouse, se 
Dieu et sainte église se y accordent ? » lequel messire Pierre 
dist : « Voire. » En après ledit vénérable père, en parlant à 
ma dicte damoiselle Marie d’Orléans, dist : « Marie, vous 


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DE PIERRE, SIRE DE BEAUJEU. 453 

promettez à prendre Pierre, qui cy est, à mary et espoux, 
se Dieu et sainte église se y accordent ? laquelle damoiselle 
respondy : « Ouy. » Pour raison desquelles parolles ledit 
messire Pierre de Bourbon et ma dicte damoiselle Marie 
d’Orléans, en mutuel et commun conscentement contrac¬ 
tèrent assembléement fiansailles, par parolles de futur, à 
l’auctorité et conscentement de mesdiz seigneur et dame 
d'Orléans, présens à ce honnorables et circumspectes per¬ 
sonnes, messires maistres Jehan Leprestre, chancelier, 
Pierre de Refuge, général des finances, Phelippe de Hédou- 
ville, maistre d’oslel, Jehan de Saveuzes, messires Charles 
d'Arbouville, chevalier, et Guiot Pot, conseillers et cham¬ 
bellans de mondit seigneur d’Orléans ; le marquis de Ca- 
nillac, messire Pierre des Barres, chevalier, maistres Guil¬ 
laume Cadier, président de la chambre des comptes. Pierre 
de Culant, lieutenant de Bourbonnois, et Ollivier Milet, 
procureur, conseilliers de mondit seigneur de Bourbon, 
maistre Jehan Sollereau, aumosnier de mondit seigneur de 
Beau jeu, messire Thomas Lejeune, prebtre, curé de ladite 
église de Saint-Sauveur, Pierre Billart, clerc de chappelle 
de mondit seigneur d’Orléans, et autres plusieurs. Auquel 
messire Pierre, nous, à la relacion d’icelluy notaire, avons 
octroyé et octroyons ces présentes, lesquelles, en tesmoing 
de ce, nous avons scellées du seel aux contractz de ladite 
prévosté d’Orléans. Ce fut fait les an, jour, lieu et heure 
dessus diz. (Signé) G. Guyot (avec paraphe). 

II. 

Protestation deJeanll.duc de Bourbonnais, contre la donation 
par lui faite à son frère Pierre de Beatijeu , le 3 avril 1476 
(11 mars 1476 ) [ 1 ]. 

Nous Jehan, duc de Bourbonnois et d’Auvergne, conte de 
Clermont, deFourestzdel’Isle-Jourdain etdeVillars,segneur 

(1) Archives de l'empire, P. 1365 (2) cote 1457 (71) — Publié. 


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454 


FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 


de Beaujeu et de Nonnay, per et chamberier de France, A 
tous présens et à venir qui ces présentes lettres verront, 
salut. 

Comme notre frère Pierre de Bourbon, dit seigneur de 
Beaujeu, nous ait naguères fait demander, par provision 
d’apanage, aucunes terres et segnories à tenir durant nostre 
vye, ou tant que serons sans hoirs masles, et au cas que 
aîons hoirs masles, en formel et parfait apanage, et nous 
luy aïons acordé offert et présenté, pour ladicte cause, pro¬ 
vision souffizante et raisonnable, et dont il se devroit bien 
contenter, considéré le nombre de nos autres frères et seurs, 
les dots et mariages d’icelles, et autres charges nécessaires 
que avons à supporter, et l'avantage que avons par le con - 
trault de notre mariage, et autres choses qui sont à consi- 
dérer, néantmoins, nostre dit frère nous demande et poursuit 
ou fait demander et poursuivre, par ces (sic) gens, de plus 
avant luy ottroier et accorder, c’est assavoir le pais de Beau- 
joulois et Dombes, tant deçà que delà la rivière de Saonne. 

1 ou récompance à value de ce que en retiendrons, et sommes 
deuement advertis par aucuns noz serviteurs et amys, et 
doubtonsque,si nous ne lui octroïons ledit païs, que (tic) le 
roy, nostre très-redoubté et souverain segneur, en faveur de 
madame Anne, sa fille, femme de nostre dit frère, soit par 
prière (i)etrequeste,que tenons, quant à nous, [pour]estroit 
commandement et contrainte, et, par la révérance en la¬ 
quelle avons nostre dit segneur, craingnons aussi encourir 
son indignacion, et que autrement il nous contraingne à ce 
faire, pour ces causes, nous avons tenu parolles, et sommes 

par M. de Chantelauze, dans YHistoire des ducs de Bourbon , etc., 
de De La Mure, tome 111, page 207 n° 429 (a) Le certificat de dépôt 
rédigé par les deux notaires a été par erreur attribué à une autre 
pièce du même duc, aussi datée du 11 mars 1475, et relative à une 
fondation par lui faite à Notre-Dame de Montbrison. 

(t) Le texte porte: « piere » 


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DE PIERRE, SIRE DE BEAUJEU. 455 

entrés en Iraitié avecques nostre dit frère, de lui oUroier 
consentir et acorder ledit pais de Beaujoulois et Bombes, 
tant deçà que delà la rivière de Saonne, et sur celui ottroie- 
rons bien bref noz lettres patentes, et consentirons à l’excé- 
qution intérinnement et plein effaict d’icelles, par foy et 
serment de nostre corps, et en parolle de Prince ; par quoy 
nous protestons, par ces présentes, que, ce que sur ce en 
ferons passerons et accorderons, est et sera pour la crainte 
révérance et doubtances dessus dictes, et qu’il ne nous 
puisse ne doive porter dommage ou préjudice, ores ou pôur 
le temps advenir, en quelque manière que ce soit, et que 
nostre droit et possession,querelle, remonstrance, et actions 
pétitoiresou possessoires, nous soient entières préservées et 
sauves, tant à moins octroier à nostre dit frère, comme à 
le luy laisser ailleurs, en lieu moins préjudiciable et plus 
agréable à nous. Des quelles choses nous avons requis et 
demandé aux notaires à es présens, acte et instrument 
publique, pour nous valoir et profiter en temps et lieu ce 
qu’il devra. Aujour d’uy unziesme du mois de mars l’an de 
grâce mil cccc soixante et quinze. 

[Signé:) Jehan* 

Au dos : Aujourd’huy, unzesme jour du mois de mars l’an 
de grâce mil cccc soixante-quinze, Très-hault et puissant 
prince monseigneur le duc de Bourbonnois et d'Auvergne, 
comte de Clermont et de Fourestz, et seigneur de Beaujeu, 
a présenté à nous notères et tabellions royaulx cy-dessoubz 
signez, ceste présente lettre et carteau, cloz et seellé de son 
seel de secret, comme il appert par l’inspection d’icellui, 
disant que il faisoit les protestations et autres choses conte¬ 
nues en icelluy, et par la forme et manière ilec déclairez. 
Et de ce nous a requis instrument l’an et jour dessus diz ; 
présens à ce les sieurs d’Aubigny et de Canilhac. Anthoine 
de la Fin, maistre d’Ostel, et Jehan Berry, secrétaire dudit 
seigneur, témoings à ce présent et appeliez. 

(Signé:) Paponis, J. Paponk. 

(avec paraphes.) 

37. 


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456 


FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 


III. 

Donation par Jean duc de Bourbonnais à Pierre de Beaujeu , 
son frère (il avril 4476) [1]. 

Jehan, duc de Bourbonnois, etc. Comme nostre très-chier 
et très-amé frère, Pierre de Bourbon^ nous eust fait remons- 
Lrer ses charges et affaires, et les fraiz et despens qu’il lui 
a convenu faire et soustenir par cy-devant, en maintes ma¬ 
nières, et que présentement et de nouvel lui sont accrues, 
tant pour l’entretènement de son estât que de ma dame 
Anne de France, sa femme, nous requérant pour ces cau¬ 
ses, et autres qui de sa part nous ont esté dictes et remons- 
trées, avoir de nous aucune provision pour icelles suppor¬ 
ter et l’entretènement de leur ditz estatz, pour quoy nous 
qui chièrement et cordialement avons par cy-devant aimé 
nostre dict frère, et de présent faisons, pour la grande amour 
et union fraternelle qui tousjours a persévéré et continué 
entre nous et lui, et singulièrement pour l’onneur qu’il a 
pieu à mon très redoubté et souverain seigneur, monsei¬ 
gneur le Roy, faire à nous, à nostre dit frère, et à toute 
nostre maison, de donner en mariage ma dicte dame Anne 
de France, sa fille, à nostre dit frère, et aussi pour consi- 
déracion et en faveur de ce que Dieu nostre créateur a 
faitte ceste grâce en nostre ditte maison de Bourbon que 
ma ditte dame Anne de France est présentement ensainte 
d’enfant, par quoy la lignée, au plaisir de nostre créateur, 
sera par continue succession conservée et augmentée; 
savoir faisons que nous, inclinans à la requeste de nostre 
dit frère, pour les dittes causes et considéracions, avons, 
en tant que à nous est, et faire le pouvons, consentu et 
consentons que nostre dit frère ait et preigne, par provision 

(1) Archives de l’empire P. 1366 (f) Cote 1475 (22). publié par 
M. de Ghantelauze; ubi supra, tome III, p. 208, n° 429 (6), d’après 
un vidimusdu 4 septembre 4482, arch. deFemp. P. 4374 cote 4976. 


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DE PIERRE, SIRE DE BEÂUJEU. 


457 


d’appanage tant seulement, le comte de Clermont en Beau- 
voisin, et la baronie pays terre ef seigneurie de Beaujeu- 
loiz, ainsi que l'avons et tenons,et qu’clles’extent èt com¬ 
porte au royaume, sur et deçà la rivière de Sosne, à cause 
des terres estans desa la ditte rivière, avecques toutes et 
chascune leurs appartenances et appendences, tant en villes, 
chasteaulz, forteresses, justices, bourgs, rivières, péaiges, 
passaiges, droiz, hommaiges, fiefs, arrèrefiefz , hommes, 
vassaulx et subgetz, et tous autres droiz, prérogatives, 
prouffitz, revenues, et esmolumens que y avons et prenons, 
et porrions avoir et prandre, sans aucune chose y réserver 
ne retenir, fors seulement le retour à nostre maison, à 
faulte de hoirs descendans de nostre dit frere en loyal ma¬ 
riage, et avec ce luy payerons* et, par ces présentes, lui 
promettons payer et randre la somme de mil livres tour¬ 
nois par chascun an, la ditte provision durant, sans ce que 
autre chose il nous puisse par la ditte cause demander tant 
que-nous vivrons. Et après nostre décès, au cas que nous 
aurions enfans masles, descendens de nostre corps en loyal 
mariage survivans à nous, nous volons et consentons que 
nostredit frère ait pour son droit d’appanage perpétuel de 
lui et des descendens de lui en loyal mariage, laditte 
baronie et seigneurie de Beaujeuloiz, en laditte partie 
du royaume, et aussi toutes et chascunes les terres et sei¬ 
gneuries, droiz, appartenances et appendences d’icelles, 
estant à la part de l’empire, et de la ladite rivière de 
Sosne ainsi que les tenons et possédons de présent, et dès 
à présent, comme pour lors, et dès lors comme de présent, 
audit cas, volons et accordons, par ses [sic) dittes pré¬ 
sentes, que nostredit frère les ait et preigne, et, en tant 
que à nous est, et nous appartient, les lui délaissons, en 
délaissant par nostredit frère, Pierre de Bourbon, ou ses 
hoirs, à nosdiz enfans et héritiers masles, laditte conté de 
Clermont, et les dittes mil livres dont dessus est faitte men¬ 
tion. Et s’il advient (sic )que nosdiz hoirs masles voulsissent 


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458 


FIANÇAILLES, MARIAGE ET APANAGE 


avoir les dittes terres et seigneuries de li laditte rivière 
de Sosne, ilz les porront avoir et recouvrer de nostre dit 
frère ou de ses héritiers eu baillant, dedans quatre ans 
après nostre décès, récompense eil terres et seigneuries, 
d’autant de value que valent de présent les dittes terres et 
seigneuries estans de là la ditte rivière de Sosne. Toutes et 
chascune lesquelles choses dessus dictes nous avons promis 
et promettons par la foy et serement de nostre corps* et en 
parolle de prince, garder, observer, et entretenir de point 
en point, sans enfreindre, ne venir, ne souffrir estre fait ou 
venu par nous ou autre pour (sic) ou nom et adveu de nous 
au contraire. Si donnons en mandement à nos amez et 
féaulx conseillers, président, et gens de noz comptes, gou¬ 
verneur de Clermont, bailly, juge, et autres nos officiers 
de nostre dit compté de Clermont, baronie et pays de Beau- 
jeuloiz à la part du royaume, que desdiz conté de Clermont, 
baronie et pays de Beaujeuloiz , seuffrent et permettent 
nostredit frère joïr et user, d’icelles prendre les prouffiz, 
émolumens et revenues, et icelles gouverner, officiers insti¬ 
tuer et destituer, et en son nom et par son auctorité la jus¬ 
tice et juridicion exercer, par lui, ses gens et officiers, et 
que à lui facent seremens en tel cas appartenans, et à luy 
obéyssent d’icy en avant, comme ilz ont fait par cy-devant 
à nous, et comme ilz feroient, s’il estoit, à parfait et for¬ 
mel appanage, certain perpétuel seigneur propriétaire et 
possesseur desdiz conté et baronnie , et les deschargons, 
quant ad ce, des seremens devoirs et astrictions ausquelz 
ilz nous sont et porroient présentement estre tenuz. En 
tesmoing de ce nous avons signé ses (*ic) présentes lettres 
de nostre main , et à icelles faict mettre et apposer 
nostre seel. Donné en nostre ville de Montbrison, le troy- 
siesme jour du moys d’avril, l’an de grâce milccccLXXv. Signé 
Jehan. Par Mgr le duc, en son conseil, Berry (avèc pa¬ 
raphe). 


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DE PIERRE, SIRE DE BEAUJEU. 


459 


IV. 

Acceptation par Pierre de Beaujeu de la donation précédente 
(19 avril 1476). [1] 

.Laquelle provision, ainsi à nous baillée par nostre 

dit seigueur et frère, et toutes etchascune les choses conte¬ 
nues esditles lettres, nous avons eu etavons agréables,et les 
avons consenties et consentons, et promettons par la foy et 
serement de nostre corps par ces présentes, les garder ob¬ 
server et entretenir de point en point, sans enfreindre, ne 
faire ou venir ou souffrir estre fait ou venu par nous onz 
hoirs ou autres au nom de nous, au contraire. En tesmoing 
de ce nous avons signé ces présentes de nostre main *et 
fait mettre nostre scel à icelles. Donné à Lion sur le Rosne 
le xix* jour d’avril l’an mil cccc soixante seze après pas- 
ques. 

Signé Pierre. Sur le repli par Mgr en son conseil G. 
Court». 


V. 

Mandement du duc Jean II, pour mettre Pierre de Beaujeu 
son frère , en possession du Beaujolais à la part de lempire 
(17 octobre 1482) [2]. 

Jean, duc de Bourbonnois, etc., à nos amez et féaulx, les 
gouverneur, juge, advocat, procureur, trésorier, cappitaines, 
chastellains, et à tous noz autres justiciers et officiers du 
pais de Beaujeulois, à la part de l’empire, ou à leurs lieux- 
tenans ou commis, salut et dilection. Comme aujourduy 

(1) Arch. de TEmp. P# 4366 (1), cote 1475 (23). Original sur par¬ 
chemin, jadis scellé, publié par M. de Chantelauze, ubi supra , 
tom. HL p. 209. n° 129 (6). 

(2) , Archives de Vempire, P. 1366, (2) cote 1482 (82). Original sur 
parchemin, jadis scellé, publié par M. de Chantelauze ubi supra., 
tom. III pag. 210, n° 129 (c); la signature « Robertet • est omise. 


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460 FIANÇAILLES, MARIAGE, APANAGE, ETC. 

nous ayons baillé et délaissé, entre autres choses, à nostre 
très-chier et très-aîné frère Pierre de Bourbon, par manière 
de provision d'apanage, ledit païs terre et seigneurie de 
Beaujeuloiz à laditte part de l’empire, avec toutes et cha¬ 
cunes ses appartenances et appendences quelconques, pour 
en joïr selon la forme et teneur de certain contrat par nous 
et lui sur ce fait et passé, si voulons, vous mandons et 
commandons, bien expressément, et à chacun de vous, que 
vous souffrez et permettez à nostre dit frère, ou à ses. pro¬ 
cureurs et commis quant à ce, prendre et appréhender 
réaument et de fait la possession et saisine réelle et corpo¬ 
relle de ladicte terre et seigneurie de Beaujeuloiz, ensemble 
de toutes les villes, places, et chasteaulx estant en la dicte 
seigneurie, desquelles villes, places et chasteaulx voulons 
par vous et chascun de vous, en tant qu’à lui touche, leur 
en estre baillé réaument et de fait ladicte possession et 
saisine, et, en ce faisant, nous vous en avons tenu et tenons 
quittes et déchargez, et, avecques ce, voulons que leur 
baillez et délivrez tous et chascuns les terriers, papiers, 
liéves, et autres enseignements à ce neccessaires, selon la 
forme et teneur dudit contrat. Et gardez, cornent que soit, et 
sur tant (1) que doublez mesprendre envers nous, qu’il n’y 
ait faulte, car tel est nostre plaisir et voulenté. Donné en 
notre Chastel de Molins, le 17 e jour d’octobre, l’an de grâce 
mcccc quatre-vingt et deux par Mgr le duc, le sire de Culant 
présent. 

Robertet (avec paraphe). 

(I) M. de Chantelauzc a lu : a tout » 


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DES PROCÈS-VERBAUX 

DBS SÉANCES 

DE LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION 


ANNÉE 1869 


Séance du 5 mars. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion. 

— M. Bertrand, vice-président de la classe des arts, 
lit un rapport sur l’emplacement que pourraient occu¬ 
per les collections d’histoire naturelle données par 
MM. E. de Chavigny et Desbrochers des Loges et sur 
les dépenses à faire pour organiser le musée lapi¬ 
daire. 

— Sur l’invitation de M. le Président, M. Conny 
fait connaître que bientôt on pourra procéder au dé- 

38 


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462 


EXTRAIT 


ménagement de la bibliothèque, pour la transporter 
dans le nouveau local qui lui est affecté. 

M. Clairefond profite de cette occasion pour pro¬ 
poser de donner définitivement le titre de bibliothé¬ 
caire à M. Gonny, qui depuis longtemps déjà en rem¬ 
plit les fonctions et au zèle duquel nous devons le 
catalogue de notre bibliothèque bourbonnaise. 

M. de l’Estoille appuyant la proposition de M. Clai¬ 
refond, pense qu’il serait utile de décider aussi que 
M. Gonny prendrait en cette qualité rang parmi les 
membres du bureau. 

Ges deux propositions sont adoptées. En consé¬ 
quence M. Gonny est nommé bibliothécaire pour cinq 
ans. 

Il est en même temps décidé que le catalogue fait 
par M. Conny sera imprimé. Seulement avant de 
prendre une détermination définitive, par rapport 
au format et au mode de publication, cette affaire sera 
renvoyée à la commission du bulletin qui devra s’en¬ 
tendre avec le bibliothécaire et donner son avis à une 
de nos prochaines séances. 

M. de l’Estoille propose de mettre aussi à exécution 
ce qui avait été précédemment décidé relativement à 
l’impression du manuscrit de M. Ripoud, sur les 
écrivains du Bourbonnais. 

M. Chazaud ayant fait observer que cette publica¬ 
tion pourrait peut-être faire double emploi, avec le 
catalogue de la bibliothèque de la Société, il est dé¬ 
cidé qu’on imprimera d'abord le catalogue fait par 
M. Gonny et qu’ensuite on publiera seulement du 
travail de M. Ripoud, l’indication des ouvrages que 
l’on ne possède pas encore. 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


463 


— En ec qui concerne les notes adressées à la 
Société par M. l’abbé Millet, M. Chazaudfait connaître 
que ce ne sont en général que des extraits d’ouvra* 
ges connus, extraits curieux et intéressants néan¬ 
moins et qu’il n’y a d’inédit qu’une liste des Bénédic¬ 
tins de l’Ailier, qui ont résidé plus ou moins long¬ 
temps au prieuré de la Charité. 

Des remerciements sont votés à M. l’abbé Millet et 
il est décidé que cette liste des Bénédictins sera pu¬ 
bliée et que les autres documents seront déposés aux 
archives de la Société. 

— M. Bonneton lit une Botice sur Jacques de Paroy, 
peintre verrier né à Saint-Pourçain dans le XVI® siè¬ 
cle. Cette étude n’est qu’un fragment de la peinture 
sur verre en Bourbonnais. Notre collègue se propose 
de nous communiquer successivement différentes 
parties de ce travail. 

Sur sa demande, la Société autorise M. Bonneton, 
à présenter à la commission des lectures de la Sor¬ 
bonne, l’étude sur Jacques de Paroy, dont il vient 
d’être question. 

— Sont chargés de représenter la Société d’Emu- 
lation aux lectures de la Sorbonne : MM. Esmonnot, 
Bonneton, Chazaud etTixier. 

— M. Bertrand entretient la Société d’une trou¬ 
vaille de cinq cents monnaies du XV e siècle, faite au 
Petit-Moutier, chez M. Larzat. Malheureusement 
parmi les cinq cents pièces trouvées, il n’y a que 
trois types différents. Dans une villa gallo-romaine 
très-rapprochée de l’endroit où ces monnaies ont été 
découvertes, on a trouvé des vases vernis en dedans, 


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464 


KXTRAIT 


particularité que l’on n’avait peut-être pas encore 
rencontrée dans notre pays. 

M. Larzata donné au musée ainsi qu’à M. Bertrand 
quelques-unes de ces médailles et un certain nombre 
de fragments des vases dont il vient d’élré parlé. 

— Le même membre met sous les yeux de la 
Société, le moulage d’un antéfixe trouvé aux Billets, 
commune de Saint-Loup. 

— M. F. Pérot lit un travail sur des silex décou¬ 
verts dans les départements de l’Yonne et de la Dor¬ 
dogne par M. le marquis de Yibraye. Un certain nom¬ 
bre de ces silex sont ornés de dessins dont quelques- 
uns ont été calqués par M. Pérot, sur des photogra¬ 
phies données par l’auteur de cette découverte au 
musée d’Orléans. 

Plusieurs membres font remarquer que déjà et à 
plusieurs reprises, des silex de ce genre ont été trou¬ 
vés même en grande quantité dans notre départe¬ 
ment, à Saligny, à Ghâtelperron et à Montcombroux, 
par MM. Poirier et Bailleau. 

— M. de Larminat propose à la Société de faire 
une demande collective auprès de M. le Préfet, afin 
de tâcher d’obtenir la jouissance des bâtiments de 
l’école normale, école qui doit bientôt être transpor¬ 
tée ailleurs, pour y établir les sociétés d’Agriculture, 
d’Horticulture et d’Emulation*ainsi que les biblio¬ 
thèques et les collections de ces différentes sociétés. 

Cette demande appuyée par plusieurs membres est 
prise en sérieuse considération. En conséquence les 
bureaux de ces trois Sociétés devront s’entendre pour 
rédiger cette pétition. 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


465 


Séance du 19 mars. 

PRESIDENCE DE M. ESMONNOT. 

Il est donné lecture d’une lettre du Président de la 
Lyre moulinoise qui sollicite une médaille de vermeil 
pour le festival musical qui doit avoir lieu à Moulins. 
La Société accorde cette médaille. 

—M. Queyroy écrit pour changer son titre de mem¬ 
bre associé libre en celui de membre titulaire. Cette 
demande est favorablement accueillie. 

— M. le Président demande à la Société de l’auto¬ 
riser à écrire à M. de Montlaur pour le prier de vou¬ 
loir bien nous représenter à la réunion des délégués 
des sociétés savantes. 

— M. Doumet, ayant trouvé dans son parc de Ba¬ 
leine, au fond d’un trou de 0 m. 70 c. de largeur, six 
pierres ou briques d'une forme singulière, il en offre 
deux pour le musée. 

— M. Conny offre également pour le musée, un fer 
de flèche mérovingien, trouvé à Bourg-le-Comte 
(Saône-et-Loire). 

— Le frère Asclépiades donne pour notre biblio¬ 
thèque bourbonnaise un ouvrage de Jean Duret: 
Alliance des lois romaines avec le droit français. 

—M. Bouchard donne lecture d’une lettre que lui a 
adressée M. de Cessac, sous-directeur de l’Institut des 
provinces et membre correspondant de notre Société, 
renfermant des renseignements historiques relatifs à 
la famille de Courtilhes, originaire de notre province. 

Parmi ces renseignements se trouvent deux com¬ 
missions adressées par le roi à Antoine de Courtilhes 


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466 


EXTRAIT 


le 17 novembre 1589, et le 30 août 1590 ; une requête 
adressée en 1623, par Jean de Gourtilhes, seigneur de 
Tronget, maréchal-dcs-logis de la compagnie du comte 
d’Huriel, au roi et à nos seigneurs les maréchaux de 
France, relativement à un cheval qu’il réclamait au 
seigneur de Cleravault; enfin une ordonnance du ma¬ 
réchal de Souvré déclarant que le seigneur de Clera¬ 
vault, serait assigné à comparaître de nouveau devant 
le connétable. 

M. Bouchard est chargé de remercier M. de Cessac 
de son intéressante communication. 

— Est présenté en qualité de membrp correspon¬ 
dant pour la classe des lettres, le frère Asclépiades, 
directeur du pensionnat de Saint-Joseph, par 
MM. Esmonnot, Clairefond et de l’Estoille. 


Séance du 9 avril. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion ; parmi eux se 
trouve un ouvrage d’entomologie, envoyé par 
M. Desbrochers des Loges : Monographie des Balanidœ 
et anthonomidœ d’Europe et des confins méditerraneins. 
Cet ouvrage signale des insectes qui se trouvent dans 
notre pays. 

— M. de l’Estoille offre à la Société, au nom de 
notre collègue M. l’abbé Fayet, un livre dont il est 
l'auteur : La paix perpétuelle. M. de l’Estoille se pro¬ 
pose de nous en présenter une analyse détaillée dans 
une de nos prochaines séances. 


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DES PROCÈS-VERBAl’X. 


467 


— M. Bertrand qui s’occupe avec zèle, intelligence 
et dévouement de l’arrangement du musée lapidaire, 
entretient la Société de quelques dépenses que néces¬ 
sitera ce musée et non prévues dans le budget, car le 
crédit alloué pour cet objet est épuisé, et il serait dé¬ 
sirable avant de mettre chaque pierre en place de 
faire les réparations nécessaires. 

Après une discussion à laquelle prennent part 
MM. Bertrand, Esmonnot, de' l’Estoille et Clairefond, 
la Société décide qu’il sera accordé un nouveau crédit 
de quatre cents francs pour l’aménagement du mu¬ 
sée lapidaire. 

— M. Bouchard, délégué de la Société aux assises 
scientifiques tenues en 1867 à Limoges, lit un compte¬ 
rendu détaillé et intéressant des travaux de cette 
réunion. 

—M. Esmonnot indique sommairement la part prise 
par nos collègues à la réunion des délégués des socié¬ 
tés savantes qui vient d’avoir lieu à la Sorbonne. 

Le travail de M. Tixier sur le patois du canton 
d’Escurolles n’a pu être admis au concours, n’étant 
pas arrivé dans les délais fixés par le réglement. 

M. Bulliot et l’abbé Cochet ont donné lecture, l’un 
d’un travail sur les villes gauloises ; l’autre d’une 
statistique du départementde la Seine-Inférieure; ces 
deux travaux ont été spécialement remarqués. 

— M. F. Pérot offre à la Société la copie d'une 
bulle du XIV e siècle concernant le chapitre de l’église 
de Montilly. Il offre également un diplôme aux amis 
de la liberté et de l’égalité de Moulins. 

— M. le frère Asclépiades est admis en qualité de 
membre correspondant pour la classe des lettres. 


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468 


KXTHAIT 


Séance du 7 mai. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion. 

—11 est donné lecture d’une lettre de M. le recteur 
de l’académie de Clermont sur l’organisation du con¬ 
cours du ressort académique. Deux membres de notre 
Société doivent faire partie des juges appelés à 
juger les concurrents. M. le Président est chargé de 
les désigner. 

— Le Secrétaire lit également une lettre, de M. de 
Caumont au sujet du congrès scientifique que l’Insti¬ 
tut des provinces a l’intention de tenir à Moulins en 
1870. Cette lettre a pour objet de demander à quelle 
époque la tenue de ce congrès doit avoir lieu. 

A la suite d'une discussion à laquelle prennent part 
MM. de l’Estoilleet Clairefond, il est décidé que M. le 
Président répondra à M. de Caumont qu'il est à dési¬ 
rer que la réunion des assises scientifiques ait lieu 
dans les premiers jours du mois de novembre. 

— M. E. Méplain offre à la Société, au nom de 
M. Devernois, une cuillère en cuivre martelé, trouvée 
à Diou. Cette cuillère semble être du XVII' siècle et 
présente un coin fleurdelisé. 

M. Pedretti-Perrin, libraire à Saint-Pourçain, offre 
trois médailles anciennes. 

— La Société a reçu une lettre de faire part de la 
mort de M. le docteur Namur, professeur à l’Athénée 
royal grand-ducal, secrétaire conservateur de la 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 469 

section historique de l’Institut luxembourgeois et 
membre correspondant de notre Société. 

— L’académie de Mâcon qui a pris l’initiative pour 
l’érection dans cette ville, d’une statue à de Lamar¬ 
tine, sollicite dans ce but une souscription de notre 
Société. Il est voté une somme de cinquante francs 
pour répondre à cette demande. 

— M. F. Pérot donne lecture d’un mémoire sur un 
dépôt trachytique dans la commune d’Yzeure. 

— M. R. de Lafosse lit un essai sur la navigation 
aérienne. 

— Sont présentés en qualité de membres corres¬ 
pondants :M.Vannaire, docteur en médecineà Gannat, 
pour la classe des lettres, par MM. Bouchard, Cba- 
zaud et Bernard. 

M. Ledru, architecte à Clermont-Ferrand, pour la 
classe des arts, par MM. Esmonnot, Bouchard et Ber¬ 
nard. 

M. Belin, percepteur à Cosne (Allier), pour la classe 
des arts, par MM. Esmonnot, F. Pérot et Clairefond. 


Séance du 4 juin. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion ; parmi eux se 
trouve le volume suivant offert par l’auteur : Etudes 
historiques sur Gannat et ses environs, — publiées dans 
le journal de Gannat par le docteur Vannaire, 1868- 
1869. 

— M. Jaladon de la Barre, notre collègue, offre à la 


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470 


EXTRAIT 


Société un exemplaire de son travail sur Jeanne Darc 
à Saint-Pkrre-le-Moutier et deux juges nivemais à Rouen. 
M. de l’Estoille donne lecture de plusieurs passages 
de cet ouvrage. 

— M. le Président rappelle à la Société qu’elle a 
décerné un prix et trois médailles pour la composi¬ 
tion musicale du chant Bourbonnais et que la com¬ 
mission du bulletin dans sa dernière réunion a pensé 
qu’on pourrait imprimer dans notre bulletin une ou 
plusieurs de ces compositions. Cependant comme ces 
publications présentent un caractère spécial, elle a 
jugé convenable de soumettre cette question à la 
Société. 

Une discussion s’engage à ce sujet, et |il est décidé 
que la composition musicale qui a obtenu le prix sera 
imprimée dans notre bulletin ; quant aux trois autres 
compositions, la Société se réserve de statuer à leur 
égard lorsqu’elle saura la dépense que nécessite l’im¬ 
pression de la musique de ces trois partitions. 

— M. de l’Estoille, président de la commission 
chargée d’organiser l’exposition des beaux-arts qui 
vient d’avoir lieu, expose que cette commission, qui 
du reste rendra compte de ses opérations dans une 
prochaine séance, se trouve momentanément en dé¬ 
ficit d’une somme de mille francs, votée il est vrai 
par le conseil général, mais qui ne peut être touchée 
que vers le mois de novembre prochain. Or M. de 
l’Estoille demande, au nom de la commission de l’Ex¬ 
position, que la Société autorise son trésorier à faire 
l’avance de cette somme qui est en caisse et dont 
l’emploi n’aura lieu que vers la fin de l'année. Avant 
celte époque la commission de l’exposition touchera 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


471 


la somme de mille francs votée par le Conseil général 
pour cette exposition, et le trésorier de notre Société 
sera remboursé en temps utile. 

La proposition du président de la commission de 
l’exposition des beaux-arts est mise aux voix et 
adoptée. 

— M. Chazaud lit un travail sur les armes de Guil¬ 
laume de La Palice en 1213. 

— Sont nommés membres correspondants de la 
Société : 

M. Ledru, dans la classe des arts. 

M. Belin, dans la classe des arts. 

M. Vannaire, dans la classe des lettres. 

— Est présenté en qualité de membre correspon¬ 
dant dans la classe des sciences, M. le marquis de 
La Roche, par MM. de l’Estoille, Bouchard et Bernard. 


Séance du 2 juillet. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion ; parmi eux se 
trouve un volume de l’enquête agricole comprenant 
les départements de l’Ailier, du Puy-de-Dôme et de la 
Nièvre. 

— Il est donné lecture d’une lettre de M. T. Choussy 
qui demande à changer son titre de membre titulaire 
en celui d’associé-libre. Cette demande est accueillie. 

— La Revue des beaux-arts a adressé à la Société 
une lettre circulaire dans laquelle elle l’invite à faire 
l’inventaire des objets précieux qui se trouvent dans 


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m 


EXTRAIT 


le département de l’Ailier et à le lui communiquer. 

M. de l’Esloille rappelle que notre Société s’était 
déjà occupée de cette question et qu’on avait fait 
imprimer des bulletins devant contenir la description 
des objets, le nom du propriétaire et leur provenance. 
Ces indications devaient être transcrites sur un regis¬ 
tre. La Société n’a pas mis à exécution ce projet. 
M. de l’Estoille pense qu’il serait utile de dresser cet 
inventaire, en ayant soin de mentionner les change¬ 
ments de propriétaire. 

M. Chazaud croit qu’il vaudrait mieux établir cet 
inventaire au moyen de cartes séparées que sur un 
registre, et il propose d’acquérir dans ce but une 
boite catalogue de Pinçon. 

La Société voulant donner suite à ce projet désigne 
pour le mettre à exécution : MM. Chazaud,de l’Estoille, 
Queyroy, Clairefond et Bertrand. 

— M. de l’Estoille informe la Société que l’exposi¬ 
tion des beaux-arts se trouve en déficit d’une somme 
de soixante-dix francs et il sollicite la Société de 
voloir bien prendre cette somme à sa charge. Cette 
demande est accueillie. 

M. d’Aubigneu prend la parole et rendant pleine 
justice au zèle et à l’intelligence de nos collègues de 
la commission de l’exposition des beaux-arts, propose 
à la Société de voter des remerctments à M. de l’Es¬ 
toille président de cette commission et aux membres 
qui en faisaient partie. Cette proposition est mise aux 
voix et adoptée. 

— M. Bouchard offre au nom de M. Buchet de 
Neuilly deux pièces de monnaie ancienne. 

— M. Chazaud offre au nom de M. Bardoux une 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


473 


bulle de plomb du pape Nicolas IX, trouvée à Souvi- 
gny, ainsi qu’une empreinte du sceau de Gannat, au 
nom de M. le docteur Vannaire. 

— M. Bertrand met sous les yeux de la Société un 
ces thermarum, cloche de métal qu’on suspendait dans 
les bains publics et avec laquelle on annonçait que 
l’eau chaude pour les bains était prête. 

Cet ces thermarum a été trouvé dans un champ 
appartenant à l’hospice de Gayette. Ses deux plateaux 
étaient superposés et l’on frappait sur leur surface 
avec une tige de bronze. Tout près de l’endroit où ces 
disques ont été trouvés, on a découvert il y a quel¬ 
ques années, une tige ornée d’une tête barbue en 
bronze. M. Bertrand espère que cet ces thermarum 
pourra être acquis pour le musée. 

— M. Bertrand lit la communication suivante : 

Depuis longtemps j’avais élé engagé par noire collègue, M. Jutier 
juge, à visiter avec lui sur les limites des communes de Theil et 
de Chevagnes, une vallée très-plate, presque une plaine, dans 
laquelle entre les domaines des Guillemins et des Guillots se mon¬ 
trent encore des trous circulaires de 15 à 20 mètres de diamètre et 
quelques talus en relief peu considérables, car la terre végétale 
formée d’un sable très-fin, a été entraînée par les eaux et a attéri 
les trous et les fossés que la main de l'homme y avait faits pour sa 
défense, probablement à l’époque gauloise. 

J’ai inspecté minutieusement ces lieux et j’ai cru y reconnaître 
des fortifications, et les fragments de poterie qu’on y rencontre 
prouvent que s’il n’y a pas eu là des habitations fixes, du moins ces 
restes prouvent que des habitants y ont séjourné. 

Un endroit surtout a attiré mon attention ; c’est une plate-forme 
circulaire, où est restée la trace de la tour avancée qni protégeait 
ces fortifications. On rencontre là des tuiles à rebord, des poteries 
et des fragments de meule à bras en grès. Les fossés y sont encore 
assez marqués, bien que la tourbe qui a remplacé l’eau, a nivelé 


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m 


EXTRAIT 


un peu le fond el que la plate-forme de la tour ail aussi dû être* 
nivelée par la culture, à une époque relativement récente. 

Le terre-plein de l'intérieur de la partie fortifiée n'a pas encore 
été cultivé, il est presque entièrement recouvert de bruyère et va 
être livré à la culture qui en eftacera les contours et comblera les 
creux et fossés du pourtour; ce travail fera peut-être rencontrer 
quelques débris nouveaux ; il faudra avant cette époque, relever 
soigneusement ce plan, dont je n'ai que la masse. 

Peut être était-ce la S1TILIA de la carte de Peutinger. Près de là, 
une rue a conservé le nom de Bourbon, sans doute Bourbon- 
Lancy qui est aperçu, par certains temps, de la hauteur des Guil- 
lemins 

J'ai l'intention de coordonner les fortifications dont je viens de 
parler avec les buttes et les restes antiques des environs de Theil. 
observés par moi il y a environ douze ans, et de vous soumettre ce 
travail avec un plan complet et l'étude des coupes que je me pro¬ 
pose de faire dans les fossés des fortifications où j'espère trouver 
quelques armes. 


— M. Bertrand offre au nom de M. Jutier, ingénieur 
des mines: 1° deux échantillons de pommes, l’une à 
l’état sauvage, les autres greffées ; 2° un morceau de 
bois carbonisé ; 3° un couteau en silex opaque en 
forme d’amande ; 4° un fragment de poterie noire ; 
5° un échantillon de la terre de tourbe retirée des 
dragues, dans lequel on trouve des grains de blé et 
des matières textiles. 

Tous ces objets proviennent des habitations lacus¬ 
tres des lacs de la Suisse. C’est au Robenhausen près 
de Zurich, que ces objets ont été trouvés en présence 
de M. Jutier, dans des recherches faites par M. Mes- 
sikommer. 

M. Jutier a rapporté d’une excursion en Eslrama- 
dure plusieurs morceaux de phosphate fossile pris 



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DES PROCÈS-VERBAl'X. 475 

près de Logrossano et offerts également pour le mu¬ 
sée. 

— Est nommé membre correspondant dans la 
classe des sciences, M. le marquis de la Roche. 


Séance du 6 août. 

PRÉSIDENCE DE M. ËSMONNOT. 

M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages 
reçus depuis notre dernière réunion. 

U informe la Société qu’il a désigné M. le marquis 
de la Roche pour nous représenter au congrès scien¬ 
tifique deBone. 

— M. le marquis de Montlaur a bien voulu accep¬ 
ter la mission de se rendre le 10 de ce mois à Cler¬ 
mont, pour prendre part, au nom de la Société, à 
l’examen deâ ouvrages historiques où-littéraires ayant 
trait à l’histoire des départements du ressort de l’a¬ 
cadémie de Clermont et envoyés au concours ouvert 
par S. Exc. le ministre de l’instruction publique. 

— L’Institut des provinces a décidé que la 37 e ses¬ 
sion du congrès scientifique se tiendra à Moulins en 
1870. Une lettre de M. de Caumont adressée à M. le 
maire et transmise par lui à notre président a été 
soumise à la Société dans une de ses précédentes 
séances. Il s’agissait d’indiquer l’époque la plûs favo¬ 
rable pour la tenue de ce congrès. La Société avait 
pensé que c’était le mois de novembre. 

M. le Président donne lecture de deux nouvelles 
lettres de M. de Caumont dans lesquelles il annonce 
qu’il se trouvera à Moulins le 1 1 de ce mois. Il invite 


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476 


EXTBAIT 


les membres de notre Société et les autres membres 
des sociétés savantes de Moulins à se réunir ce jour- 
là dans une des salles de l’Hôtel de Ville mise à sa 
disposition par M. le maire à l’effet de s’entendre sur 
l’organisation de cette 37 e session du congrès scien¬ 
tifique. 

Il est décidé que les présidents des autres sociétés 
savantes de Moulins seront prévenus par notre Prési¬ 
dent de cette réunion, et qu’ils seront priés de convo¬ 
quer pour le 11 août les membres des sociétés qu’ils 
président ; quant à ceux de la Société d’Émulation ils 
recevront une lettre de convocation pour cette 
réunion. 

— M. de l’Estoille dépose sur le bureau une image 
russe, rapportée de Sébastopol et offerte par M. de 
Cissey pour le musée. 

M. Bertrand dépose également pour le musée, un 
fétiche chinois offert par Mlle Maurel-Boni. 

Il donne lecture d’une inscription trouvée à Varen- 
nes-sur-Allier, relatant l’année de la fonte d’une clo¬ 
che, ses parrains et marraines. Cette inscription est 
gravée sur une pierre offerte pour le musée lapidaire 
par Mlle Ahnette Paillasson de Varennes. 

— M. F. Pérot lit une pièce de vers dont il est l’au¬ 
teur : La mort de Vercingétorix. 

— Est présenté en qualité de membre correspon¬ 
dant pour la classe des sciences, M. Conchon, agri¬ 
culteur, ancien contrôleur des contributions directes, 
par MM. Clairefond, Bertrand et Bernard. 

Est présenté en qualité de membre correspondant 
pour la section des lettres M. A. Millien, homme de 
lettres à Beaumont-la-Ferrière (Nièvre), par MM. Ja- 
ladon de la Barre, de Bure, et F. Méplain. 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


477 


Séance du 5 novembre. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT. 

M. le Président indique les titres des ouvrages 
reçus en grand nombre par notre Société depuis notre 
dernière réunion. 

— M. de l’Estoille dépose sur le bureau au nom de 
notre collègue M. Desbrochers des Loges un ouvrage 
dont il est l’auteur: Monographie des rhinomacerides 
d’Europe et des pays limitrophes. 

— M. le secrétaire de la société d’histoire naturelle 
de Boston en adressant à notre Société plusieurs vo¬ 
lumes, demande l’échange de nos publications avec 
cette société. Cette demande est favorablement 
accueillie. 

— M. Queyroy donne lecture d’une lettre de 
M. Morel-Fatio, qui désirerait échanger des objets 
trouvés par lui dans les lacs de la Suisse et datant de 
l’époque préhistorique, contre des statuettes gallo- 
romaines que le musée aurait en double. 

M. le conservateur du musée est prié de s’entendre 
avec la commission du musée pour voir si l’on ne 
pourrait pas disposer de quelques objets, sans nuire 
à nos collections. 

— M. de l’Estoille Ht une lettre de notre collègue 
M. Doumet appelant l’attention de la Société sur un 
article de la Revue des Deux-Mondes (15oct. 1869 p. 931), 
où il est parlé de disques rappelant ceux trouvés à 
Baleine l’hiver dernier et offerts au musée. 

Dans cet article intitulé : une Pompéi antéhistorique, 
M. Fouqué décrit des disques arrondis, en lave et 
* 39 


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478 


EXTRAIT 


percés d’un trou de la grosseur du doigt, par lequel 
devait passer un lien flexible. On trouve des disques 
de pierre de même forme servant aujourd’hui aux 
tisserands de l’archipel pour tendre sur le métier, la 
trame de leurs tissus. 

Or les disques en terre cuite trouvés à Baleine 
répondent parfaitement à cette description et doivent 
avoir servi aux mêmes usages. 

— M. Queyroy, membre de la commission qui s’oc¬ 
cupe de recueillir des souscriptions pour élever à 
Vendôme une statue à Ronsard, lit à l’appui d’une 
demande de coopération de notre Société à cette œu¬ 
vre, une courte appréciation de ce poète. 

Ronsard, dit M. Queyroy, fut à la fois grand par le 
génie, grand par les aspirations, grand aussi par le 
cœur et le patriotisme. Notre collègue développe 
chacune de ces propositions, en ayant soin de citer 
les vers du poète se rapportant à sa thèse. 

Une somme de vingt-cinq francs est votée pour 
aider à l’érection de la statue de Ronsard. 

— Le secrétaire-archiviste donne lecture d’une 
lettre de la Société d’Émulation de Château-Thierry, 
sollicitant une souscription à l’effet d’aider cette 
société à acquérir la maison où est né Lafontaine. 

Une somme de vingt-cinq francs est volée. 

— M. F. Pérot lit une description du dolmen de la 
Pierre Hachée, commune d'Ecerville, canton d’Ou- 
tarville (Loiret), cette description est accompagnée 
d’un dessin. 

— M. Bonneton donne lecture du travail suivant : 
Les bas-reliefs de Charroux, et comme, dit-il, le meil¬ 
leur et le plus sùr moyen de se rendre compte d’un 


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DES PROCÈS-VERBAUX. . 479 

objet c’est de le dessiner, il offre à la Société un dessin 
ou croquis fidèle de ces sculptures. 

— M. Bertrand a la parole pour lire une lettre 
adressée par lui à M. le Président sur la découverte 
d’un camp antique dans la commune de Saint-Gerand- 
de-Vaux (Allier). 

— M. Glairefond informe la Société que M. Ghazaud 
a trouvé à Paris, des documents manuscrits du 
XVIII e siècle concernant le Bourbonnais. 

M. Chazaud pense que ces documents sont assez 
importants pour qu’il en soit fait une copie; en consé¬ 
quence, il prie la Société de vouloir bien affecter à 
cette dépense une somme d’environ cent cinquante 
francs. Gette demande est accueillie. 

— Grâce à l’intérêt que notre collègue M. Belin 
porte à notre musée, il a obtenu de M. Bonnichon, 
notaire à Cosne, les différents objets gallo-romains 
trouvés dans la propriété de ce dernier en mai 1869. 

Cet envoi remis à M. Pérot se compose, écrit 
.M. Belin, de cinq stylets, bronze, contenus dans une 
sorte d’étui également en bronze ; une fibule, bronze; 
un anneau, bronze ; une statuette en pierre ; un vase 
très-mince en terre, brisé en plusieurs morceaux. Ce 
vase contenait les os d’un métacarpe avec une pièce 
de monnaie en argent. 

M. Pérot fait observer que cette pièce d’argent, 
quoique fortement oxydée, lui semble être, soit un 
Philippe II, soit un Gordun III. 

— M. Lascombe a obtenu pour notre musée de 
M. Labeaume, propriétaire au Prat, un poignard 
ancien, trouvé il y a dix ans en labourant un champ, 
situé au terroir de Bigny, commune de Boucé. 


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480 


EXTRAIT 


— M. Bertrand offre au nom de M. Goat, potier à 
Varennes-sur-AHier, une vierge en bois du XII e ou 
XIII e siècle. 

11 est également chargé d’offrir, au nom d’une 
personne qui désire garder l’anonyme, une autre 
statue en bois de la même époque, qui présente une 
coiffure en forme de pointe. Gette personne lui a fait 
espérer d’autres statues pour le musée. 

— M. le Président rend compte de ce qui a été fait 
depuis notre dernière réunion, touchant le congrès 
scientifique, que l’Institut des provinces doit tenir à 
Moulins en 1870. 

Une réunion préparatoire a eu lieu dans la salle de 
nos séances le 11 août dernier, sous la présidence de 
M. le Maire. M. de Caumont assistait à cette séance. 
Les membres de notre Société avaient été convoqués, 
une commission chargée de formuler les questions 
du programme a été nommée. Cette commission a 
rédigé ce programme qui a été envoyé à M. le direc¬ 
teur de l’Institut des provinces. II a été adopté avec 
quelques modifications et l’Institut a décidé que le 
congrès aura lieu à Moulins à la fin de septembre. 

— Sont admis en qualité de membres correspon¬ 
dants pour la classe des sciences, M. Conchon et 
M. A. Millien pour la classe des lettres. 

Est présenté en qualité de membre correspondant 
pour la classe des arts M. le prince de Lucinge, pro¬ 
priétaire à Charmont, par MM. Bertrand, de l'Estonie 
et Queyroy. 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


481 


Séance du 3 décembre. 

PRÉSIDENCE DE M. ESMONNOT. 

Sur la demande de MM. Chevalier et Battu, la 
Société change leur titre de membre titulaire en celui 
d’associé-libre. 

— Le frère Asclépiades, offre, pour notre biblio¬ 
thèque, les œuvres du philosophe bienfaisant le roi 
Stanislas. Cette belle et complète édition en quatre 
volumes in-8°, a appartenu au couvent de la Visitation 
de Moulins. 

Le même membre annonce un travail pour servir 
à la numismatique bourbonnaise. 

— Après avoir fait connaître les publications nou¬ 
vellement reçues, M. le Président invite lespersonnes, 
qui auraient pris des livres en communication pour 
en faire un rapport, de vouloir bien en donner lecture 
le plus tôt possible. 

— M. Pérot offre de la part de M. Belin, un dessin 
de M. Tudot, représentant des extrémités de stalles. 

— Au nom de la commission du musée, touchant 
la proposition deM. Morel-Fatio, M. Bertrand annonce 
que le musée ne possède aucun double de statuettes 
de l’époque gallo-romaine. Toutefois ne voulant pas 
faire perdre au musée l’occasion de s’enrichir de 
quelques objets des temps préhistoriques, il veut 
bien ainsi que M. Esmonnot envoyer à M. Morel-Fatio 
un certain nombre de pièces en échange de celles 
annoncées et dont le musée aura une bonne part. 

La Société remercie nos deux collègues de cette 
générosité. 


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482 


EXTRAIT 


— Relativement au chant bourbonnais dont l’im¬ 
pression a été précédemment décidée, M. le Pré¬ 
sident fait connaître que, d’après les renseignements 
pris, cette dépense serait de 290 francs. M. R. de la 
Fosse fait observer à ce sujet qu’on pourrait peut- 
être employer un autre procédé moins dispendieux 
que celui de la gravure et qui permettrait d’impri¬ 
mer les autres morceaux du concours. 

La question est alors ajournée jusqu’à nouveaux 
renseignements. 

— Par l’intermédiaire de MM. Avisard et Bouchard, 
M. P. Blanchemain, éditeur des œuvres de Ronsard 
et membre de la Société des bibliophiles français, 
offre pour notre bibliothèque deux photographies 
d’un frontispice, gravé par Léonard Gauthier, de 
l’édition de 1685 des changements de la bergère Iris 
du poète Jean de Lingendes. 

— M. le Président entretient la Société du congrès 
scientifique qui doit avoir lieu à Moulins en 1870 et 
fait connaître que le prix du concours académique 
quia eu lieu au mois d’août dernier à Clermont et 
auquel quatre membres de la Société avaient prispart, 
a été remporté par M. Chassing, juge au Puy. 

— M. Bertrand offre pour le musée au nom de 
M. Yves, pharmacien à Hérisson, membre correspon¬ 
dant : 1° Un cachet du monastère de Notre-Dame de 
Montluçon', tenue par des religieuses bernardines ; 
2° deux petites monnaies gauloises, anépigraphes, 
potin coulé, très frustes, trouvées sur l’oppidum gau¬ 
lois de Chateley, près Hérisson (cité de Cordes), 
Nicolaï ; 3° une pièce d’argent impériale romaine, 
Minerve casquée à droite, fin de la légende A C, au 


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DES PROCÈS-VERBAUX. 


483 


revers un auriga sur un bige, même provenance de 
Chateley ; un écu d’argent de Charles IX, bonne 
conservation, trouvé à Hérisson ; 5° deux petits poids 
de cuivre, époque de Louis XIII. 

— M. le docteur Meige présente la thèse pour le 
doctqrat de IM. le docteur L. Bruel, sur l’alimentation 
dans les maladies, soutenue en 1862 devant la faculté 
de médecine de Paris et une brochure de M. Lausse- 
dat, professeur à l’école polytechnique, intitulée : 
Etude sur le développement de l’horlogerie dans le 
département du Doubs et dans la Suisse. 

— M. Bouchard donne lecture d’une partie du 
travail de M. V. Meilheurat sur le fief de la Forêt et 
Robert-le-Diable. 

— M. F. Pérot lit un rapport sur l’annuaire de nu¬ 
mismatique et d’archéologie de 1867. 

— M. Auger fait connaître un arrêté du roi du 
29 mai 1736 pour l’établissement à Moulins de deux 
pompes à incendie avec leurs seaux. Il donne ensuite 
lecture de quelques passages du premier réglement 
de la compagnie de sapeurs-pompiers, qui fut orga¬ 
nisée dans la capitale du Bourbonnais. M. Auger est 
prié d’en faire un extrait qui pourra être inséré dans 
notre bulletin. 

— M. Queyroy rappelle qu’on doit faire un travail 
sur M. Tudot, ainsi que sur les nombreux papiers 
qu’il a laissés. MM. de l’Estoille, Esmonnot et Clai- 
refond qui s’en sont chargés, font savoir qu’ils vont 
s’entendre à ce sujet. 

— Le prince de Lucinge est admis en qualité de 
membre correspondant, pour la classe des arts. 

Sont présentés en qualité de membres correspon- 


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484 EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX. 

dants, M. Bouchardon d’Argenton-sur-Creuse (Indre), 
dans la classe des lettres et M. Chervin, officier d’aca¬ 
démie dans la classe des sciences, par MM. Bernard, 
Esmonnot et Bouchard. 

Le Secrétaire-archiviste, 

G. BERNARD. 


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CONGRÈS 


DES 

DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES 

EN 1870 


Rapport adressé à M. le Président de la Société 
d’Êmulation de l'Ailier. 

M. le Président, 

La Société d’Êmulation de l’Ailier m’ayant fait 
l'honneur de me charger de la représenter au congrès 
de 1870 des délégués des sociétés savantes des dé¬ 
partements, organisé par M. de Caumont, je m’em¬ 
presse de vous adresser le résumé des travaux de 
cette session, rapport que je me suis efforcé de ren¬ 
dre aussi complet et aussi exact qu’il m’a été possi¬ 
ble, tout en regrettant de ne pouvoir, par la nature 
même de cette étude, suivre les membres éminents 
qui se sont fait entendre, dans les curieux dévelop¬ 
pements qu’ils ont donnés à leur pensée. J’aurai 
assez fait si j’ai pu réussir à fairé comprendre l’im¬ 
portance des questions débattues dans le sein de cette 
studieuse assemblée et des voeux qu elle a émis. 

40 


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CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


Wü 


1 . 

Tout a été dit depuis longtemps sur l’excellence 
de l’œuvre vraiment civilisatrice et profondément 
libérale entreprise par M. de Caumont. Y revenir 
encore serait superflu. 11 n’est pas un de ceux qui 
voudront bien nous lire qui ne la connaisse, qui 
n’ait vu à l’œuvre l’bonorable directeur de Y Institut' 
des Provinces , qui n’ait profité de ce haut enseigne¬ 
ment qu’il n’a cessé de répandre, et qui ne lui en soit 
sincèrement reconnaissant. 

Le premier, il y a trente-sept ans, il a parlé d’é¬ 
mancipation intellectuelle, il a compris et répété bien 
haut qu’il fallait rendre aux provinces la vie qui 
semblait se retirer d’elles, et qui s’en retirait en effet, 
on ne l’a que trop vu. 11 a repoussé ces doctrines de 
centralisation excessive, qui ne tendaient à rien 
moins qu’à plonger dans la plus déplorable atonie le 
corps social. Il a signalé le danger et groupé à ses 
côtés toute une phalange de disciples et de collabo¬ 
rateurs, qui ne se sont pas laissé gagner par l’indif¬ 
férence générale, mais ont payé de leur personne et 
réagi vigoureusement contre les distractions, les 
erreurs et les défaillances de l’opinion publique. Cette 
énergique attitude, cette ferme volonté de ne pas 
céder et de rester attaché à ces principes, qui font la 
force et sont l'honneur des sociétés modernes, ont 
porté leurs fruits. 

Les Congrès scientifiques organisés par cet infati- 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 487 

gable initiateur, au nord comme au midi, dans toutes 
les principales villes de France, tour à tour, ont con¬ 
servé la vie provinciale, trop souvent prête à s’étein¬ 
dre. Ils ont contribué à ce réveil de l’opinion auquel 
nous assistons, et qui est le présage d’un glorieux 
avenir. 

Les hommes de dévoûment, comme M. de Gau¬ 
mont, qui consacrent leur fortune et leur temps à 
développer la science, à répandre les saines doctrines, 
sont rares en tout temps, et quand ils se produisent 
et poursuivent leur tâche pendant tant d’annéés, sans 
faiblir un seul jour, ils ont droit au respect, à la sym¬ 
pathie, à la reconnaissance de tous. 

Le Congrès des délégués des sociétés savantes sous 
la direction de l’Institut des Provinces, n’aura pas 
été cette année, tant s’en faut, inférieur à celui des 
années précédentes. En voyant ces séances si bien 
remplies et si intéressantes, on est en droit d’affirmer 
que jamais plus hautes questions n’ont été abordées 
et discutées avec plus de bonne foi, une plus grande 
hauteur de vue et un talent de parole plus complet. 

Le Congrès s’est ouvert par un fort remarquable 
discours de M. Calemard de Lafayette, qui a insisté 
avec raison sur l’influence que ces réunions ont 
exercée sur les esprits, et sur la part qu’elles peuvent 
revendiquer, comme nous le disions plus haut, dans 
le mouvement actuel. Le drapeau de la décentralisa¬ 
tion intellectuelle a été maintenu debout par quel¬ 
ques main»énergiques et ûères, et on est venu enfin 
se ranger autour de lui. 


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488 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


C'est dans le sein de ces réunions qu'a pris nais¬ 
sance l'enquête agricole, dont le gouvernement n’a 
pas tardé à sentir la nécessité, et qui a été ouverte 
peu après dans tout le pays. Après un trop long 
silence qu'on a eu tant de peine à rompre, le public 
s'est ému et a répondu. 

« Redoublons d’efforts, a dit l’orateur, propageons 
nos salutaires enseignements, faisons des recrues qui 
puissent nous remplacer lorsque les forces nous 
manqueront ; préparons, en un mot, l’avenir ; c’est 
ainsi que nous remplirons le devoir que le patriotisme 
nous impose. Restons dévoués au bien, au beau, au 
vrai. » 

11 n'a pas voulu terminer son éloquente allocution, 
sans parler de ce grand lettré, de cet éloquent ora¬ 
teur, que l’Institut des Provinces avait l'honneur de 
compter dans son sein, et qui, plusieurs fois, s’était 
tait entendre dans ses réunions ; de ce vaillant entre 
tous, dont la mort récente a été si vivement ressentie 
par la société française, le comte de Moûtalembert. 
Pendant quarante ans, et l’un des premiers, il a 
défendu contre le vandalisme ces magnifiques débris 
qui couvrent le sol national ; il les a fait comprendre, 
il a poussé à leur restauration. Les assises de nos 
monuments relevés, ainsi que le marbre des deux 
tribunes politiques, où il est monté, parlent pour sa 
mémoire : « Te saxa loquuntur » peut-on dire aussi 
de lui.—Sur la proposition de M. le comte de Mellet, 
le congrès décide qu'une commission sena nommée, 
chargée d’étudier ce qu’il y aurait à faire pour hono- 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 489 

rer cette grande mémoire et lui consacrer un souvenir 
durable. 


II. 

M. le marquis d’Andelarre qui se multiplie, et ne 
connaît pas la fatigue, a présidé les séances où Ton 
a traité de l’agriculture, de la statistique et de la 
législation agricoles. 

M. de la Teillais, dont la parole iàcile sait tout à la 
fois charmer et convaincre, a recherché où en sont 
aujourd’hui les sociétés d’Agriculture de France ; ce 
qu’elles ont fait, ce qu’elles auraient pu faire ; si elles 
se sont renfermées dans le cadre de leurs travaux, 
si elles n’ont pas quelquefois négligé les questions de 
pratique usuelle. Elles ont pour la plupart, dit-il, 
utilement employé leur temps et contribué au pro¬ 
grès ; il serait injuste de ne pas le Reconnaître. Cepen¬ 
dant il y a une partie de leur tâche qu’elles parais¬ 
sent avoir un peu négligée, non pas partout, mais 
dans beaucoup de contrées Les conférences agri¬ 
coles ont été une exception, et cependant quel bien 
elles produiraient, si elles étaient fortement organi¬ 
sées et plus générales ! C’est là le rôle qui incombe 
aux sociétés locales et qu’il ne faut pas se lasser de 
leur rappeler. C’est toujours l’initiative individuelle 
qu’il convient d’éveiller et qui fait défaut si souvent 
dans notre pays, habitué à se trop désintéresser de 
ses affaires. Un membre voudrait qu’on s’adressât 


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490 


CONGRÈS DES DÉLÈGl'ÉS 


aux instituteurs et qu’on accordât une plus sérieuse 
attention à ces créations d’orphelinats agricoles qui, 
selon lui, (on peut en juger par les essais déjà tentés) 
sont appelés à rendre d’immenses services. M. le 
comte de Moustier, frère de l'ancien ministre des 
affaires étrangères mort l’an dernier, après avoir 
parlé des sociétés agricoles de son département, 
déclare qu’à son sens, l’initiative privée, pour pro¬ 
duire tout ce qu’on est en droit d’attendre d’elle, doit 
rester en dehors de toute attache officielle. M. d’An- 
delarre fait remarquer que dans le projet de loi qu’il 
a préparé, il s’est inspiré de cette idée et qu’il tient 
par dessus tout à une représentation libre de l’agri¬ 
culture, qui conserverait aux comices, fonctionnant 
aujourd’hui, leur influence très-légitime qui ne sau¬ 
rait être amoindrie. 

Faut-il rattacher les sociétés d’agriculture les unes 
aux autres par un lien commun? Cette question est 
très-vivement discutée ; plusieurs membres sem¬ 
blent craindre que cette fédération ne soit un obsta¬ 
cle à l’initiative privée et désirent qu’on réglemente 
le moins possible. Si l’on veut cependant qu’elles 
soient unies les unes aux autres, la Société des agri¬ 
culteurs n’est-elle pas tout naturellement indiquée 
pour être le centre commun où elles se retrouveront 
et d’où partira pour elles l’impulsion. 11 serait à dé¬ 
sirer aussi qu’elles échangeassent leurs publications : 
aucun travail sérieux, qu’il soit accompli au nord ou 
au midi, ne resterait ainsi inconnu, et l’instruction 
agricole se répandrait rapidement. 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 491 

La question la plus importante proposée à l’étude 
de la section par le programme était celle de l’ensei¬ 
gnement agricole. Divers orateurs ont pris tour à tour 
la parole, et ont vivement intéressé l’assemblée. — 
M. de Marcy a envoyé un rapport sur son voyage en 
Suède et en Norwége. Dans ces deux pays existent 
de grands instituts agricoles que subventionnent tout 
à la fois le gouvernement et des particuliers. Un de 
ces instituts existe depuis un siècle déjà, et est très- 
florissant. Chez nous l’école des mines et des ponts 
et chaussées ont produit de bons ingénieurs agricoles 
dont les travaux ont porté d’excellents fruits. Est-il 
avantageux et désirable de créer à Paris un institut 
central, ce qui n’empêcherait pas les instituts dépar¬ 
tementaux si les ressources du budget le permet¬ 
taient ? Une controverse très-animée s’engage à ce 
sujet. Quelques membres appuient le principe d’une 
création centrale qui servirait à répandre le goût de 
l’agriculture parmi cette jeunesse trop souvent inoc¬ 
cupée qui afflue à Paris. D’autres, et l’éminent direc¬ 
teur de l'Institut des Provinces est du nombre, y 
voient un daDger. Ne serait-ce pas une occasion nou¬ 
velle d’attirer à Paris de jeunes agriculteurs qu’il 
vaut mieux laisser en province, où ils donnent l’exem¬ 
ple et répandent autour d’eux de saines doctrines. 
M. de la Teillays est de cet avis. 11 préfère de beau¬ 
coup la création de cours spéciaux auprès des facul¬ 
tés déjà existantes ; la dépense qui en résulterait ne 
chargerait pas beaucoup le budget, et répondrait aux 
besoins qu’on signale. D’ailleurs l’expérience n’a t- 


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492 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


elle pas déjà répondu, et n’est-ce pas en province que 
se sont formés les éminents agriculteurs dont les noms 
sont connus de tous. M. Barrai, dont l’opinion a tant 
de poids en ces matières, ne partage pas l’avis du 
préopinant. C’est à Paris qu’il faut fonder un grand 
institut agricole ; c’est là que la science sera distri¬ 
buée par quelques professeurs d’un haut mérite ; 
c’est là que se formeront des élèves qui deviendront 
des maîtres à leur tour et se feront les apôtres des 
idées nouvelles en agriculture. Cet institut central 
serait créé au moyen d'une large subvention de l’ɬ 
tat. Après avoir entendu divers orateurs qui ont 
soutenu, les deux opinions opposées, la société se pro¬ 
nonce pour la création d’instituts agronomiques à 
Paris et dans plusieurs centres provinciaux; elle 
verrait avec plaisir se fonder l’institution recomman¬ 
dée par la Société des Agriculteurs de France. 

L’agriculture a-t-elle fait des progrès parmi nous 
pendant l’année qui vient de s’écouler ? Oui, répond 
M. Barrai, et il passe en revue avec beaucoup de 
clarté les progrès accomplis. De nombreuses associa¬ 
tions se sont fondées. Les congrès de Nancy, d’Aix et 
de Beaune ont eu un retentissement mérité. Ou cul¬ 
tive mieux et la jachère est presque partout suppri¬ 
mée. Les fumures sont plus abondantes. Grâce au 
choix intelligent de bons reproducteurs, dont on com¬ 
prend toute l’importance , nos races d’animaux se 
sont sensiblement améliorées. Leur conformation est 
plus régulière, leur précocité plus grande. L'engrais¬ 
sement est mieux compris. Si l’on n’a qu’à se féli- 


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DGS SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 493 

citer de la situation de l’élevage en ce qui concerne 
l’espèce bovine, il n’en est pas de même, il faut le 
reconnaître, pour l'espèce ovine qui, par suite des 
souffrances trop réelles de l’industrie lainière, ne rend 
plus les bénéfices qu’elle donnait précédemment et 
cherche à se transformer. — La fabrication des ma¬ 
chines agricoles a pris une très-grande extension, et 
leur usage se généralise, obviant ainsi au manque de 
bras dont on se plaint sur tous les points de notre 
pays. — J’ai saisi cette occasion d’indiquer l’exem¬ 
ple donné par notre département, où ces machines 
qui aident si puissamment l’homme dans ses travaux 
se répandent chaque jour et sont appréciées dans les 
plus modestes fermes. — D’autres membres admet¬ 
tent bien que des progrès ont été accomplis, mais ils 
ne croient pas que la situation de l’ouvrier des cam¬ 
pagnes soit plus prospère; puisqu’on le voit émigrer 
avec un si déplorable empressement dans les villes. 
Les populations agricoles sont dignes qu’on s’occupe 
de leur avenir, qu’on aide par tous les moyens possi¬ 
bles à leur développement. Déjà à plusieurs reprises 
on a demandé qu’il soit créé un ministère de l’agri¬ 
culture. On n’a pu encore l’obtenir ; il est nécessaire 
d’insister de nouveau ; le moment est favorable. Le 
congrès émet à l’unanimité un vœu dans ce sens. 

Dans sa dernière séance, la section a entendu une 
très-curieuse communication de M. Durand Claye, 
l’un des ingénieurs de la ville de Paris, concernant 
les travaux si considérables que cette grande cité a 
entrepris pour son assainissement, la construction de 


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494 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


ses égoûts et l'emploi des eaux chargées de matières 
fertilisantes qu'ils charrient. — Le congrès a écouté 
le jeune et habile ingénieur avec un vif intérêt, et 
la plupart des membres de la section ont accepté la 
proposition qu’il a bien voulu faire de les conduire 
à Asnières, au débouché du grand égoût collecteur et 
dans la plaine de Gennevilliers, au-dessous, où les 
eaux très-riches qui auparavant empestaient le cours 
de la Seine sont répandues sur une vaste étendue 
de terrains pauvres, qui sont déjà devenus des jar¬ 
dins maraîchers, et ne tarderont pas à atteindre une 
grande valeur. Rien de plus curieux que le procédé, 
assez coûteux par malheur, employé pour désinfecter 
les eaux qui ne servent pas à l’arrosement, et les 
rendre au fleuve dans un état de limpidité qui sur¬ 
prend. La section a chargé un de ses membres de 
rédiger un rapport sur ces remarquables travaux 
qui, aussi au point de vue de la salubrité publique, 
pourraient être imités avec fruit dans plusieurs de 
nos villes de province. 


III. 

Dans la section des sciences physiques et natu¬ 
relles, que présidait M. le baron Thénard, on a étu¬ 
dié les horizons des grandes nappes d'eau qui ali¬ 
mentent nos rivières et nos sources ; on s’est occupé 
des oiseaux utiles ou nuisibles à l'agriculture; enfin 
un ingénieur distingué du corps des mines, M. De- 
leuse, a apporté une carte très-complète et dressée 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870 . 495 

avec le plus grand soin, qui montre comment les 
cultures sont réparties sur notre pays, et l’influence 
de la constitution minéralogique du sol sur le rende¬ 
ment. — Bien que cette section ait été moins nom¬ 
breuse que les autres, sans doute à cause de l’heure 
à laquelle se tenaient les séances, elle n’en a pas 
moins bien mérité de la science par les études pro¬ 
fondes auxquelles elle s’est livrée et qu’on trouvera 
reproduites dans le prochain annuaire. 

IV. 

L’archéologie compte dans le sein de l’Institut des 
provinces des fidèles dont les noms sont connus de 
tout le monde savant. Il suffit de citer MM. le comte 
de Mellet, Egger, du Clusiaux, Dognée, du Chate- 
lier, Raymond-Bordeaux, Demarcy et Cotteau. Tous 
ont pris une part plus ou moins grande aux discus¬ 
sions qui se sont élevées sur les diverses questions 
posées par le programme. On a parlé des nouvelles 
découvertes de villas gallo-romaines ; on a traité la 
quéstion de Mascia sur les tombeaux. Faut-il y voir, 
comme on le prétend, depuis quelque temps, une croix 
déguisée ? Le savant M. Egger ne pense pas qu’avec 
les renseignements incomplets que l’on possède , 
cetie question puisse être discutée utilement. — On a 
exposé longuement l'état des travaux et montré les 
tendances des sociétés archéologiques en France. La 
majorité du congrès a regretté qu’elles se maintins¬ 
sent dans l’isolement et restassent trop en dehors du 


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496 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


mouvement. Il est de la plus haute importance aussi 
qu'elles se recrutent parmi les jeunes générations qui 
ne semblent pas animées de la même ardeur que 
leurs devanciers, mais qui une fois enrôlées prendront 
goût aux recherches et continueront l’œuvre com¬ 
mencée. Les conférences seront très-utiles ; elles 
répandront les découvertes qui ont lieu tous les jours ; 
Hier encore on trouvait de très-remarquables sépul¬ 
tures près de Vertus, dans la Marne. En Allemagne, 
l’enseignement artistique a atteint un très-haut 
degré. Le programme est complet et l’on ne se borne 
pas à étudier un point spécial. Nos musées sont nom¬ 
breux et les professeurs devraient y conduire leurs 
élèves; la leçon serait ainsi mieux comprise. M. Le- 
roy-Perquer, un de ces esprits fins et charmants qui 
savent se faire écouter, se plaint que le niveau de 
l’art s’abaisse. 11 remarque, avec raison, que la mode 
joue un grand rôle dans l’appréciation des œuvres 
de l’art contemporain. — Il suffit d’avoir assisté aux 
ventes les plus suivies de ces dix dernières années 
pour en être convaincu. Il est évident que la géné¬ 
ration qui bientôt nous succédera ne ratifiera pas cer¬ 
tains engouements inexplicables et remettra chaque 
artiste à sa place. 

M. Egger a donné des détails très-circonstanciés 
et trop peu répandus sur l’école d’Athènes, créée par 
M. de Salvandy en 1846. Cette école n’a pas été 
inactive, et des travaux importants, qu’il énumère, 
sont dus à plusieurs de ses élèves. L’orateur appelle 
spécialement l’attention sur les inscriptions du sou- 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870 . 


497 


bassement du temple de Delphes. Ces inscriptions 
concernent des affranchissements qui, jusqu’ici, 
étaient restés inconnus, et qu’il est intéressant de 
comparer à ceux que l’on pratiquait au Moyen-Age. 
En terminant, il exprime un désir, ce serait de voir 
modifier la prononciation du grec dans nos écoles. 
Les étrangers ne rencontreraient plus les difficultés 
qui se présentent actuellement et empêchent des com¬ 
munications qui seraient très-profitables, lorsqu’ils 
parcourent les pays où vivent les grands souvenirs 
de l’antiquité classique. Des observations sont en¬ 
suite échangées entre plusieurs membres au sujet des 
concours académiques fondés l’an dernier par S. Exc. 
le Ministre de l’Instruction publique. Ces concours 
sont bien propres à faire naître une généreuse ému¬ 
lation, et les résultats qu’ils ont donnés, dès leur fon¬ 
dation, permettent de bien augurer d’eux dans un 
prochain avenir. 

Dans la séance qui a suivi, M. Cotteau (d’Auxerre), 
bien connu par ses études géologiques, aborde la 
question si controversée de l’existence de l’homme à 
l’âge tertiaire. Malgré les découvertes les plus récen¬ 
tes, celles surtout faites en Californie, on peut dire 
que rien n’est encore affirmé et que la science n’a 
pu se prononcer. 

La section d’archéologie, qui a si bien rempli 
comme on le voit, les quelques heures qui lui 
avaient été accordées par la commission d’organisa¬ 
tion du congrès, n’a pas voulu se séparer sans aller 
examiner, rue Monge, les restes de l’amphithéâtre 


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498 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


gallo-romain qui vient d'être découvert tout récem¬ 
ment, et dont la presse scientifique s’est émue. — 
Ce vaste amphithéâtre est situé sur le revers orien¬ 
tal du mont Lucotitius, (aujourd’hui Sainte-Gene¬ 
viève) ; une partie seulement est dégagée de l’énorme 
amoncellement de terres sous lequel il était enseveli 
depuis des siècles- Les gradins sont détruits ; le mas¬ 
sif seul qui les supportait est intact. 11 est formé de 
pierres de moyenne dimension, et atteste un art supé¬ 
rieur à celui de la période historique qui a vu s’éle¬ 
ver le palais des Thermes. Un poème latin du moyen- 
âge parle de ce cirque où les Césars et les rois Méro¬ 
vingiens offraient des spectacles à leurs peuples. On 
peut affirmer que ce monument romain est le plus 
ancien qu’il y ait à signaler dans tout le nord de la 
Gaule. Quelques débris de vases, deux blocs de 
pierre, portant des inscriptions qui ont été relevées 
par l’un de nous, des fragments de colliers de femmes 
en or, plusieurs médailles et des ornements, ont été 
mis au jour par la pioche des ouvriers ; on a retrouvé 
aussi deux caves où étaient enfermées les bêtes féro¬ 
ces avant d’être lâchées dans le cirque. — Il est bien 
désirable que l’autorité parisienne rachète ces curieux 
débris à la Compagnie des Omnibus propriétaire du 
terrain, et qu’elle poursuive les fouilles sous le jar¬ 
din de la communauté religieuse voisine, qui recou¬ 
vre encore la seconde moitié de l’amphithéâtre. La 
ville de Paris posséderait ainsi un monument de plus 
qu’elle pourrait montrer avec un certain orgueil à 
l’Europe savante qui la visite sans cesse. 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870 . 


499 


V. 

C’est aux séances du congrès où l’on a abordé les 
' sciences économiques, la morale et la législation, 
que l'empressement a été le plus grand. —11 s’agis¬ 
sait, en effet, de ces questions qui passionnent à 
l’heure où nous sommes les esprits sérieux, le libre- 
échange et la protection du travail national, la décen¬ 
tralisation et la mortalité toujours croissante chez les 
enfants en bas-âge. Une lutte très-vive et très-élo¬ 
quente s’est engagée entre les défenseurs et les ad¬ 
versaires des deux doctrines en présence, et l’on a 
pu applaudir des hommes éminents qui ont fait de 
l’économie politique l’étude de toute leur vie, et 
dont le talent hors ligne s’était déjà manifesté et affir¬ 
mé ailleurs. — M. Levasseur, membre de l’Institut, 
voudrait des cours qui pourraient provoquer un grand 
mouvement dans la population, et lui apprendre ce 
qu’elle ignore trop souvent. Les conférences ne sau¬ 
raient suffire ; elles ne donnent que des notions incom¬ 
plètes. M. Jules Duval voit un grand danger social 
dans l’ignorance où l’on est en France des vrais prin¬ 
cipes de la science économique. Il regrette que les 
classes éclairées défendent la prohibition, qu’on dési¬ 
gne aujourd’hui sous le nom de droits compensa¬ 
teurs, lorsque les ouvriers français qui sont eux- 
mêmes aussi intéressés dans la question, donnent 
l’exemple de l’abnégation, en acceptant la concur¬ 
rence qui leur est faite par les ouvriers étrangers. 


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Î500 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


Pour que cette science si utile et si négligée fasse des 
progrès, ce n'est pas aux hommes d’un âge mûr 
qu’il faut s’adresser, mais aux adolescents ; ce sont 
les jeunes générations entrant dans la vie qu’il faut 
instruire, si l’on veut faire disparaître le danger des 
révolutions futures. — Changer les mœurs d’un peu¬ 
ple, dit M. Bochin. n’est pas l’œuvre d’un jour et 
cette tâche demande le concours assidu de tous. Il est 
bon d’inculquer dans les esprits les idées de justice 
et d’égalité aujourd’hui si mal comprises. Les notions 
économiques devraient être introduites dans les 
lycées; on déposerait ainsi dans les jeunes intelli¬ 
gences des germes qui grandiraient et prépareraient 
pour l’avenir une .moisson féconde. Des écoles rurales, 
selon M. Duval, telles qu’on en rencontre aux Etats- 
Unis pourraient atteindre le résultat désiré. M. Bat- 
bie, professeur à l’école de droit, ne croit pas que 
la pratique puisse donner tout ce que l’on s’en pro¬ 
met. Il faut enseigner théoriquement l'économie 
politique, comme toutes les sciences, mais il im¬ 
porte que cet enseignement théorique s'adresse à des 
esprits neufs et qui n’ont pas encore subi l’influence 
des systèmes contraires ; tel qu’il a lieu dans les 
écoles de droit, cet enseignement lui paraît insuffi¬ 
sant; le cours n’étant que facultatif et aucun examen 
ne venant constater le degré d’instruction de ceux 
qui le suivent. Une allocation peu importante rela¬ 
tivement, dans le budget du pays, permettrait d’or¬ 
ganiser un enseignement semblable auprès de toutes 
les Facultés, et il serait bon que dans la dernière 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 501 

année des études scolaires les élèves en reçussent les 
éléments. 11 ne serait pas éloigné aussi de demander 
aux instituteurs primaires d’aborder les principes de 
cette science si profitable dans leurs écoles. — La 
seconde séance de la section des sciences économi¬ 
ques a été marquée par un incident qui a excité de 
chaleureux applaudissements et montré quelle sym¬ 
pathie on éprouve, dans le sein du congrès, pour les 
hommes qui honorent notre pays par leur indomp¬ 
table énergie et leur ardeur dans la lutte, lors même 
qu’on ne partage pas complètement toutes les doc¬ 
trines qu’ils professent. M. de Caumont, au nom de 
l’Institut des Provinces, a remis à M. Pouyer-Quer- 
tier la médaille d’or qui lui a été décernée, l’an der« 
nier, pour honorer son dévouement aux classes ou¬ 
vrières pendant la crise cotonnière qui a frappé si 
rudement nos manufactures. La réponse émue du 
grand industriel normand a amené tout naturelle¬ 
ment la question du libre-échange et de la protection, 
longuement discutée déjà au mois de janvier dernier 
dans la session de. la société des agriculteurs de 
France ; elle a reçu ici de nombreux et intéressants 
développements. MM. de Lautrec, Pouyer-Quertier, 
Jules Duval, Levasseur ont pris tour à tour la parole, 
et reproduit avec un rare bonheur d’expression les 
arguments développés bien souvent, depuis deux 
années, par les partisans et les adversaires du traité 
de commerce de 1860. Je ne pense pas que ce soit 
ici le lieu de rentrer au cœur de cette question, qui 
soulève plus que jamais de véritables orages. Ce ra¬ 
il 


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50-2 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


pide compte-rendu prendrait un développement qui 
lui est interdit. Bornons-nous seulement à dire que 
jamais lutteurs à la tribune n'ont montré plus d’é¬ 
nergie, de souplesse, de véritable éloquence ; n’ont 
été plus prompts à l’attaque et à la riposte, tout en 
conservant les formes les plus courtoises. 

M. le comte Foucher de Careil, un maître dans 
l’art de bien dire, et qui depuis quelque temps est 
devenu l’un de nos conférenciers les plus populaires, 
a raconté dans un style coloré et plein d’éclat, son 
tout récent voyage en Amérique, de l’Atlantique au 
Pacifique. — Il a montré ces territoires sans limites 
et d’une fertilité exceptionnelle, venant verser sur le 
marché de Liverpool des masses énormes de céréales, 
à des prix assez bas pour que nos agriculteurs aient 
de la peine à soutenir la concurrence. Grâce à ces 
grands héliciers que les constructeurs anglais et 
américains multiplient, les frais de transport dimi¬ 
nuent dans une énorme proportion. 

Aujourd’hui les hommes d’Ètat qui signent des 
traités de commerce ont à se préoccuper, non-seule¬ 
ment de ce qui se passe en Europe, mais de l’état de 
la culture sur le globe tout entier. Dans le problème 
qui se posait devant eux en 1860, ils ont trop négligé 
deux termes qui avaient une importance réelle et 
pouvaient modifier la solution. On n’a pas songé 
sérieusement aux États-Unis, comme producteurs de 
blé, à l’Australie et à la Plata pour la laine. 

Après ce rapide et brillant aperçu de la situation, 
que le très-habile orateur a su faire applaudir, 


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DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 503 

M. Pouyer-Querlier a pris de nouveau la parole pour 
développer les points sur lesquels il se sépare des 
économistes. 11 se plaint qu’en proclamant le libre- 
échange, on n’ait pas avant tout, songé à l’outillage 
national ; que les travaux publics utiles n’aient été 
ni achevés, ni même entrepris on peut le dire ; à son 
sens les promesses faites n’ont pas été tenues. On a 
mis brusquement l’agriculture française en concur¬ 
rence avec l’agriculture étrangère, sans qu’elle fut 
préparée à la lutte. Il n’est donc que juste, ajoute-t- 
il, de demander à la production étrangère d’acquitter 
une partie des charges que nous supportons, de ré¬ 
clamer des droits d’équilibre et non des droits protec¬ 
teurs. 

La décentralisation, telle est la question qui a 
occupé les dernières séances de la section. M. du 
Chatelier qui connaît si bien notre histoire, a exposé 
quelle était la situation de la France avant la révolu¬ 
tion. Sans rien répudier des légitimes conquêtes de 
la société moderne, il signale les grands travaux d’u¬ 
tilité publique votés et exécutés par les Etats. Aujour¬ 
d’hui on ne s’occupe pas assez des affaires du pays en 
province; toute l’activité s’est concentrée à Paris. 
De là une énorme déperdition de forces, et bien des 
intelligences distinguées qui s’engourdissent dans 
une inaction coupable. M. Carelle, professeur à la 
faculté de Caen, un des hommes dont la place est 
marquée dans les grandes assemblées politiques de 
notre pays, indique les moyens pratiques d’arriver à 
une véritable décentralisation : ne pas créer d’insti- 


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504 


CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS 


tutions nouvelles, mais en se servant de celles que 
l’on possède, les débarrasser d’une tutelle qui para¬ 
lyse leurs mouvements ; placer les influences locales 
dans un milieu favorable qui leur permette d’agir ; 
avec la réforme administrative ét politique, il faut 
aussi la réforme sociale ; en reconstituant l’atelier on 
rendrait plus forts les liens de la famille. 

Le congrès a adopté sur cette question si grave les 
conclusions qui lui ont été proposées par la commis¬ 
sion. Persistant dans l'affirmation des principes qu’il 
a exprimés à plusieurs reprises, le Congrès émet le 
vœu : qu’une satisfaction complète soit donnée aux 
intérêts conservateurs et libéraux, que la décentrali¬ 
sation est appelée à vivifier ; pour atteindre ce but, 
l’administration du pays par le pays est nécessaire ; 
qu’il importe de restituer l’autonomie aux commu¬ 
nes et d’étendre l’élection à toutes les fonctions d’un 
intérêt purement local ; que l’individu enfin soit 
affranchi envers la commune, le département et 
l’Etat de toute autorisation qui n’est pas impérieuse¬ 
ment réclamée par l’intérêt général. C’est sur ce vote, 
que je me borne & indiquer brièvement, que s’est 
terminée la session du congrès de 1870, dont le sou¬ 
venir vivra longtemps chez tous ceux qui ont parti¬ 
cipé à ses travaux. Avant que la clôture ne fût pro¬ 
noncée, j’ai eu l'honneur de rappeler que le 1* août 
prochain, le Congrès scientifique s’ouvrirait à Mou¬ 
lins, que le programme publié par ses organisateurs 
permettrait d’aborder l’étude des questions les plus 
variées et d'un haut intérêt, et que l’accueil le plus 


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505 


DES SOCIÉTÉS SAVANTES EN 1870. 

cordial y attendrait les hommes de bon vouloir que 
préoccupent les problèmes de notre temps. Nous 
avons l’espoir fondé que cet appel sera entendu. 

Mettons-nous donc à l’œuvre et redoublons d’ef¬ 
forts pour justifier la confiance que nous ont accor¬ 
dée l’Institut des Provinces et son digne directeur. 
Le succès est à ce prix. 


M » E. DE MONTL'AÜR. 


Paris, 18 avril 1870. 


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CRÉATION DES FOIRES DE COULEUVRE 


(Juillet 1541. — 22 mai 1542.) 


Françoys, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous 
présens et advenir, salut. Savoir foisons, nous avoir receue 
l’humble supplicacion de notre amé et féal, Guillaume 
Poyet, chancellier de France, seigneur de Berne et de 
Champerroux, contenant que, à cause de sa seigneurie dudit 
Champerroux, deppenl ung beau et gros bourg et villaige 
appellé Coulleuvre, scitué et assis en nostre pays et sénés- 
chaucée de Bourbonnoys, et sur le grant chemyn d’entre 
noz villes de Bourges et Molins, l’un des plus grands et des 
plus fréquentez passages de nostre royaume, pour laquelle 
cause, et afin de subvenir [tant] aux passans et rapassans 
par ledit bourg, que à la chose publicque du pays d’environ, 
eussent dès pieça esté establies par nos prédécesseurs roys 
certaines foires et marchez lesquelles toutesfoys auroient 
esté discontinuées tant à l’occasion de la mutation des sei¬ 
gneurs dudit Champerroux, et [parce] que les aucuns 
d’iceulx ont esté négligens de faire entretenir les halles loges 
et estaulx de la tenue desdictes foires, que pour ce que les 
lettres et tiltres de l’establissement d’icelles foires ont esté 
perdues et adirées, par fortune de feu et autrement, telle¬ 
ment que, à présent, lesdites foires et marchez n’y sont au¬ 
cunement tenuz, au grand intérest, préjudice, et dommaige 
de la chose publicque, au moyen de quoy nostre dit chan¬ 
cellier, suppliant, nous a faict supplier et requérir que nostre 
plaisir soit, pour le bien d’icelle chose publicque, et des 


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CRÉATION DES FOIRES DE COULEUVRE. 507 

manans et habitans tant dudit bourg que dudit pays de 
l’environ, de nouvel créer et establir en icelluy bourg 
lesdictes foires et marchez, et, sur ce, lui impartir nos lettres 
à ce convenables. Pour ce est-il que nous, ce considéré, in- 
clinansàla supplication et requeste de nostre dit chancellier, 
en faveur mesmement des bons et grans services qu’il nous 
faict continuellement, et du grand soing cure et solicitude 
qu’il prend journellement pour la conservation de la chose 
publicque et administration de justice, désirans à ceste cause 
la décoration et augmentation de sa dicte seigneurie, et, 
en faveur de luy. subvenir aux habitans et autres passans 
et fréquentans en icelle, et pour autres considérations à ce 
nous mouvans, avons audit lieu et bourg de Couleuvre de 
nouvel créé et ordonné et establi et par ces présentes, de 
nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal 
(sic), créons, ordonnons et establissons autres foires et 
marchez, c’est assavoir l’une d’icelles le jour Saint-Sébas¬ 
tien, au moys de janvier, une autre le jour Saint-Eutrope, 
le dernier jour d'Avril, une autre le jour Saint-Julien martir, 
au mois d’aoust, autres le jour Saint-Nicolas en Décembre, 
et tous les mardis des fériez de Pasques et des Pentecoste, 
avecques ung marché par chascune sepmaine de l’an, le 
jour de Vendredy, pour les dictes foires et marchés estre 
audit lieu et bourg de Couleuvre, doresnavant, et à tous 
jours, ausditz jours tenues et continuées, voullans que tous 
marchands et autres qui les fréquenteront et y afflueront y 
puissent vendre eschanger et achapter toutes manières de 
marchandises, licites et honnêtes, et que nostre dit chan¬ 
cellier et ses successeurs, seigneurs dudicl lieu de Cham- 
perroux, ensemble les dis marchands et autres venans 
esdictes foires, puissent joyr et user de tels droits, préro¬ 
gatives, franchises et libertez qu'il est accoutumé faire es 
autres foires et marchez du pays d’environ, pour veu que à 
quatre lieues à la ronde d’icellui lieu de Coulleuvre n’y ait 
ausdiz jours autres foires et marchez. Si donnons en man- 


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508 


CRÉATION DES FOIRES DE COULEUVRE. 


dement, par ces mêmes présentes, au séneschal de Bour- 
bonnois, ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, 
ou à leurs lieutenans présens et advenir, et à chascun 
d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de noz présens 
création et establissement desdictes foires et marchez, ils 
facent seuffrent et laissent nostre dit chancellier et ses suc¬ 
cesseurs, seigneurs dudit Champerroux, ensemble lesdits 
marchans et autres fréquentans lesdites foires et marchés, 
joyr et user pleinement et paisiblement, sans, en ce, leur 
faire, mettre ou donner, ne souffrir estre faict, mis ou 
donné aucun destourbier, ou empeschement, au contraire, 
en quelque manière que ce soit. Et les dictes foires et mar¬ 
chez faictes, si mestier est, crier à son de trompe et cry 
publicq, par toutes les villes et lieux de lenviron dudict 
lieu, que besoing sera, en permettant à nostre dict chan¬ 
cellier, nonobstant quelzconques ordonnances, mandemens, 
restrictions ou deflenses et lettres à ce contraires. Et afin 
que ce soit chose ferme et estable à toujours nous avons 
faict mettre nostre scel à ces présentes, sauf en autre chose 
nostre droict et Tautruy en toutes. Donné à Moulins au 
mois de juillet, l’an de grâce mil cinq cens quarante et ung, 
et de nostre règne le vingt-septième. Jeaprouve, mardy (en 
rature), Delachesnaye ; sur le repli: par le Roy, J. Dela- 
chesnaye. Ont esté leues publiées et enregistrées en la court 
de la séneschaucée de Bourbonnois, présent et consentent le 
procureur du Roy et le requérant, le vingt deuxiesme jour 
de May, l’an mil cinq cens quarante et deux (Signé) Beau- 
pied. 

(Original sur parchemin , à Lévy.) 


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LISTE 

des 

MEMBRES TITULAIRES 

ASSOCIÉS LIBRES ET CORRESPONDANTS 

• DE LA 

SOCIÉTÉ D’ÉMULATION DE L’ALLIER. 

1870 


MM. Esmonnot, président. 

De I’Estoille, vice-président pour la classe des 
lettres. 

Radoult de Lafosse, vice-président pour la classe 
des sciences. 

Bertrand, vice-président pour la classe des arts. 
G. Bernard, secrétaire-archiviste. 

J. Auger, secrétaire-adjoint. 

Rondeau, trésorier. 

Conny, bibliothécaire. 

Queyroy, conservateur du musée. 

Membres de droit. 

M. le Préfet du département de l’Ailier. 

Mgrl’ÉvÉQUE du diocèse de Moulins. 

M. le Maire de la ville de Moulins. 

42 


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510 


LISTE DES MEMBRES 


Membres titulaires. 

Classe des sciences. 

MM. Bergeon, docteur en médecine. 

Charvot, docteur en médecine. 

D’Arcy 0. & (le comte), trésorier-payeur-gé¬ 
néral. 

Donjan-Bernachez ifr, ancien membre du conseil 
général. 

A. Ooumet président de la Société d’Horti- 
culture de l’Ailier. 

De I’Estoille (le comte), ancien officier d’état- 
major. 

Meige, docteur en médecine. 

F. Méplain, docteur en médecine. 

Petit, docteur en médecine. 

Prieur fils, docteur en médecine. 

Radoult de la Fosse ingénieur ordinaire des 
ponts-et-chaussées. 

Reynard 0. *, ancien ingénieur en chef des 
ponts et chaussées. 

Souchon d’Aubigneu, propriétaire. 

Classe des arts . 

MM. Bariau, directeur de l’école communale de dessin 
de Moulins. 

Bertrand (Alfred), employé au chemin de fer de 
la Méditerranée. 

De Bure, membre de la Société française pour 
la conservation des monuments historiques. 

Dadole, architecte. 


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DE LA SOCIÉTÉ DÉMULATIOX. 


r,n 


MM. De Mon a (Pasqual), propriétaire. 

Desrosiers (Charles), imprimeur-éditeur. 
Esmonnot, architecte du département. 

Queyroy, conservateur du musée départemental. 
Rondeau, avoué-licencié. 

Classe des lettres. 

MM. Auger, secrétaire en chef de la Mairie de Mou¬ 
lins. 

Bernard (Gustave). 

De Bonand (Adolphe). 

Bouchard, avocat. 

Bougarel, notaire honoraire. 

O. Buchet de Neuilly. 

Chazaud, archiviste du département. 
Clairefond, archiviste-paléographe, 

Conny, bibliothécaire-archiviste de la ville de 
Moulins. 

Croizier, notaire. 

Deshommes, avocat. 

Desrosiers (Auguste), avocat. 

Frappier de Saint-Martin #, président hono¬ 
raire du tribunal de première instance de 
Moulins. 

Gillot ijfe, ancien directeur de l’Enregistrement 
et des Domaines. 

Giroud, avocat. 

Guillaume-Grandpré, licencié en droit. 

Jutier, juge au tribunal de première instance. 
Lomet, ancien maître de pension. 

Melin (l’abbé). 


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LISTE SES MEMBRES 


512 

MM. Méplain, j uge au tribunal de première instance. 
Méplain (Armand), avocat. 

Seuillet, avocat. 

Tachet de Babneval, inspecteur d'Académie. 
Vallat fils, liceucié ès-lettres. 

Membres associés libres. 

Classe des sciences. 

MM. Chavigny (Frédéric de). 

Bauel (Léon), docteur en médecine. 

Gardien (Emmanuel), à Ygrande (Allier). 
Gilbert, pharmacien à Moulins. 

Gosset, professeur de sciences au lycée. 
Labruyère, propriétaire au Vernassau, com¬ 
mune de Gressanges. 

De Larminat, ancien garde-général des eaux et 
forêts, président de la Société d’Agriculture. 
Lejeune, docteur en médecine. 

Mérié (Félix), pharmacien. 

Migout, professeur de sciences au lycée. 
Olivier, propriétaire. 

Ravier ifc, ingénieur en chef des ponts et chaus¬ 
sées. 

Reignier, docteur en médecine. 

Taizy, propriétaire à Moulins. 

Veauce 0. # (le baron de), ancien député de 
l’Ailier au corps législatif. 

Classe des arts. 

MM. Bonneton, juge au tribunal de première instance. 
Bourgeois, propriétaire à Moulins. 


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DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION. 


513 


MM. Champagnat, artiste lithographe à Moulins. 

Delageneste, ancien maire de la ville de Mou¬ 
lins. 

J émois (Ernest). 

Millet, licencié en droit, ancien chefde division 
à la préfecture de l’Ailier. 

‘ Hambourg (Louis) 0. #. 

Hambourg (Paul) 0. #, à Commentry. 

Classe des lettres. 

MM. Alary, ancien professeur, officier d’Académie. 

Battu, avocat. 

Bardoux, vice-président du tribunal de première- 
instance. 

Chevalier, directeur de l’assurance mutuelle. 

Conny (Mgr de), prolonolaire apostolique. 

Choussy, juge de paix à Bourbon-l’Archam¬ 
bault. 

Delageneste, maire de Bresnay (Allier). 

Delan, receveur de l’Enregistrement et des 
Domaines à Chanlellc. 

Desmaroux de Gaulmin C. ifc, (le baron), ancien 

> député de l’Ailier au Corps législatif. 

Fould (Edouard) #, ancien député de l’Ailier 
au Corps législatif. 

Girard, ancien notaire. 

Gueston, préposé en chef de l’octroi de Mou¬ 
lins. 

Hans, directeur de l’école communale de Mou¬ 
lins. 

Jaladon de la Barre, avocat. 


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514 


LISTE DES M EMBUES 


MM. Pâtissier, avocat. 

Perrot, propriétaire. 

Plainchant, avocat. 

J. Saulnier &, juged’instructionau tribunal de 
première instance. 

Viallet, professeur au lycée de Moulins. 

Membres correspondante. 

Classe des sciences. 

MM. Bailleau, docteur en médecine à Pierrefitte. 

Barat, professeur de sciences physiques au 
lycée de Tarbes. 

Bonnevie de Pogniat (le comte de). 

Blanchet, agent-voyer à Gannat. 

Boudant &, professeur à l’école de médecine de 
Clermont-Ferrand. 

Bouillet &, homme de lettres à Clermont- 
Ferrand. 

B won, inspecteur des Eaux-et-Forèts. 

Charleuf, à Château-Chinon. 

Chervin aîné, officier d’Académie. 

Conchon, agriculteur. 

Cortembert, membre de la Société de géographie 
à Paris. 

Desbrochers des Loges, percepteur à Saulzet. 

üesfosses, docteur en médecine à Ebreuil. 

Delacour (Charles), ancien officier d’infanterie, 
au Mayet-de-Montagne. 

Dubosc (Emile), propriétaire à Bressolles. 

Geoffroy Saint-Hilaire (Albert), sous-directeur 
du jardin d’acclimatation, à Paris. 


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DE LA SOCIÉTÉ D*ÉMULATION. 


515 


MM. Germain de Saint-Pierre, docteur en médecine. 
Girard (M.), professeur au collège Rollin, à 
Paris. 

Gomart (Charles), à Saint-Quentin. 

Gouillaud, professeur de sciences physiques à 
Besançon. 

Guiot, inspecteur d’Académie. 

Joulliot, professeur de sciences physiques au 
lycée de Sens. 

Jubelin, ancien sous-secrétaire d’Etat, à Paris. 
Jutier (Prosper) ingénieur en chef des 
mines. 

Kerckhowe-Varent (le vicomte de), à Bruxelles. 
Kierniewicz, ingénieur civil à Paris. 

Lagout, ancien ingénieur des ponlset chaussées. 
L. Laussedat, docteur en médecine, à Bruxelles. 
Laussedat &, lieutenant-colonel du génie, pro¬ 
fesseur à l’école polytechnique à Paris. 

Lecoq $, professeur d’histoire naturelle à Cler¬ 
mont-Ferrand. 

Lefort *, chimiste à Paris. 

Lorenti, licencié ès-sciences à Lyon. 

Mortemart (le baron de), à Versailles. 

Pécout, professeur de sciences physiques au 
lycée de Chaumont. 

Perreuil, propriétaire à Moulins. 

Pigeon ijfc, ingénieur en chef des mines. 
O’Sullivan, docteur en médecine, à Besson. 
Boche (marquis de La) 

Sornin, docteur ès-sciences. 

Tixier, propriétaire à Saint-Pons (Allier). 

Yves, pharmacien à Hérisson. 


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516 


LISTE DES MEMBRES 


Classe des arts. 

MAI. Batissier (Louis) homme de lettres à Paris. 

Belin, percepteur à Cosne (Allier). 

Berry, conseiller à la Cour d’appel de Bourges. 

Bertinot (Gustave), graveur à Rome. 

Beulé #, membre de l’Institut, professeur d’ar¬ 
chéologie à la Bibliothèque nationale. 

Bulliot, président de la Société éduenne, à Au- 
tun. 

Du Broc de Segange ancien'secrétaire-général 
de la préfecture de la Nièvre. 

Canat (Marcel), président de la Société d’his¬ 
toire et d’archéologie de Châlons-sur-Saône. 

Caruelle d’Aligny *, (Théodore), directeur de 
l'Ecole des Beaux-Arts, à Lyon. 

Caumont, (le vicomte de) O. Ht, directeur de 
l’institut des Provinces, à Caen. 

Challe, sous-directeur de l’Institut des Pro¬ 
vinces à Auxerre. 

Chauvet, ancien agent-voyer en chef, à. Vichy. 

Cochet (l'abbé), inspecteur des monuments his¬ 
toriques de la Seine-Inférieure. 

Colin, médecin inspecteur à l’établissement 
thermal de Saint-Honoré (Nièvre). 

Compagnon, architecte, à Clermont-Ferrand. 

Cronier (l’abbé), grand-vicaire à Nevers. 

Cuyper (Joseph), statuaire à Anvers. 

Desrosiers (l’abbé), Mariste. 

DiDRON.ainé ijfc, à Paris. 

Diegerick, vice-président de l’Académie royale 
d’archéologie de Belgique. 


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DE LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION. 517 

MM. De Payan-Dumoulin, conseiller à la Cour d’appel 
d’Àix. 

Durand, architecte, à Bayonne. 

De Fradel (le comte) $<, conseiller de préfec¬ 
ture. 

Gauguin, trésorier de la Société française. 

Gosse, docteur en médecine, à Genève. 

Hubert Clerget, professeur titulaire à l’Ecole 
d’Etat-Major, à Paris. 

Le Faure, architecte, à Vichy. 

Ledru, architecte à Clermont-Ferrand. 

Lucinge (le prince de). 

Magner, professeur de musique à Clermont- 
Ferrand. 

Mameillier, conseiller de la Cour d’Orléans. 
Meilheur.vt, propriétaire à Montcombroux. 
Michelon, propriétaire à Montaigut-le-Blin. 
Pérot, entrepreneur de menuiserie à Moulins. 
Protat, à Brazet-en-Plaine (Côte-d’Or). 

ItoACH Smith, archéologue, à Londres. 

P. Riffet, conseiller de préfecture, à Bourges. 
De Soultrait (le comte Georges) ifc, à Lyon. 
Taylor (le baron) Jjfc, à Paris. 

Thibaud (Emile), peintre verrier à Clermont- 
Ferrand. 

Van-Der-Heyden, secrétaire de l’Académie ar¬ 
chéologique de Belgique, à Bruxelles. 

Classe des lettres. 

MM. Advielle V., membre de la Société du Berrv. 

% 

Axcelot président de chambre à la cour de 
Riom. 


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518 I.ISTK QES MEMBRES 

MM. Asci.épiades (le frère). 

Aufauvre (Charles), homme de lettres. 

Bellaguet, chef de division au ministère de 
l’instruction publique. 

Bellaigce, docteur en droit, avocat au conseil 
d’Etat et à la cour de cassation, à Paris. 

Benoid-Pons de Ferluc, ancien juge au tribunal 
de Gannat. 

Bernard (F.), receveur de l’Enregistrement et 
des Domaines, à Mormant (Seine-et-Marne). 

Berger, inspecteur de l’instruction primaire. 

Biotiére (F. de), homme de lettres à Paris. 

De Bonnand (Henri), propriétaire à Vallières. 

Bosvieüx, archiviste à Guéret. 

Bonneton, maire d’Ussel (Allier). 

Bouchardon d’Argenton-sur-Creuse (Indre). 

Boudet (Marcelin), ancien substitut du procu¬ 
reur, à Gannat. 

Boyron, avocat à Moulins. 

Brugières de Lamotte ancien sous-préfet à 
Montluçon. 

De Cessac. 

Cadet (Félix), professeur de logique au lycée de 
Reims. 

Chabannes (M""® la comtesse de), à Lapalisse. 

Charencey (le vicomte H. de), secrétaire de la 
Société de Linguistique de Paris. 

Charmas, à Autun. ^ 

Cassin (Eugène), homme de lettres. 

De Champeaux, avocat à Paris. . 

Chancel, (Charles de), juge au tribunal civil 
(l’Angoulèmc. 


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DE LA SOCIÉTÉ d’ÉMULATION. 


519 


MM. Chapsal, principal du collège de Saintes. 
Chassaing, juge au tribunal du Puy. 

Chaude, (Ernest) docteur en droit à Paris. 
Chevarier (le comte de), à Saint-Pourçain. 
Cimetière père à Ângoulême. 

Cimetière fils, juge à Angoulême. 

Choussy, à Rongères (Allier). 

De Faye, notaire à Dompierre. 

Delacour (Auguste), ancien proviseur, à Paris. 
Dézobry, libraire-éditeur, à Paris. 

Derouet (Alfred), avocat, secrétaire de la Société 
des sciences et lettres de Blois. 
üubief, directeur de l’institution Ste-Barbe. 
Duchasseint, commissaire de surveillance admi¬ 
nistrative au chemin de fer deMontluçon. 

De Jussieu, archiviste-paléographe. 

Enduran (Lodoïx), homme de lettres à Cusset. 
Fanjoux O. ancien élève de l’école des 
Chartes. 

Fayet (l’abbé), curé de Hyds (Allier). 

Faure, docteur ès-lettres. 

Filon, professeur d’histoire au lycée de Sens. 
Gallien, avocat à Cusset. 

Girardot ifc (le baron de), secrétaire-général de 
la préfecture, à Nantes. 

D’ideville Ht (le baron). 

Kerchrowe (le vicomte Eugène de), ministre 
plénipotentiaire de Turquie, à Madrid. 

Lagros de Langeron, ancien sous-préfet de 
Gannat. 

Larondes (Charles), docteur en médecine à 
Saint-Pourçain. 


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520 LISTE DES MEMBRE» 

MM. Lascombe, employé aux lignes télégraphiques. 
Lejeune (Théophile), instituteur communal, 
membre de l’Académie de Belgique. 

Leroy de Ghavigny (Ernest), à Moulins. 
Lestourgie (Auguste), à Argentât (Corrèze). 
Loisel d’Arakges, avocat à Cusset. 

Mallet (Mlle), à Souvigny. 

Mandet (F.) ifl», conseiller à la Cour de Riom. 
Mary-Lafond, homme de Lettres. 

Michel (Adolphe), employé au ministère de la 
guerre, à Alger. 

Mignard, membre de l’Académie de Dijon. 
Millien, homme de lettres. 

Montlaur (le marquis Eug. de) O. ijfc. 
Molroguier, ancien proviseur au Lycée de 
Moulins. 

Moustoux, ancien juge de paix. 

Ronsard ancien préfet de l’Isère. 

Port, archiviste-paléographe. 

Praingy (Fernand de), propriétaire à Agonges. 
Rattikr de Susvalon, rédacteur en chef du jour¬ 
nal l’ Etincelle, à Bordeaux. 

Raymond Bordeaux, à Evreux. 

Ribeyre, ancien rédacteur du Constitutionnel. 
Rosseuw Saint-Hilaire professeur à la Faculté 
des Lettres de Paris. 

Soufficeau, licencié en droit et notaire à Chau- 
mont-sur-Tharonne (Loir-et-Cher). 

Soullié, professeur à Angoulême. 

Théry O. iRf, recteur de l’Académie de Caen. 
Tournaire (l’abbé), curé de Nizerolles. 


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DE LA SOCIÉTÉ d’ÉMCI.ATION. 521 

.MM. Yalemt.n, censeur des éludes au Lycée de 
Nantes (Loire-Inférieure). 

Vannaire, docteur en médecine à Gannat. 
Voucoux (Mgr de) évêque d’Evreux. 

MM. les membres correspondants sont invités à faire 
rectifier les erreurs ou les omissions qui auraient pu 
être commises dans l’énonciation de leurs titres ou de 
leurs adresses en écrivant franco au Secrétaire de la 
Société d’Emulalion. 

Le Secrétaire-Archiviste, 

G. BERNARD. 


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SOCIÉTÉS SAVANTES 

Avec i©3qvx©llor3 la Société d’Émialation. 
est en correspondance. 


Agen.— Société d’Agriculture, Sciences et Arts. 
Amiens.— Société des Antiquaires de Picardie. 
Amiens.— Société Industrielle. 

Angers.— Société d’Agriculture, Sciences et Arts. 
Angoulême.— Société Archéologique et Historique de 
la Charente. 

Anvers.— Académie d’Archéologie de Belgique. 
Autun.— Société Eduenne. 

Auxerre.— Société des Sciences historiques et natu¬ 
relles de l’Yonne. 

Beauvais.— Athénée du Beauvoisis. 

Besançon.— Académie des Sciences, Lettres et Arts. 
Besançon.— Société d’Emulation du Doubs. 

Béziers. — Société Archéologique, Scientifique et 
Littéraire. 

Blois.— Société des Sciences et Lettres. 

Bordeaux.— Académie des Sciences, Belles-Lettres et 
Arts. 

Bourg.— Société d’Emulation de l’Ain. 

Boston.— Society of natural history. 

Bourges.— La Société historique du Cher. 

Bourges.— Société des Antiquaires du Centre. 
Caen.— L’Institut des Provinces. 


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SOCIÉTÉS SAVANTES CORRESPONDANTES. 523 

Caen.— Société française pour la conservation des 
monuments historiques. 

Caen.— Société Linnéenne. 

Caen.— L’Association Normande. 

Caen. — Académie des Sciences, Arts et Belles- 
Lettres. 

Castres (Tarn).— Société Littéraire et Scientifique de 
Castres. 

Cambrai.— Société d’Emulation. 

Châlons-sur-Marne.— Société d’Agriculture, Com¬ 
merce, Sciences et Arts de 
la Marne. 

Châlons-sur-Saône.— Société d’Histoire et d’Archéo- 

logie. 

Chambéry.— Société savoisienne d’Histoire et d’Ar- 
chéologie. 

Chartres.— Société Archéologique d’Eure-et-Loire. 
Cherbourg.— Société Académique. 

Clermont-Ferrand.— Académie des Sciences, Arts et 

Belles-Lettres. 

Colmar.— Société d'Histoire naturelle de Colmar. 
Colmar.— Société d’Agriculture du Haut-Rhin. 
Compiègne.— Société d’Agriculture de l’arrondisse¬ 
ment de Compiègne. 

Dijon.— La Commission des Antiquités de la Côte- 
d’Or. 

Dijon. — Académie des Sciences, Arts et Belles- 
Lettres. 

Dunkerque.— Société dunkerquoise pour l’encoura¬ 
gement des Sciences, des Lettres et 
des Arts. 

Elbeuf.— Société Industrielle. 


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5-24 


SOCIÉTÉS SAVANTES CORRESPONDANTES. 


Falaise.— Société d’Histoire et d’Agriculture. 

Gannat.— Société de Médecine de l’arrondissement 
deGannat. 

Guéret.— Société des Sciences naturelles de la 
Creuse. 

Guersey.— Société Archéologique et Littéraire de 
Guersey. 

Le Havre.— Société havraise d’études diverses. 

Laon.— Société Académique. 

Lille.— Société des Sciences, de l’Agriculture et des 
Arts. 

Limoges.— Société Archéologique et Historique du 
Limousin. 

Luxembourg.— Société pour la recherche et la con¬ 
servation des Monuments histori¬ 
ques dans le grand-duché de Lu¬ 
xembourg. 

Lyon.— Académie des Sciences, Belles-Lettres et 
Arts. 

Mâcon.— Académie de Mâcon. 

Mayenne.— Société d’Archéologie de la Mayenne. 
Marseille.— Société horticole des Bouches-du-Rhône. 
Marseille.— Académie des Sciences, Lettres et Arts. 
Marseille.— Société de Statistique. 

Mende.— Société d’Agriculture, Industrie, Sciences 
et Arts de la Lozère. 

Metz.— Académie de Metz. 

Montbéliard.— Société d’Emulation de Montbéliard. 
Moulins.— Société d’Agriculture de l’Ailier. 

Moulins.— Société dHorticulture de l’Ailier. 
Mulhouse.— Société Industrielle. 

Nancy.— Académie de Stanislas. 


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SOCIÉTÉ» SAVANTES CORRESPONDANTES. 


825 


Nantes.— Société Académique. 

Napoléon-Vendée.—Société d’EmuIationde la Vendée. 
Nevers.— Société Nivernaise des Sciences, Lettres et 
Arts. 

Nice.—Société d’Emulation des Alpes-Maritimes. 
Nîmes.— Académie du Gard. 

Orléans.— Société Archéologique de l’Orléanais. 
Paris.—Société de Géographie. 

Paris. — Société Parisienne d’Archéologie et d’IIis- 
toire. 

Paris.— Société Zoologique d’Acclimatation. 

Paris.—Société de l’Histoire de France. 

Paris.— Société du Berry. 

Paris.— Société pour l’Instruction Elémentaire. 
Paris.— Société d’Anthropologie de France. 

Paris.— Société des Antiquaires de France. 

Poitiers.— Société des Antiquaires de l’Ouest. 
Poligny (Jura).— Société d’Agriculture, Sciences et 
Arts de Poligny. 

Le Puy.— Société d’Agriculture, Sciences, Arts et 
Commerce. 

Reims.— Académie de Reims. 

Rouen.— Société d’Emulation, du Commerce et de 
l’Industrie de la Seine-Inférieure. 

Rouen.— Académie des Sciences, Lettres et Arts. 
Saint-Etienne. — Société d’Agriculture, Industrie, 
Sciences, Arts et Belles-Lettres 
de la Loire. 

Saintes.— Société des Arts, Sciences et Belles-Lettres 
de Saintes. 

Saint-Lô.— Société d’Agriculture et d’Histoire natu¬ 
relle. 


43 


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526 


SOCIETES SAVANTES CORRESPONDANTES. 


Saint-Omer.— Société des Antiquaires de la Morinie. 
Saint-Quentin.— Société des Sciences, Arts, Belles- 
Lettres et Agriculture. 

Sens.— Société Archéologique de Sens. 

Soissons.— Société Archéologique et Scientifique. 
Strasbourg.— Société des Sciences, Belles-Lettres et 
Arts du Bas-Rhin. 

Toulon.— Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts 
du département du Var. 

Toulouse. — Académie des Jeux Floraux. 

Toulouse.— Académie des Sciences, Inscriptions et 
Belles-Lettres. 

Tournai (Belgique).— Société Historique et Litté¬ 
raire. 

Tours.— Société Archéologique de la Touraine, 

Tulle.— Société Historique et Littéraire du Bas-Li¬ 
mousin. 

Vendôme.— Société Archéologique du Vendômois. 
Versailles.— Société des Sciences Morales, des Lettres 
et des Arts de Seine-et-Oise. 

Vesoul.— Société d’Agriculture, Sciences et Arts de 
la Haute-Saône. 

Ypres.— Société Historique et Archéologique (Bel¬ 
gique). 


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TABLE DES MATIÈRES 


Bas-Reliefs (les) de Charroux par M. Bonneton. 312 

Bustes en bronze d’Auguste et de Livie trouvés à Neuilly- 
le-Réal en* 1816. Procès-verbal de cette découverte, 

communiqué par M. Bertrand. 254 

Congrès des délégués des Sociétés savantes en 1870. Rap¬ 
port par M. le Marquis de Montlaur. 485 

Compte-Rendu des assises scientifiques de Limoges, par 

M. Bouchard. .. 155 

Découverte d’un camp antique dans la commune de Saint- 

Gerand-de-Vaux, par M. Bertrand. 317 

Dolmen (le) de la Pierre-Hachée, par M. F. Pérot. 309 

Etude Psycologique.— L’intelligence des animaux, par 

M. J. Benoid-Pons. 174 

Essai sur la navigation aérienne, par M. Radoult de la 

Fosse. 149 

Fief (le) de La Forêt et Robert le Diable, par M. V. Meil- 

heurat. . 263 

Grêle (de la) dans le département de l’Ailier, par M. Mi- 

gout.*. 102 

Grotte des Fées de Chatelperron, par M. Bailleau. ... 81 

Lexique patois du canton d’Escurolles (Bourbonnais), 
comparé aux langues anciennes et modernes de l’Eu¬ 
rope occidentale par M. V. Tixier. 9,195 

Mémoire sur un dépôt trachilique dans la commune 

d’Iseure, parM. F. Pérot. 189 

Notice sur Gaspard Roux, médecin en chef aux armées, 

par M. J. Augcr. 211 

Pièces rares ou inédites relatives à l’histoire du Bour¬ 
bonnais.— Création des foires de Couleuvre, juillet 

1541,— 22 mai 1542, par M. Chazaud. 506 

— De Pedagio-Palice. Les armes de Guillaume de La 

Palice en 1213, par M. Chazaud.. . 228 

l 


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TABLE DES MATIÈRES. 


m 

Etablissement des réverbères à Moulins, par M. J. Auger. 130 
— Fiançailles et mariage de Pierre, sire de Dcaujeu 

(1461-1476), par M. Chazaud. ... . i 13 

Projet d’un marché couvert à Moulins en 1778 par M J. 

Auger. . . . 127 

Portes bourbonnais (XIV e au XVII e siècle), par M. Bou¬ 
chard . 325 

Procès-verbaux (extrait des) des séances de la Société 
d’Emulation pendant les années 1868 et 1869, par M. G. 

Bernard. 1, 133, 231, 461 

Rapport sur les travaux de la Société pendant l’année 

1868, par M. le comte de l’Estoille. 142 

Rapport sur les travaux de la Société pendant l’année 

1869, par M. Esmonnol. 247 

Planches contenues dans ce volume : 

Trois planches représentant des objets trouvés à la grotte des 
fées.—Les bas-reliefs de Charroux.— Les bustes d’Auguste et de 
Livie. 


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